« Viens là tout de suite Marin ! » criait une voix sortie de nulle part tandis que je courais aussi rapidement que je le pouvais. Dans cette immense maison où nous avons grandis tous autant que nous sommes, j'avais la place pour me cacher ou tout simplement la faire tourner en rond. « Mais Louve, arrête un peu, c'est supra drôle ! » dis-je tout en courant tandis que je riais de plus en plus au souvenir de son visage en découvrant ma petite surprise. Du haut de mes dix-sept ans, je me faufilais tranquillement en dehors de la maison, en entendant les bruits de pas de ma très chère soeur. J'allais très certainement connaître le retour de manivelle, mais rien à faire, le jeu en valait la chandelle. Pas moyen que je regrette la blague. Je l'a revois encore, moi planqué à la regarder dans la salle de bain, tandis qu'elle branchait son sèche cheveux. N'ayant jamais pu contenir mes rires, mes joues avaient pris de l'ampleur et mes yeux se plissaient progressivement. J'étais à deux doigts de mourir sur place. Elle alluma l'engin, lui permettant de lui mettre en pleine face une bonne tartine de fond de teint signé par une farine maïzena. De quoi lui refaire le portrait ou alors histoire de changer de fond de teint. Bien évidemment, j'ai explosé de rire. Et c'est là qu'elle m'a vu. D'où cette course endiablée et surtout nécessaire. J'allais mourir si je ralentissais. Contournant un arbre parfaitement taillé, je m'arrêtais enfin prêt de la piscine. Exténué, faisant une pause, j'avais besoin de recharger mes pilles. Je l'attendais. Patiemment. Et elle ne tarda pas, comprenant tout de suite pourquoi elle était là. Elle se méfiait automatiquement de l'étendue d'eau, je le lisais dans ses yeux. Elle est intelligente. Je la connais. D'ailleurs, comme je l'avais prévu elle fonce directement sur moi. Elle est comme ça Louve, un tempérament de feu, elle fonce souvent et c'est parfois la meilleure technique dans la vie. D'ailleurs, c'est ainsi qu'elle m'a eu. A peine avais-je un peu bougé pour qu'elle se loupe, qu'elle m'attrapait avec elle, tombant à l'eau avec moi. Cette saloperie. L'eau froide me glaçait le corps. Immédiatement, je me laissais envahir, regardant ma soeur me montrer le plus jolie de ses doigts. Je souriais comme un enfant, ne pouvant n'être plus fier de moi.


Je remue sans cesse le nœud de ma cravate. Pas qu'elle soit mal placée, non, elle me gêne. Terriblement. Comme une impression d'étouffer, d'avoir la corde au cou et c'est un peu ce qui se passait à chaque fois que je portais ce costume. Aujourd'hui, maman revenait de son escapade pour son futur projet. Ses enfants devenant grands, elle avait en tête de ne pas mourir professionnellement toute sa vie. Etant donné que c'était aussi son anniversaire, ce devait être parfait. Alors que j'en avais strictement rien à foutre. Je transpirais dans cette chemise blanchâtre, le pantalon coupé parfaitement à ma taille épousait trop bien mes fesses. J'ai un beau cul, je le savais mais là, c'était trop. Et je n'étais pas le seul, tout le monde était dans la même merde que moi. Le plus drôle c'était Louve, dans sa robe courte. Le malaise se voyait sur son visage. Esquissant un sourire, nous nous m'étions à table. De là, les bonnes manières étaient primordiales, même dans ma propre maison je me devais d'être irréprochable. Le revers de la médaille. Je pouvais claquer autant de fric que je le voulais mais ça, c'était une obligation. A peine avait-on commencé à manger avec les trente six couverts présents sur la table, qu'un appel du côté de maman retentissait, s'excusant, elle partie, nous laissant dans ce silence glaçant. « Comment se passe tes cours Marin ? » Et merde. Faut que ça tombe sur moi. Cole et Fauve échappent une fois de plus au questionnaire de notre très cher père. Je relève la tête et répondit poliment à mon père, lui assurant que tout se passait parfaitement bien. Satisfait, il continua son baratin de principes et de valeurs qu'il avait été fier de nous inculquer avec notre mère. Je le mets en veille un instant, me concentrant sur la nourriture devant moi. « Bien sûr, tu iras à Harvard, tout comme ton grand frère. Moi-même j'y suis allé. » Je déglutis. Je n'avais pas réellement pensé à la suite, mais vu le balais dans le derrière qu'Harvard me promettait, je n'étais pas tellement heureux d'être obligé d'y aller. Bien évidemment je soupirais, excédé par cette remarque. Mais je n'osais pas le décevoir. C'est mon père, je suis son sang.


A mon arrivé à Harvard, y'a quelques années, je n'ai aucunement de mal à me faire ma petite place parmi tous ces blindés de thune, prêt à tout pour réussir. J'étais le petit con, le Frenchie arrogant, prêt à tout sauf à étudier. Même si j'ai galéré pour faire entendre mon point de vu sur les études que je voulais faire, je gagnais finalement la partie. Mais les fêtes faisaient beaucoup plus parties de mon quotidien, surtout en psycho, le combo parfait pour vivre d'amour et de vodka toute l'année. D'ailleurs c'est pendant ce genre de soirée que j'ai rencontré pas mal de femme, beaucoup m'ont embrassé mais peu ont eu ce droit de coucher avec moi. Oui, parce que la baise c'est cool, mais je n'avais pas pour habitude de finir avec le thon de la soirée. Je suis un homme exigeant disons. Et j'ai d'autres secrets du même genre, à la limite de l'inavouable. Ma passion dévorante pour la peinture par exemple. Pour la simple et bonne raison que c'est beaucoup moins glamour et fiesta. Même si c'est une passion dont je ne peux faire l'éloge, je le pratique toujours régulièrement à l'abris des regards. C'est toujours plus simple de dire qu'on peut piloter un hélicoptère, après tout, c'est l'activité la plus simple -qui m'éclate à mort- à dire et qui bien souvent donne un strike dans la branche sexy du cerveau des femmes. C'est presque trop facile d'ailleurs.


« Lou, viens ici. » Elle me regarde de ses grands yeux, n'ayant nullement envie de bouger de sa place. J'étais persuadé qu'elle pensait que j'allais lui piquer mais absolument pas. Pas cette fois du moins. « Arrête, et regarde la fille-là. Elle est mignonne, non ? » Dis-je en retroussant légèrement mon nez en voyant la jolie blonde passer à quelques mètres de nous. « T'as pas dis que tu t'ennuyais dernièrement ? » Dis-je une nouvelle fois en l'amenant progressivement là, où je voulais qu'elle arrive. Qu'elle comprenne où je voulais en venir. Le duo des Perols. Peut être qu'il était temps de le remettre en route. L'amusement me manquait terriblement en ces périodes de partiels. « J'ai bien envie qu'on s'amuse, pas toi ? » Les mots sortaient de ma bouche tandis que mon excitation s’amplifiait peu à peu. Faire chier le monde, faire les cons, c'est nous ça. « Alors ? T'es partante la moche ? » Je souriais parce que c'était la promesse. Notre promesse. Notre jeu. Et je ne pouvais que très rarement m'éloigner de la partie en connerie de mon cerveau. Elle le savait. Elle aussi d'ailleurs. Levant la main, paume face à elle, j'attendais sa réponse, sachant pertinemment ce qu'elle serait. Riant, elle regardait ma main, me laissant un vilain vent. Je l'entendais de là, même s'il paraissait inexistant. Quelle saleté.