Ange changeant. Ange tombant. Je le sentais au fil des secondes qui s’écoulaient en la présence de celui qui allait tant chambouler mon existence. Je me sentais glisser peu à peu dans un univers que je pensais bien trop oublié depuis des années. Je me sentais lentement sombrer dans une vie que j’avais toujours mis de côté depuis le décès de mon mari. Ça avait été mon choix. Ça avait été mon désir. Ça avait été ma conduite de vie. Une conduite que Yohan venait renverser petit à petit au fil des jours qui passaient. Je le savais. Je le sentais. Une partie de mon être me criait de fuir. Là. Tout de suite. Il fallait fuir avant que ça aille trop loin. Pourtant, je me sentais incapable de m’en aller. Je n’avais aucune envie de m’éloigner. Je ne voulais pas fuir. Pas alors que je me sentais enfin si… Vivant. Bien. Heureux. Quand il était là, j’avais l’impression de vivre de nouveau et de me retrouver dans le monde. J’avais l’impression d’être un être vivant de nouveau et c’était si agréable. Je n’avais pas envie que cela cesse. Pourtant, quelque part, la pointe de panique refusait de se taire. J’étais effrayé à l’idée de subir un autre point final dans le futur. Je savais que je ne serais guère en mesure d’en supporter un deuxième. Je savais que je ne pourrais jamais me remettre de la perte d’un deuxième être aimé parce que, putain, ouais je sentais petit à petit les sentiments prendre de l’ampleur et je savais que, si je perdais Yohan, la fin arriverait pour moi. Ange qui ne tiendrait pas. Ange qui ne voudrait plus continuer. Un frisson parcourait mon être à cette pensée. Je préférais l’occulter. Je préférais croire que, si le destin avait mis le sauveur sur ma route, c’était fait pour durer et me laisser enfin être heureux. Je préférais croire que ça allait durer. Toujours. J’en crevais d’envie. J’étais prêt à donner ma vie pour cela. Mais, pour le moment, j’étais prêt à faire tous les efforts du monde pour faire fonctionner cette réalité. Clean. À un rendez-vous. À parler. Je faisais déjà de grands pas en avant. Pour lui. Pour cet éventuel futur. J’hochais d’ailleurs doucement la tête lorsqu’il disait qu’il avait hâte et une part de mon être savait qu’il n’aurait sans doute pas très longtemps à attendre pour découvrir ce plus qu’une sérénade. J’étais du genre beaucoup trop romantique. J’aimais beaucoup faire plaisir. Et, rien que pour voir son sourire, je pouvais le faire sans la moindre raison. Rien que pour le faire se sentir aussi heureux que lui me faisait sentir. Nous parlions de fleurs ou de chocolats et l’Ange des démons sortaient un bref instant. Il se rappelait à l’existence comme pour venir entacher le moment et faire savoir que les ombres étaient là. Difficiles à gérer. Difficiles à combattre. Prêtes à tout gâcher. Prêtes à me tuer. Je parlais d’alcool en premier lieu avant de me reprendre pour choisir le chocolat plutôt que les fleurs. Ces fleurs qui fanaient, qui crevaient. Et ça c’était trop moi. Lui retournant la question, mes prunelles suivaient ses gestes lorsqu’il relevait la manche de sa chemise. Il choisissait les fleurs et mon regard s’attardait sur la rose rouge de son bras. Ma main se tendait. Mes doigts venaient retracer les traits du tatouage tandis que je demandais « Roses rouges uniquement ou d’autres fleurs te plaisent ? » Ange réellement curieux. Ange prêt à conserver l’information et à ne jamais l’oublier. Je me plaisais à ce jeu de découverte. Je me plaisais à me laisser porter par ce moment même si je ne m’étendais pas sur le pourquoi de ma couleur préféré. Yohan lui ne se gênait pas pour mettre le bleu en relation avec mes yeux et ça me faisait sourire automatiquement. Ma tête se baissait au compliment. Je cessais soudainement de jouer l’allumeur sous la table tandis que l’impact des mots étaient réels. Je sentais mon cœur frapper plus fort. Je sentais mes joues chauffer comme ça ne l’avait plus fait depuis trop longtemps. Je percevais le sauveur qui s’appuyait sur la table. Je sentais son regard me chauffer agréablement. Déglutissant difficilement, je finissais par relever la tête. Mon regard clair trouvait le sien. Le sourire restait ancré sur mes lèvres et la question m’échappait. Ange en quête de plus que ces mots. Ange creusant un terrain qu’il n’était pas censé toucher. Ange qui se plaisait pourtant à le faire. Son rire résonnait agrandissant mon sourire. Les premiers mots me poussaient à hausser un sourcil comme pour l’inviter à m’en dire plus que cela. Et, ça ne tardait pas à résonner. Il parlait de mon sourire l’agrandissait. Il parlait de ma voix venant faire accélérer encore plus le cœur. Il parlait de mes réactions. Et, soudainement, il disait que j’étais mignon quand je rougissais. Le « F*ck… » m’échappait suivit d’un léger rire tandis que je baissais de nouveau les yeux. Je n’étais pas habitué à être autant à découvert. Je n’étais pas habitué à ressentir tout cela. Je n’étais plus habitué à ces moments. Et, bordel, je n’avais aucune envie que ça s’arrête. Mes yeux se relevaient de nouveau pour se plonger dans les siens. Et, je ne trouvais plus les mots. Je restais juste là à le fixer. Sourire aux lèvres, cœur battant trop fort, j’avais envie de l’embrasser. Mais, je n’osais même pas bouger comme si je ne voulais pas rompre cet instant magique. Cet instant qui faisait tant de bien. Ange qui vivait enfin.