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I LOVE HARVARD
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    We sailed the sea
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    Lien du postDim 26 Juin 2022 - 15:39
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    Elle tente de rationnaliser Joyce, Denzel est désormais rentré, qu'est-ce qui peut encore bien la toucher ? Mais on est jamais à l'abri des aléas de la vie ; la maladie a frappé de manière si soudaine sa grand-mère puis Loki, alors... Alors les gens mourraient et ceux qui restaient peinaient parfois à surmonter les deuils. Et elle était de ceux-là, de ceux qui ne parvenaient pas à avancer, qui se laissaient hanter par leur pensée, sans savoir comment les surmonter.
    Le sommeil profond c'était, certes une solution puisque ça éloignait bien les cauchemars, mais ce n'était pas forcément facile à atteindre - surtout que si la fatigue se faisait trop pesante, elle avait tendance à baver pendant son sommeil ce qui n'était pas vraiment très glamour. Toujours est-il que Joyce ne voyait pas comment atteindre cet état alors qu'il semblait croire qu'il suffisait d'un claquement de doigt pour que ça fonctionne. Surprise, elle l'observe alors poser une main sur ses yeux et ses sourcils se froncent, ne comprenant pas où il veut en venir - au noir absolu ? Dans d'autre contexte, elle pourrait redouter de se laisser ainsi couper un de ses sens, mais elle a étrangement entièrement confiance en Jay. Puis soudain, elle comprend ce qu'il essaie de faire et un sourire s'échappe de ses lèvres. L'hypnose ? Il a toujours le chic pour détourner son attention ; quand elle lui parle de guerre il sait comment la ramener en douceur au moment présent, l'ancrer dans l'instant, et même si le décompte ne fonctionne pas sur son sommeil, ça marche ailleurs, quelque part dans sa tête, comme un soulagement. Et les éclats de rire qui se reflètent dans sa gorge sont sincère alors qu'il libère sa vue et qu'elle découvre le visage déconfit mais néanmoins rieur de l'hypnotiseur en herbe et sa poitrine qui se soulèvent un peu plus rapidement, secoué par ses émotions.

    - À la télé, tout semble toujours plus facile.

    Sur Youtube également, et même si Joyce n'était pas la pire des cuisinières, elle ne comptait plus les ratés enchaînés entre les gâteaux qui n'avaient pas la tête qu'ils devaient ou cette fois où elle avait confondu le sel et le sucre - bon, là c'était probablement plus elle que la vidéo la responsable.
    Mais loin de se laisser simplement satisfaire par la moue rieuse de la lionne des mers, Jay lui parle d'une toute autre absence, une bulle pour les entourer et les isoler du reste du monde, une bulle dans laquelle plus rien ne peut les atteindre. Leur passé, les pensées sombres, les cauchemars ; plus efficace qu'un attrape-rêve, la barrière transparente les coupe de tout le reste, bien plus encore que l'eau et les vagues. Elle a un instant l'impression de redevenir une enfant, avant même de partir en bateau, quand elle s'amusait à faire des cabanes dans le jardin de ses voisins avec leurs enfants. Là-dessous non plus, rien ne pouvait leur arriver, les monstres étaient indéniablement arrêté par les bouts de bois et les couvertures qu'ils rajoutaient sur leur oeuvre d'art.

    - Je suis sûre qu'avec toi comme gardien, rien de tout ça ne pourra m'atteindre.

    Son regard trace un arc de cercle autour d'eux, comme si elle pouvait vraiment voir la barrière magique qui les protégeait. Puis, doucement pour ne pas le faire tomber, elle se retourne afin de libérer un peu plus de place pour lui également et pouvoir se blottir contre son corps sans que ce soit trop gênant - ou peut-être était-ce tout l'inverse ? Elle n'avait pas à y réfléchir après tout, ils étaient dans leur bulle et rien ne pouvait les atteindre, pas même les jugements du monde extérieur sur cette position. Mais elle ne lâche pas ses doigts pour autant, les changeant simplement de main.

    - Tu sais, je crois que cet oreiller est assez grand pour nous deux, si tu veux bien le partager avec moi... enfin j'espère que mes cheveux ne te chatouilleront pas trop.

    C'était toujours l'aspect peu pratique de sa longue chevelure ; même si elle les tressait pour dormir, des mèches s'échappaient toujours, se glissant un peu partout, petites tentacules roses, comme une métaphore de la Méduse.
    Ainsi couchée contre lui, leur respiration se calmant de plus en plus au fur et à mesure que les vagues les berçaient, elle finit par s'endormir sous la bulle protectrice.

    * * *

    C'est un fier soleil qui la tire d'un sommeil sans rêves - sans cauchemars surtout. Sentant la présence de Jay toujours tout près d'elle, sa respiration contre son cou, Joyce n'ose pas bouger de peur de le réveiller alors qu'il pourrait avoir besoin de sommeil. Cela veut aussi dire qu'elle ne peut pas sortir de son lit, bloqué entre son corps et le mur de sa cabine, elle n'a que ses pensées pour la tenir occupées, qui dérivent d'une photographie à une autre, se replongeant dans ses souvenirs. Son téléphone est resté dans la chambre de ses parents et, de toute manière, elle n'a pas de réseau, donc peu pratique.
    Elle n'a aucune idée du temps qui passe jusqu'à ce qu'elle le sente soudain bouger dans son dos et qu'elle se permette enfin de se retourner pour lui sourire.

    - Bonjour toi, bien dormi ?

    Elle espère qu'il ne sera pas trop courbaturé d'avoir passé la nuit dans un si petit espace.
    Ji-hun HwangMembre de la Pforzheimer House
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    Ji-hun Hwang
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    Âge : 28
    Lieu de naissance : Hamheung, ville de la région de Hamgyeong du sud. La Corée du Nord l'a vu naître, l'a élevé. Elle a forgé une partie de l'homme qu'il est aujourd'hui, mais c'est sur un tout autre continent qu'il désire construire son avenir.
    Quartier.s d'habitation & Colocation : Il a vécu la Pforzheimer House durant une année, l'a quitté en juillet pour s'installer provisoirement chez un ami, à Chinatown, Boston, le temps de déménager dans un studio au 499 Beacon St.
    Situation sentimentale : Il a retrouvé les champs, un petit peu plus d'un mois avant le printemps. Maintenant que n'existe plus de pression, la relation peut enfin préparer sa floraison ; dans une relation avec Lilia, demoiselle qu'il connaît depuis un an déjà ; 2024년 2월 16일
    Études & Métiers : doctorant en pharmacologie, au sein du laboratoire de l'école de médecine, il assiste également son superviseur dans ses recherches et participe activement à des conférences. En-dehors de ça, il fait du tutorat en sciences et en coréen ; ça paye bien mieux que serveur à la Luna Caffe, même si sa passion pour les latte art ne s'est pas envolée.
    Date d'inscription : 16/04/2022
    Pseudo & pronom IRL : Huimei (elle)
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    Warning : régime totalitaire, sanctions (ex : camp de concentration, travail forcé, exécution publique), patriarcat social / juridique, tortures / actes de barbarie, détention provisoire, violences policières (Japon), ablation d'un rein, 18+, racisme / discrimination / bashing subis, grossesse extra-utérine de son ex-copine / maladie : insuffisance rénale.
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    Lien du postLun 27 Juin 2022 - 0:03
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    Vrai. Tout paraissait bien plus simple à la télévision, mais ça n’était pas une raison valable pour ne pas essayer. Ji-hun n’était pas un magicien, pourtant il avait tout de même le don de faire apparaître un joli sourire sur les lèvres de sa voisine de lit, à défaut de faire sortir un lapin blanc d’un chapeau ; et ça, est-ce que ça n’était pas mieux, finalement ? Un peu excentrique de faire appel à l’humour quand il aurait été plus normal de se montrer empathique et compatissant, parce qu’un amour de perdu n'en faisait pas retrouver dix comme le voulait la citation. À côté de la plaque de cette société qui se complaisait dans son mal quand lui voyait blanc même lorsque les nuages étaient trop sombres pour espérer l’éclaircie. Et elle le verra peut-être un jour, Joyce, que même si ça semblait moins compliqué dans les séries télévisées, il y avait toujours la possibilité de trouver un chemin moins épineux, si on savait bien regarder ; être aidé pouvait être une option à envisager.

    Pour ce faire, Ji-hun avait dessiné ce dogme du bout de son index, juste au-dessus d’eux. Cette bulle censée permettre à sa dame de l’eau de ne plus être touchée par les souvenirs douloureux et les mauvais rêves, les doutes, les remords et les regrets. Les pensées négatives restaient à l’extérieur, incapables de forcer le passage de cet orbe au moment où la nuit faisait disparaître notre courage sous sa robe noire. Il le lui avait présenté comme une alternative à cette séance d’hypnose ratée, à ce sommeil profond dans lequel il n’avait su la déposer. Ça avait fonctionné pour lui, alors peut-être qu’il en serait de même pour elle. C’était ce qu’il espérait, et pour mettre toutes les chances de leurs côtés, il s’était proposé à garder ses rêves ce soir ; et ceux de demain aussi, peut-être. Une initiation faite en douceur, et il acceptait d’être le guide d’aventures nocturnes plus paisibles – en tout cas moins douloureuses. Et elle avait raison de croire qu’à ses côtés, rien ne pourrait l’atteindre.

    Joyce vint à se retourner, et il ne bougea pas, jusqu’à ce qu’elle vienne se caler contre lui. Il répondit à la proximité par la proximité, en s’éloignant du bord sur lequel il tenait en équilibre jusqu’à présent. Leurs corps s’épousèrent et la tête de l'aîné se posa sur la chevelure de la plus jeune, nez collé contre la peau de son cou. Un problème ce n’est pas, répondit-il lorsqu’elle se soucia du volume de ses cheveux ; c’était ce qu’il trouvait de plus beau chez une femme – reflet même de sa santé globale. Il resserra son étreinte autour d’elle pour former une deuxième protection, une barrière physiquement palpable. Son corps fera barrage aux assauts, parera la fragilité de la bulle jusqu’à ce qu’elle devienne assez épaisse pour se suffire à elle-même. Les doigts enlacés, le nord-coréen murmura un « bonne nuit » avant de se laisser bercer par le rythme des vagues et guider par celui de sa respiration ; tranquille et régulier, comme toujours.

    * * *

    Ji-hun fut réveillé sur les coups de six heures par un des rayons du soleil, qui avait trouvé bon de passer au travers du hublot de la chambre. Sourcils d’abord froncés par la brutalité du réveil, il leva ensuite le regard sur le profil endormi de sa dame de l’eau. Il l’observa un instant , et supposa par ses traits apaisés qu’elle n’avait subi aucun préjudice ces dernières heures. Heureux qu’elle ait pu se reposer, il finit par sourire avant d’écarter doucement ses doigts des siens ; ils étaient restés entrelacés. Liberté retrouvée, il pivota doucement vers son téléphone portable, - laissé à terre -, et de son pouce dessina un cercle sur l’écran. L’appareil photo se mit en marche et il pointa la caméra vers Joyce, cadra l’image du mieux qu’il le put avant d’enregistrer la photographie. Satisfait du résultat, il se promit de capturer d’autres moments comme celui-ci, et de lui envoyer une fois de retour sur terre ; les souvenirs étaient tous importants.

    Trouvant impossible toutefois de poster sur meetsa cette image bien trop intime d’elle couchée à ses côtés, il décida de prendre la vue qu’offrait le hublot. Il tenta de la télécharger sur l’application , mais l’envoi du post ne fit que ramer. Il laissa tomber en posant de nouveau son téléphone au sol, et revint se caler contre le corps de la biologiste. Il l’entoura à nouveau de son bras, et posa sa paume sur son ventre avant s’agripper le tissu trop large de son t-shirt entre ses doigts. Il inspira profondément avant de sombrer à nouveau dans un profond sommeil.

    * * *

    Peu à peu, les sens se mirent à s’éveiller ; l'odorat par cette peau naturellement parfumée contre laquelle son nez s’était logé, le toucher par cette main qui avait fini par s’écraser contre l'abdomen de Joyce, l’ouïe par le bruissement des draps lorsque sa semblable s’était retournée, la vue par ses paupières qui se décidèrent enfin à lentement cligner pour s’ouvrir à la réalité – seul le goût manqua à l’appel. Salut, répondit-il de sa voix qui sonne un ton plus grave. S’il a bien dormi ? Il sourit en venant tendre son bras droit, qui finit par craquer au niveau de plusieurs articulations, poignet, coude et épaule, avant de bredouiller : à toi, il faut demander ça. Lui n’avait pas eu à se plaindre. Calé contre le corps de la jeune femme, il n’aurait pu passer meilleure nuit que celle-ci. J’ai juste…, commença-t-il, de fumer, grave envie. Combien d’heures avait-il tenu sans ? Bien plus qu’il ne l’aurait parié. Ji-hun ne restait jamais plus de quatre heures sans allumer une cigarette.

    Il rit, tout en venant ébouriffer ses propres cheveux de ses doigts ; mais il devait attendre que ça reprenne sa forme initiale avant de se lever – ne restait plus qu’à gagner du temps. Ça a fonctionné, alors, demanda-t-il ; toutes ces protections avaient-elles eu l’effet escompté ? En attendant la réponse, il vint remettre de l’ordre sur la tête de sa vis-à-vis, réajustant les mèches qui avaient trouvé amusant de s’enfuir de la tresse en de douces caresses. Je t’ai pas dit… mais je les aime beaucoup , fit-il. Il avait remarqué son changement capillaire, s’était exclamé mais ne l’avait pas encore complimenté ; il n’était jamais trop tard pour le faire. Magnifique, comme ça , poussa-t-il une dernière mèche rebelle avant de planter son regard dans le sien, t’es gênée ? Est-ce que ça la mettait mal à l’aise qu’il se montre aussi franc ? Il trouvait ça plus agréable de laisser ses pensées voyager, surtout lorsqu’elles étaient positives.

    À croire que c’est réel, je n’y arrive pas, confia-t-il. Des mois qu’il n’avait pas fait de véritable pause, à courir après le temps. Les cours, le travail puis les révisions, c’était la première fois qu’il prenait vraiment le temps de se réveiller, sautait d’habitude de son lit à la première sonnerie. Là, pas un bruit ; ni l’appel des hauts parleurs de Pyongyang, ni l’alarme de son téléphone de Boston. Le bateau on a pris, commença-t-il à énumérer, les baleines on a vu, coréen on a mangé, les étoiles on a observé et…, s’arrêta-t-il pour baisser ses yeux sur le corps allongé à ses côtés, ensemble on a dormi … vraiment ? Il reporta son attention sur Joyce, et ajouta : et là, des œufs brouillés on va manger ? Si la cigarette lui faisait de l’œil, son estomac commençait lui aussi à se manifester.

    @Joyce Millett
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    Lien du postLun 27 Juin 2022 - 8:04
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    Frontière étrange qui palpite entre eux, entre celle de l'enfance et de ces deux corps blottis pour combattre le croque-mitaine, et celle plus intimidante de l'âge adulte alors que cette proximité aurait pu paraître gênante. Elle ne l'est pas pourtant, c'est tout l'inverse même, la chaleur de Jay contre elle à cet aspect rassurant et protecteur, la douceur de sentir son nez venir se loger contre sa nuque, ses bras l'entourant de leur force. Une sorte de crique loin de toute tempête, coupée du monde, une respiration pour une nuit qui s'annonce réparatrice malgré l'heure tardive à laquelle ils se couchent et l'étroitesse de la couchette. Et elle ne sait pas bien, Joyce, si elle est encore dans la réalité ou déjà dans les bras de Morphée, lorsqu'on lui murmure un bonne nuit à l'oreille.

    * * *

    La voix un peu plus gutturale qu'à son habitude, Joyce trouve un certain charme à cet aspect qu'elle découvre chez son nouvel ami, comme roi Triton remonté à la surface pour saluer la sirène dont la queue était devenue jambes. Le voir étirer son corps, en revanche, la fait presque grimacer et elle s'en veut de lui avoir imposé ses cauchemars cette nuit et de l'avoir ainsi restreint à ce lit conçu pour une et qui était devenu, le temps d'une nuit – ou peut-être même d'un weekend –, un lit pour deux. Au moins n'était-il pas tombé, parce que la chute aurait été probablement peu agréable – elle l'avait d'ailleurs déjà expérimentée plus jeune, en avait gardé un large hématome sur le bras pendant de longues semaines avant que les couleurs ne fadent, jamais véritablement jolies sur sa peau, toujours tirant vers un aspect trop brunâtre qui ne lui plaisait guère. Déjà enfant, la petite fille qu'elle était aimait les couleurs, en mettre un peu partout autour d'elle. Elle se rappelait très bien avoir reçu une année pour Noël un kit de peinture à l'eau, et c'était amusée à en recouvrir non pas des feuilles, mais son corps, dessinant des dauphins et des poissons sur ses jambes, des fleurs et des soleils sur ses bras. Ses parents s'étaient d'ailleurs persuadés qu'elle finirait un jour tatoué, comme ces gens qu'ils croisaient parfois à terre et sur lesquels elle se retournait, fascinée par ces formes et ces couleurs. Pourtant, le seul dessin encré à tout jamais sur son corps, n'était qu'une simple ancre dessinée juste au-dessus de son talon et qui lui avait fait bien trop mal pour qu'elle songe recommencer. Tant pis, elle trouvait d'autres moyens d'offrir des couleurs à la vie, plongeant ses pinceaux dans des teintures ou des tissus.

    – J'ai passé une très bonne nuit.

    Le gardien de ses rêves avait joué efficacement de ses armes et la bulle protectrice les avaient séparés des cauchemars qui avaient plané dans le début de sa nuit. Mais le soldat du monde du sommeil avait désormais besoin de griller une cigarette, comme pour accueillir le jour, et elle ne se voyait pas l'en empêcher. Même si ça datait d'avant sa spécialisation en biologie marine, Joyce se rappelait d'un cours sur les addictions à San Francisco ; ça semblait difficile à combattre, sinon fort était à parier qu'autant de gens n'y céderaient pas quotidiennement. Et même si toute la rationalité de l'étudiante lui hurlait que c'était une bêtise et que ça détruisait l'intérieur des corps, rongeant les poumons avec fougue, même si elle n'était fumeuse que très sporadiquement, uniquement en soirée lorsque l'alcool lui était déjà bien monté à la tête, elle ne pouvait s'empêcher de reconnaître qu'il y avait un certain charme dans ce geste si simple de laisser la fumée s'échapper des lèvres, un charme presque érotique. Mais ça, elle ne le lui dirait jamais ; il ne fallait pas offrir à Jay plus de raison de continuer la cigarette et à laisser partir en fumée sa santé.

    – Café-clope alors ?

    Dans le fond elle avait aussi sa propre addiction sous forme de caféine. Elle s'attend alors à ce qu'il se lève pour libérer leur deux corps, mais il ne fait pas un geste pour entamer ce mouvement, au contraire reprend leur conversation, comme si l'urgence de la cigarette n'était peut-être pas si urgente. Un instant surprise, elle oublie cependant son étonnement pour lui répondre.

    – Oui, ça a très bien marché. J'ai trouvé le sommeil et aucun cauchemar.

    Pas vraiment de rêves non plus, mais ça importait peu. Elle avait pu faire une nuit complète, sans remuer dans le lit, sans se réveiller en sueur à l'heure où les premiers rayons rougeoient dans l'horizon, inondant la cabine de leur couleur sanguinaire, comme celle qu'elle venait de voir s'écouler lourdement d'un corps habillé en militaire au milieu du désert ou de l'océan, selon les scénarios que s'amusait à créer son sadique inconscient. Des souvenirs irréels auxquels elle n'a pas envie de penser et, une fois de plus, l'homme à ses côtés pallie à ça, probablement sans même apercevoir son trouble éphémère, en la ramenant à l'instant présent et en réarrangeant les mèches qui s'étaient échappées de sa longue tresse.
    Le rouge monte aux joues de Joyce à l'écoute du compliment, légère gêne qu'elle ne parvient pas à dissimuler.

    – Un peu, enfin… je ne sais jamais vraiment comment réagir aux compliments. Mais merci, je suis contente que ça te plaise, j'aime bien cette couleur sur moi aussi.

    Celle d'un renouveau, d'une aube toute douce, teintée de rose et de violet, couleur éparse qui aurait donné envie aux peintre de sortir leur pinceaux, et aux poètes d'écrire. Ils n'étaient cependant ni l'un, ni l'autre, simplement deux personnes ballottées par les flots, un poisson et une lionne qui apprenaient à s'apprivoiser à des kilomètres de la côte, dérivant sur un monde plein de beauté et qu'elle était heureuse de lui faire découvrir. Elle aussi avait de la peine à croire que tout cela pouvait être bien réel, malgré les années passées à bord, malgré toutes les baleines aperçues, les dauphins jouant avec le mouvement créé par le bateau, les plongées extraordinaires qu'elle avait vécues entourée par des bêtes gigantesques et curieuses. On aurait pu croire qu'elle se serait lassée, à force, et pourtant, c'était loin d'être le cas. Chaque nouvelle découverte la confortait dans son envie, dans sa vocation de vivre sur l'océan. Elle savait qu'il y aurait des sacrifices à faire, pourtant c'était ici sa maison, l'endroit où elle se sentait le mieux, et si pour cela elle devait devenir une piratesse solitaire, elle y était préparée.
    Ses parents avaient eu la chance d'être deux, de partager cette passion ensemble puis avec leur fille. Mais tous les destins n'étaient pas toujours similaire, et si un jour elle s'était vue avec Denzel, partir dans l'horizon, découvrir un monde à deux sur cette mer qui s'acharnait à les réunir. Il fallait cependant qu'elle accepte de faire le deuil sur cette relation, puisqu'il ne voulait apparemment plus d'elle, plus d'elle ainsi en tout cas, désirant simplement conserver une amitié là où tous ses sentiments à elle étaient encore trop violent pour qu'elle puisse s'en contenter, trop passionnels pour que ça n'explose pas forcément à un moment, même si ça il ne le comprenait pas – ou ne voulait pas le comprendre, ce qui en définitif revenait au même.

    – Les œufs brouillés que tu vas préparer ! Enfin, avec un peu d'aide de ma part, promis.

    Elle lui adresse un clin d'œil alors qu'elle se redresse, son coude plié sur l'oreiller et sa tête posée dans la paume de sa main. Ce weekend serait également l'occasion de transformer Jay en un véritable cuisiner – ou en tout cas de lui apprendre quelques bases. Sourire aux lèvres, elle s'attend vraiment à ce qu'il se lève cette fois, mais ne semble toujours pas décidé à bouger alors que le regard de Joyce dérive le long de son corps et est soudain attirer par une déformation au niveau de son entrejambe qu'elle met très peu de temps à comprendre, le tout expliquant le temps qu'il met à bouger. Amusée soudain, elle ne dit pourtant rien, ne souhaitant pas le gêner et surtout parfaitement consciente de l'aspect biologique de ce phénomène qui n'avait rien à voir avec sa présence, mais plutôt du réveil matinal – réveil apparemment, pour tout le corps de Jay. Elle attendra donc le temps dont il aura besoin pour bouger de ce lit, après tout il y avait bien plus inconfortable situation au monde que d'être allongée juste à côté de lui.
    Ji-hun HwangMembre de la Pforzheimer House
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    Lien du postLun 27 Juin 2022 - 16:55
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    Il faudra pourtant bien qu’elle s’y fasse aux compliments, puisque Ji-hun peinait à tenir sa spontanéité. Il était rare qu’il se taise, avait de toute façon prévenu sa vis-à-vis qu’il était un homme qui aimait parler – surtout pour échanger. Que ça me plaise, ce n’est pas tant important , avait-il lancé. Elle avait réussi à faire ressortir cette part de sa personnalité qui avait sombré dans les abysses, et c’était ça qu’il trouvait magnifique. Personne ne devrait se cacher derrière ses stigmates, Joyce avait le droit de resplendir malgré les coups qu’elle avait reçus – grâce aux coups qu’elle avait reçus. Cela devait être une fierté d’avoir emmagasiné un certain lot d’expériences plus ou moins réussies, ça lui ajoutait de la valeur et on oubliait bien vite que la demoiselle n’avait que vingt-quatre ans. Information qui était passée à la trappe, le nord-coréen venait tout juste de se le remémorer.

    Il soupira lorsqu’elle lui rappela qu’il allait être le commis dirigé par la capitaine du bateau, et il leva les yeux vers le plafond tout en la corrigeant : que je vais te préparer, ce sont des œufs cramés. Il rit, le sourire large, parce qu’il connaissait parfaitement son niveau de cuisine, et il était loin de rafler les deux étoiles. De tout faire foirer, tu vas m’empêcher hein, chercha-t-il à être rassuré, pas une seconde me laisser tout seul il faut. Probablement qu’ils n’auront rien à avaler ce matin, par sa faute. Il n’y avait que les ramyeon qu’il réussissait, mais c’était simple. Dans un grand bouillon, il fallait plonger les pâtes, mettre les ingrédients coupés, et le pire qu’il risquait était de faire trop cuire les nouilles ; ça restait tout de même mangeable. Mes premiers œufs brouillés…, rêva -t-il. Les premiers qu’il ne fera pas trop dorés dans le fond de la poêle.

    Il détourna les yeux du haut de la cabine pour les poser sur le visage de sa voisine de lit, moment même où le regard de la biologiste parcourut l’anatomie du plus vieux, de ses clavicules à son entrejambe. Endroit qu’elle analysa un peu plus que les autres. Endroit où Ji-hun avait fini par diriger ses pierres marrons lui aussi. Lorsqu’elle décida de faire fi de la situation, l’Asiatique arbora un air faussement choqué, avant d’articuler : wah, ça te fait sourire, ça aussi ? Y-avait-il quelque chose chez lui qui n’arrivait pas à dessiner une esquisse sur ses lèvres ? Cet air innocent, ne prends pas, j’ai vu…, l’informa-t-il, aussi amusé qu’elle le fut. Elle n’était pas discrète, il avait remarqué cet air rieur prendre place sur son faciès ; pourquoi avait-elle porté ses billes jusqu’ici ? Ji-hun ne s’en sentit pas gêné, trouva cette intrusion plus marrante que choquante.

    Joueur, il prit la même position qu’elle. Coude planté dans l’oreiller, mâchoire contre sa paume, il dévisagea l’étudiante avant de dire, d’une petite voix, comme si c’était un secret : les afflux de sang, chez les femmes, que ça existe aussi, je sais. Les érections nocturnes et matinales existaient aussi chez la gente féminine, elles passaient tout simplement inaperçues. Il fut tout à coup pensif, comédien inconnu qui savait toutefois se montrer créatif. Il aspira de l’air entre ses dents, les lèvres légèrement entrouvertes puis suggéra : pour être quitte, sur toi, je devrais peut-être vérifier… Il pinça ses lèvres avant de plonger son regard malicieux dans celui de sa partenaire de séjour. Après tout, elle avait dépassé la limite de son intimité, non ? Rha… et me tenir tranquille, dire que j’ai promis , joua-t-il la carte de la déception avant de soupirer exagérément.

    De toute façon, pour toi, j’imagine que c’est passé , dit-il avant d’hausser les épaules, alors… Alors il capitulait. Il éclata de rire avant de se redresser, plutôt satisfait de son jeu d’acteur. Démasqué je suis, fumer je peux y aller, pivota-t-il pour s’asseoir sur le rebord du lit. Il se pencha pour attraper ses chaussures et les enfila avant de se lever. Il repositionna le plus discrètement possible son attirail avant de nouer les cordelettes qui pendaient de son short, et qu’il n’avait pas eu le temps de sceller lorsque Joyce était entrée dans la chambre. Froid dehors il fait, tu penses, demanda-t-il alors qu’il se trouvait dos à la jeune femme, continuant de se fringuer de son gilet. Il chercha dans le bermuda de la veille son paquet de cigarettes et en sortit une qu’il coinça entre ses lèvres. On déjeune après , proposa-t-il avant de se tourner vers sa cadette.

    Il boutonna les ronds en bois, passant ces derniers dans les trous de sa laine avant de s’adresser à elle à nouveau : sur le pont, ça va ? S’il fumait par-dessus la balustrade, en prenant bien soin de ne pas jeter son mégot dans l’océan qu’ils traversaient. L’histoire semblait être déjà loin derrière lui. Il fallait dire que le plus vieux était ni pudique, ni timide. Il y avait bien des choses qui le faisaient rougir sur le coup, mais rien qui le faisait chavirer ; il ne serait toutefois jamais allé vérifier l’état du joyau de son intimité comme on pourrait aller palper les ganglions lymphatiques lors d’une angine. Vite je fais, prévint-il qu’il ne serait pas long. Il passa ses pupilles sur le corps entier de la jeune femme avant de laisser un sourire rieur se perdre sur sa bouche. Il secoua la tête, tourna les talons et sortit de la cabine ; Joyce l’avait complètement surpris.


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    Elle ne saurait dire pourquoi, mais si, ça avait une certaine importance le regard que Jay pouvait bien poser sur elle et sa chevelure. Pas qu'elle aime particulièrement attirer l'attention des gens, et habituellement elle évitait de s'affairer de l'avis des autres sur son apparence, les couleurs dans ses cheveux lui donnant une confiance qu'elle ne possédait pas réellement. Mais il y avait certains avis qui pouvaient compter plus que d'autres et elle commençait à s'attacher à celui-ci.
    Ce à quoi elle aurait plus de peine à s'attacher, en revanche, c'était ses qualités de cuisiner... Car si elle en croyait ses dires, il était loin de maîtriser les aliments derrière une cuisine. Néanmoins, comme tout le reste, ça s'apprenait et Joyce avait de plus quelques idées de moyens pour lui faire apprendre plus facilement. À son sens, la cuisine n'était pas si éloignée d'expérience de chimie, il fallait simplement suivre la recette comme on suivait des processus. Étape par étape jusqu'à ce que le résultat soit concluant, en surveillant bien chaque moment.

    - Il suffit juste d'être attentif. Imaginer que ce ne sont pas de simples œufs, mais  un composé chimique qu'il faut porter à une certaine température. Je suis sûre que tes premiers œufs brouillés seront très bon.

    Une bonne manière en tout cas de commencer la matinée. Et puis, si vraiment le résultat était trop catastrophique, elle avait également pris du pain et elle doutait qu'il pouvait être mauvais cuisiner au point de ne pas réussir à le couper en tranche et étaler un peu de confiture dessus. Elle espérait qu'il aimait bien la confiture aux abricots d'ailleurs ; sa préférée et la seule qu'elle avait emmenée sur le bateau. Dans le fond, elle ne savait même pas si c'était dans les habitudes de Jay de prendre le temps de déjeuner le matin où s'il se contentait du combo café-clope de bien des étudiants. Elle apprenait encore à le connaître et le découvrir...
    Le découvrir, comme cette bosse qui déformait son entrejambe et qui attrape son regard quelques instants... trop longtemps pour ne pas qu'il remarque son indiscrétion. Elle qui pensait avoir été discrète, la voilà prise sur le fait et elle a beau tenter de prendre l'air de celle qui ne comprend pas de quoi il veut bien parler, ça ne prend pas sur lui. Elle s'est fait complètement griller et ça pourrait la gêner, faire remonter le rouge à ses joues, pourtant c'est tout l'inverse. Le voir prendre ça avec légèreté et sur le ton de la blague est communicatif et elle finit par hausser les épaules.

    - Je plaide coupable, lâche-t-elle sans pourtant paraître désolée.

    Elle pense qu'il en restera là, s'arrêtant sur ces mots, mais décidément le matin rend son voisin de couchette bien joueur. Imitant sa position, ses yeux se retrouvent à la hauteur des siens et il vient la titiller sur le même sujet ; heureusement pour elle - et toutes les personnes possédant un vagin - les érections de ce côté là son passablement invisible sous un bout de tissu. Impossible donc de la griller. À moins que... cette fois les mots touchent juste et elle sent quelque chose se réchauffer en elle, a presque envie de simplement hocher la tête, de le laisser découvrir ce qu'il en est de ce côté là... Elle peut presque l'imaginer remonter son T-shirt puis glisser sa main dans sa culotte, caresse le long de son intimité et... elle coupe court à ses pensées, cette fois-ci le rouge est bien monté et il a gagné la partie. Partie qu'il interrompt cependant de son propre chef alors qu'elle reprend son souffle réalisant seulement à ce moment qu'elle l'avait retenu. Il était provocateur, cependant le soupir qui s'échappe de ses lèvres à elle n'est qu'à moitié surjoué.
    Passé hm ? Elle n'en est pas vraiment certaine, ou plutôt c'est un peu différent ; passé ça l'est peut-être, revenu c'est également bien probable. Corps auquel on ne peut pas vraiment se fier, voilà qu'elle se fait avoir par lui, mais heureusement, ce n'est toujours pas visible... tant qu'il ne vient pas vérifier d'un peu plus près. Il faut néanmoins vraiment qu'elle repousse cette pensée de son esprit...

    Il s'assied au bord du lit et elle ne peut s'empêcher de se redresser également, posant doucement ses mains sur ses épaules, elle le retient avant qu'il ne se lève, pour le retenir, mais surtout pour entrer à son tour dans le jeu qu'il avait, après tout, lui même ouvert.

    - Faudra trouver un autre moyen de faire affluer le sang alors, si tu veux qu'on soit à égalité.

    Puis elle le relâche, le poussant doucement de ses paumes vers l'avant, consciente néanmoins qu'à trop provoquer le feu on finissait par créer un incendie et se brûler. Alors autant faire redescendre un peu la tension et le laisser sortir à l'extérieur, les brumes matinales ayant sans aucun doute refroidit le fond de l'air.

    - Sûrement.

    Puis une esquisse de sourire aux lèvres, elle ajoute :

    - Après, tu prépares les œufs. Puis on déjeune.

    Assise en tailleur, elle l'observe boutonner son gilet et attraper une cigarette qu'il glisse entre ses lèvres ce qui lui donne un charme certain qu'elle ne reconnaîtra pourtant jamais, ne voulant pas lui donner une raison de plus de continuer à fumer. Hochant la tête pour lui indiquer que le pont convient très bien, elle le regarde ensuite partir avant de s'étirer brièvement, de remettre rapidement les draps en place sur le lit, puis de sortir de la cabine à son tour pour rejoindre celle de ses parents où elle a laissé ses affaires. Sortant un bas de jogging et un pull de son sac, elle les enfile avant de rejoindre la cuisine pour se lancer dans la préparation d'un café. Le temps que celui-ci cuise, Jay aura sans doute terminé sa cigarette et une bonne tasse de caféine ne sera certainement pas de trop pour le cours de cuisine qui se prépare.
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    Lieu de naissance : Hamheung, ville de la région de Hamgyeong du sud. La Corée du Nord l'a vu naître, l'a élevé. Elle a forgé une partie de l'homme qu'il est aujourd'hui, mais c'est sur un tout autre continent qu'il désire construire son avenir.
    Quartier.s d'habitation & Colocation : Il a vécu la Pforzheimer House durant une année, l'a quitté en juillet pour s'installer provisoirement chez un ami, à Chinatown, Boston, le temps de déménager dans un studio au 499 Beacon St.
    Situation sentimentale : Il a retrouvé les champs, un petit peu plus d'un mois avant le printemps. Maintenant que n'existe plus de pression, la relation peut enfin préparer sa floraison ; dans une relation avec Lilia, demoiselle qu'il connaît depuis un an déjà ; 2024년 2월 16일
    Études & Métiers : doctorant en pharmacologie, au sein du laboratoire de l'école de médecine, il assiste également son superviseur dans ses recherches et participe activement à des conférences. En-dehors de ça, il fait du tutorat en sciences et en coréen ; ça paye bien mieux que serveur à la Luna Caffe, même si sa passion pour les latte art ne s'est pas envolée.
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    Lien du postMar 28 Juin 2022 - 6:29
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    Ji-hun s’était montré sans complexe. Joyce pourrait poser son regard sur son intimité une fois, dix fois, cent fois si ça lui chantait qu’il n’en serait pas plus troublé. Mais il aimait rendre la monnaie de la pièce, qu’importait la manière utilisée. Il avait alors joué pour espérer la déstabiliser. Homme de sciences qui avait retenu ses cours d’anatomie sur le bout des doigts, avait aussi pu expérimenter certaines réponses du corps de la femme aux stimulations ; curieux et désireux de faire toujours mieux. Il s’était montré intrusif et vicieux de ses yeux plongés dans les marrons de sa vis-à-vis, de ses mots soigneusement choisis, mais jamais il n’aurait osé poser ainsi ses doigts sur la biologiste. Leur relation n’était pas basée sur le plaisir de s’offrir entre les draps, et il respectait un peu trop son intelligence pour se voir sauter le pas. Son rôle était de la faire sourire, pas de la faire jouir ; quand bien même l’un pouvait aller avec l’autre.

    Sa virilité démasquée dans sa forme la plus intime, il avait fini par capituler. Rien ne servait plus d’attendre, il pouvait se lever et s’habiller pour prendre ses premières bouffées toxiques. Il avait été rattrapé pourtant, par les mains de la jeune femme sur ses épaules. Il avait tendu l’oreille vers cette voix qui s’était montrée un peu suave malgré elle. Il avait levé les sourcils de surprise à la suggestion de sa partenaire de la nuit avant de laisser un sourire rempli de malices prendre le pouvoir sur ses chairs épaisses. Un jour, peut-être, avait-il commencé avant de rire et de terminer : le bon moment pour ça, on trouvera. L’éclat s’était voulu plaisantin, mais pourquoi pas ? Trop tôt pour le savoir vraiment. Ji-hun pouvait retrouver tout un tas de types de femmes entre ses bras, la vierge, la femme mariée, une quinquagénaire esseulée, mais il se refusait de toucher une amoureuse ; ça lui évitait de se retrouver dans une situation bien délicate.

    Il avait été gentiment poussé du lit ; Joyce et lui étaient probablement sur la même longueur d’onde : ce n’était clairement pas le bon moment. Il était donc passé rapidement à autre chose, s’habillant d’un gilet, clope au bec qui ne laissait aucun doute planer. Il avait besoin de fumer, et même si la bourrasque faisait rage au-dehors, il y serait allé – contre vents et marées. Que tu les prépares sans moi, j’avais espéré…, fit-il, rieur, la cigarette bloquée sur le côté. Manqué, il tentera de nouveau tout à l’heure. Il sortit de la cabine et se dirigea à l’extérieur. Le vent l’accueillit, mais il n’était pas aussi fort qu’en pleine tempête. Il se rendit à la balustrade et alluma son tube, main couvrant la flamme. Il dut s’y reprendre plusieurs fois, mais sa détermination sans pareil eut raison du combat ; Ji-hun 1 – la brise 0. La première aspiration fut salvatrice, il sentit tous ses muscles se détendre, et la chaleur qu’apporta la fumée jusqu’à ses poumons réussit à le défrustrer.

    Il contempla l’horizon infini et se laissa porter par l’oscillation du bateau. Avant-bras sur la rambarde, il se demanda si son père travaillait  d’arrache-pied aujourd’hui. À l’autre bout de la planète, sur un continent qui avait été le sien aussi, il savait que le botaniste n’était pas traité à sa juste valeur. Sous-payé et placé sur des projets qui demandaient pourtant des connaissances quantitatives et qualitatives, le quinquagénaire tentait de garder la tête haute, mais Ji-hun n’était pas assez bête pour le croire. Il se sentait coupable de l’avoir laissé entre les griffes de la Corée du Sud, quand lui avait mis toutes les chances de son côté pour fuir la péninsule coréenne. Chaque coup de fil était à la fois un crèvecœur et une joie de le savoir en vie. Il était devenu la personne à qui il tenait le plus – leur relation n’avait pourtant été que timide jusqu’ici. Le vent fuma la cigarette plus qu’il ne le fit, et il s’en voulut de n’avoir pensé à prendre le paquet tout entier.

    Mégot écrasé contre sa chaussure, il rentra à l’intérieur du navire. Les premiers pas le portèrent vers la poubelle ménagère dans laquelle il jeta son déchet, puis il se tourna vers Joyce qui, soucieuse du bien-être de son invité, avait préparé le café. Une fée du logis, t’es une vraie , plissa-t-il les yeux en acceptant une tasse d’or noir. Le ton blagueur, et sincère à la fois. La préparation des œufs du coup, revint il sur le sujet principal de conversation, celui qui ravira leurs estomacs, comment tu comptes faire ? Deuxième essai, celui de la pousser à cuisiner. Mais une femme intelligente et indépendante comme elle ne pouvait vraiment se laisser berner. Pas même le plus adorable des  nord-coréens. À vivre, t’es pas facile, plaisanta-t-il avant de prendre une gorgée du breuvage puis de poser la tasse sur une surface plane. Il releva les manches de son gilet et se tint devant le plan de travail, bien décidé à lui faire plaisir.

    Allez mon Capitaine, boosta-t-il le rythme, ils crient famine, les ventres-là ! Exclamation amusée qui résonna dans l’habitacle. Ji-hun se lava les mains, car la cuisine demandait un certain niveau d'hygiène, puis il prit un œuf entre ses doigts. Grand par la taille, mais encore célibataire, il se permit alors de jouer tel un gamin avec l’élément oval et fragile, le lançant d’une paume à l’autre devant son propre regard ; hop, hop – un jeu d’enfant. Avoue, ça, le faire tu sais pas, lança-t-il tel un défi. Son but était de la faire sourire, et de lui faire oublier en quelque sorte cette histoire d’amour ratée et, dès le matin, on pouvait dire qu’il y arrivait assez bien, non ?


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    Lien du postMar 28 Juin 2022 - 13:34
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    Il fait un peu trop chaud, soudain, dans cette cabine alors que Jay sous-entend qu'un jour ses doigts parcoureront peut-être un endroit plus intime que la paume chaude de sa main. Allumette qui brûle, brûle, finira par tout faire flamber. Son rire, heureusement, la tire de ses pensées et elle ne parierait pas tellement sur ce qui se déroule entre ses jambes à cet instant précis. Un jour peut-être a-t-il bien précisé de toute manière ; elle entend pas aujourd'hui et se dit qu'il faut qu'elle calme ses ardeurs. Qu'elle retienne cet étrange désir qui surgit soudain de lui agripper la main pour la retenir à elle ; et puis ça ne serait probablement pas une bonne idée, ni pour elle, ni pour lui. Elle se rappelle encore de la dernière fois qu'elle a voulu faire sauter cette abstinence imposée comme une punition depuis sa rupture. Une rencontre en boîte de nuit, quelques échanges autour d'un verre, des lèvres inconnues sur les siennes et puis… plus rien. Elle avait paniqué, s'était braquée et avait préféré rentrer chez elle. Elle n'était certainement pas prête encore, le moment n'était pas le bon… Pas encore ?
    Qu'il soit bon ou mauvais, elle doit retenir l'envie, lorsqu'il sort de sa chambre, de glisser une main dans sa culotte pour soulager cette tension qu'elle a senti se créer. Elle réussit cependant à garder le contrôle et va plutôt s'habiller pour détourner ses pensées et commencer à préparer du café.
    L'odeur caractéristique a pris place dans la petite cuisine lorsque le fumeur rentre de son expédition, abandonnant le cadavre de sa cigarette dans la poubelle, ne le balançant pas dans l'océan comme un malotru – elle aurait été malheureuse de le détester pour cet acte, mais la défense des océans est un tel combat qu'elle n'aurait certainement pas laissé passer ça. Pas de bagarre pour commencer la journée, tant mieux ; une bonne tasse de café c'est bien mieux et les deux marins noient avec plaisir leur petits yeux dans la caféïne. Il n'y a rien de plus efficace pour se réveiller – ça et peut-être une bonne douche – après une nuit qui compte relativement peu d'heures de sommeil. Sûrement qu'ils ne devraient pas reproduire le même écart ce soir et d'un autre côté elle a envie de profiter de cette expédition pour mieux le découvrir et observer encore d'autres étoiles dans le ciel.

    La tentative d'esquive de Jay la fait sourire contre le rebord un peu ébréché de sa tasse. Une tasse blanche avec un panda dessiné dessus que sa mère lui a proposé environ mille fois de remplacer "on pourra prendre aussi une tasse avec un panda si tu veux, puisque tu sembles tant les apprécier", mais ce que celle-ci ne comprend pas c'est que ce n'est pas le panda que Joyce aime – elle est viscéralement lié et préfère donc de loin les créatures marines –, mais la tasse en elle-même. Toutes les aventures vécues ensemble et elle ne se débarrasserait de l'objet pour rien au monde, même si elle doit faire attention de ne pas poser ses lèvres n'importe où pour ne pas se les ébrécher à leur tour – du café au sang, voilà qui est certainement moins bon.
    Toujours est-il que l'esquive ne fonctionnera pas et elle sort un bol et une fourchette qu'elle pose sur le plan de travail avant de désigner son commis du bout du doigt.

    – En te donnant des ordres.

    Capitaine sans peur ni loi et qui n'hésitera pas à le pousser au bout d'une planche au-dessus de requin s'ils ne les suit pas. Même si elle sait bien en vérité que les requins mangeurs d'hommes sont limitées à quelques espèces seulement. Quelques espèces dont le fameux grands requins blancs, dont plusieurs spécimens ont d'ailleurs été détectés récemment autour de Boston – elle peut suivre ça grâce à une application qui donne le mouvement en temps réel d'un certain nombre de requins dans le monde. Ainsi Joyce n'ignore pas que Flower, Jefferson et Andromache ont récemment traîné leur aileron pas si loin ; de là à attaquer des humains, il y a encore un grand pas qu'ils franchissent rarement. D'une part parce qu'il est rare de les croiser de près, d'autre part parce que la chair humaine n'est pas vraiment dans leur goût. Contrairement aux phoques qu'ils confondent parfois avec des surfeurs – il faut dire que la vue des requins n'est pas toujours très fiable pour le plus grand malheur de ceux qui se font mordre. Elle a d'ailleurs récemment lu une étude qui proposait de peindre des serpents venimeux sur les planches de surf pour les éloigner dans leur chasse, mais ne s'est pas encore assez renseignée pour savoir où tout ça en était. Intéressant en tout cas comme méthode, même si ce n'était pas ça qui allait les aider à cuire des œufs.
    Enfin, la manière proposée par Jay, qui attrape un œuf pour le lancer dans les airs et le rattraper, n'est probablement pas beaucoup meilleure. Joyce aimerait bien être en capacité de répondre à sa provocation, en attraper trois et jongler avec une certaine aisance, mais malheureusement ça ne fait pas partie de ses capacités et s'ils veulent manger autre chose que des œufs explosés sur le sol, elle ferait mieux de s'en passer. Certes il faut bien les casser et les battre pour les brouiller, mais pas forcément dans ces conditions.
    Néanmoins elle ne veut pas s'avouer vaincue face au défi et attrape un œuf qu'elle pose en équilibre sur sa tête, avant de doucement éloigner ses mains pour lui montrer comme elle peut le faire tenir. Entre les mèches roses, on pourrait presque croire à un nid auquel il ne manquerait plus que la mère. La voilà femme des oiseaux au lieu de femme des poissons.

    – Mais je sais faire ça !

    Ils ne vont cependant pas avancer beaucoup à faire les clowns plutôt que la cuisine et elle finit par récupérer l'œuf sur sa tête avant qu'il ne s'écrase et à doucement le taper contre le rebord du bol, jusqu'à créer une fissure assez grande pour parvenir à l'ouvrir et en extraire ce qui se trouve à l'intérieur.

    – Première étape ! Casser les œufs et les mettre dans ce bol. Attention, sans laisser de morceau de coquille dedans, sinon mon prochain œuf je le casse sur ta tête !

    Le sourire sur ses lèvres dément la plaisanterie ; Joyce n'a aucune intention de gâcher de la nourriture. Il suffit néanmoins qu'il puisse y croire…
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    Lien du postMar 28 Juin 2022 - 17:04
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    Il avait essayé subtilement de se défaire de la tache, mais ça n'avait pas fonctionné. Tout ce que Ji-hun avait réussi était d’être pointé du doigt par la jeune femme qui s’était montrée stricte ; il aimait bien soit dit en passant. Oh~, avait-il laissé planer, riant ensuite en lâchant un : à vivre, t’es pas facile. Rien à voir avec les femmes qu’il avait pu côtoyer avant. De celles qui se chargeaient volontiers des tâches ménagères pendant que les hommes restaient devant la propagande qui défilait sur les écrans de télévision, à écouter ô combien la Corée du Nord était grande et puissante, et écrasera tous les pays capitalistes qui se oseraient de dresser sur son chemin. Le biochimiste avait pris l’habitude de mettre doucement la main à la pâte. S’il s’était montré un peu dérangé par l’aide apportée par le mari de sa marraine au départ, l’association avait été un véritable guide. Aujourd’hui il se prêtait au jeu de façon plus naturelle.

    Il s’était alors rapproché du plan de travail, la tasse de café pas très loin pour assurer une énergie qu’il puisait dans ses ressources depuis bien des nuits maintenant. Parce qu’il étudiait sans relâche en vue de l’examen, mais aussi parce qu’il se connectait chaque soir sur l’application de discussion, dans l’espoir de recroiser une paramédic à la peau caramel, et ne fermait son ordinateur que très tard. Il avait tapé dans ses mains pour activer la Capitaine, mais aussi pour se donner du courage ; la cuisine, ce n’était vraiment pas son truc. Il aimait manger, mais préparer des plats était loin d’être une activité qu’il pensait pouvoir un jour apprécier. Il était prêt à faire l’effort toutefois, parce que ça tenait à cœur à sa dame de l’eau, et qu’il avait accepté en partie ce voyage dans l’espoir de la rendre heureuse le temps d’un week-end. Et il avait commencé naturellement à faire le pitre pour que son sourire s’accroche à ses lèvres dès la matinée, pour ne plus la quitter.

    Suivi de près par la biologiste, elle aussi vint à s’amuser, prenant ses cheveux pour un nid douillet. Qu’il sorte, le poussin, peu de chance il y a, tu le sais j’espère, plissa-t-il les yeux, attendri de la voir se lâcher, davantage encore en pensant à la passion de Ha-eun pour les oiseaux. Ça, elle aurait adoré, ma petite sœur, murmura-t-il, soudainement loin de Joyce et du bateau. Plongé furtivement dans le souvenir des rires de l’enfant de huit ans, sautillant gaiement dans l’appartement dans l’espoir d’un jour être assez grande pour voler. Un souffle rieur s’échappa de ses narines, avant qu’il ne revienne, le fond de l’œil légèrement humide. Il releva le regard sur la demoiselle oiseau avant de reprendre : courir autour de toi, elle aurait certainement fait. Il rit, d’une façon gênée cette fois, avant de passer ses doigts sur son nez pour stopper l’émotion. Il éclaircit sa gorge et lui demanda : alors ? Me donner des ordres je pensais que tu allais faire ?

    Il se pencha, avant-bras sur le plateau de la cuisine, et observa le geste technique de Joyce. Ah, sauvage, répliqua-t-il, l’intimidation, par la loi, c’est puni ! Ça, il l’avait aussi appris grâce à l’association qui l’avait aidé à atteindre les États-Unis. Il reprit l’œuf avec lequel il s’était amusé plus tôt et mit le bol devant lui. Si je rate, un de ceux-là, tu m’éclates sur la tête, demanda-t-il, mais si je réussis… je gagne quoi ? Il leva les sourcils, interrogateur. Il avait bien le droit de demander ce qu’il voulait, non ? Dors avec moi, sortit-il avant de reprendre, si je réussis, ce soir encore, avec moi tu dors. Il attendit qu’elle valide – ou non – la proposition avant de se préparer physiquement comme s’il allait participer à une compétition olympique. Il tourna des épaules, roula un à un ses poignets et fit aller son cou de gauche à droite – une bulle éclata entre ses cervicales dans la manœuvre, puis murmura : allez… ! Il voulait absolument gagner cette nuit avec elle.

    Il approcha la coquille de l’œuf du bol, et tapota doucement sur le rebord, surjouant énormément l’instant en imitant de sa bouche la cavale de son cœur : dugeun-dugeun-dugeun. À ce rythme-là, il finirait par faire une attaque. Il tourna légèrement l’ingrédient ovale pour en vérifier l’état et se montra attristé par les fissures : pauvre chose … Il tiqua de sa langue contre son palais avant de réitérer l’opération pour agrandir les fissures. Moment fatidique…., fit-il en plaçant ses doigts de chaque côté. Il appuya un peu plus de ses pouces qui finirent par entrer à l’intérieur et commenta : ouh, ça glisse… Il pinça sa lèvre inférieure et ouvrit sa victime en deux parts bien distinctes, laissant tomber le blanc et le jaune dans le récipient. Une fois fait, il posa le reste sur le côté et alla vérifier de ses yeux si des morceaux de calcaire étaient tombés mais… Gagné, oui !, s’exclama-t-il , le petit signe de la victoire pour accompagner.

    Trop fort, je savais que j’étais , se montra-t-il faussement détenteur d’un égo surdimensionné. Il poussa le bol vers Joyce et pointa la fourchette : maintenant, te regarder secouer ça, je veux te voir. Et il espérait bien qu’elle avait de la force dans le poignet. Il posa sa hanche contre le rebord du meuble, croisa ses bras et observa sa dame de l’eau. D’énergie , vous manquez, ma Capitaine, lâcha-t-il en prenant de nouveau sa tasse pour boire une gorgée de café. Allez, allez, l’encouragea-t-il à faire buller la préparation ; parce que des oeufs brouillés, c’était tout de même meilleur quand c’était aéré.


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    Lien du postMer 29 Juin 2022 - 9:44
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    Un brin tyrannique, Joyce ne compte pas céder à la pression et va donner jusqu'au bout son cours d'œufs brouillés à son élève un peu dissipé. Il faut dire que, sur le bateau de ses parents, elle avait grandi à l'écart des stéréotypes ; ils se partageaient équitablement les tâches ménagères, faisant attention à ne pas en genrer une plus que l'autre, sa mère enfilant la combinaison pour réparer les pales du bateau et son père n'hésitant pas à passer derrière les fourneaux. Elle avait toujours eu cette vision de l'équitabilité et du vivre ensemble, chacun contribuait au foyer pour que tout puisse s'équilibrer et qu'ils aient le même temps à consacrer à leur métier, ne devant pas faire de concession dans leur carrière. Ça aussi c'était important d'ailleurs ; que chacun puisse s'épanouir en tant que biologiste, et s'il leur arrivait de travailler sur des sujets similaires et d'écrire des articles à quatre mains, ils gardaient leur indépendance également à ce niveau, chacun cherchant à se faire un nom et célébrant les réussites de l'autre – et bientôt, il fallait l'espérer, les réussites de leur fille.
    Dans tous les cas, Jay ne couperait pas à la cuisine. Et puis au moins ainsi il aura appris à faire des œufs brouillés ce qui lui ferait une recette de plus à ajouter à l'unique recette qu'il disait être capable de cuisiner, ce qui était un bon début. Bientôt il serait un cuistot averti et n'aurait plus besoin de commander à manger ce qui lui ferait réaliser de sacrés économies… Après tout, ça pouvait être ça, sa mission à elle ? Puisque lui voulait lui redonner le sourire, elle pouvait bien décider de lui apprendre à cuisiner. C'était, après tout, toujours utile… Enfin même si là elle avait une sacré marge de manœuvre. Il fallait d'abord réussir à lui faire casser cet œuf dans le bol et sans mettre de la coquille partout. À la place pourtant elle se laisse un instant emportée par le jeu et le pose en équilibre sur sa tête.

    – Piou piou, est la seule réponse sensée qui lui vient en tête.

    C'est elle le petit poussin désormais. Sortie de l'œuf, comme certains requins… passionnante d'ailleurs la reproduction des requins, selon les espèces ils pouvaient ovipare – comme les oiseaux –, vivipare – comme les humains – ou ovovivipare, un parfait mélange des deux, à faire des œufs, mais à les garder dans leur utérus jusqu'à l'éclosion. Moyen de reproduction passionnant, même si un poil cannibale puisque certains embryons en profitaient pour se dévorer entre eux – la dure loi de la nature. Mais, plus extraordinaire encore, il y a des espèces qui ont même été recensées comme capables de parthénogenèse ; sans mâle, des femelles ont réussi à se reproduire. C'est loin d'être systématique, mais plutôt comme une marque de survie de l'espèce, lorsqu'il n'y avait pas d'autres choix. Et Joyce trouvait ça absolument fascinant de voir la manière dont certaines espèces étaient capable de survivre même dans des situations extrêmes – encore plus dans des situations extrêmes.
    Les mots de Jay l'extirpent de ses pensées – parfois, quand elle part sur les requins, elle en oublie le reste du monde – alors qu'elle le regarde un peu surprise. Elle ignorait qu'il avait une petite sœur, mais ne lui a, dans le fond, jamais posé la question. Peut-être même a-t-il d'autres frères et sœurs ? Elle n'ose cependant pas lui poser la question, sentant soudain une étrange émotion envahir celui qu'elle découvre être grand frère. Sûrement qu'elle doit lui manquer, et Joyce peut comprendre, posant doucement une main sur son épaule pour ne pas le contraindre à la parole, mais lui montrer qu'elle est là, s'il ressent un jour le besoin de se confier. Il change cependant de sujet pour se revenir à leur mouton – ou plus exactement à leurs œufs – et elle est trop délicate pour relever ça, reprenant son rôle de cheffe et lui montrant comment casser un œuf. Avec une menace pour le motiver, même s'il relève l'illégalité de la chose aux États-Unis.

    – J'ai une mauvaise nouvelle pour toi, on est sortis des eaux territoriales hier soir donc la loi américaine ne s'applique plus ici.

    Ça n'empêchait pas, évidemment, qu'il reste des lois en haute mer – sinon il aurait été bien trop facile d'assassiner des gens –, mais elle n'avait pas besoin de s'étendre sur le sujet. Sa menace restait valable et il semblait l'accepter, bien qu'il tente de retourner le tout… s'il échouait il prendrait un œuf sur la tête, mais s'il réussissait… une récompense ? Curieuse, elle attend sa proposition, attentive à ce qu'il pourra bien négocier… une nuit de plus avec lui ? Un sourire échancre ses lèvres alors qu'elle hoche sa tête pour donner son accord, et même plus que ça. Elle a maintenant deux raisons d'espérer que l'ouverture se passe sans encombre : d'une part parce que les bouts de coquilles dans des œufs brouillés ne sont pas vraiment agréables, d'autre part parce qu'elle a vraiment envie de se rendormir entre ses bras. Mais ça, bien évidemment, hors de question de le lui dire, elle veut qu'il se concentre au maximum pour atteindre sa récompense, si elle la lui accorde de toute manière, alors elle n'a plus lieu d'être.
    Adossée au mur, elle l'observe en faire des tonnes pour ouvrir ce pauvre petit œuf dans lequel va vraiment finir par pousser un poussin s'il continue, et ça la fait rire. Ils ont le temps après tout – même si les estomacs gargouillent – pas de rendez-vous précis, juste une journée à naviguer et à se baigner. Enfin, la coquille semble se fendiller assez pour qu'il puisse, à l'aide de ses ongles, ouvrir l'œuf et que le liquide visqueux en tombe, glissant sur ses doigts au passage à la plus grande surprise de Jay qui semble découvrir pour la première fois cette texture. L'étonnement passé, il vérifie qu'aucun morceau de coquille n'est venu tacher le tout et satisfait de son travail, crie à la victoire.

    – Bien joué. Mais tu sais, j'aurais accepté de dormir avec toi, même sans ça.

    Elle lui sourit alors qu'elle se retourne pour sortir du frigo un peu de crème qu'elle verse, au feeling, dans le bol qu'il pousse vers elle, puis y ajoute un peu de sel et de poivre avant de saisir la fourchette qu'il lui tend. Elle a comme l'impression de s'être fait avoir à devoir remuer les œufs sous l'œil sévère de Jay qui ne lui laisse pas de répit, mais ça veut aussi dire que la prochaine étape, celle de la cuisson, lui reviendra.
    Et puis, entre deux mouvements, elle se demande pourquoi elle n'aurait pas également le droit à une récompense ? Autant rentrer dans le jeu qu'il a lui même ouvert.

    – Si je les fais mousser, je gagne quoi ?

    Sourcil levé, elle attend sa proposition en guise de motivation.
    Ji-hun HwangMembre de la Pforzheimer House
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    Ji-hun Hwang
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    Lieu de naissance : Hamheung, ville de la région de Hamgyeong du sud. La Corée du Nord l'a vu naître, l'a élevé. Elle a forgé une partie de l'homme qu'il est aujourd'hui, mais c'est sur un tout autre continent qu'il désire construire son avenir.
    Quartier.s d'habitation & Colocation : Il a vécu la Pforzheimer House durant une année, l'a quitté en juillet pour s'installer provisoirement chez un ami, à Chinatown, Boston, le temps de déménager dans un studio au 499 Beacon St.
    Situation sentimentale : Il a retrouvé les champs, un petit peu plus d'un mois avant le printemps. Maintenant que n'existe plus de pression, la relation peut enfin préparer sa floraison ; dans une relation avec Lilia, demoiselle qu'il connaît depuis un an déjà ; 2024년 2월 16일
    Études & Métiers : doctorant en pharmacologie, au sein du laboratoire de l'école de médecine, il assiste également son superviseur dans ses recherches et participe activement à des conférences. En-dehors de ça, il fait du tutorat en sciences et en coréen ; ça paye bien mieux que serveur à la Luna Caffe, même si sa passion pour les latte art ne s'est pas envolée.
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    Lien du postMer 29 Juin 2022 - 17:31
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    La première tache de Ji-hun avait été réalisée avec succès. Il avait donné tout ce qu’il avait pour faire vivre un moment agréable à sa comparse scientifique, allant même jusqu’à casser l’œuf dans une mise en scène complètement absurde qui l’avait fait passer pour un ignare ; presque. Lorsqu’elle lui avoua qu’elle n’aurait jamais refusé de dormir à ses côtés, quand bien même ce dernier aurait échoué, le nord-coréen sourit malicieusement et avoua : tout comme perdre, je savais que je n’allais pas. Cette nuit avec elle, il l’aurait gagnée, de toute évidence, puisque : que je casse des œufs , ce n’est pas la première fois. Il éclata de rire, la lèvre inférieure pincée, heureux de son jeu qui, encore une fois, avait fonctionné. Un vrai gamin dans un corps d’adulte, enfance retrouvée exceptionnellement pour montrer à Joyce qu’il lui était permis de lâcher prise, parfois. Il se doutait qu’ils étaient un peu pareil tous les deux : ces derniers temps, ils avaient mis toute leur énergie dans leurs études, il était temps de souffler un peu.

    Uhm…, réfléchit-il lorsqu’elle demanda une récompense elle aussi, je ne sais pas. Un truc compliqué, pas ça, puisque, tous les deux, que tu vas réussir, on le sait déjà. Il signala avant de boire sa dernière gorgée de café. Il posa sa tasse dans l’évier de la cuisine avant de venir ajouter un œuf supplémentaire dans la préparation, puis un quatrième, avec beaucoup moins de manières que pour le premier ; deux n’aurait jamais été suffisant. D’être ton serviteur, me demander ça, tu n’as pas le droit. Le reste … , laissa-t-il en suspens ; rien n’était donc impossible. Seulement, il ajouta une règle : puisque avant ce soir, je n’ai pas ma récompense, toi aussi, ce soir tu devras attendre. Elle avait donc toute la journée pour réfléchir à ce qu’elle aimerait gagner de lui. Il revint se placer contre le plan de travail, et regarda de nouveau la main de la biologiste s’activer à battre les œufs. Et comme il l’avait prédit, ceux-ci finirent par buller, signalant aux deux cuisiniers qu’il était tant de les faire tomber dans la poêle.

    * * *

    Ils finirent les dernières bouchées de leur petit-déjeuner. Les œufs brouillés avaient failli ne pas voir le jour, mais la jeune femme avait réussi à reprendre la main à temps. En avance, on n’est pas du tout avec cette histoire, fit-il remarquer à sa voisine de table, après avoir jeté un œil sur l’heure affichée dans la cabine. Pour cette raison, il enfila la fourchette dans sa bouche avant de se lever, assiette et couverts en main, pour les déposer dans le bac. Prendre ta douche, tu n'as qu’à faire , lui proposa-t-il alors qu’il commençait à rincer les éléments à nettoyer, pendant ce temps, de la vaisselle je me charge. Ainsi, la Capitaine pourra remettre le bateau en marche pendant qu’à son tour il passera sous le pommeau de la douche. Faire quoi tu veux, aujourd’hui , s’intéressa-t-il ; où allait-elle les mener avec son navire ? Nul doute que sa tête était remplie d’idées – des plus simples aux plus novatrices. Il ne leur restait pourtant plus que vingt-quatre heures avant que le séjour ne se termine, il fallait donc être stratège pour n’en perdre aucune.

    * * *

    Douche prise, il avait enfilé un pantalon en tissu fin et un t-shirt clair avant de rejoindre l’étudiante sur le pont. Elle se tenait fièrement derrière la barre, concentrée sur l’horizon qui se profilait droit devant elle. Il partagea un court instant le même champ de vision, tête tournée dans cette direction qu’elle fixait, puis retrouva la plus jeune. Il se tint debout à ses côtés et inspira profondément l’air océanique que leur offrait l’Atlantique. Que la mer, ça n’a pas la même odeur, conclut-il après avoir pu expérimenter les deux, celle que je préfère, je ne sais pas. Il avait joui pleinement de son identité mais avait goûté à la peur dans la mer de l’Est, ici il savourait la liberté mais se sentait complètement paumé ; est-ce qu’une valait mieux que l’autre ? Que la mer éloigne moins les gens, mon père dirait, plissa-t-il les yeux ; parce qu’elles étaient moins vastes, surtout moins profonde serait la raison de sa préférence, puisque nager, il ne sait pas. Ce qui avait été terrible pour lui de passer sept jours entier à naviguer en plein hiver, à braver les assauts des vagues.

    Tu as appris comment, toi, s’intéressa t’il sur la manière qu’elle avait vécu ses premières brasses. Avait-elle aidé par l’un de ses parents, ou bien avait-elle pris des cours particuliers dans une piscine publique ? En visite chez la famille, mon ballon j’ai fait tomber dans l’eau. Pour le récupérer, en me penchant, j’ai glissé , expliqua-t-il, grand instinct de survie j’ai. Il rit avant de venir ébouriffer ses cheveux puis ajouta : une vingtaine de minutes, avant d’être remarqué, j’ai attendu. Meilleure façon d’apprendre, il n’y a pas, je crois.  Même si la théorie était importante, il n’y avait qu’en pratiquant qu’on excellait. Me faire peur, cette expérience aurait pu mais…, haussa -t-il des épaules. Ça avait été l’inverse qui s’était produit, au point qu’aujourd’hui , il était à deux doigts d’intégrer l’équipe de natation d’Harvard. Ce fut à cette période-ci aussi qu’il commença à avoir un véritable intérêt pour l’eau, et les bienfaits qu’elle renfermait.

    Dans combien de temps, on arrive, demanda-t-il, alors qu’il sortait son paquet de cigarette de sa poche. Il piqua une clope parmi la dizaine restante, la plaça entre ses lèvres avant de lever ses yeux vers Joyce. Briquet à portée du tube, prêt à tirer sur la roulette, il stoppa son geste et demanda : ça te dérange ? La fumée, l’odeur ; le goût ? Il pouvait aller ailleurs, rejoindre la balustrade comme il l’avait fait plus tôt au matin.

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