Samedi 24 février. Fin d'après-midi.

Envie soudaine. Fuite effectuée. À bout de souffle et de force, je me laissais doucement tomber sur le canapé de mon bureau au Queer Lips. La grimace passait sur mon visage au mouvement qui provoquait une douleur. Je venais de quitter mon chez moi en silence. Ange qui avait l'impression d'être en cage. Ange qui avait besoin de bouger et de voir autre chose. Ange qui voulait retomber dans son monde. Je n'étais pas parti très loin. Juste quelques rues. Je me retrouvais dans mon antre et je regrettais presque déjà d'avoir effectué cette évasion. J'étais épuisé. Mes yeux se fermaient tandis que je tâtonnais mes poches pour en sortir une cigarette que je glissais entre mes lèvres. Cette cigarette que j'allumais et sur laquelle je tirais. J'étais prêt a sortir mon téléphone pour demander à ce qu'on vienne me chercher finalement. J'étais prêt à reconnaître que j'avais fait une bêtise. Cependant, à l'instant même où je bougeais, un bruit sourd se faisait entendre en bas. Un bruit sourd qui me renvoyait ailleurs. Dans une voiture. Dans ma voiture. Dans notre voiture. Le choc. La collision. Le bruit violent. Les mouvements soudains. Le silence douloureux. L'inconscience. La mort. Tout se brouillait. Le cœur battait plus fort dans la poitrine. Il devenait douloureux au point où je venais frotter ma poitrine. Le souffle se faisait foutrement trop court. Je me relevais soudainement. La cigarette s'échouait sur la table sans que je ne m'en préoccupe. Je me mettais à marcher de long en large. La chaleur s'emparait du corps. Je venais retirer mon tee-shirt le balançant dans la pièce. Je ne cessais de marcher. Mes mains glissaient dans mes cheveux. Les doigts tiraient sur les mèches. La porte du bureau s'ouvrait sans même que je ne réagisse. Perdu dans mon dédale. Effacé de cette réalité.

Tornade aspirante. Trou noir absorbant. La réalité ne parvenait pas à se frayer un chemin jusqu’à moi. La réalité n’était pas assez forte pour s’imposer face au reste. La porte du bureau s’ouvrait et elle ne savait même pas capter mon attention. J’étais simplement ailleurs. J’étais bien trop loin. Mes doigts restaient accrochés aux mèches de mes cheveux trop longs. Je tirais dessus comme si ça pouvait stopper les images. Stupide réalité. Ça ne les arrêtait pas. Et mes pas continuaient eux aussi. Je marchais de long en large. Encore et encore. Je ne me stoppais pas. Je ne pouvais pas. Je savais que si je m’arrêtais, j’allais glisser trop profondément. La chaleur parcourait désagréablement mon corps. Mon cœur cognait bien trop fort à l’intérieur de ma poitrine. Ça m’en faisait mal tandis que je peinais à respirer normalement. Les images tournaient en boucle sous mes yeux pourtant grand ouvert. La réalité ne se dessinait pas. Les voitures, elles, prenaient vie. Ces voitures roulant sur elles-même. Le mari perdu. Le silence après le vacarme. La solitude dans une voiture. La douleur traversant le corps. Le brouhaha. Le noir. La douleur. Déglutissant difficilement, je percevais à peine du bruit à côté de moi. Il y avait une voix féminine pas très loin. Cependant, je ne pouvais pas m’y accrocher. Je ne parvenais pas à prêter attention à cette voix. Je continuais à chuter. Je me laissais engloutir. Lorsque mes prunelles percevaient du mouvement, je mettais automatiquement de la distance. Mes iris se posaient sur la silhouette sans la reconnaître et le « Casse-toi… » était sifflé entre les dents. Ange qui ne voulait pas de témoin à sa faiblesse. Ange désireux de se débrouiller seul comme toujours. D’ailleurs, je ne tardais pas à bifurquer vers mon bureau pour en ouvrir fébrilement les tiroirs. Mes doigts fouillaient dans le bordel avant de se saisir d’une boîte. Une boîte que je gardais entre mes mains prêt à retourner sur le canapé. Néanmoins, ça se brouillait une nouvelle fois et la boîte m’échappait. Le contenu s’étalait sur le sol. Seringue, pilule, drogues… Tout s’étalait au sol et le « Fuck !! » passait mes lèvres. Mes iris fixaient le contenu tandis que j’étais incapable de tout ramasser. Pas avec cette douleur qui me traversait soudainement. Cette douleur dans le corps. Cette douleur dans la tête. Cette douleur dans le cœur.