Parce que l’étudiant regarde sa montre afin de vérifier les dires de la brune, elle fronce directement les sourcils, faute de la possibilité de voir le vieil homme douter de son excuse et de sa véracité. Mais contre toute attente, les voilà donc d’abord à trois, puis – après un regard en sa direction pour s’en assurer – à quatre à fouler les pavés du supermarché afin de récupérer les derniers articles espérés.

Le tableau est assez étrange, l’on ne peut le nier, mais tout aussi curieusement, Haiwee doit pincer ses lèvres afin d’avorter la naissance d’un sourire. L’espace d’une seconde, elle aime ce moment plus que ce qu’elle n’est en droit de le dire. Alors sur un rythme assez soutenu, ils longent un nouveau rayon, si bien qu’une inconnue commente la situation. « Ce n’est pas ma fille ni son gendre qui feraient çà. » D’un côté, elle en éprouve une pointe de fierté, après tout, la bienveillance de l’amérindienne n’est plus à démontrer. « Les jeunes de nos jours. Heureusement, il y a encore des exceptions. » Cependant, ce qui l’interpelle, c’est Sheng et son énigmatique expression. Elle n’a pas le temps d’analyser correctement la situation, qu’elle l’entend élever le ton. « Bon il est où le rayon des surgelés, qu’on y mette ta mère ? » Elle en manque de s’étouffer avec sa salive tant elle ne s’y attendait pas, et le choc, il doit pouvoir se lire sur ses traits, le rouge aux joues, et l’envie de lui souffler qu’il est fou.

Une fois encore, elle ouvre la bouche deux ou trois fois, sans savoir quoi ajouter, Sheng, il a l’art et la manière de laisser l’étudiante en journalisme sans voix. Son regard, il jongle entre lui et les deux personnes âgées, et les deux intruses féminines sur le côté, avant de bafouiller, le nez baissé vers la liste des articles à acheter, « Des pommes pour… Les compotes. » blague un brin vicieuse qu’elle fait malgré elle en souriant, évoquant, leur manque évident de dents.

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- DENTIFRICE: 1/1 REUSSI
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Elle s’en veut de sa piètre pique, de sa mauvaise répartie, mais pour la forme, juste un brin, car c’est dans sa nature d’être altruiste, mais ici et maintenant, l’amérindienne pourrait avouer très honnêtement qu’elle commence à en avoir marre de la petite dame, à son bras, accrochée, et de cet instant. Entre son grand-père et celle qu’elle a piqué par inadvertance à l’étudiant, ce n’est pas qu’un peu que c’est pesant. « J’aurais préféré une tarte moi…. Hein belle maman, » et elle s’essaie à ne pas lui décocher un regard en souriant.

Les deux séniors restant dans leur monde respectif, ou presque, elle se décide à accélérer le pas, sous le rythme que Sheng impose en répétant quasiment inlassablement. « Infusion, eau de Cologne. Infusion..., » elle a hâte d’en avoir fini, de se retrouver seule avec lui. Si bien que ses pensées s’égarent à la faveur de ces heures qu’ils vont devoir rattraper, faute de ne pas s’être croisés depuis plusieurs jours déjà. Un mois d’absence, même si elle a su faire semblant, a tenté le comportement insouciant, c’est long, quand on aime., tout ce temps. C’est difficile, pour elle, le manque la mordant souvent.

Tout à ses pensées, elle se perd dans sa bulle, en oublie l’un de ses protégés, le principal à dire vrai, qui lui a glissé de la main, et qui se carapate une nouvelle fois dans un rayon qu’elle n’avait pas prévu d’explorer. Les pommes, ce n’est pas de ce côté. « Je dirais que c’est toi, » elle accuse Sheng quand elle braque le caddie pour lui courir après, « quand on m’arrêtera pour géronticide. » sa patience à la lisière de dépasser ses limites. Cette fois, c’est limpide, elle veut en finir, et vite.

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Ce n’est pas d’elle de perdre patience, bien au contraire, normalement c’est à toute épreuve qu’elle est, sa bienveillance. De plus, elle possède cet instinct maternel qu’elle pensait être capable de transférer sur cet instant en compagnie de personnes âgées, parce qu’après tous les traits de caractères infantiles semblent ici être partagés. Seulement à l’évidence… Elle s’est trompée. « T’as choisi. » Certes, mais il est bien connu le fait qu’elle ne fat pas forcément les meilleurs choix. Elle les subit, la plupart du temps, avant de revenir dessus et effectuer de véritables changements.

Mais de son regard elle délaisse l’étudiant afin d’essayer de repérer le fuyard qui s’éloigne toujours plus en trottinant. Ca lui donne la migraine, spontanément. « Et ce n’est qu’un début, » Pardon ? Elle l’interroge sans mot dire, les sourcils froncés, ne voyant pas où il veut en venir, car elle, c’était plutôt la fin de cette torture qu’elle sentait approcher. « Imagine, plus tard…. » prenant le même chemin qu’elle et paraissant fer de ce qu’il est en train de supposer, « Me faire manger quand je n’aurais plus de… » plus tard, « M’aider en tout. » comme s’ils vivaient une véritable histoire. Puis dans la même fraction de seconde, il l’apostrophe de son doigt relevé. « Et avec amour. » Elle doit se maitriser mentalement pour trouver en elle la force d’en rire, sans réfléchir au fait que cette vision d’avenir, la fait souffrir. Elle a conscience que ça n’arrivera pas, que l’amour de son côté n’existe pas, alors oui, elle le trouve cruel de la harponner avec une prophétie factice qu’ils ne réaliseront jamais. Alors pour cette sensation de relation incomplète qu’il vient de raviver, elle se penche vers lui au moment d’amorcer une réponse, « Tu sais… » presque elle en omet les personnes âgées, « les maisons de repos, c’est pour ça que ça a été créé. » un sourire rebelle vissé sur ses lèvres, elle hausse ses épaules comme si ça ne lui faisait rien d'envisager de l'y laisser, en se reconcentrant sur le grand-père récalcitrant, ajoutant en murmurant, « mais bon, je te garderai. » par amour, pour toujours et à jamais.

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