Corps tanguant. Bouteille vide. Le grognement passait la barrière de mes lèvres lorsque je m'apercevais que je n'avais plus de liqueur miracle au sein du récipient. Je tournais sur moi-même manquant de tomber. Il n'y avait aucune autre bouteille en vue. Ça me faisait grogner encore plus. Ange qui avait besoin des substances pour s'enivrer. Ange qui ne pouvait plus se passer de ces poisons qui empêchaient la tête de vriller. Sans même prendre la peine d'enfiler un tee-shirt - allez d'ailleurs savoir où était passé le mien - ni même de rattacher correctement mon pantalon, je quittais mon bureau pour rejoindre l'antre vivante de la soirée. Le Queer Lips était bondé une nouvelle fois. La musique était forte. La folie était présente. Perché en haut des escaliers, mes prunelles claires scannaient rapidement les alentours en quête d'une âme qui viendrait divertir la mienne. Ange brisé. Ange foutu. Ange plongeant. Personne n'attirait directement mes yeux. Personne ne me capturait. Il était bien trop difficile de le faire depuis mon retour. Je me planquais derrière des murs bétonnés. Je me cachais si bien pour être inatteignable. Je ne voulais plus souffrir comme avec Yohan. Du sexe était ok. Tout le reste était à oublier. Glissant une pilule entre mes lèvres, je descendais les escaliers et me faufilais à travers les corps ignorant les regards qui se posaient sur moi. Moi et mon air clairement débauché. M'approchant du comptoir, je m'y accoudais commandant deux nouvelles bouteilles. Mon regard clair se promenait autour de moi dans l'attente de pouvoir retourner dans mon bureau de solitude. Je ne cherchais même pas de proie. Personne ne m'avait suffisamment attiré pour cela. Je préférais continuer ma chute dans les substances en solitaire. Je désirais m'enivrer plus avant de partir en quête d'un corps qui ferait du bien. Mais peut-être que le destin en avait décidé autrement. Mon regard se posait sur la personne à côté de moi. Visage connu. Tatoueur ayant déjà encré ma peau. Tatoueur ayant déjà allumé la flamme du désir. Tatoueur n'ayant pourtant jamais fait brûler ce plaisir. Il n'y avait eu qu'un jeu entre Anael et moi. Et je n'étais pas foutu de vous dire s'il y aurait plus un jour. Encore moins maintenant que tout avait changé pour moi. Sourire amusé aux lèvres, mes doigts glissaient sur le bras du jeune homme. Mon regard trouvait le sien et je l'interrogeais « Tu me cherches ? » comme si j'étais le centre du monde. Ange qui profitait de la distraction. Ange qui n'attendait que ses bouteilles pour fuir de nouveau. Loin de tout.

Attente trop longue. Distraction bienvenue. Il y avait bien trop de clients à servir ce soir et je ne passais pas en priorité pour obtenir des bouteilles. Ces bouteilles que je désirais emporter dans mon bureau pour les boire seul. Ange qui n'avait pas trouvé de proies à son goût. Ange qui sombrait juste. Ange qui ne trouvait personne capable d'effacer Yohan de la tête. Je désirais récupérer mon dû et poursuivre ma chute jusqu'à ce que l'inconscience s'empare de mon être. Ce n'était qu'avec elle que l'image de l'ex finissait par s'effacer quelques temps. Depuis mon retour, aucune proie n'avait su effacer la présence de celui avec qui tout semblait terminé. Personne. C'était foutrement désagréable. Ça l'était au point où je préférais les substances aux corps à corps. Ange pourtant si addict de ces contacts. Mon regard se promenait autour de moi comme si j'étais malgré tout en quête de quelqu'un qui pourrait redonner un goût agréable au sexe. Mes prunelles finissaient par se poser sur la personne à mes côtés. Anael. Si proche. Si connu. Le sourire amusé se dessinait et il devenait aussitôt ma parfaite petite distraction en attente des substances.Je n'hésitais pas à enfoncer cette porte glissant mes doigts sur son bras. Je l'interrogeais sans hésiter me plaçant au centre de tout. Le rire amusé passait mes lèvres à sa réponse. Je l'observais se tourner vers moi. Facile. Trop facile. Glissant ma langue sur mes lèvres, je rétorquais « Ton désir ne devait pas être assez fort... » Ma main remontait le long de son bras jusqu'à l'épaule. Elle glissait le long de son torse. Elle glissait jusqu'à se poser sur l'entrejambe du tatoueur. Une moue passait sur mon visage comme pour confirmer mes propos et ce désir pas assez fort. Mes yeux trouvaient les siens lorsque les nouveaux mots tombaient. Ma main le quittait tandis que je prenais enfin le temps de regarder mon état. Pure état de débauche. Haussant les épaules, je soufflais « Mmmh ma meilleure tenue reste quand je suis totalement nu ! » Je lui offrais un clin d'œil avant de reporter mon attention sur le bar un bref instant. Toujours pas de bouteilles à l'horizon. Toujours pas d'âmes s'occupant de moi. J'hésitais un instant. J'étais le patron. Je pouvais parfaitement faire le tour du bar pour aller piocher deux bouteilles au hasard avant de repartir dans mon antre. Je pouvais ouais, mais ça mettrait fin à l'interaction qui venait de se lancer avec Anael. Alors, reposant mon regard sur lui, je me comportais comme un client qui attendait sagement son tour et qui profitait de cette attente pour des interactions. Je venais interroger le tatoueur « Que puis-je faire pour toi chaton ? » Ange curieux de savoir pourquoi il était recherché. Ange réellement intéressé par la réponse.

Proie aisée. Facilité à portée de main. Pourtant, le corps d'Anael ne s'était jamais lié au mien. Pourquoi ? Je ne saurai vous le dire. Nous avions si souvent joué ensemble. Les flammes avaient brûlé ma peau plus d'une fois à côté du tatoueur. L'envie avait possédé mon corps régulièrement lorsqu'il se trouvait dans les parages. Et... Rien. Le néant. Il n'y avait eu que des prémices. Il n'y avait eu que des débuts de parties. Ça ressemblait presque trop à des préliminaires qui s'attardaient bien trop longuement. Ça ressemblait à un jeu d'amants se cherchant. Ça ressemblait à une danse de séduction. F*ck it. Ces idées me déplaisaient. Ça offrait la possibilité d'un attachement que je détestais. Ça ouvrait une porte que j'avais envie de garder scellée à présent. Pour toujours. À jamais. Alors, ce soir, je ne tournais pas autour du pot. Ce soir, je dévoilais mes cartes dès le début de cette partie. J'allais droit au but. Dans les mots. Dans le toucher. Dans cette réalité. Et mes sourcils se fronçaient à ses mots. Le sens m'échappait. Cerveau trop embrumé pour comprendre. Tête détachée n'ayant aucune envie de penser. Mes mains se posaient de nouveau sur le bar dans l'attente de ma libération. Je désirais juste mon alcool salvateur. Je voulais simplement rejoindre l'antre de l'oubli. Une proie n'était pas dans le programme. Mais, Anael ne semblait pas voir les choses de cette manière. Il se rapprochait de moi. Son corps se rapprochait du mien envoyant les décharges agréables sur la peau même si je tentais de faire comme si de rien n'était. La réponse se faisait entendre et j'haussais un sourcil sans le regarder. Du jeu. C'était tout ce qu'il désirait ce soir. Je n'étais pas certain de pouvoir lui offrir ça. Ange qui ne voulait qu'un oubli. Ange qui ne voulait qu'une chute loin de la réalité. Ses lèvres se posaient sur ma mâchoire. Le geste me faisait grogner. Jeu trop réel. Geste trop empli de tendresse que je méprisais. L'envie s'allumait pourtant. Mes prunelles le suivaient lorsqu'il s'éloignait pour finir son verre. Les mots tombaient entre nous. Je me redressais prêt à m'approcher de lui de nouveau. Cependant, le barman déposait enfin ma libération devant moi. Deux bouteilles. Deux bouteilles que je laissais là me rapprochant d'Anael. Mon corps se collait contre le sien sans attendre. L'une de mes mains se posaient sur sa hanche tandis que l'autre glissait dans ses cheveux tirant dessus. Mes lèvres venaient se poser dans son cou. Ma langue goûtait sa peau tandis que ma main sur sa hanche se déplaçait entre nos deux corps pour se poser sur son entrejambe. Ma bouche remontait à son oreille où je susurrais « Pour ce soir, je ne pense pas que tu sois mieux que ces bouteilles d'alcool. Je ne suis pas d'humeur à juste jouer, pas avec un chaton comme toi. Et... Tu ne seras sans doute pas à  la hauteur pour me baiser comme il faut...» Mes dents mordillaient le lobe de son oreille avant que je ne m'éloigne de lui comme si de rien n'était. Plus le moindre contact. Je récupèrais mes bouteilles. Mes prunelles rencontraient celles du tatoueur « Mais, tu peux toujours t'inviter pour me prouver que j'ai tort... » L'invitation était tout de même là. Ange allumé. Ange désireux. Sans attendre de réponse, je tournais les talons pour retourner aux escaliers et rejoindre mon bureau de nouveau. À lui de me suivre ou non. Choix qui ne m'appartenait plus.

Réalité lancée. Alcool supérieur au sexe. Est-ce que ça avait toujours été ainsi ? Non. Jamais. Le sexe était toujours au-dessus de tout et même au-dessus de ma consommation de drogue. Le sexe avait toujours occupé la place la plus haute depuis que j'étais veuf. Un plaisir foutrement agréable qui faisait tant de bien et qui savait taire la tête. Des instants délicieux dont j'aimais tant profiter tandis qu'ils n'impliquaient jamais mon cœur. Des moments exquis auxquels j'étais addict et qui ne m'engageaient jamais. Puis il y avait eu Yohan... Yohan et sa façon de me faire sombrer dans l'amour de nouveau. Yohan et mon cœur se rallumant. Yohan et mon envie d'être mieux pour lui. Il y avait alors eu ma cure de désintoxication et ma tentative de suicide avait suivi avant que tout n'explose encore plus. Un semblant de rupture. Une fuite de ma part. Un silence radio de mon être. Un retour. Une rupture réelle. Et, à présent, cette chute. Cette chute où l'alcool et la drogue étaient passés supérieurs au sexe. Les substances savaient mieux me faire sombrer. Elles avaient le pouvoir de tout éteindre plus facilement. Le sexe avait perdu ses superbes pouvoirs. Et je le faisais savoir à Anael. Pas de cette manière. Je refusais de l'avouer ainsi. Je préférais sous-entendre que c'était le chaton qui n'était pas à la hauteur des bouteilles. Pas capable de me baiser comme il fallait. Pas assez dominant. Pas assez en mesure de tout éteindre. Malgré cette réalité que je connaissais, je ne fermais pas complètement la porte et le tatoueur s'engouffrait dans cette ouverture. Je me dirigeais vers mon bureau. Anael sur mes talons. Je l'entendais. Je le sentais. Je ne me retournais pas pour autant. Je franchissais la porte de mon bureau la laissant ouverte pour certifier que j'avais conscience de sa présence derrière moi. Je ne m'arrêtais pas même lorsque la porte se fermait. Je ne m'arrêtais qu'une fois arrivé à mon bureau pour y déposer les bouteilles. Sa voix résonnait m'arrachant un sourire amusé. Je prenais tout mon temps pourtant. Je ne rétorquais pas. J'ouvrais l'une des bouteilles la portant à mes lèvres pour une longue gorgée toujours dos à Anael. Ce ne fut qu'une fois cette gorgée prise que je me tournais lentement. M'appuyant contre mon bureau, mes prunelles claires se posaient sur lui et je soufflais un « Je le pense vraiment » foutrement sûr de moi. Ces bouteilles étaient mes sauveuses dans ce nouveau monde où le sexe ne savait pas effacer le prénom de Yohan de ma tête. Haussant un sourcil comme pour l'inviter à me prouver que j'étais en tort, je venais porter de nouveau la bouteille à mes lèvres comme pour ainsi prouver encore plus mes dires. Ces bouteilles pouvaient parfaitement me distraire mieux que tout. Elles avaient gagné le combat. Ange en quête d'un oubli réel.