Explosion réelle. Mort imminente. La situation se bouleversait du tout au tout. Le refuge devenait un Enfer. Le bien-être devenait une douleur. Le sauveur devenait le bourreau. Et je m’en voulais. Je m’en voulais d’avoir accepté de plonger avec lui. Je m’en voulais de l’avoir laissé entrer dans mon existence. Je m’en voulais de l’avoir laissé se faire une place dans le cœur brisé. Ce cœur qu’il réparait pour, au final, mieux venir le piétiner. J’avais simplement été porter secours à Harlem pour l’empêcher de faire une connerie. Je m’étais juste comporté comme un bon ami. Je m’étais contenté de veiller sur une personne que j’avais déjà trop détruit par le passé. Je l’avais fait et tout se retournait contre moi. À croire que je n’étais pas foutu de prendre les bonnes décisions. À croire que le destin devait continuellement s’acharner sur mon être. À croire que la malédiction s’abattait à présent pleinement sur moi. J’avais pourtant essayé de faire les choses correctement. J’avais accepté des rendez-vous avec Yohan avec le plus grand des plaisirs. J’avais accepté de lui parler, de me confier alors que, putain, cela n’arrivait jamais. J’avais accepté de laisser de côté mes soirées et mon monde pour plonger dans ce monde où il n’y avait que lui et moi et où j’étais aussi bien. J’avais accepté d’être clean bien trop régulièrement malgré la douleur dans mon être. J’avais accepté de baisser ma garde au point de dire oui à une histoire entre nous malgré les points noirs qui  cognaient dans ma tête. Et, putain, ce matin même, j’avais accepté d’aller me faire enfermer dans un centre de désintoxication. Je faisais des efforts pour lui. J’en faisais tant. Je n’en avais jamais fait autant. Ange qui essayait d’être le bon. Ange qui tentait d’être quelqu’un qui méritait le sauveur. Ange qui, pourtant, venait toujours faire des faux pas comme aujourd'hui en volant au secours d’Harlem. À croire que les erreurs comptaient plus que les efforts. Rentrer chez moi était la seule chose à faire à présent. Partir. Rentrer. Et… Et après, Ange ? Que se passerait-il après ? Je n’en savais foutrement rien. Je n’étais pas capable de prendre une décision aussi importante. Je laisserai sans doute mon destin aux mains des dés. Je les laisserai décider de la suite. En soufflant ma fuite, j’avais le fol espoir que mon copain – ou peut-être que je devais dire mon ex-copain à présent – me retienne. J’avais envie qu’il m’arrête. Je ne voulais pas croire à cette fin. Je ne la voulais pas. Cependant, ce n’était pas ce qu’il se passait. Yohan s’excusait. Mes prunelles se fermaient un bref instant. Je déglutissais avant de bouger de nouveau. Je venais récupérer mon téléphone, mes cigarettes et mon briquet. Je m’apprêtais à quitter la chambre lorsque sa voix résonnait une nouvelle fois. Je t’attendrais… C’était ce qu’il soufflait encore une fois. Mais, cette fois, ça ne semblait pas sonner comme une promesse. C’était différent. C’était plus douloureux. C’était comme se raccrocher à quelque chose de trop illusoire et en avoir conscience. Mes prunelles croisaient les siennes une dernière fois. Je ne répondais pas. Je quittais simplement la chambre m’empressant d’aller dans l’entrée. Chaussures à moitié enfilées, veste à la main, j’ouvrais la porte à la volée la claquant derrière moi et je dévalais les escaliers aussi vite que je le pouvais. Mes pas me portaient. Quelques mètres. Quelques minutes. Et, je finissais par m’effondrer dans une ruelle adjacente. F*ck, j’aurais dû le savoir. Yohan l’avait dit dès le départ. Je n’étais pas le genre de personnes qu’il fréquentait habituellement. Drogué, veuf. Comment ça aurait pu finir autrement que par cet échec ? Blotti contre le mur d’un quelconque bâtiment, les larmes coulaient vivement sur mes joues et le temps se mettait à filer. Sans moi. Ange blessé. Ange paumé. Ange au futur bien trop incertain.