Coup de fil reçu en plein milieu d'après-midi, Ji-hun répondit et ce fut la voix paniquée de Liv qui retentit. Les examens pas encore terminés, elle confia bloquer sur un chapitre qu'elle avait loupé. Tout de même bien motivée à passer son année, elle avait tenté de le travailler, mais il lui échappait à moitié. Le Nord-coréen se trouva bien embarrassé, il était dans les transports en commun, naviguait d'un tutorat à l'autre depuis ce matin. Il ne réfléchit pas longtemps, lui proposa de venir l'aider une fois qu'il en aurait terminé, et tout le monde savait qu'il tenait ses engagements, la future infirmière fut ainsi rassurée. Ce fut pour cette raison qu'il se trouva à Somerville, devant la maison des Cavanagh pour aider au mieux leur fille. Rue trouvée, il entra comme s'il était un membre de la famille. Grande habitation qu'il connaissait par cœur pour y avoir déjà séjourné, il monta à l'étage pour la chercher, frappa deux coups à la porte de sa chambre avant de s'y inviter. Après quelques mots encourageants, ils passèrent plus d'une heure à revoir ensemble tout le chapitre manquant.

Les notions à présent bien ancrées, ils purent arrêter et rejoindre le rez-de-chaussée. Par Liv une silhouette enlacée, il comprit que sa marraine avait une invitée. Salut, offert à Moïra, ça fait plaisir de te croiser. Ça datait de Pâques dernier. Il faillit s'en aller, mais par Deirdre il fut invité à rester pour le dîner. Auprès de la cousine il finit par s'installer, Liv affolée par l'heure qu'il était, indiqua qu'elle mangera à l'extérieur auprès de son bien-aimé. Prénom de l'homme prononcé, Ji-hun sourit, avant, et innocemment, ça avait été le sien qu'elle n'avait cessé d'articuler. Passe une bonne soirée, qu'il lui souhaita avant de s'intéresser à la jeune femme à ses côtés, comment tu vas ? Qu'est-ce qui avait rythmé sa vie depuis la dernière fois ?

Ji-hun descendit accompagné d'une jolie rousse apparemment pressée. Elle eut tout juste le temps de saluer la cousine que Deirdre avait invitée avant de décamper aussi vite que ses jambes purent la porter. Porte d'entrée derrière elle claquée, le Nord-coréen pris place aux côtés de la demoiselle qu'il n'avait pas vue depuis Pâques dernier. Première question posée, aussitôt retournée : ça va, oui. La routine d'un doctorant. Au laboratoire il passait du temps, donnait des cours à quelques étudiants pour se faire de l'argent. Il avait bien avancé sur la thèse qu'il aura à présenter, il avait donc pu lever le pied pour le grand bonheur de son sommeil à qui manquaient des heures qu'on ne savait plus compter. Je pars bientôt, alors ça se passe doucement à Harvard pour l'instant, il avoua ne pas avoir accepté de contrat, être assistant de recherches à quelques semaines du départ ça ne servait pas. Je fais un peu plus de tutorat pour compenser, il lui indiqua, et ça ira très bien comme ça. Je ne savais pas que tu serais là, c'est une bon e surprise, il insista. Ils pourront ainsi plus amplement échanger, surtout que Liv s'en était allée pour tout le reste de la soirée.

Ça semble bien fonctionner entre eux, il fit, regard porté en direction de la porte d'entrée. Ça faisait plusieurs mois qu'ils se fréquentaient et peu de nuages s'étaient permis s'assombrir la relation qu'ils avaient. Ils avaient d'ailleurs eu l'occasion de le rencontrer, à Thanksgiving avait été l'heureux présenté, et ça s'était bien passé. Et toi alors, il reprit, tout enjoué, raconte un peu ce qui se passe au musée. Si elle avait des anecdotes à leur raconter, ou bien des nouveautés à partager. Des collègues sur lesquels cracher ou d'autres avec lesquels elle aimait bavarder. L'écouter lui permettra d'oublier que sa copine était occupée, qu'elle semblait s'éloigner depuis qu'il avait annoncé que son stage doctoral en Europe allait commencer ; presque à croire qu'elle lui en voulait, est-ce que c'était faux, est-ce que c'était vrai ?

La nouvelle sembla la choquer, pourtant il en avait tant parlé – il fallait dire qu'ils n'avaient pas vraiment eu l'occasion d'en discuter, puisque souvent interrompus par Liv qui s'était mise à la jalouser. Sans doute parce qu'elle était plus âgée, parce qu'elle en avait terminé d'étudier, parce qu'elle était brune comme il les préférait – qu'importait. Il acquiesça, puis détailla : la carte de résident en poche, j'ai obtenu le droit de faire mon stage doctoral en-dehors des États-Unis, et j'ai choisi l'Angleterre. Parce qu'il avait envie de visiter, de voir autre chose que ce qu'il connaissait, mais surtout parce qu'il avait repéré un centre de recherches en Europe qui pourrait l'aider à progresser. J'ai une conférence programmée à Londres aussi, il ajouta, l'association a encore beaucoup à faire pour se développer là-bas, je vais donner un coup de mains pour tenter de la booster. Ça lui tenait à cœur, il considérait tous les nord-coréens comme ses frères et ses sœurs. Il avait été chanceux, mais pour un sauvé combien de malheureux ? Plus les voix des rescapés étaient écoutés, plus de changements on pouvait espérer, et Ji-hun n'avait pas peur de travailler, d'être flemmard on ne pouvait lui reprocher.

Assiettes servies, l'asiatique remercia sa marraine d'un mouvement de tête poli. Je ne m'en plaignais pas, je trouvais ça mignon, il avoua. Rien ne se serait passé, elle était bien trop jeune pour qu'il puisse y penser. Mais ça me fait plaisir de la voir heureuse, son copain a l'air d'être un type bien, il fit. Il savait que s'il y avait un souci, elle saura compter sur lui. Rassure-moi que ce n'est pas de famille, il rit, taquin sur ce point. Qu'elle ne prendra pas le relais, maintenant que l'étudiante infirmière l'avait laissé en paix. À Moïra il s'intéressa, comprit qu'elle aussi partira. Quand ça, il demanda. Mais la simple évocation de ce départ entraîna une réaction qu'il ne soupçonnait pas. Deirdre ne se sentit pas bien, ce qui ne surprit pas tant que ça le brun. Il avait ouï dire de la mésaventure du papa, c'était triste mais ça ne se reproduira pas. Elle connaît son métier et les risques de l'endroit où les fouilles se feront, elle prendra toutes les précautions qu'il faut, pas vrai, il interrogea du regard la jeune femme, à deux ils pourront rassurer la dame. Ce n'était pas sans danger, et il pensa que lui aussi aurait aimé la savoir à Boston pour sa sécurité. Mais on ne pouvait lui enlever ce côté aventurier, celui qu'elle avait hérité.

Autre que le fait qu'on ne va pas beaucoup se croiser, il sourit, à croire qu'on faisait tout pour les empêcher de passer du temps en l'une et l'autre compagnie. Rien de bien inquiétant, il fit avant de prendre ses couverts, je crois que ma copine n'est pas très contente que je décide de partir aussi loin. Mais il mettait sa profession en première position, et tous ceux qui le connaissaient assez savaient que rien ne pourrait le changer, pas même des sentiments qui commençaient à s'installer.