Dimanche 31 Octobre.

Nuit d’horreur un peu trop solitaire. Nuit de peurs foutrement trop intenses. Halloween était là amenant son lot d’événements auxquels je ne pouvais plus échapper. Contrairement à mes habitudes, je ne m’étais pas échoué dans un quelconque bar pour une soirée déguisée et des verres alcoolisés avant de finir ma nuit avec la vampire sexy du coin. Non. Cette soirée était différente. Enfin elle avait commencé de façon bien différente. J’avais reçu l’invitation pour une soirée au sein du Perkins Hotel, l’hôtel maudit d’après ce que j’avais appris. Gamin curieux qui n’avait pas su refuser. Gosse qui avait envie de vivre autre chose. Je m’étais donc rendu sur place seul vêtu d’un déguisement qui me correspondait si bien. Un déguisement qui n’était que le reflet de mon passé. Je portais ce tee-shirt et ce pantalon orange des prisonniers. Les menottes accrochées à l’un de mes poignets ne cessaient de provoquer des bruits au moindre de mes mouvements. Elles attiraient l’attention et j'aimais ça. Attirer les regards. Susciter les envies. Je portais ce déguisement que j’avais porté pour de vrai lorsque je m’étais retrouvé derrière les barreaux quelques années plus tôt. Mais ça personne ne pouvait le savoir. Ce n’était qu’un déguisement pour tout le monde. Un déguisement pour une soirée folle. Après avoir galéré un moment dans le sous-sol, il avait fallu que mon attention soit attirée par la planche de Ouija dont certains parlaient soudainement. Ange qui avait envie de croire à cette possibilité de communiquer avec les esprits. Être humain qui souhaitait contacter l’homme aimé et disparu depuis trop longtemps. Ce soir, la peur avait su jouer de ses cordes dans ce sous-sol. Et le soulagement lui n’était jamais arrivé. Il n’y avait pas de Sacha. Il n’y avait pas de communication. Il n’y avait plus aucun moyen d’échanger avec le mari décidé. Il n’y avait plus aucun moyen de l’atteindre et de le retrouver. Lui. Cet homme tant aimé. Cet époux perdu qui me manquait chaque jour. Ce garçon irremplaçable qui m’avait bien trop marqué. Déçu et peut-être bien un peu trop heurté, j’avais fini par rejoindre la fête me laissant avoir par ce côté festif pour oublier peu à peu Halloween et l’horreur censée régner ici. J’oubliais. Je divaguais. Gamin déçu de ne pas avoir pu communiquer avec le bien-aimé. Gosse heurté d’être toujours si seul ici. Espoirs envolés en un claquement de doigts. Cœur piétiné si aisément. Les verres s’enchaînaient alors les uns après les autres. Ils se mélangeaient agréablement aux douces pilules cachées dans mon déguisement qui terminaient leur course entre mes lèvres. Je terminais un nouveau verre lorsqu’une fille débarquait soudainement à mes côtés. Envoûtante sorcière qui se mettait à se frotter contre moi. Délicieuse magicienne qui m’envoûtait si aisément. Je dansais avec elle profitant de la brèche d’oubli qu’elle m’apportait. Je me laissais entraîner dans cette spirale à laquelle elle donnait vie. Et, lorsqu’elle me proposait de trouver un endroit plus tranquille, j’hochais la tête. Prêt à coucher avec cette fille. Prêt à saisir l’occasion pour qu’Halloween ne soit pas catastrophique.

Glissant ma main dans celle de la demoiselle, je l’entraînais à ma suite gravissant le premier étage. Je m’arrêtais un instant laissant mes prunelles balayer l’endroit. Et… Non, ça ne me convenait pas. Quelque chose d’inconnu me poussait à monter encore plus. Quelque chose cognait quelque part pour me dire de monter d’un étage. J’obéissais sagement débarquant au deuxième étage où je me sentais bienvenue. J’avançais le long du couloir en quête d’une pièce pour s’isoler des autres fêtards et profiter pleinement du corps à corps qui pourrait noyer tout le reste. Oublier mon Sacha le temps d’un instant. Oublier ma déception pendant un moment. Effacer Georgie encore plus au fil des corps qui défilaient dans les draps. La brunette avait déjà glissé ses mains à l’intérieur de mon pantalon rendant la quête de la chambre fichtrement difficile. Les lèvres de la belle mordaient mon cou un peu trop délicieusement. Les mains s’activaient sur le désir avec beaucoup trop de savoir faire. F*ck que c’était bon. La tête me tournait déjà. Le cœur s’emballait sous les sensations. Ma main s’abattait sur la première poignée que je pouvais atteindre. J’ouvrais la porte réveillant alors les cris de protestation. Oops, l’endroit était déjà occupé. Continuant le chemin à la vitesse de l’escargot tant j’étais obligé de m’arrêter pour reprendre mon souffle et apprécier encore plus la déchéance dans laquelle la belle m’entraînait, je finissais par ouvrir une nouvelle porte. Il n’y avait pas de bruit cette fois et je me précipitais dans la pièce suivi bien vite par la fille qui revenait à l’attaque. Elle me bousculait contre la porte fermée faisant cogner les menottes dans un bruit métallique qui me faisait sourire. La fille crochetait mon pantalon pour le faire glisser en même temps qu’elle se laissait tomber à genoux devant moi. Appuyant ma tête contre la porte, je fermais les yeux prêt à me laisser aller dans cette spirale délicieuse. Prêt à tout effacer pour ne penser qu’à ce plaisir qui allait me parcourir. Mais, soudainement, une respiration étrange se faisait entendre dans la pièce. Je n’y faisais attention que maintenant. Gamin trop préoccupé par autre chose avant. Ouvrant les yeux, je remarquais une silhouette au sol contre le lit et je ronchonnais devant cet intrus dérangeant. Bousculant un peu la demoiselle pour lui faire savoir qu’il fallait changer de pièce parce que quelqu’un se trouvait ici, je plissais des yeux pour observer l’inconnu. Un inconnu que je reconnaissais soufflant un « Georgie ? » interrogatif pour capter son attention. Lui qui ne semblait pas savoir respirer correctement. Glissant une main dans mes cheveux, les menottes tintaient à mon poignet avant que je ne remonte mon pantalon. Mes iris bleues se posaient sur la brune qui susurrait la demande d’un plan à trois. Le grondement passait entre mes lèvres foutrement incontrôlable. La porte s’ouvrait à la volée. Les doigts attrapaient le bras de la brune pour la foutre hors de la pièce en soufflant un « Dégage ! » froid. La porte claquait et je soupirais lourdement. Bordel, je détestais cette sensation de jalousie qui bouillonnait dans l’être. Je haïssais tout ce tourbillon qui valsait en moi. Face à la porte, j’avais envie de fuir. Partir en quête d’une échappatoire ailleurs. M’éloigner pour stopper la tête. M’effacer pour l’effacer lui aussi. Georgie. Ce pasteur avec qui je me retrouvais seul dans cette chambre. Ce pasteur que j’avais renvoyé chier des semaines plus tôt cessant de lui parler. Lui qui m’avait avoué un trop plein de sentiments, d’addictions, d’envies. Lui qui essayait de pousser Sacha loin du cœur. Lui que je haïssais autant que je le désirais. M’approchant avec lenteur du pasteur, je lançais « Hé Georgie, tu dois respirer correctement tu sais. » Mots lancés un peu trop froids et lointains. Gamin qui ne savait pas gérer la crise de l’autre ou peut-être qui n’avait juste pas envie de la gérer. M’installant à même le sol face à Georgie, je tirais une cigarette de ma poche pour la glisser entre mes lèvres. Iris bleutées posées sur l’homme qui m’obsédait un peu trop, je fumais avec lenteur. Chasser les obsessions. Effacer les envies. Me concentrer sur l’acte pour ne pas me jeter sur lui. Me concentrer sur le mouvement pour ne pas être le doux Ange qui n’existait que six pieds sous terre avec le mari décédé.

Déchéance ouvrant grand les bras. Ivresse s’emparant de l’être. Plaisir se dessinant sur le film à venir. La soirée semblait prendre une meilleure tournure grâce à l’envoûtante sorcière rencontrée deux étages plus bas. Elle qui s’était frottée à moi sans la moindre gêne. Elle qui avait soufflé cette invitation que je n’avais pas su refuser. Elle qui m’avait si aisément capturé. Ange docile grâce aux substances ingurgitées ce soir. Ange facile grâce aux envies cognant dans l’être. L’envie d’oublier que je n’avais pas pu atteindre le bien-aimé. Foutue planche de Ouija qui n’était qu’une connerie. La conversation avec le mari décédé n’avait pas pu se faire et quelque part ça avait fait mal. Gamin plein d’espoir qui aurait aimé lui souffler encore une fois à quel point il l’aimait. Gosse au cœur piétiné qui aurait aimé le supplier de trouver la solution miracle. Ange qui voulait simplement rejoindre le bien-aimé. Le destiné. Le seul à qui j’avais tout offert de moi. Le seul à qui je désirais appartenir jusqu’à la fin de mes jours. Il y avait aussi l’envie d’oublier le pasteur bien trop présent dans la tête. Tentation absolue qui faisait un peu trop vibrer l’être. Redoutable homme qui savait fissurer la carapace et tenter de se nicher dans le cœur qui n’était pas censé être à lui. Dangereux être humain qui pourrait peut-être me faire plier. Je ne voulais pas. Je ne pouvais pas. Trahison de l’amour bien trop élevée à mes yeux. Tromperie du cœur bien trop présente dans la vie. Alors, je voulais oublier Georgie. Effacer les longs cheveux du pasteur. Effacer ses mains sur ma peau et son corps contre le mien. Effacer son parfum et sa voix. L’effacer. Simplement. Totalement. Les corps sans saveur s’enchaînaient entre les draps pour le noyer dans la masse. Et ce soir, au deuxième étage du Perkins Hotel, je voulais envoyer Georgie encore plus proche de l’abîme de l’oubli. Ce soir, j’étais déjà bien trop fou en arrivant à cet étage tant la brune savait y faire. Nous pénétrions dans une chambre et j’étais bien trop excité de sa maîtrise si parfaite. La porte claquait. Je me retrouvais bousculé contre celle-ci. Mon pantalon se retrouvait baissé en un rien de temps tandis que l’enchanteresse se laissait glisser à genoux devant moi. Oh bordel, c’était vraiment parfait. Elle semblait avoir parfaitement compris son rôle. C’était presque comme si elle avait lu en moi et qu’elle savait que je ne voulais pas de tendresse ou d’attachement. Une pipe, une baise et au revoir. Du plaisir à l’état pur sans que le cœur ne s’en mêle et sans que les lèvres ne se touchent. J’étais prêt à me laisser emporter par la vague lorsque je remarquais une silhouette. Si, en général, cela ne m’aurait pas réellement dérangé, là, ça ne semblait guère normal. La silhouette était échouée contre le lit immobile. La respiration résonnant dans la pièce paraissait bancale. Ronchonnant, j’étais prêt à partir ailleurs. Quitter la chambre. Trouver un nouveau refuge. Plonger dans le plaisir et l’oubli. C’était aisé comme plan. Mais, ce n’était guère le plan suivi. La silhouette n’était pas inconnue. Georgie était là. Fichu pasteur de la tête venait envahir la réalité et foutre en l’air les plans.

Georgie. Le prénom glissait entre mes lèvres entraînant une réaction immédiate. Une réaction qui me faisait froncer les sourcils tandis qu’ils se recroquevillé sur lui à souffler des mots étranges. Bordel, que s’était-il passé ? Qu’avait-il fait ? Avait-il trop bu ? Avait-il consommé quelque chose par erreur ? Ou quelqu’un s’en était-il vraiment pris à lui au sein de cette chambre ? Cette dernière idée provoquait un bref tremblement dans l’être. Ange protecteur qui voulait déployer ces ailes. Ange que je m’empressais d’enterrer sous terre glissant ma main dans mes cheveux. Remontant rapidement mon pantalon sans prendre la peine de le boutonner, mes iris bleues glissaient sur la brune qui proposait un plan à trois. La tête se penchait sur le côté un instant. La proposition était tentante. Vraiment. Mais non. Le grondement m’échappait sans que je ne sache le contrôler. Instinct noyé que je m’empressais d’ignorer. Impulsion de jalousie soudaine que je noyais dans un autre comportement. Ouvrant la porte à la volée, j’attrapais la sorcière pour l’envoyer au loin. La faire sortir d’ici. L’éloigner. Dire au revoir à mon plaisir. Le premier soupir m’échappait lorsque la porte claquait une nouvelle fois nous emprisonnant à deux ici. Le tenté et le tentateur. L’Ange et le Démon. J’avais envie de fuir moi aussi. J’avais envie de m’éloigner de cette chambre. Cela serait tellement plus logique. Cela serait tellement mieux pour moi. M’approcher de Georgie n’était jamais le bon plan. Je désirais le fuir. Je voulais l’effacer. Pourtant, voilà que je me retrouvais à m’approcher de lui. Les mots froids et lointains glissaient entre mes lèvres pour tenter de l’obliger à respirer plus doucement. Je me laissais tomber au sol face à lui glissant une cigarette entre mes lèvres. La flamme du briquet éclairait encore mieux son visage. Il ne semblait pas aller bien. Tirant sur ma cigarette pour m’obliger à me concentrer sur un mouvement et m’empêcher d’agir stupide, sa voix résonnait une nouvelle fois me faisant tiquer. Le prénom n’était pas le bon. Un deuxième soupir filtrait entre mes lèvres. Putain, mais dans quoi est-ce que je m’engouffrais encore ? La respiration du pasteur se faisait plus compliqué. Mes yeux captaient son mouvement alors qu’il se mettait à gratter son bras. Il suppliait qu’on ne lui fasse pas de mal. Il pleurait. Il soufflait ces questions sans le moindre sens. Soufflant un « F*ck », je coinçais la cigarette entre mes lèvres m’approchant encore plus de Georgie. Je n’avais pas envie de gérer ça. Cependant, mon être n’était pas foutu de partir à toute jambe au loin. Je n’étais pas fichu de prendre la fuite et de le laisser dans son Enfer. J’abattais ma main sur ses doigts qui grattaient son bras pour stopper le mouvement. Je me penchais un peu plus vers lui hésitant. Une claque pour le réveiller ou un baiser pour tenter de l’apaiser ? Tirant sur ma cigarette de ma main libre, je me penchais encore plus vers lui. La claque n’était sans doute pas la meilleure solution au vue de son comportement. Aussi, je déposais un bref baiser sur les lèvres de Georgie. Un baiser qui faisait cogner le cœur mort. Un baiser qui allumait le corps. L’explosion de sensations était là. Dérangeante. Déroutante. Obsédante. M’éloignant rapidement, je ne détachais pas ma main de ses doigts pour l’empêcher de se blesser et je marmonnais « Je ne sais pas qui est Franck ou ce qui s’est passé. Mais, ce n’est pas lui et il ne va rien t’arriver. » Attrapant mon téléphone de ma main libre, j’enclenchais la lampe torche avant d’éclairer mon visage. Relevant les yeux sur Georgie, je reprenais alors « C’est Ange. Tu me remets ou il faut que je me foute à poil pour que tu retrouves les souvenirs ? » Les propos étaient lancés dans un rire pour apaiser la tension dans la chambre. Cette tension angoissante qui provenait de Georgie. Cette tension sexuelle qui résidait dans mon être. Ange qui avait dû oublier son désir en un claquement de doigt. Désir qui ne s’éteignait pas comme ça. Encore moins lorsque l’être touchait la tentation. Même de façon aussi infime.