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battle symphony (lewis)

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Six jours. Six putains de jours, presque une semaine entière, que Lewis ne répond pas aux messages de Charlie, qu’il ignore ses appels et qu’elle n’arrive pas à savoir si il va bien. Elle sait qu’il lui arrive de disparaître quelques jours, mais deux ou trois jours ont toujours été le maximum sans qu’il ne donne de nouvelles. Charlie ne lui en a jamais voulu, parce que dans le fond, elle sait qu’il gère des trucs pas faciles de son passé, et qu’il ne lui doit absolument rien, pas d’explications et pas de devoir répondre instantanément. Mais la brunette sait aussi qu’il souffre de ses années dans l’armée, elle a fait des recherches sur le stresse post-traumatique et il ne faut pas être un génie pour deviner qu’il en souffre. Elle a remarqué que des fois il ne dort pas, qu’il débarque avec des cernes aussi grands que les chutes du Niagara, qu’il semble plus agité aux bruits et qu’il est davantage perdu dans sa tête. Charlie sait bien ce que c’est que de vivre un passé compliqué, à combattre les insomnies, les images du passé qui peuvent se mettre à hanter, mais c’est pour toutes ses raisons qu’elle est inquiète. À vrai dire, elle est même morte d’inquiétude et son anxiété prend le dessus ce matin. Est-ce qu’il a finalement décidé de ne plus être ami avec elle ? Est-ce qu’il s’est rendu compte qu’il méritait mieux ? Et si il lui est arrivé quelque chose ? Et si Lewis est à l’hôpital, qu’il ne va vraiment pas bien ? Est-ce qu’elle a le droit d’être là pour lui dans ces moments-là ? Ils n’en n’ont jamais parlé, ils n’ont jamais abordé le sujet et elle se sent un peu perdue. La colère et la peur sont cependant bien plus fortes.

C’est donc après avoir checker son téléphone pour la trentième fois en moins d’une heure, elle finit par se décider. Elle enfile un pull à capuche, embrasse rapidement le dessus de la tête de Bucky et sort de son appartement. Elle prend son vélo et à peine une dizaine de minutes, à pédaler sûrement un peu plus rapidement qu’elle ne l’aurait dû, elle arrive devant l’immeuble de l’ancien militaire. Elle accroche son vélo et gravit les marches deux par deux avant d’arriver devant l’appartement. Elle est déjà venue chez lui plein de fois, mais elle a un mauvais sentiment, quelque chose lui tord l’estomac. Elle hésite quelques secondes, le poing levé puis frappe à la porte. Elle n’entend rien et son cœur se met à battre un peu plus fort dans sa poitrine. Après quelques minutes, elle décide de frapper une nouvelle fois. “Lewis, ouvre la porte !” Elle tente d’ajouter, peut-être que si il sait que c’est elle… Ce n’est que des longues minutes plus tard, qu’il lui paraisse bien trop longues que la porte laisse enfin apparaître le visage du militaire. Charlie laisse échapper un soupir qu’elle ne savait même pas qu’elle retenait avant qu’elle se mette à passer par toutes les émotions. Le soulagement, le questionnement, puis la colère. “Six jours ! Six putains de jours que tu me réponds pas Lewis. C’est quoi ton problème ?!” Charlie finit par lâcher, envahi par la colère qu’il n’est même pas pris la peine de lui dire qu’il était ne serait-ce que vivant. Mais soudain, elle remarque son visage, creusé par quelque chose qu’elle n’a jamais vu chez lui. “Lew… Qu’est ce qui se passe ?” Demande-t-elle, l’inquiétude reprenant le dessus. Il avait l’air… Épuisé, au bout du rouleau, sur le point de craquer. Elle ne l'a jamais vu comme cela...
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En nage, Lewis avait ouvert deux yeux affolés sur sa chambre. Plongée dans le noir. Sa main tendue devant lui se referma sur du vide avec rage alors que les larmes lui montaient aux yeux. Les cauchemars prenaient un foutu plaisir à lui redonner Marshall pour lui reprendre ensuite. Les dents serrées, il étouffa un sanglot alors que l'arrière de son crâne rebondissait sur l'oreiller. Il n'en pouvait plus. De toute cette fatigue, du fait de revivre le pire jour de sa vie plusieurs nuits par semaine. Lewis se sentait terriblement faible, incapable de gérer ses propres émotions. Il passa une main sur son visage bouffé par les larmes, pour les chasser et essayer de retrouver une contenance. Sa respiration encore saccadée était presque douloureuse. Il porta la main sur le T-shirt qu'il portait et s'assit sur le lit pour le retirer et contempler les marques que la guerre avait laissé sur lui. En lui. Quelque part sur son tatouage mutilé par les impacts de balle, Marshall avait laissé sa peau. Et Lewis était incapable d'avancer depuis.

Il avait pourtant connu quelques jours de répit lorsqu'il était parti en trail. Les bruits de la forêt le faisait sursauter pour un rien et le vent réveillait son anxiété, mais il avait fait face. Parce qu'au milieu des conifères, son meilleur ami était presque là, avec lui. Le regard éteint qu'il croisa au détour du miroir de la salle de bains lui faisait presque pitié. Ce n'était pas lui, ce n'était plus lui. Charlie avait essayé de le joindre à plusieurs reprises mais il maintenait le silence radio depuis des jours. ça le rassurait qu'elle n'insiste pas, le soldat blessé qu'il était devenu n'était pas l'image qu'il voulait lui renvoyer. A personne d'ailleurs. Il cracha dans l'évier, comme pour évacuer les mauvais souvenirs et se débarrasser de la moindre trace de cette nouvelle nuit blanche. Sur une impulsion, Lewis pencha la tête dans l'évier - laissant tout le loisir à l'eau de déferler sur ses traits fatigués. Cette sensation d'étouffer avec l'eau qui lui rentrait dans les narines, il se demandait si c'était ce que Marshall avait ressenti. Inspirant soudainement, il se releva - la bouche ouverte et les yeux écarquillés.

Il venait tout juste d'éteindre l'eau lorsque des coups frappés à la porte se firent entendre. Il n'était en état en voir personne et répondit seulement par un silence continu. Un silence dans lequel seuls les battements affolés de son coeur résonnaient. Lewis avait beau essayer de contrôler sa respiration, elle le trahissait en continuant à être rapide. Son propre corps ne voulait plus lui répondre. Avec le décès de Marshall, Lewis avait l'impression que tout ce qu'il avait fait de bien en tant que soldat n'avait plus d'importance. Il avait perdu le combat le plus important. Soulagé que son invité surprise ne persiste pas, Lewis commença à se détendre.

Pas aujourd'hui Charlie, pas aujourd'hui, souffla t-il pour lui-même, d'une voix brisée. Son poing tambourinait de nouveau contre sa porte, signe qu'elle ne partirait pas tant qu'elle n'aurait pas passer une tête à l'intérieur. C'était trop demander que de laisser seul avec ses souvenirs, merde ? Sans conviction, Lewis défit le verrou pour la laisser entrer et contempler sa mine défaite, usée. Peut-être que ses piques habituelles lui changeraient les idées. Ou non. Lewis était au moins certain de ne pas avoir la force de trouver la moindre réplique, sa réserve était à sec alors que son canal lacrymal était lui, bien ouvert. Désolé, répondit il seulement du bout des lèvres, sans chercher à croiser son regard. Là devant elle, il n'était plus l'homme qu'elle connaissait. Et Lewis n'était pas prêt à la laisser entrevoir ce que ça donnait lorsque son TSPT prenait le dessus. Il ne percuta qu'il était à moitié nu que lorsque le regard de Charlie se perdit sur son torse, s'attardant sur ses cicatrices encore vives. L'ancien soldat sentit le malaise monter, tournant les talons pour aller récupérer un T-shirt propre dans la chambre. Lui qui cherchait un peu trop les regards de Charlie ces derniers temps aurait aimé qu'elle n'en ait plus un seul pour lui. Sa lèvre inférieure trembla. Rien. La voix du convoyeur se fit murmure. Il ne voulait pas lui mentir, l'impliquer dans quelque chose qui le dépassait. Jusqu'à présent, leur amitié les avait protégés de tout aveu sur leur passif. Il ne voulait pas que ça change. S'il voulait la persuader de repartir, il savait qu'il devrait se montrer plus convaincant que quelques réponses laconiques. L'image encore nette de Marshall et le goût irréel de la poussière sur sa langue eurent raison de ses dernières défenses. Reculant comme s'il titubait, il laissa son dos partir à la rencontre du mur du salon et glissa jusqu'au sol. Jambles pliées devant lui, il savait que ses mains mises en porte-voix ne cachaient rien des larmes qui roulaient sur ses joues d'un blanc cadavérique.
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C’est exactement pour cette raison que Charlie ne veut pas s’attacher. C’est exactement à cause du fait qu’elle ressente son cœur s’emballer dans sa poitrine et que son inquiétude l’empêche de dormir qu’elle refuse d’avoir des gens auxquels elle tient dans sa vie. Pendant tout le temps qu’elle met à aller chez Lewis, elle ne peut que se perdre dans sa tête et se poser des milliers de questions. Il a enfin compris qu’il valait mieux, ou alors il lui est peut être arriver quelque chose, ou alors il a chopé la grippe lui aussi. Il y a tellement de possibilités et un message, juste un seul message aurait suffit à apaiser Charlie un minimum. Mais au lieu de cela, elle a le droit au silence radio depuis maintenant six jours complets. Les premiers jours elle n’en a rien pensé de mal de ne pas avoir de réponse, puis le quatrième jour est arrivé, et le cinquième et maintenant elle ne tenait plus en place. Elle a juste besoin de savoir qu’il est vivant, qu’il va bien. Elle sait qu’il ne lui doit rien, ils ne sont qu'amis, mais un message ça ne coûte rien !

La première chose qu’elle se laisse exprimer quand elle aperçoit Lewis apparaît à la porte, c’est sa colère. Est-il si égoïste qu’il ne peut pas imaginer que quelqu’un puisse s’inquiéter pour lui ? Si égoïste qu’il ne puisse pas prend une minute à un message, juste un putain de message ? Alors elle lui crie presque dessus. Seulement une seconde plus tard, c’est l’inquiétude qui prend le dessus quand il murmure un simple ‘désolé’ et elle se sent soudain mal pour avoir débarqué avec une telle violence. Elle remarque son visage tiré, ses yeux rouges, comme si il venait de pleurer, et entouré de cernes. Immédiatement elle lui demande ce qu’il se passe, parce qu’elle voit bien que ça ne va pas, ça ne va pas du tout. Il ne faut pas être devin pour le voir. Charlie ignore la petite pointe de déception qu’elle ressent en se disant que Lewis n’avait même pas pensé à lui envoyer un message pour lui dire qu’il avait besoin d’elle. Après tout, ce n’est pas le type d’amitié qu’ils ont. Ils ne parlent pas de ce genre de choses. Lewis et elle ce n’est pas une amitié qui va aussi profonde. La lèvre inférieure de l’ancien militaire se met à trembler alors qu’il lui dit qu’il n’a rien. Il est vraiment mauvais menteur et Charlie se retient de venir l’envelopper dans ses bras. Elle s’attend à ce qu’il recule et lui ferme la porte au nez, mais il est hors de questions qu’elle le laisse ainsi. Même si il n’avait pas pris soin d’elle quand elle était malade elle serait restée aujourd’hui. Et puis pendant quelques secondes Charlie ne sait pas quoi faire alors qu’il recule et se laisse glisser contre le mur. Il parait si… Petit, si vulnérable à ce moment-là et son cœur se brise en le voyant comme cela. C’est le moment de prendre sur toi ma petite, elle se dit en prenant une respiration.

Charlie ne réfléchit même pas et pénètre dans l’appartement, retire ses chaussures avant de verrouiller la porte derrière elle. En quelques secondes seulement, elle est accroupie en face de lui. “Lew…” Elle murmure, la voix sûrement la plus calme qu’il ne l’est jamais entendue. Elle ne pense pas au fait qu’elle vient de baisser toutes ces gardes, qu’il va découvrir le genre de personne qu’elle est vraiment derrière toutes ses remarques sarcastiques. Ce n’est pas à propos d’elle, c’est à propos de Lewis, et elle se doit d’être là pour lui. Elle hésite un moment à venir poser sa main sur son bras, elle sait que dans ce genre de situation il y a deux réactions qu’un contact physique puisse avoir. Soit cela allait l’encrer à la réalité et l’aider à revenir vers elle, soit cela allait faire le contraire et il pouvait avoir une réaction surprenante au contact. “Lew, regarde-moi…” Demande-t-elle doucement. Elle attend qu’il lève les yeux vers elle et ce qu’elle y voit la secoue un peu, mais elle n’en montre rien. “Respire avec moi, okay. Je vais prendre ta main d’accord ? Pour te guider.” Elle vient alors délicatement prend sa main et la pause dans la sienne pour que sa paume soit vers le haut. De son autre main, elle vient doucement faire glisser un doigt dans sa paume de haut en bas avant de reprendre la parole. “Suit les mouvements pour respirer, okay. Tu es en sécurité ici, c'est juste toi et moi. Dedans… Dehors…” Elle ne lâche jamais son regard du sien et le guide doucement pour respirer, prenant elle aussi de longues et calmes respirations. Elle n’est pas sûr que cela va marcher, mais avec elle ça fonctionne, alors autant essayer...
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Au-delà de la soif et de la fatigue que pouvait ressentir un soldat mobilisé des heures durant, la culpabilité était certainement le pire des venins. Et il le rongeait de l'intérieur, sans relâche, depuis qu'il était rentré de sa dernière opération. Une infection lente qui était en train de gangréner. En une fraction de seconde, Lewis avait tout perdu : de son meilleur ami à son engagement aveugle au sein de l'armée. Abandonner l'armée le mettait en position de déshonneur mais s'il y restait, c'était lui-même qu'il finirait par trahir. La perte était colossale, à hauteur des gémissements qui se bloquaient dans sa gorge. Cette nuit, il avait tout revécu - comme une punition éternelle à laquelle il n'échapperait pas. Des doutes de Marshall concernant la mission aux siens pour la tempête de sable qui ne s'était pas calmée, de leurs jambes arquées alors qu'ils avançaient à découvert, des premières détonations, des ordres dans son micro alors qu'il était allongé à même le sol se demandant combien d'hommes de l'unité venaient de tomber. Il revivait surtout l'incapacité de son corps à le porter de nouveau, l'impuissance qui lui écrasait la poitrine.

La colère qu'il lisait dans les yeux de Charlie lui passerait presque au-dessus tant son combat était ailleurs. Dans sa tête, dans son corps, dans ses souvenirs. Dans un monde de conflits qui était l'opposé de la vie qu'il connaissait maintenant. L'ancien soldat voudrait avoir la force de demander à Charlie de partir mais, soudain aphone, il est incapable d'émettre le moindre son. Alors que ses traits sont déformés par le chagrin, l'arrière de sa tête vint se cogner à plusieurs reprises contre le mur, volontairement. La voix de Charlie lui paraît lointaine, comme si leurs réalités ne coïncidaient pas. D'ordinaire, il attendait que les crises passent d'elles-mêmes sauf que cette fois-ci, il n'était pas seul. Il ne pouvait pas faire comme si les 5 dernières minutes n'avaient jamais eu lieu. Charlie l'avait vu tel qu'il était, avec toutes ses vilaines aspérités. Le regard toujours dans la vague, comme un drogué après une dose trop forte ; il leva cependant ses pupilles vers Charlie. Deux points marrons qui se fondaient avec ses souvenirs des caisses de minution qui étaient gardées sous haute surveillance au camp.

Il sentit la main de Charlie épouser sa propre paume tremblante. Si son premier réflexe aurait été de retirer la sienne, il la laissa faire. Ereinté qu'il était de lutter jour après jour ; contre son mal-être, contre lui-même, contre Charlie aussi. Sa respiration toujours saccadée faisait s'élever sa poitrine à un rythme soutenu. Il ne devait pas perdre pied. Les lignes que Charlie dessinait sur sa peau détournèrent son attention. De sa main libre, il s'essuya mollement la salive qui s'était accumulée près de sa bouche. Il n'avait jamais été aussi vulnérable qu'en cet instant, sa détresse offerte sur un plateau. Ses paupières lourdes ne restaient ouvertes que pour suivre les indications de Charlie. Il écoutait sans rien dire, comme le bon soldat qu'il avait toujours été. Au bout de quelques minutes, ses inspirations s'espacèrent et l'étau qui enserrait son crâne sembla se distendre. La crise était en train de s'éloigner et Lewis prenait soudain conscience qu'elle aurait duré bien plus longtemps si Charlie n'était pas intervenue. Tout ce qu'il avait mis un point d'honneur à passer sous silence n'avait plus désormais plus rien de secret pour Charlie. Merci, laissa t-il échapper, son regard encore hagard vagabondant entre l'image de leurs mains liées et les yeux foncés de Charlie. Avec un seul mot, il espérait qu'elle comprendrait tout ce qu'il cherchait à lui dire. Merci d'être venue. Merci d'être auprès de moi depuis un an. Merci d'avoir aidé un soldat à terre. Sa main, jusqu'à présent inerte, se referma doucement sur les doigts de Charlie. Merci d'être venue, jugea t-il bon d'ajouter alors qu'il sentait des gouttes de sueur perler dans son dos. Se perdre dans le regard inquiet qu'elle lui renvoyait était une alternative bien meilleure. Je suis désolé, souffla t-il ensuite, pris d'un ultime sanglot. Je voulais pas, Charlie... Sa phrase resta en suspend mais il savait qu'elle comprendrait. Il ne voulait pas qu'elle le découvre comme ça, sous son jour le plus crû.

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Lorsque la colère disparaît, Charlie se surprenant à la manière dont elle réagit face à la situation. Elle sait toujours dit que si ce genre de choses arrivait un jour elle serait la première à partir, à fuir les lieux parce qu’elle ne saurait pas comment gérer la personne en face d’elle et pourtant, elle fait tout le contraire. Elle se concentre complètement sur Lewis qui est à présent assis contre un mur de son appartement et malgré son cœur qui bat bien trop vite dans sa poitrine, elle reste calme. Son cœur s’emballe non pas pour elle, mais pour lui, parce qu’elle s’inquiète de ce qu’il est en train de vivre dans sa tête et elle n’ose même pas l’imaginer. Vu son état, ce n’est rien de bon et vu les traces qu’elle avait aperçu sur son torse quelques minutes plus tôt, elle se doute même que c’est pire que ce qu’elle a pu s’imaginer. Mais ce n’est pas le moment d’y penser. Elle se concentre sur Lew, et s’en prendre le temps de réfléchir, elle fait ce que son instinct lui dicte. Elle s’accroupit au sol face à lui et plante son regard dans le sien avant de prendre le plus doucement possible la main de l’homme en face d’elle. Elle remarque un léger rictus sur son visage qui disparaît presque aussitôt qu’il apparaît et elle ne serre pas sa main pour lui laisser le choix. Lorsqu’il ne la retire pas, elle vient doucement commencer à y faire monter et descendre son doigt dans sa paume, tout en y calant sa propre respiration et poussant Lewis à faire de même.

De longues minutes s’écoulent avant que le brun ne semble doucement revenir à la réalité et que sa respiration commence à se calmer. Charlie sait ce que c’est que de faire des crises de panique, elle en avait elle aussi pour des raisons totalement différentes, mais c’est la première fois qu’elle aide quelqu’un à les gérer et elle se détend un peu lorsqu’il semble s’être calmé. La vérité, c’est qu’elle déteste le voir comme ca. Elle aimerait pouvoir le serrer dans ses bras, d’aussi fort que sa petite figure le lui permet par rapport à Lew afin de pouvoir faire tout disparaître. Si il y a bien une chose pour laquelle il faut donner crédit à Charlie, c’est de faire passer les gens à qui elle tient avant elle-même. Elle aurait décroché la lune pour les gens dans sa vie, et Lewis en fait bien partie. Charlie ne répondit rien au merci murmuré du brun, mais lui adressa un sourire qui voulait tout dire. Doucement, la main de Lewis se referma alors doucement sur la sienne et Charlie se détend davantage. Elle n’a pas eu peur pour elle, elle sait qu’il ne lui ferait jamais rien, elle le sait, mais elle a eu peur pour lui, pour ce qu’il était en train de vivre alors elle lui donne simplement une petite pression en retour. Elle s’assoit en face de lui, remarquant finalement qu’être accroupi n’est pas la position la plus confortable et que ses jambes commencent à avoir des crampes alors qu’il reprend la parole. Encore une fois elle lui adresse un sourire et secoue doucement la tête. “T’as pas à me remercier.” Mais elle à peine fini de lui dire cela qu’il commence à s’excuser. “Eh, eh…” Elle se glisse plus proche de lui et sa deuxième main vient doucement se poser sur l’un de ses genoux qu’il a toujours contre lui. “Tu n’as pas à t’excuser okay ?” Les pouces de ses deux mains se mettent alors à caresser la main et le genou de Lewis dans un geste réconfortant. C’est la première fois qu’ils se touchent ainsi, qu’ils sont aussi proches l’un de l’autre et pourtant ça parait si… Naturel. Comme deux pièces de puzzle qui s’emboîtait parfaitement. Charlie n’est pas sûr de pouvoir se passer de cela à présent. “Je suis là, et je vais nulle part.” Elle cherchent ses yeux, les trouvent et lui adresse un sourire, résistant l’envie de venir repousser la mèche de cheveux qui lui tombe sur le front. “Jamais…” Elle ajoute dans un murmure.

Un silence s’installe entre eux, mais bizarrement ce n’est pas désagréable, loin de là. Charlie ne le laisse pas, lui laissant encore reprendre ses esprits, ses pouces toujours en action contre sa peau de main et son pantalon de pyjama. Ce n’est qu’au bout d’un moment qu’elle fini doucement par bouger. “Reste là.” Elle se lève, se fraye un chemin vers la cuisine et ouvre le frigo pour y trouver la boisson la plus sucrée possible. Du jus de raisin. Elle en sert un grand verre, ainsi qu’un grand verre d’eau avant de revenir vers Lewis qui n’a pas bougé. Elle lui tend le jus et pause le verre d’eau à côté de lui. “Tiens, bois ca. Le sucre va te faire du bien.” Elle se réinstalle ensuite par terre, mais cette fois-ci elle se place à côté de lui, son dos contre le mur, son épaule contre celle de Lewis et doucement elle vient reprendre la main qu’il a de libre. “Est-ce que…” Elle hésite, ils n’ont jamais été aussi proches mentalement non plus. “Est-ce que tu veux en parler ?” Elle ne le forcera pas, jamais.
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Un an et demi qu'il avait arrêté le terrain mais la bataille faisait toujours rage, à l'intérieur. L'impuissance qui l'avait tenaillé lorsque son dos s'était écrasé sur le sol désertique, plus comme une poupée de chiffon que le soldat aguerri qu'il était, était toujours là. Elle avait pris l'avion de rapatriement avec lui, elle avait nargué les médecins de la base - bien conscients qu'il n'allait pas bien. Coleman était plus fort que ça, c'était ce qu'il se répétait comme une litanie. Il tentait de maîtriser les souvenirs autant qu'il le pouvait, notamment à coups de poings rageux dans le sac de sable suspendu à la salle, mais il arrivait souvent qu'ils prennent le dessus au moment où ses défenses étaient à terre : lorsqu'il dormait. Le décès de Marshall était son épisode des tours jumelles à lui, le jour de l'effondrement.

Les doigts de Charlie réagirent au mouvement des siens ; le fait qu'elle le laisse faire lui permit de se détendre un peu plus. Sa tête, posée contre le mur, lui semblait peser une tonne. La regarder s'asseoir face à lui, nu de tout artifice, lui inspirait des sentiments mitigés d'angoisse et de soulagement. Bien sûr que si, dit-il d'une voix rendue rauque par les pleurs et le manque de sommeil. La remercier était tout ce qu'il pouvait faire dans son état. Lewis se laissa aller à la sensation nouvelle mais étonnement familière de la main de Charlie sur son genou. Outre la douleur qu'il ressentait actuellement, ce contact l'ancrait dans la réalité. Une vie dont elle faisait partie. Il se tut et déglutit en songeant que Marshall l'aurait certainement apprécié. Comme pris en faute, il sentit une bouffée de culpabilité remonter. Il n'avait le droit de faire subir ça à personne si ce n'était lui-même. Charlie devrait être la première et dernière à assister à ce type de scène. Plongeant dans les yeux de Charlie comme on ferait un plongeon vertigineux depuis le haut d'une falaise, il esquissa un sourire. Le plus sincère qu'il ne lui ait jamais adressé. D'accord, opina t-il du chef sans chercher à la repousser.

Là où les bruits d'explosion prenaient le pas sur le reste de ses sens pendant qu'il dormait, Lewis prit soudain conscience du silence qui régnait dans son appartement. Pas un son dans le couloir, ni dans le réseau de chauffage. Juste leurs deux respirations. Charlie, l'appela t-il alors qu'elle s'orientait vers la cuisine - ouvrant la porte du frigo avec la même aisance qu'elle avait ouvert celle de son coeur. Tu n'as pas à faire ça, lâcha t-il péniblement. Ses muscles, sa tête et sa gorge le faisaient souffrir. Elle déposa un jus de raisin devant lui, signe qu'elle ne l'avait pas entendu ou qu'elle n'avait pas voulu l'entendre. Elle s'installa à ses côtés, leurs épaules se retrouvant comme la dernière fois - sur le canapé de Charlie. Son regard fut attiré par le liquide doré qui flottait dans le verre qu'elle lui avait apporté et de nouveau, il lui laissa le champ libre lorsqu'elle prit l'initiative de lier leurs mains. Un nouveau signe qu'aucun retour en arrière ne serait possible. Désormais, elle savait.

Non, rétorqua t-il aussitôt, aussi essoufflé que s'il venait de courir un marathon. Je pensais que ça irait mieux en partant en trail, ça fonctionne bien d'habitude... Mais pas cette fois. Il avait murmuré les derniers mots parce qu'il lui coûtait d'admettre qu'il avait des faiblesses. D'importances faiblesses. Et la personne qui se tenait à ses côtés en était une de plus. Sa main libre s'empara du verre avec fébrilité, portant le liquide sucré à ses lèvres. La seconde, toujours au corps à corps avec celle de Charlie, semblait mieux s'en sortir. Ses vêtements le collaient de partout, y compris le T-shirt qui était encore propre dix minutes plus tôt. Je vais me lever, annonça t-il en délaissant soudain la main de Charlie pour prendre appui sur le sol. Elle se leva de concert pour lui faire face et le silence s'installa de nouveau. Elle était trop près de Coleman, dans tous les sens du terme. Ils s'échangeaient des regards muets alors que leurs mains semblaient encore se chercher, leurs doigts se frôlant régulièrement sans jamais oser s'approcher sérieusement. A mesure qu'il reprenait le contrôle, il relevait une par une les barrières qu'il avait établi avec Charlie. Il faudrait que j'aille prendre une douche. Ce sera rapide, annonça t-il doucement, éloignant ses mains de la tentation que représentaient celles de Charlie. L'angoisse s'était imprégnée dans les fibres de ses vêtements.
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Charlie ne sait que trop bien combien de temps peuvent rester les traumas. Elle n’a jamais réussi à guérir des siens, du moins pas complètement malgré les années. Cela fait depuis ses quinze ans que Charlie n’a pas vus ses parents biologiques, ses géniteurs comme elle les appels et neuf ans qu’elle a quitté le système pour se créer sa propre vie et pourtant elle continue de faire des cauchemars et des crises d’angoisse. Alors elle se doute bien que ce n’est pas en un an et demi que Lewis peut tourner la page sur quelque chose qui lui a laissé autant de cicatrices mentales ou physiques. Elle a vu son torse parsemé de marques et elle voit aussi son esprit se battre contre les souvenirs. Elle n’ose même pas imaginer ce qu’il revit en ce moment, et elle ne veut pas l’imaginer. Elle se concentre sur Lewis, juste sur lui pour essayer que sa respiration se calme et qu’il finisse par se sentir plus apaisé. Elle se demande combien de gens savent à propos de son traumatisme et combien lui ont tourné le dos à cause de cela. Elle ne pas une de ces personnes, c’est hors de question. Dans le fond, Charlie n’a pas le moindre doute que si la situation était inverse, Lew n’aurait même pas hésité une seule seconde pour faire ce qu’il fallait pour elle. Elle est quelqu’un de bien, elle le sait et la simple idée de ne pas être plus présent pour lui et de se rendre compte seulement maintenant de ce qu’il vit la met un peu en colère contre elle-même. Elle aurait dû être une meilleure amie, depuis le début.

Charlie serre sa main en retour et le regarde doucement s’encrer dans la réalité. Ses cheveux sont en bataille, une mèche collant cependant à son front à cause de la transpiration et son tee-shirt est mouillé, mais elle ne fait pas le moindre mouvement de recul, bien au contraire. Elle caresse doucement du bout des doigts sa main et son genou, refusant pour le moment de couper ce contact qui a l’air d’apaiser Lew, et qui l’apaise elle aussi à vrai dire. Combien de fois l’ancien militaire a-t-il traversé cela tout seul ? Elle murmure alors une promesse. Elle est là, et elle ne va nul part, même si elle devait rester des heures ou des jours à ses côtés. Charlie tient à Lewis, plus qu’elle ne veux se l’admettre et c’est à ce moment-là qu’elle s’en rend compte, quand elle sent son cœur se fendre en le voyant ainsi. Doucement, après un moment, elle finit par se lever pour aller dans la cuisine cherche quelque chose à boire. Un peu de sucre l’a toujours aidé après une crise de panique. Elle ne sait pas vraiment ce que Lewis fait en général mais elle essaye ses propres méthodes. Elle l’entend dire qu’elle n'a pas faire ca, et décide de ne pas répondre. Elle sait qu’elle n’a pas à faire cela, ou même à être là, mais elle en a envie, elle en a besoin. Elle revient avec un verre de jus et un verre d’eau et se poser à nouveau à côté de lui, immédiatement et presque automatiquement, sa main vient à nouveau se refermer sur la sienne.

Charlie se doute de la réponse avant même de l’avoir posé. Elle se doute que Lewis n’a pas envie de parler de ce qu’il traverse et elle ne peut pas vraiment lui en vouloir quand elle-même ne s’est jamais ouverte sur ses propres traumas. Elle aurait aimé qu’il s’ouvre et se confie, mais comme elle s’y attend, l’opposé se produit. Il se renferme. Cela lui pince le cœur et une partie d’elle se dit qu’elle ne compte pas assez pour lui pour qu’il s’ouvre de toute façon. Ce n’est pas l’amitié qu’ils ont. “D’accord…” Répond-elle simplement quand il parle de son trail et elle comprend que c’est pour ca qu’il n’a pas donné de nouvelles. “C’est pour ca que tu me répondais pas ?” Son ton est calme, doux même, quelque chose que Lew n’a pas vraiment l'habitude de voir, et elle se doute encore une fois de la réponse. Lorsque le brun décide de se lever, elle suit le mouvement. Elle l’observe mais elle remarque qu’il se renferme encore une fois et involontairement son index vient doucement effleurer le sien. C’est comme si il recherche le contact tout en la fuyant. Comme si il ne sait pas vraiment comment agir et encore une fois, elle se retient de se venir le prendre dans ses bras. Charlie n’a jamais été vraiment tactile, mais pourtant avec lui, tout semble lui donner envie de ce contact, elle a besoin de ce contact. “D’accord. Vas-y, je reste là.” Elle lui adresse un sourire tendre, ce genre de sourire qu’elle ne lui a jamais donné auparavant, qu’elle n’a jamais donné à personne d’ailleurs. Elle le regarde s’éloigner avant de pousser un long soupir, avant d’attraper les verres au sol et de commencer à ranger un peu autour d’elle. Il faut qu’elle reste occupée pour ne pas penser à ce qu’il vient de se passer.

De longues minutes plus tard, après avoir rangé un peu et faire des œufs brouillés, elle le voit réapparaitre. “Hey… Tu te sens un peu mieux ?” Lui demande-t-elle parce qu’elle sait qu’il ne peut pas se sentir bien après tout ca. “J’me suis permis de te faire un petit déjeuner.” Elle lui désigne la poêle avant de les mettre dans deux assiettes. “J’me suis dit qu’on pourrait se faire une journée tranquille. Regarder quelques films débiles. Peut-être voir si tu me battre à Mario Kart.” Charlie lui adresse un sourire, son doigt venant doucement tapoter son avant-bras et elle espère au moins le faire sourire. Elle ne veut pas partir, elle ne veut pas le laisser.
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Somalie, Afghanistan, Lybie, Irak... Coleman avait fait le tour du globe pour plusieurs vies. Jusqu'à l'intervention de trop. Encore aujourd'hui, les réminiscences du Sahel pesaient plus sur lui que tous les paquetages qu'il avait eu à porter au cours de sa carrière militaire. Ses mains étaient aussi moites que le reste de son corps ; ses angoisses le lessivant plus qu'un week-end entier passé à tracer son chemin en pleine nature. Lewis savait qu'il devrait consulter tôt ou tard plutôt que de laisser la situation dégénérer ; il portait une arme lorsqu'il était en tenue de convoyeur. Les crises ne s'étaient, pour le moment, que déclenchées pendant la nuit. Mais si ce n'était pas toujours le cas ? Pendant des années, Lewis n'avait écouté que d'une oreille distraite les histoires qui se racontaient autour des jeux de cartes qu'ils sortaient au campement, en fin de journée. Des noms de soldats ou d'anciens enrôlés raillés parce qu'ils avaient vrillé. Même si personne n'osait prononcer le mot, le TSPT avait mauvaise presse dans les rangs. A son retour, Lewis avait tout tenté pour étouffer ses émotions dans l'oeuf mais plus les mois passaient, plus il redoutait l'intensité de la crise suivante. Lewis était comme balloté au gré du vent, emporté par la tempête des souvenirs à chaque fois qu'ils se présentaient. Et le réveil était toujours le début d'une descente aux enfers.

Oui, c'est pour ça, précisa t-il d'une voix aussi faible que la sienne. Dans les faits, il se coupait de tout le monde - Charlie n'était pas un cas isolé. A aucun moment, il n'avait jamais été ne serait-ce que tenté d'évoquer ses angoisses avec Charlie. Parce que tant que personne n'en parlait, il n'était pas vraiment malade. Tant que personne ne savait, on ne le regardait pas différemment. Il avait trop à perdre si ça se savait, à commencer par ce qu'ils avaient avec Miles. Ses paupières s'abaissèrent brièvement lorsque l'un des doigts de Charlie frôla sa main. Elle était le contact dont il ne pensait pas avoir besoin. Lewis resta un moment interdit, l'écoutant lui accorder le temps nécessaire pour une douche mais sans vraiment l'entendre. Qu'elle reste, il fut bien tenté de lui dire qu'il n'attendait que ça mais se contenta de hocher de nouveau de la tête. Je reviens, souffla t-il simplement sans quitter son sourire des yeux. Une façon de lui dire aussi qu'il était toujours le même Lewis et qu'il essayerait de revenir au mieux de sa forme, dès qu'il serait prêt. Il fit un détour par sa chambre pour récupérer un jean et T-shirt immaculé avant de refermer la porte de la salle de bains sur lui. L'écho de la vaisselle dans la cuisine se mêla bientôt à celui du pommeau de la douche d'où jaillissait une eau tiède balayant la sueur de son corps meurtri. Visage tourné vers l'eau, il inspira en conservant ses yeux fermés. Il ne reconnaissait pas la Charlie qui l'attendait dans la pièce d'à-côté, un constat qui l'alertait pour la plus simple des raisons. Elle avait autant d'attrait que la version caractérielle qu'il côtoyait depuis un an. Le savon termina bientôt sa course sur le revêtement antidérapant. Lewis s'empara d'une serviette avant d'enfiler son pantalon et son haut. Mais mis à part la tenue, celui qui se tenait face au miroir était le même homme. En surface seulement.

ça va mieux, confirma Lewis qui avait senti l'odeur des oeufs dès qu'il avait ouvert la porte de la salle de bains. Je ne suis pas certain d'avoir besoin de tout ça, Charlie, ajouta t-il avec un regard vers son assiette, un sourire discret sur les lèvres. Sa seule présence lui apportait bien plus que tout ce qu'il pourrait avaler. Et l'appétit était rarement au rendez-vous lorsqu'il démarrait ses journées de cette manière. Mais merci, finit il par dire en s'asseyant. Il s'appliqua à picorer dans la généreuse portion que Charlie avait préparé à son attention. Elle lui suggérait vraiment qu'il la batte à son jeu fétiche ? Son index posé par intermittence sur son avant-bras le fit quitter le plat des yeux. En plus d'un an, je crois que je ne t'ai jamais entendu suggérer que je puisse te battre à Mario Kart. Il était là le premier changement, elle était en train de le ménager. Pourquoi pas, je te laisse choisir le film. Ce serait trop facile pour toi de gagner à la console aujourd'hui. Seul le bruit de leurs couverts résonna pendant quelques minutes. L'appétit était venu avec le premier mouvement de fourchette, l'assiette de Lewis était désormais vide. Charlie s'était levée la première pour déposer sa vaisselle dans l'évier, prête à récupérer celle de Lewis au vol. Je vais m'en occuper, dit Lewis en passant derrière Charlie, son torse épousant son dos alors qu'il se penchait pour prendre l'éponge. ça m'occupera et tu en assez fait, vraiment. Une réponse soufflée dans une proximité involontaire, à plusieurs centimètres de l'oreille de Charlie.

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Oui, c’est pour ca, Lewis confirme quand Charlie lui demande si c’est à cause de ses souvenirs qu’il n’a pas donné de nouvelles depuis maintenant six jours. Elle se doutait de cette réponse, elle le connaît assez pour savoir que si il ne donne pas de nouvelles c’est qu’il y a une raison mais elle à presque envie de lui dire qu’il aurait dû lui dire, il aurait dû lui écrire et elle serait venu bien plus tôt. Mais tout comme Lewis, Charlie non plus ne sait pas demandé de l’aider quand elle en a sûrement besoin, alors elle ne peut pas lui en vouloir d’avoir juste disparu pendant quelques jours. L’essentiel c’est qu’il soit ici, en chair et en os, vivant. C’est tout ce qui compte pour elle. Pendant quelques secondes elle se rend d’ailleurs compte qu’elle ne sait pas comment elle gérerait sa vie si Lewis en venait à disparaître. Il fait à présent partir de son quotidien et elle refuse de s’imaginer sans lui, sans cet homme qui supporte ses humeurs compliquées, ses murs qu’elle s’est construit et ses répliques des fois un peu trop dures. Est-ce que c’est pour cela que Lewis n’a pas demandé d’aide ? Elle est tirée de ses pensées quand Lewis lui annonce qu’il revient et elle hoche la tête en le regardant partir. Elle attend d’entendre l’eau se mettre à couler pour s’appuyer contre le comptoir de la cuisine et prendre une grande respiration. Fuck, il lui a vraiment fait peur. Elle se rend alors compte que ses mains tremblent légèrement et elle prend le temps de calmer son cœur qui bat toujours à tout rompre dans sa poitrine. Elle devait être là pour lui, plus que jamais et pour les années à venir. Ce n’est même pas une question.

Lorsque Charlie voit Lewis finalement revenir, il a l’air un peu plus calme malgré les cernes toujours visible et ses traits toujours un peu déformés. Il reste Lewis. Elle lui demande si il se sent un peu mieux et elle lui adresse un sourire quand il confirme que oui avant qu’elle ne pousse une assiette remplie d’œufs brouillés vers lui. Si il avait pris soin quand elle était malade, c’est à présent à son tour de prendre soin de lui alors qu’il ne va pas bien et d’être sûr qu’il mange et boit assez. “Il faut que tu manges, ça va te faire du bien. Ça fait toujours du bien après ce genre de nuit.” Elle lui explique. C’est fou comme il est plus facile de prendre soin de gens qu’on aime que de prendre soin de soi-même. Charlie a toujours eu tendance à faire passer ses proches avant elle, même lorsqu’elle vivait encore avec des parents drogués et alcoolique, alors qu’elle ne sait pas prendre soin d’elle. Tout ce qu’elle fait pour Lewis, elle ne le ferait pas pour elle-même. Elle le regarde manger doucement, tout en mangeant un peu aussi, n’ayant rien avaler depuis la veille au soir à cause de son inquiétude. Pour essayer de détendre un peu l’atmosphère, elle propose une soirée film et Mario Kart. Elle pointe alors sa fourchette vers lui et avec un sourire aux lèvres elle lui lance une pique, espérant qu’il ne le prendrait pas mal. “Parce que c’est impossible de me battre, je suis bien trop forte, mais tu peux toujours essayer. Et puis je te rappelle que la dernière fois tu as cruellement pris avantage de mon état pour me battre.” Elle lui adresse un sourire taquin, en scrutant son visage pour une réaction. Elle sait le chercher et le taquiner sans être trop dur, mais elle se dit aussi que le traitait avec des pincettes n’est pas une bonne idée. Si quelqu’un lui avait fait ca à elle, elle les aurait sûrement fait dégager de chez elle vite faite bien fait. Cela ne change pas qui Lewis est. Au contraire, elle a l’impression d’être encore plus proche de lui, plus connecté et elle aime vraiment cela.

Charlie fini par se lever pour récupérer les assiettes et les emmené dans l’évier. Elle n’a même pas le temps d’attraper l’éponge que Lewis est debout, l’éponge en main et son torse collé contre le dos de la brunette. Pendant quelques secondes elle sent sa respiration se couper et son cœur s’emballer dans sa poitrine. Cette fois-ci elle est bien consciente que ce n’est pas parce qu’il va mal ou que le contact lui fait peur, c’est le contraire. Elle aime le sentir contre lui. Son torse est chaud, et c’est presque comme si elle s’y intègre parfaitement, comme si elle y a sa place… Sans réfléchir, vraiment sans réfléchir, elle se retourne en reprenant la parole. “Okay…” Erreur. ERREUR ! Elle relève les yeux vers son visage et maintenant qu’elle se retrouve face à lui elle réalise que son visage est extrêmement proche. Leurs corps se touchent [i]parfaitement[i], ses mains effleurant les flancs musclés de Lewis et elle parait si petite à côté de lui, sa tête lui arrivant aux épaules. Ses yeux se perdent dans les pépites bleu azur de Lewis avant de descendre vers son nez si parfaitement, sa barbe parsemée de roux et de quelques taches de blancs pour finir sur ses lèvres, si rouge, si attirant… Et puis soudain c’est comme si Charlie reçoit une décharge, elle a un moment de recul, son dos se heurtant un peu trop fort contre l’évier derrière elle et elle murmure “Je vais… J’vais aller choisir le film alors.” Et juste comme ca, le moment est brisé et Charlie s’éloigne vers le salon, essayant de comprendre ce qu’il vient de se passer…
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D'être restés crispés ce qu'il lui apparaissait à chaque fois comme une éternité, ses muscles en étaient devenus aussi douloureux que sensibles. Avant sa douche, le simple contact du pyjama sur sa peau moite et irritée lui donnait même l'impression dérangeante que des corps étrangers - comme des grains de sable - y avaient élu domicile. A l'image des minuscules feuilles et copeaux qu'il retrouvait dans les plis de ses tenues de randonnée. Ce genre de nuit ? Fourchette en main - prêt à entamer l'un de ses oeufs, le geste de Lewis se figea alors qu'il détaillait Charlie. Lui renvoyant le même regard alarmé que celui qu'elle posait sur lui à cet instant. Si Lewis encaissait la violence des crises, les unes après les autres ; l'idée que Charlie puisse connaître des nuits similaires l'inquiétait. Bien au-delà de son propre sort. Il garda le silence et résista à l'envie soudaine de recouvrir de sa main le doigt qu'elle venait de déposer sur son avant-bras. Depuis qu'il connaissait Charlie, la raison de Lewis et son affection pour elle semblaient vouloir le mener vers des rives opposées. Pris dans les rapides de son indécision la concernant, il luttait pour ne jamais dépasser les limites de leur amitié.

Même si ça manque d'épices et donc de saveur, je mettrais un 3 pour l'effort, souffla t-il d'une voix enrouée, dessinant un parallèle évident avec la soupe qu'il avait préparé pour elle quelques jours plus tôt. Les lèvres de Coleman se relevèrent en un sourire mesuré. Je plaisante, ça faisait bien longtemps que je n'avais pas mangé un vrai petit-déjeuner. Merci, ajouta l'ancien militaire. Il ne gérait jamais les crises, c'était elles qui prenaient le dessus. Et comme lorsque des nuages noirs se rassemblaient en amas cotonneux dans le ciel, il attendait que l'orage passe en espérant ne pas se retrouver en dessous au plus gros de la tempête. Contrairement à toi, j'étais dans un bon jour, tenta t-il de plaisanter. Il avala une nouvelle gorgée de jus de raisin pour estomper la sécheresse qui lui prenait la gorge. Compte sur moi pour retenter l'expérience mais un autre jour, répondit il, son assiette presque vide.

Un P320 de Sig Sauer n'aurait même pas pu tenir dans le mince espace qui les séparaient désormais. Pourtant, pendant un bref moment de perdition ; ça lui parut encore trop. Sans qu'il n'ait eu le temps de reculer, Charlie s'était déjà tournée vers lui. Comme un papillon de nuit attiré par la lumière, les prunelles de Lewis s'arrimèrent à celles de Charlie sans qu'il n'ait envie de regarder ailleurs. Tel un pansement inattendu, la chaleur du buste de Charlie appuyé contre son torse irradia jusque sous son T-shirt. Apaisant momentanément ses douleurs. La fatigue de ces derniers jours sembla se concentrer dans les lèvres de Lewis alors qu'elles se scellaient, incapables de remuer. Son attention dévia vers les lèvres dessinées de Charlie, la seule cible qu'il devait pourtant se refuser. Dans un bruit mat, Charlie fit un pas en arrière - tout juste arrêtée par l'évier de la cuisine qui l'empêchait de s'éloigner davantage. Ouais, dit-il simplement, hochant la tête tout en pinçant ses lèvres sèches. Tout sauf un Marvel... s'il te plaît, ironisa Lewis alors que Charlie s'emparait de la télécommande pour lancer une plateforme de streaming.

La télévision regardait plus souvent Lewis que l'inverse. Soldat ou non, l'appel de l'extérieur restait fort et Coleman préférait le grand air au cloisonnement de son appartement. Vaisselle terminée et rangée, Lewis s'assit sur le canapé marron. Peut-être un peu loin de Charlie que d'habitude. D'un main, il attrapa un coussin pour venir le poser sur son torse et l'enserrer. La douceur du tissu qui glissait sous ses doigts avait un côté apaisant. Ses yeux papillonnèrent dès la première demi-heure de film, le noir de ses paupières closes se superposant à des fragments du film. Sa tête partit inévitablement à la rencontre du haut du canapé alors que le sommeil venait frapper à sa porte. Sans son lot de cauchemars cette fois-ci.
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