L’hôtel ne semblait pas si rempli que ma, mais on pouvait entendre du hall les cris venant de la grande piscine qui était juste derrière l’hôtel et qui faisait partie du bâtiment. En arrivant au Summer Camp, on nous avait fait visiter le coin avant de rejoindre nos chalet, afin que nous soyons au courant de toutes les possibilités d’activité qui se trouvaient autour et la piscine en faisait partie. Je crois que de toute ma vie, je n’avais jamais vu une piscine aussi immense : il y avait des toboggan qui sortaient même dehors avant de rejoindre l’intérieur et d’atterrir dans la piscine qui formait une espèce de sorte de rivière tout autour d’une terrasse où se trouvaient des transat afin de pouvoir se reposer ou boire un petit cocktail en surveillant les enfants. Il y avait une sorte de simulation de surf où beaucoup de gamins se cassaient la figure et pleins d’autres petits bassins moins profond : bref, il y en avait pour tous les âges et tous les goûts ! Mais le prix y était aussi. Enfin, comme ma mère disait toujours : la qualité, ça se paie ! Et le Jay Peak était loin d’être un hôtel pour les pauvres, c’était certains ! Après avoir eu la clef électronique de notre chambre, je nous dirigeais vers le petit couloir, appuyant sur le bouton pour appeler l’ascenseur qui devait nous amener au quatrième étage où se trouvait notre chambre. Nous entrèrent calmement dans l’ascenseur qui était vite et je laissais Roxanna appuyer sur le petit quatre. « Ils ont intérêt d'en avoir, parce que tu viens de m'en donner envie ! » J’éclatais de rire en hochant la tête positivement, avant d’ajouter, « Il faudrait que je retrouve la recette de ma mère dans ses affaires… elle savait en faire des délicieuses ! » Je souris un peu tristement, j’avais encore quelques cartons des affaires de ma mère dans ma chambre, avec ceux de Kyle et je n’avais jamais eu le courage de les défaire. Aujourd’hui que tout allait mieux dans ma vie, il allait falloir que je trouve ce courage pour le faire. Peut-être demander à Roxanna de le faire avec moi, histoire que je ne m’y prenne pas seul, j’étais certain qu’elle accepterait avec plaisir. Roxanna s’approcha de moi pour se loger dans mes bras, me serrant contre elle, « Je t'ai même pas dit merci .. Pour cette journée, et l'hôtel, et .. Et tout ... » Un sourire illumina mon visage et je passais mes bras autour de la jeune femme pour la garder contre moi un petit instant jusqu’à ce que l’ascenseur s’arrêter dans son ascension au quatrième étage. Je reprenais la main de ma fiancée et je nous tirais hors de l’ascenseur, m’arrêtant à la sortie de celui-ci pour la regarder, « T’a pas à me remercier…c’est normal… », murmurais-je doucement en lui adressant un nouveau sourire avant de chercher notre chambre qui était la numéro 64B. Je m’arrêtais face la porte et je lâchais la main de Roxanna le temps de sortir la clef dans la poche arrière de mon jean pour l’ouvrir, laissant d’abord entrer Roxanna puis lui emboitant le pas. Je posais mon sac à l’entrée et je refermais la porte derrière moi, regardant autour. La chambre était grande et assez luxueuse, vraiment plus belle que la dernière dans laquelle nous avions dormis qui remontait à…Phoenix. « J’ai l’impression d’être un riche en vacances ! », lançais-je en riant face à tout ce luxe, luxe dont je n’avais pas tellement l’habitude.

Ce qui était bien avec Roxanna, c’était qu’elle ne posait jamais de questions. En cinq mois de relation, elle savait uniquement que ma mère et mon fils étaient morts dans un accident, que mon père était mort d’un cancer et que mon ex-petite amie avait quitté le pays et qu’elle était morte là-bas dans un accident également. N’importe qu’elle fille aurait pu me demander les circonstances exactes de la mort de ma mère et de Kyle, n’importe qu’elle fille aurait voulu que j’en parle, que je raconte cette journée, me demander ce que j’avais ressenti et ce que je ressentais encore aujourd’hui en y repensant. Mais pas Roxanna. En cinq mois, nous n’en avions jamais parlé tout comme moi, je ne lui avais jamais posé de question quant aux circonstances exactes qui l’avait amené à vouloir en finir avec sa vie quelques années plus tôt, ou alors les cicatrices qu’elle avait au niveau des poignets. Je ne savais pas trop si c’était une bonne chose, mais mon histoire avec ma mère était beaucoup trop fraiche à l’époque. Même encore aujourd’hui, lorsque j’essayais d’en parler, je sentais les larmes me monter aux yeux. C’était quelque chose que personne n’avait vu, mis à part peut-être Apple : me voir pleurer suite à ça. Mon remède contre les larmes avait été de replonger dans la drogue et dans le noir total, puisque j’étais shooté matins et soirs. Je sentais ses doigts se resserrer entre les miens quand j’évoquais la recette de ma mère, et de la sentir là avec moi ça m’avait soudainement donné envie de m’asseoir avec elle, et de lui parler. Juste, de lui dire ce que jamais je n’avais dit à personne. Mais ça n’était peut-être pas le moment.

La chambre était vraiment grande et très luxueuse, d’où ma remarque comme quoi j’avais l’impression d’être un riche en vacances, ce qui fit rire la jeune femme qui inspectait la chambre dans ses moindres recoins, étant déjà en train de regarder la salle de bain quand je posais nos affaires près de la porte d’entrée, avant de finalement les installer près de notre lit. « C'est immense, j'en reviens pas... » J’hochais la tête en souriant, et je m’avançais à mon tour vers la salle de bain que je regardais, et qui était…vraiment immense. La baignoire, le tout c’était…si j’avais les moyens, j’aurais largement envoyé chier le Summer Camp pour venir dans ce petit paradis avec elle. « Oh la la je veux le même au Summer Camp.. Et dans ma chambre chez les Cabots. Et partout. Et la même baignoire aussi.. » J’éclatais de rire et je sortais de la salle de bain, allant rejoindre Roxanna sur le lit où je me laissais tomber. C’était le lit le plus moelleux du monde, je n’arrivais pas à y croire. Je regardais le plafond et Roxanna se leva pour se déshabiller. Je m’asseyais en tailleur sur le lit et je retirais moi aussi mon tee-shirt qui était encore trempé, alors que mon bermuda, que je gardais sur moi était déjà presque sec lui. Je laissais le t-shirt à terre au pied du lit, ne manquant pas de regarder ma fiancée du coin de l’œil alors qu’elle était en maillot de bain et que, visuellement, elle comptait le rester puisqu’elle revint vers moi pour se jeter sur le lit, me faisant presque rebondir tellement le matelas était tendre ce qui me fit rire. « Bon, eh maintenant, parlons nourriture ! » J’hochais la tête et je tapotais mon ventre, « Rwaaaah oui j’ai faiiiiiiiiiiiiiiiiiiiim ! », lançais-je en riant, essayant de reprendre mon sérieux quand Roxanna prenait la commande au téléphone. Je m’appuyais sur le coude pour regarder Roxanna qui raccrocha assez rapidement une fois la commande faite. Elle m’afficha un grand sourire que je lui rendis, caressant son bras du bout des doigts, « J’te propose qu’on laisse tomber nos études et qu’on vienne vivre dans cette chambre, c’est vraiment le pied », dis-je doucement en riant un peu. Je continuais mes caresses et je me redressais pour l’embrasser doucement, « Et pour ce que tu disais tout à l’heure devant l’ascenseur…c’est moi qui suis chanceux...vraiment… »

« Si c'était aussi facile, j'accepterais sans hésiter ! » Je ris légèrement, c’est vrai que l’idée était tentante mais bon, ça me ferait quand même mal d’avoir passé cinq années de ma vie à étudier à fond la médecine pour au final, ne pas pouvoir pratiquer le métier. Il ne me restait plus que deux ans avant d’avoir mon doctorat, et même si après je serais en spécialisation d’oncologie, j’allais être rémunéré comme un médecin, et ça, c’était plutôt bien : tout le monde sait que les médecins gagnent bien leur vie. Enfin, je n’avais pas choisi de faire ses études pour l’argent au départ, mais c’était un petit bonus qui ne laisserait personne indifférent. « Ceci dit on peut toujours leur demander l'adresse de leur fournisseur de meubles pour quand on aura notre chez nous.. » Je tournais mon regard vers la jeune femme, surpris, mais pas dans le mauvais sens. C’est vrai que l’idée d’avoir un jour un chez nous était vraiment très attirante, mais le temps que nous finissions nos études, nous avions encore le temps. Enfin…deux ans pour ma part avant que j’ai mon doctorat, vu à quel point les cinq mois avaient passés vite, j’étais certain que les deux ans fileraient à la même vitesse. Je me contentais d’hocher la tête positivement en souriant à la jeune femme avant de la reprendre sur ce qu’elle avait dit en sortant de l’ascenseur quelques minutes plus tôt. Roxanna secoua doucement la tête avant d’ajouter calmement, « Combien de fois je vais devoir te le répéter mon amour .. ? » J’haussais les épaules en riant un peu, fermant les yeux alors qu’elle caressait son nez avec le mien doucement avant de déposer un nouveau baiser sur mes lèvres, continuant, « On est tous les deux chanceux … Chanceux de s'être trouvés.. » J’ouvrais les yeux pour la regarder et je me pinçais la lèvre, « T’as raison… », murmurais-je tout bas, frissonnant en sentant ses doigts caresser la peau de mon dos. Je fermais à nouveau les yeux pour joindre mes lèvres aux siennes, passant mes bras autour d’elle lorsqu’elle cessa le baiser pour enfouir son visage dans mon cou. « Au téléphone... Ils ont dit qu'on serait livrés d'ici une vingtaine de minutes … Tu veux faire quelque chose de particulier en attendant ? » J’haussais les épaules, caressant à nouveau son dos du bout des doigts. En une vingtaine de minutes on a pas le temps de faire grand-chose, et je me sentais beaucoup trop bien contre elle pour bouger. « J’sais pas…pas vraiment, on est bien là non ? », répondais-je avant de me reculer un peu pour pouvoir voir son visage. Je souris et je passais mes doigts sur sa joue avant d’ajouter, toujours aussi calme, « J’peux te demander quelque chose… ? » Je me pinçais la lèvre et je pris une légère inspiration, « Bon…on pourra pas faire ça maintenant puisqu’on est ici mais…quand on rentrera à Cambridge tu…voudras bien m’aider à trier les affaires de ma mère et de Kyle… ? J’ai toujours leurs cartons dans ma chambre et…j’ai jamais osé les déballer, faudrait que j’le fasse mais…j’veux pas le faire seul… »

« Ça me va ... » J’hochais la tête calmement : heureusement qu’elle n’avait pas envie de faire quoi que ce soit. Parce que nous étions là, l’un contre l’autre, à ne rien faire, mais ça faisait tellement du bien. C’était ce que j’aimais plus que tout au monde désormais : être contre elle, nous n’avions même pas besoin de parler, pas besoin de se dire quoi que ce soit. Mais de la sentir là, avec moi, contre moi, c’était probablement ce qui rendait ce moment comme étant mon préféré de la journée. Enfin, peut-être après que je lui ai donné la bague, parce que ça m’avait soulagé d’un poids pas possible. Après un petit moment de silence, je finis par repenser à la recette de lasagnes de ma mère. J’avais terriblement envie de faire des lasagnes à Roxanna, des vraies. Et celles de ma mère elles étaient…vraiment délicieuses. Je pris alors mon courage à deux mains pour demander à Roxanna de m’aider à déballer leurs affaires. Les cartons étaient encore empilés les uns sur les autres au fond de mon armoire à Harvard. Quand j’avais rencontré Roxanna, cela ne faisait que deux mois que cet accident était arrivé. Et j’étais encore beaucoup trop affecté pour y toucher, car déballer les affaires d’un proche décédé c’était… Je ne l’avais jamais fait, mais j’avais vu ma mère le faire quand j’étais petit, après la mort de mon père. Pendant presque un an après sa mort, elle avait gardé les affaires de mon père en place sans même y toucher : les vêtements dans sa penderie ou encore sa collection de timbres. Et un jour, elle avait pris le courage de retirer ses vêtements de son armoire. Ça lui avait fait beaucoup de mal, même un an après, je me rappelai encore l’avoir entendu pleurer en pliant doucement les vêtements de mon père, mais après ça, elle avait l’air d’avoir eu un poids en moins sur les épaules. C’est ce qu’on appelle plus communément faire son deuil. Et tant que je n’aurais pas trié ses fichus cartons, je n’aurais toujours pas fini de faire mon deuil. Et pourtant, il le fallait, pour pouvoir tourner la page et être heureux. Il le fallait. « Bien sur que oui je t'aiderais chéri.. » Je souris doucement et j’inspirais, soulagé qu’elle accepte de le faire. Je me doutais qu’elle dirait oui, mais maintenant que j’en étais sûr, ça me faisait du bien. Je la laissais prendre ma main, fermant les yeux en me pinçant la lèvre. « On s'en occupera ensemble dans les quelques semaines avant la rentrée qu'on passera à Harvard … D'accord ? » J’hochais la tête calmement avant d’ouvrir les yeux pour la regarder, même si son front contre le mien imposait une proximité intimidante avec la jeune femme. Je serais un peu plus mes doigts entre les siens, caressant sa main avec mon pouce, « D’accord… », murmurais-je en tentant de lui adresser un léger sourire. « Et j’retrouverais la recette des lasagnes de ma mère, et on les fera ensemble… » J’approchais mes lèvres de siennes pour y déposer un fin baiser et je soupirais légèrement avant de baisser la tête, « Enfin..j’voulais pas péter l’ambiance en parlant de ça… »

« Je sortirais mon plus beau tablier pour l'occasion.. Même si j'en ai pas. » J’hochais la tête en riant légèrement ; j’aurais très bien pu lui répondre que le tablier de ma mère était dans les cartons et qu’elle pourrait le mettre, mais je crois que j’en avais déjà trop dit. Si il y avait bien une chose pour laquelle je n’avais pas changé depuis que je connaissais Roxanna, c’était ma pudeur par rapport aux sentiments que j’éprouvais suite à cette perte. Si j’avais pleuré, c’était tout seul, jamais en présence de quelqu’un, ni même en présence d’Apple qui était très proche de moi à l’époque. Je détestais montrer mes faiblesses, et même si la drogue et l’alcool eux, mettaient à jour cette faiblesse, je trouvais ça mieux que de chialer comme un gamin. Je savais qu’il fallait que ça sorte, en général, on dit aux gens de pleurer un bon coup et qu’après, ça fera moins mal, mais je n’y arrivais pas. Et si ça devait arriver un jour, si un jour, je pourrais me mettre à pleurer à cause de tout ça Roxanna, alors soit, mais pas ce soir. Certainement pas ce soir, j’avais l’impression d’avoir tout gâché déjà rien qu’en évoquant ma mère ou mon fils. Moi qui pensait que la blessure était refermée, je découvrais ce soir qu’en fait, pas du tout. Ce que j’avoua à la jeune femme d’ailleurs, mais je sentais tout de suite sa détermination à me contredire, glissant un doigt sous mon menton pour relever mon visage afin de m’obliger à la regarder en répondant doucement, « Dis pas d'bêtises … T'as pas pété l'ambiance... » Je me pinçais la lèvre et je souris un peu en haussant les épaules mais elle ajouta assez rapidement, « Tiens … Mets toi sur le ventre chéri». Je regardais Roxanna d’un air un peu perplexe et je décidais de lui faire confiance sans poser de question, me tournant tout de suite sur le ventre en plaçant mes mains au niveau de mon front. Je fermais doucement les yeux alors que je la sentais s’asseoir sur moi. Au départ, je me sentais un peu gêné. Je sais, ça va paraitre con, mais les cicatrices que j’ai dans mon dos me complexaient réellement. Bon, la première ne se voyait plus beaucoup, mais la deuxième était encore « toute fraiche » et je la trouvais tout simplement hideuse. J’avais l’habitude de voir des cicatrices et des sutures à l’hôpital pendant mes stages, j’avais même appris à les faires, mais sur soit…c’est différent. Enfin, il allait falloir que je prenne l’habitude que Roxanna les voient. Je gardais les yeux fermés pour profiter de son massage, c’est vrai que ça faisait beaucoup de bien. Je la laissais faire quelques temps jusqu’à ce qu’on frappe à la porte. Je la laissais s’asseoir sur le lit pour que je puisse me lever sans faire attention à m’habiller un peu plus pour ouvrir à la femme de chambre qui apportait sur un petit chariot nos deux plats de lasagnes – qui sentaient déjà terriblement bon – et je lui donnait un petit pourboire avant de refermer la porte derrière. « Des lasagnes pour mademoiselle Blackburn ! », annonçais-je en souriant, amenant le chariot près du lit. Je me penchais pour déposer un baiser sur son front et j’ajoutais, « Merci pour le massage chérie… ». Je souris et j’attrapais les deux assiettes pour les poser sur une petite table afin que nous puissions commencer à manger.