Elle-même ne pourrait expliquer comment de cette blague, elle en est venue à éprouver une certaine mélancolie. Nostalgique d’une vie qu’elle ne connaîtra probablement jamais. Elle, la fille venue de la forêt. Elle qui, il y a quelques mois, s’est déclarée et n’a pas reçu la réponse qu’elle espérait, elle qui ne fait pas partie du monde qu’il connaît. Elle dont il peut se passer durant tout un mois, comme si elle n’existait pas.

En un soupir donc, elle tente de se dépêtrer de celle qui la prend encore comme appuie, dans l’espoir de récupérer son propre papi et réellement tenter de gagner cette petite compétition à laquelle elle joue avec lui. « J’crois que passées un certain âge, elles ne m’apprécient plus vraiment, » Elle jurerais avoir déjà entendu Wendy sous-entendre que c’était les femmes mures qu’il préférait pourtant. Et auxquelles il plaît, forcément. Ou bien est-ce que c’était lui ? Qui le lui avait dit ? Elle a la sensation de s’en souvenir à présent, des felles qu’il avait pu citer, dans le seul but de la blesser, ou juste le besoin viscéral de s’assumer, son impudicité lors de la soirée d’Halloween, l’an dernier. Même s'il ne devait pas parler de femmes aussi âgées. « Le violet…. C’est bien pour les grands-mères. » L’espace de quelques secondes, à ressasser les méandres de sa mémoire, elle en a oublié, les commissions. « Probablement. » Elle commente nonchalamment. « Vous aimez ? » quitte à l’avoir toujours accrochée à son bras, autant lui demander. « C’est lui que j’aime pas. » Etrangement, ça la fait sourire instinctivement, « Pourtant… » malgré tout, elle le sait capable d’être adorable parfois.  

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« Pas besoin de lui demander… » Cette irritation, elle ne l’avait pas vue arriver. Si elle lui a posé la question, ce n’est que parce qu’elle est mise à rude épreuve sa patience. Parce qu’elle est toujours là, accrochée à son bras. Et que malgré toute la bonne volonté de la Haiwee, c’est sur son système qu’elle est en train de taper.

Alors quand elle annonce de but en blanc qu’elle n’apprécie pas l’étudiant, elle début un plaidoyer d’un simple mot articulé, sauf que ce n’est pas au goût de Sheng, à l’évidence lui aussi ne trouve plus tout ceci amusant, si bien qu’il hausse un tant soit peu le ton lorsqu’il reprend ; « BON. Puisque la violette ne convient pas. » il part dans la direction opposée, sous le regard médusé d’Haiwee. L’éclipse dure quelques instants, avant qu’il ne revienne et dépose dans le caddie les nouveaux flacons, se justifiant… à raison. « Après tout, c’est pas mon fric, » ça se tient, elle a envie d’en rire tandis qu’elle opine d’un mouvement lent du visage, les lèvres bridées. Cette fois-ci, elle ne demande pas à la grand-mère d’approuver, parce que sinon elle a la certitude que ça pourrait s’étirer sur toute la fin de la journée. Elle va même jusqu’à penser qu’elle ferait tout pour l’emmerder et le forcer à déposer dans le charriot l’entièreté des parfums disponibles.

Ses prunelles quittent l’Adams pour glisser sur celui qu’elle devait normalement accompagner, elle n’est pourtant pas du genre à critiquer, mais ici, c’est de plus en plus compliqué, elle en oublie le respect que l’on doit naturellement aux aînés. « Certes, mais si ça continue, je vais probablement devoir payer le mien. » De char moitié plein, le vieillard tout à fait capable – c’est certain – de se tirer seul du magasin.

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De ses iris elle sonde la vieille silhouette qui n’est pas si loin que ça, prête à disparaître dans une nouvelle allée, chose qui n’en fini pas de la désespérer. Il n’a clairement pas envie d’être là, elle est d’ailleurs convaincue qu’il se fiche totalement des courses qu’ils ont effectué. Plus encore lorsque Sheng se penche sur le charriot afin de le jauger, après tout, rien n’est de première nécessité. « A défaut de retrouver le vieux débr… » Oh mais si elle sait où il est… Si bien que pour s’en assurer, elle en jette une œillade sur le côté, à la recherche de la carrure voutée. Mais tout ce qu’elle vient constater, c’est qu’à l’évidence, la poudre d’escampette, il l’a à nouveau utilisé. Si bien que l’amérindienne en crache un soupir dépité. Elle est maudite cette activité. « Si on ne le retrouve pas, t’as qu’à laisser çà là. » Le regard noisette se replonge sur Sheng et elle hoche dubitativement la tête. Elle qui est si obéissante… Elle éprouve face à cette idée, un sentiment réticent. Sauf que d’un autre côté, c’est vrai que ce serait plus simple si elle le faisait. « Et l’abandonner ? » Non pas le caddie, mais bel et bien le papi.

Et si elle s’en devient inquiète pour le fuyard, l’étudiant quant à lui se met en quête du dernier artéfact afin de compléter la liste de courses donnée en début de cette épopée. « Ça vous va, agrumes ? » Et celle qui est toujours à leurs côtés hausse les épaules d’une nonchalance qui fait sourciller la Haiwee. Mais ce qui la turlupine d’autant plus, c’est le fait qu’avec cette énième bouteille d’eau de Cologne, il vient de signer la fin de leur petit jeu. Ce qui la chagrine, juste un peu. Elle avait déjà en tête, de la soirée, tout le reste. « Fanfaronne pas, » une demande lasse mais aussi amusée, « les dés étaient pipés. » mauvaise perdante qui ne peut pas se retenir de râler. Mais quand elle retrouve son vieillard, elle ne peut que s’approuver, oui, c’était pipé.

Cela dit, elle se résigne, levant les yeux au ciel, « Allez, en caisse. » directive pour la fin des emplètes. Sur le chemin, elle attrape un autre paquet de piles, histoire d’achever sa propre liste. Une fois leurs courses payées, c’est à l’extérieur qu’ils finissent par se retrouver. En marche en direction de l’appartement de l’étudiant, la brune vient, maligne, lui souligner, « Il me semble qu’on avait dit… Tout ce que je voulais. » comme si elle avait gagné, mais la vérité, c’est que c’est tous les deux qu’ils l’ont fait. Car leurs désirs et volontés savent si bien fusionner.

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