C’était les vacances, Alejandro avait donc un agenda assez peu chargé. Mais il accepta de me passer un coup de téléphone avant de retourner en Espagne. Je souris et le remerciai, puis nous allâmes entre les rochers. Le temps d’un massage, ma main gauche me brûlait à nouveau. Si seulement je l’avais frappé lui plutôt que le meuble, j’en aurais tiré beaucoup de satisfaction et je n’aurais pas eu mal maintenant… Mais il m’aurait retiré ma fille le plus vite possible si je l’avais fait. C’était un dilemme, et dans l’urgence de la situation, j’avais choisi ma main plutôt que ma fille. Mais dans tous les cas, il était furieux, et l’issue était… regrettable pour moi. C’était un Kenworth, on ne pouvait rien lui refuser.

D’un coup d’œil, Alejandro remarqua que le problème venait de ma main, et m’encouragea à me rhabiller pour qu’il puisse y jeter un œil. Je n’arrivai malheureusement pas à l’attacher dans mon dos, aussi le tenais-je en serrant les coudes contre mon corps. Alejandro se retourna avec un air amusé.

-Eh ! On ne rit pas du malheur des autres, nan mais oh ! le taquinai-je.

Il tendit la main, et j’hésitai à lui passer la mienne. Je lui disais rapidement de faire attention à la partie de main dont il voulait se saisir. Il m’attrapa par le poignet et regarda mes coupures. Il me demanda si je l’avais désinfecté.

-Oui, le soir où je me suis fait ça. Mais pas depuis. Je pose juste une bande d’habitude. avouai-je.

Il déclara que si j’allais dans l’eau salée avec une main dans cet état, j’allais pleurer le jour de ma naissance. J’aimais bien la tournure de sa phrase, elle me fit sourire. Il me fit voir la chose comme un échange de bons procédés : je lui avais fait un massage, en échange il soignait ma main. Mais bon, j’avais toujours u service à lui rendre, celui du bateau. Sans lui, je n’aurais pas pu vivre un seul moment d’agréable sur le paquebot dansant sur les vagues.

Il avait juste une chose à faire avant. Je le regardai, perplexe. Alejandro me fit signe de lever les bras et je m’exécutais sous le coup de la surprise. Il s’empara des deux bouts de mon bikini, et ses doigts glissèrent vers mon dos tends que sa tempe effleurait la mienne. Il n’eut aucune difficulté à refaire le nœud dans mon dos et il déposa un baiser sur ma joue. Une bonne chose de faite. Il déclara aller chercher la trousse et se leva. Il partit en petites foulées jusqu’à sa voiture. Pendant ce temps-là, je restais à genoux, ma main droite sur ma joue là où il avait posé ses lèvres quelques secondes avant de disparaitre. Je restai comme ça un moment, les yeux dans le vague, les doigts sur la joue. Etait-il toujours aussi chaleureux avec tout le monde ? J’aurais aimé que non, pour flatter mon égo, mais en toute logique, j’aurais répondu que si. S’il sortait avec Shayanes, c’était bien qu’il savait se faire apprécier.

Alejandro revint vite avec la trousse. Il s’installa de nouveau face à moi et m’annonça que le désinfectant risquait de chauffer un peu. Je mordis ma lèvre inférieure. Oui, je regrettais le jour de ma naissance, et pourtant je n’étais pas dans l’eau salée ! Une goutte se forma au bord de mon œil, mais je la chassai vite de ma main valide. Je supportais mal la douleur, j’étais une vraie chochotte. Mais je savais le reconnaître au moins. Il se fit plus délicat au moment de mettre le bandage. Son travail terminé, il me recommanda de ne pas aller tout de suite dans l’eau. Après quoi, il se coucha sur sa serviette et profita du soleil. Derrière ses lunettes, je ne savais pas si ses yeux étaient ouverts ou fermés, mais je décidai de quand même aller à l’eau. Les orteils au frais, je pris un fond d’eau dans ma main droite et aspergeais ma nuque avec. Alejandro avait posé sa serviette assez près pour que je puisse l’asperger, ce dont je ne me privai pas ! Je lui envoyai autant d’eau que possible dessus et explosai de rire devant sa réaction. Pour éviter d’avoir à subir des représailles, j’allais plus avant dans l’eau, en prenant garde à ce que le pansement de ma main gauche de s’imbibât pas de liquide.

Alejandro rit lorsqu’il vit que je n’avais pas réussis à remettre mon haut de maillot. Avec ma main gauche engourdie, j’avais franchement eu du mal, et j’avais fini par abandonner, coinçant les lanières de tissu sous mes bras. Non, pour une fois, je n’avais pas de plan drague ! Une première ! Je fis semblant de me vexer, ce à quoi Alejandro me répondit que loi d’être un malheur, c’était plutôt l’inverse. Question de point de vue !

Puis il m’accorda toute l’attention que ma main nécessitait. Pour désinfecter, il s’y prit un peu comme un bourrin, mais pour mettre le bandage, je lui découvrais une douceur que je ne soupçonnais pas. Lorsqu’une larme menaça de rouler sur ma joue, je l’essuyai et Alejandro m’adressa un gentil sourire. Puis une fois qu’il eut terminé son travail, il s’allongea sur sa serviette. Moi, j’allais à l’eau, bien que pas trop loin cependant : je ne savais pas si le requin avait été écarté. Toujours était-il que je voulais embêter un peu le bel Espagnol, aussi je m’amusai à l’asperger. Il se redressa sur les coudes et me regarda. Moi, je riais. Il sourit en me demandant si j’avais vérifié qu’il n’y avait pas de requin.

-Le seul requin ici c’est toi ! plaisantai-je.

J’essayai de l’asperger à nouveau pour l’attirer, mais il se contenta de me tirer la langue (de manière toute aussi puérile que moi je tiens à le préciser) et de s’écarter du bord. Mais euh ! Je barbotai un certain temps au bord de l’eau, assise et immergée jusqu’à la taille. Les vagues roulaient sur moi, c’était agréable ! Puis je décidai de rejoindre Alejandro. Il n’avait pas bougé d’un pouce ! Il me demanda si le pansement avait tenu.

-Je ne l’ai pas mouillé, mais tu es un bon médecin, il tient bien ! dis-je en souriant.

Il se redressa et me proposa à boire. C’est sûr que c’était mieux que l’eau de mer que j’avais avalé par le nez alors qu’un vague m’avait à moitié submergée (mais j’avais gardé ma main au sec envers et contre tous !). Je le remerciai et me désaltérai. Ca faisait du bien ! Alors que je buvais, Alejandro me proposa un dîner. Sur le coup, je ne fus pas surprise et je finis ma gorgée avant de lui répondre :

[colorlightseagreen]-Très bonne idée ! Comme je suis seule, je ne prévois rien le soir, a vient comme ça vient. Et puis oui, célébrer nos retrouvaille ne peut pas se faire autrement qu’avec un bon repas ![/color]

C’était l’appel du ventre, je devais l’admettre. Je regardai l’heure à mon portable dans mon sac.

-On devrait peut-être rentrer non ? Il se fait 18h. Et puis je suis une fille, je mets longtemps à me préparer ! Tu ne peux pas comprendre ça toi, hein ?

Je parlais avec animation. En une journée à peine, il avait réussi à me rendre le sourire. Et deux services à lui rendre, deux !

J’avais profité de ma liberté retrouvée pour retourner dans l’eau. J’espérais que le requin était partit mais pour plus de sécurité, et pour éviter de mouiller mon bandage, je me tenais sur le bord et n’en bougeais pas. J’en profitais pour agacer le bel Espagnol en l’arrosant généreusement. Il me relança en me demandant si j’avais fait attention à ce qu’il n’y ait pas de requin, et je lui répondis que le seul requin ici c’était lui. Je m’attendais presque à ce qu’il acquiesce, mais il se contenta de rire sans démentir. C’était déjà un bon début ! J’avais presque envie de penser que c’était moi sa prochaine proie, mais j’écartai vite cette idée : s’il m’avait repoussé une fois, ce n’était pas pour me sauter dans les bras la fois suivante.

Je ne restai pas si longtemps que ça dans l’eau. J’espérais que l’Espagnol me rejoindrait faire trempette, mais non ? Comme le dit le dicton : si un bel Espagnol ne vient pas à moi, c’est moi qui viens à lui ! Oui, je venais de d’inventer cette formulation mais bon… Je me levai et retournai à sa hauteur, un peu plus loin de l’eau pour ne plus subir mes gamineries aquatiques. Je lui dis que mon pansement avait tenu, ce à quoi il répondit qu’il avait une petite sœur maladroite qui lui avait permis de se faire la main. J’eus un léger accès de jalousie, que je ne compris pas. C’était un sentiment que je connaissais maintenant par cœur avec Andrew. Si savoir qu’il avait soigné ma sœur me donnait pareille réaction, je ne voulais pas savoir s’il avait soigné Shayanes. C’était étrange comme réaction de ma part, et pas franchement sympathique, aussi la fis-je taire et elle disparut aussi vite qu’elle était venue.

-Pour désinfecter, il faudrait que tu saches que de nos jours, certains désinfectant ne piquent plus ! fis-je en riant.

Je le taquinai un peu pour masquer mon embarra quant à ma réaction première. Puis Alejandro parla d’un dîner le soir même, ce que j’acceptais volontiers. Ce serait toujours mieux que de manger une pasta box devant la télé dans la chambre. Il tenait sans doute à marquer le coup. Il s’exclama que c’était parfait, et je lui souris.

Je regardai l’heure sur mon portable : il n’était pas loin de 18h, aussi lui proposai-je de rentrer. Avant même de répondre il s’était levé, ce qui était un bon moyen de se faire une idée de ce qu’il pensait. Et puis personnellement, je tenais à avoir une apparence respectable et pour se faire, il me fallait une bonne heure, voire deux ou trois de boulot. Le bel Espagnol était bien de mon avis, il comprenait tout à fait et se lançait dans une réflexion trop philosophique pour moi en fin de journée après avoir ramolli du cerveau au soleil toute la journée. Il ramassa ses affaires et se dirigea vers les douches en plein air. On installa nos effets sur un banc et nous pûmes enlever le sable qui nous collait à la peau. J’avais sans doute l’air un peu stupide à tendre le bras gauche pour ne pas mouiller ma main, et c’était moins pratique, mais je fus même plus rapide que mon Espagnol préféré ! Pire qu’une fille celui-là. N’empêche que… Sous la douche, il en faisait baver d’envie plus d’une. Toutes les filles passant alentour nous regardaient, ou plutôt le regardaient. Il avait cette manière de faire tout en sensualité qui ne laissait personne insensible. Ni moi, je devais bien l’avouer. Je m’enroulais dans ma serviette qu’il enlevait encore le sable. J’avais envie de lui faire une remarque, mais je m’assis sur le banc et me contentai de mater discrètement.

Lorsqu’il sortit, il s’entoura de sa serviette pour s’essuyer, me demandant si j’étais prête. Je hochais la tête, et nous prîmes la direction de sa Jeep jaune. J’eus un pincement au cœur pour ma Lamborghini de la même couleur, elle me manquait, mais elle était mieux à Harvard qu’ici. Alejandro rangea sa planche de surf et autres affaires derrière, et je l’imitai. Je m’installai à côté de lui, côté passager. Il démarra, direction l’hôtel. La route n’était pas bien longue. La jeep était décapotée, nous profitions encore de la chaleur et mes cheveux volaient au vent. L’air frais sur mon visage me fit du bien, je fermai les yeux. Derrière mes paupières closes, je rêvais de liberté absolue, je me prenais pour un oiseau volant très haut dans les cieux, loin des Hommes, loin d’Andrew, mais proche de mes amis chez qui je me reposai après trop d’heures de vol.

-Je ne lâcherai plus semelle, juste pour profiter de ta jeep !

Malheureusement, nous arrivâmes trop vite. Je descendis de la voiture devant l’entrée de l’hôtel (fallait pas charrier, j’étais une grande dame, je n’allais pas attendre qu’il se soit garé et que je me tape le trajet à pied !). Je trouvais que ça faisait plus « noble » (moi qui l’était si peu) de se faire déposer juste devant. Et puis plus j’aurais d’avance et plus vite j’aurais le plaisir de le revoir. Je saisis mes affaires et lui lançais :

-20h30 devant le restaurant, ça te va ?

J’attendis sa réponse avant de me précipiter à l’intérieur. Je regagnai rapidement ma chambre, gagnée par l’excitation. J’ouvris la porte, jetais mes affaires près du grand lit deux places et me ruai vers a salle de bain. Je fis couler un bain, un vrai bain cette fois, avec shampooing et gel douche pour sentir bon ! Et vu l’état du sol de la baignoire, j’en avais déduit que j’avais encore du sable sur moi. Déjà, je perdais du temps : se laver à une main n’était pas chose aisée. Mais j’y parvins, et lorsque je sortis, je m’enroulai dans une serviette propre. Je branchai le sèche-cheveux et essayai là encore de faire au plus vite. Je me baladais nue dans ma chambre à la recherche d’une tenue potable pour la soirée. Il ne m’avait pas précisé le code vestimentaire, alors je choisis une robe ni trop chic, ni trop décontractée, blanches avec des bordures dorées, relativement moulante. De retour à la salle de bain, je m’attachai les cheveux en queue de cheval et me maquillai rapidement. Ma main gauche étant bandée, je n’avais pas la meilleure dextérité du monde, aussi me contentais-je d’un peu de fard à paupière clair et d’un peu de noir autour des yeux. Dernière touche de mascara pour ouvrir le regard et j’étais fin prête. J’étais en retard cependant, de près d’une demi-heure ! Je mis rapidement des chaussures à talon blanches, et me précipitai dans le couloir en fermant à clé derrière moi. Je me dépêchai de rallier de restaurant. J’espérais qu’il ne m’en voudrait pas trop pour le retard. Pour ma défense: il fallait se laisser désirer!

Nous avions passé une partie de la journée à la plage, dans un coin tranquille. Alejandro m’avait soigné la main comme un as. Je me rendais compte un peu tard que j’avais oublié de le remercier dignement. Nous allâmes nous doucher et j’en profitais pour poser mon regard sur les muscles bien dessinés du bel Espagnol. Mon Dieu ce qu’il était gâté par la nature ! A ce que je voyais, je n’étais pas la seule à le reluquer, et il semblait qu’il l’avait remarqué mais ne s’en souciait guère. Puis nous gagnâmes sa Jeep après qu’il se soit essuyé. Il plaça ses affaires à l’arrière et je montai du côté passager. Je profitais de la sensation de liberté que la virée en voiture m’offrait. Le vent dans les cheveux, je fermai les yeux en souriant. Alejandro mit de la musique, ce dont je le remerciai d’un regard. A un moment je m’exclamai que j’allais lui coller aux basques, juste pour le plaisir de monter dans sa Jeep. Je l’entendis rire. Il me répondit tout naturellement qu’il y en avait de tonnes à louer dans le coin.

-Des Jeep jaune poussin comme ça ? C’est la couleur de ma Lamborghini à la base ! Et puis… Pour pouvoir profiter, il me faut un chauffeur ! argumentai-je.

Et puis mince quoi ! Je l’avais trouvé, je le gardais à proximité ! Finalement, je ne comptais plus passer mes vacances seule. Enfin en journée du moi. Ou peut-être un jour sur deux… S’il était seul lui aussi, ce devait être parce que lui aussi cherchais le calme. Il fut suffisamment galant pour me déposer devant la porte de l’hôtel avant d’aller chercher une place de parking. Je lui demandais si 20h30 lui irait pour le diner. Cet horaire lui convenait, et il me demanda mon numéro de chambre.

-Attend, je cherche, c’est noté sur la clé. C’est la chambre… 321 ! Et la tienne ? Comme ça si tu n’es pas à l’heure, je pourrais aller te tordre les oreilles ! plaisantai-je.

Alejandro s’éloigna, et j’entrai dans l’hôtel. Je regagnai ma chambre et commençai par prendre un bain frais. Il faisait encore lourd ! Je me lavai les cheveux et le corps sans mouiller mon pansement, une grande réussite. Puis je sortis et me séchai les cheveux. J’avais une coiffure sauvage ! J’essayais de domestiquer un peu mes pointes lorsque je crus percevoir des coups sourds contre la porte. J’étais encore nue, et je me précipitai vers ma valise en quête de quelque chose pour me couvrir.

-Deux minutes, j’arrive !

Jean : trop long à mettre. T-shirt : pas assez grand pour me couvrir, surtout que je ne savais pas qui c’était. Robe : et puis quoi encore ? Dernière option : serviette mon amie ! Je retournai à la salle de bain, attrapai la plus grande des serviettes et l’attachai autour de ma poitrine. Qui pouvait bien venir me déranger maintenant ? Je regardai dans le judas. Mince, Alejandro ! J’étais déjà si en retard que ça ? J’ouvris la porte. Sans transition aucune, il me demanda ce que je ferai s’il me disait de faire ce que j’avais envie et de vivre mes passions.

-Entre, ne reste pas sur le paillasson. Oh et... Je vivrai mes passions au maximum je pense. On n'a qu'une vie, profitons-en.