Je relève les yeux vers la jeune femme qui me parle. Ses mots mettent un temps fou à arriver jusque dans mon esprit. J’ai composé machinalement le numéro de ma mère, une dizaine de fois en vain. Personne ne décroche au bout du fil et je me sens réellement mal. « J’ai un appel manqué de ma mère, c’est elle qui garde ma fille et d’habitude elle n’appelle pas aussi tard, j’ai peur qu’il y ait un soucis… » Dis-je tout en me relevant sur son conseil. Je ne saurai expliquer pourquoi je me dévoile ainsi à la jeune femme. Son visage m’ait familier mais je ne la connais en réalité pas plus que cela. Je l’ai croisé à quelques reprises à la Cabot House et je crois qu’elle se prénomme Eclipse, sans grande conviction. Je m’assois sans réfléchir sur le fauteuil qu’elle me pointe du doigt. A cet instant précis, mon portable vibre et je regarde inquiète celui-ci qui m’indique batterie faible. Non, non, il ne peut pas s’éteindre maintenant ! « Est-ce que tu aurais un chargeur de téléphone ? » La suppliais-je. « Je suis vraiment inquiète… Si il est arrivé quelque chose à ma fille et que je suis à Paris en train de profiter de ce défilé… »

Je tente en vain de me calmer. Pire qu'une simple inquiétude c'est un réel pressentiment qui s'empare de mon être tout entier. J'aimerai parvenir à rester calme, mais lorsqu'il s'agit de Molly et de ma mère je n'y parviens pas. Elles sont tout ce qui me reste, toute ma vie à elles deux, et cet appel en absence me tétanise. Je tente pourtant de ne pas me laisser envahir par trop d'angoisse et je parviens même à formuler quelques mots lorsqu'elle me tend son chargeur. « Tu n’imagines pas à quel point tu me sauves la vie ! » Lui dis-je avant de brancher le téléphone au chargeur qui miraculeusement convient à mon téléphone. Je relève les yeux vers la grande blonde, splendide. « Oui, c’est Evelyn, ou Evy. Comme tu préfères… » Réussis-je finalement à lui dire, décollant mon regard de l’écran vide. Appeler sans relâche ne servirait à rien. Il est nécessaire que je me calme et que je pense à autre chose. S’il faut je m’inquiète tout simplement pour rien. « Le café risquerait de m’énerver encore plus mais je crois qu’un verre d’eau me ferait du bien oui… » Je pose ma nuque contre le fauteuil, respirant doucement. « Je suis désolée, je dois passer pour une folle, mais je ne sais pas, j’ai été prise de panique sans pouvoir l’expliquer… » Tentais-je de me justifier. « Merci en tout cas. Mais si tu veux te préparer pour le défilé je ne veux pas t’embêter… »