chez les al-jazuli, la nuit ne portait pas conseil. loin de là; lorsqu’elle tombait, elle amenait malheurs et averses à flot, ses pleurs peinant à atténuer la braise dans laquelle berçait gafsa. les anglais l’appelait « la fontaine dans les sables » et les byzantins, eux, était sans mots face à Sa création. c'était sans parler de l'abondance minérale de son sous-sol, auxquels les phéniciens avait été longtemps étrangers.

pourtant, entre coups de feu et coups de tonnerre, la plus grande oasis de tunisie vu naître son énième joyau un après-midi de juin, un des rares diamants que l’on ne cherchait pas à polir. non, ses imperfections, à lui, charmaient. ses géniteurs en étaient bien conscients, eux qui repassaient la pierre de l’aube au crépuscule. aderfi, comme sa ville natale, était mort-né. quelconque lueur d’ambition dans un endroit pareil était vite ternie par la cupidité, l’avarice de l’humain et ses vices, trop nombreux.

considérée comme une merveille de la nature (plus ou moins) lors de son époque capsienne, gafsa était devenue au tournant du millénaire un vulgaire site minier, une ville d’une centaine de millier d’âmes où seules la pierre méritait de briller. si la brume n’était pas visible, elle était belle et bien réelle, son poids se faisant lourd sur les épaules du prolétariat impliqué dans l’extraction de la pierre.

car certes, les poètes et romanciers (et moi, dans ce court récit) parlaient de pierres précieuses parmi les plus onéreuses. mais au contraire, c’était le souffre et le phosphate que les doigts amochés d’eyad père et mère se devait de travailler. il n’était qu’un enfant, mais il rétorquait trop souvent la même réplique. « à quand quelque chose de plus brillant? » s’il savait…

eyad avait toujours eu, comme plusieurs, des prétentions un brin trop élevé pour ce qu’il représentait : un enième jeune plein de fougue et d’ambition au milieu du débris, non pas matériel, mais allégorique qui encerclait la jeunesse tunisienne. s’il était censé n’avoir d’yeux que pour une vie normale, un quotidien mondain au sein du foyer familial, eyad et plusieurs de ses compatriotes souhaitait s’envoler d’autres cieux.

ce fut sans surprise qu’au tendre âge de 13 ans, encore un enfant aux yeux de tous, le jeune berbère se mêla à la révolution face aux actes de répression populaire menée par le gourvenorat étatique. de peu, il évita le drame, s’en sortant avec une cicatrice qu’il porte sur le torse jusqu’aujourd’hui. « la marque d’un homme, » avait-il l’habitude de répondre lorsqu’on l’interrogeait sur l’origine de la cicatrice. l’orgueil masculin, dans la douleur, avait au moins le mérite d’être universel.