Lundi 17 Mai. 07:45 pm

Depuis ma sortie de l’hôpital, tout était mouvementé. Des rencontres, des moments avec des proches, des rapprochements, une crise, des cauchemars, des folies… Enfin une folie surtout lorsque j’étais sorti samedi soir dans un club gay. La drogue et l’alcool m’avaient foutu à terre la journée du dimanche. L’après-fête n’avait pas été chouette quand bien même je m’étais senti libre. Après avoir passé la matinée de ce lundi en compagnie d’Aaron au salon de tatouage à me laisser bercer par le bruit, j’avais passé mon après-midi avec Nate avant de rentrer à l’appartement. À mon appartement afin de retrouver mon meilleur ami. Ce soir, nous faisions quelque chose juste lui et moi. Une douche rapide, une tenue enfilée rapidement et l’aventure débutait. Je me retrouvais dans ce taxi en compagnie de Lukas en direction du Sun Rock qu’il devait me faire visiter. Fol espoir d’être percuté par des souvenirs. Démente idée de retrouver quelque chose qui avait pu se passer là-bas. Tête baissée et capuche sur la tête, je jouais nerveusement avec mes doigts à l’arrière de cette voiture aux côtés de mon meilleur ami. De mon plus que meilleur ami. Il était clair qu’au vu des derniers rapprochements, Lukas ne pouvait pas juste être un meilleur ami. Il ne pouvait plus juste être ça dans cette vie qui m’échappait un peu trop encore. Mes prunelles lui jetaient des coups d’œil de côté de temps en temps. Observer son profil et me sentir rougir dès qu’il tournait son regard sur moi. Gamin qui n’avait pas osé attraper sa main et qui préférait tordre ses doigts entre eux. Le véhicule s’arrêtait. La course était réglée. Et, nous nous retrouvions devant le Sun Rock. Glissant mes mains dans mes poches, mes prunelles se posaient sur Lukas comme pour lui dire que j’étais prêt et que je le suivais. Prêt à découvrir cet endroit… À le redécouvrir. Prêt à voir mes espoirs de souvenirs réduits à néant douloureusement.

Mes prunelles se posaient sur le logo du Sun Rock l’observant un instant. Ce logo que j’avais déjà vu sur le bras de Lukas à l’hôpital. Ce logo que je quittais des yeux lorsque mon meilleur ami faisait un signe de tête pour me dire de le suivre. Il soufflait que nous allions passer par derrière et j’hochais la tête. Gamin qui se contentait d’obéir même s’il ne comprenait pas. Pourquoi me faire passer par l’arrière ? Pourquoi ne pas me montrer l’entrée principale ? Est-ce qu’il y avait des choses à cacher ici ? Non Neal, tu te montes juste la tête parce que tu es sur les nerfs depuis samedi. Je m’efforçais de souffler doucement suivant sagement Lukas. Et effectivement, je me montais la tête. Lukas ne tardait pas à m’expliquer le pourquoi de ce détour. La présence de grilles de sécurité qui ne s’ouvrait que de l’intérieur et qui nous poussait donc à entrer par l’arrière. J’étais vraiment stupide. Ma langue glissait sur mes lèvres sèches tandis que je blottissais un peu plus mes mains à l’intérieur de mes poches. Gamin qui avait froid. Gosse qui sentait quelque chose lui hérisser les poils. La panique peut-être. Cette panique de me retrouver seul à l’extérieur pour la première fois avec Lukas… Enfin… Pour la première fois totalement sobre. Le code était composé alors que mes prunelles fuyaient pour ne pas regarder. Je n’avais peut-être pas le droit de le connaître. Je préférais peut-être ne pas le savoir. Les clés tournaient dans la serrure et la porte s’ouvrait. Je la passais après Lukas alors qu’il soufflait qu’il me présentait son bébé. La lumière s’allumait éclairant l’endroit alors que le message de bienvenue était soufflé entre les lèvres de Lukas. Mes iris sombres se promenaient autour de moi tandis que j’avançais dans l’endroit. La scène, le bar, l’espace… Je marchais doucement laissant mon regard explorer les lieux. Je soufflais un « C’est sympa… » admiratif alors que mon cœur se déchirait doucement. Gamin sans souvenirs. Gosse qui n’était pas percuté par les flashs. Enfant qui avait envie de chialer. Être humain qui se contentait de sourire doucement en ne cessant d’observer les lieux. Mes prunelles se reposaient sur Lukas et je rajoutais « Ce… C’vraiment chouette comme endroit… Bravo… »

Lukas se tenait sur la scène lorsque mon regard se posait sur lui et il donnait l’impression d’être parfaitement à sa place. Dans son monde. Dans son univers. Chez lui. Là où il devait être. Au Sun Rock. Sur une scène. Un mélange des deux sans doute. Et, sur le coup, je sentais mon ventre se tordre alors que je l’enviais. Gamin qui avait envie de se sentir à sa place quelque part. Gosse désireux de trouver son monde aussi. Son monde qui n’était peut-être pas ici à Boston. Mon meilleur ami me remerciait des compliments avouant sa fierté à l’égard de l’endroit. Sa fierté face à ce qui avait été accompli et face à ce qui pourrait l’être. Ouais, je n’avais aucun doute sur le fait qu’il ait le pouvoir de rendre l’endroit encore plus unique et magnifique. Mon meilleur ami sautait soudainement au pied de la scène et mes prunelles se fermaient pendant le saut. Gamin ressentant la pointe d’inquiétude. Gosse attaché au meilleur ami qui ne voulait pas le voir se ramasser au sol. Il venait me détailler l’endroit. La scène qui pouvait accueillir tellement de représentation. Dont une qui semblait faire rire Lukas. Mes sourcils se fronçaient. Je mordillais ma lèvre hésitant un instant avant de murmurer « Penser à quoi… ? » Curiosité enfantine qui s’invitait un peu trop. Curiosité cognant un peu trop fort et qui me poussait à prendre la parole. J’observais mon Lukas… Non. Pas mon Lukas. Juste mon meilleur ami. Je l’observais sautiller un peu trop ici comme si heureux de se retrouver en ces lieux. Comme si cet endroit savait lui mettre du baume au cœur et alléger tout le reste. Comme un refuge dans la tempête incessante. Il passait derrière le bar proposant une bière et j’acquiesçais sagement acceptant la boisson. J’acceptais même si je n’étais pas certain de pouvoir la boire. Gamin pas remis de samedi soir. Gosse à la tête et au ventre encore un peu trop malade. Je notais dans un coin de ma tête que Lukas serait absent lundi prochain tout en attrapant la bière qu’il me tendait. La visite se poursuivait alors. Le bureau de Lana et des pièces vides. Je portais ma bière à mes lèvres pour une gorgée comme si cela pouvait défaire le nœud dans mon ventre avant de demander « Quelques idées ? » Le faire parler de l’endroit était sans doute mieux que de parler entre nous de nous. Le faire parler du Sun était mieux que tenter d’attendre ces flashs de souvenirs qui ne semblaient pas vouloir s’inviter. Je suivais Lukas encore manquant de lui rentrer dedans lorsqu’il s’arrêtait un peu trop brutalement devant moi pour m’interroger. Ma langue glissait sur mes lèvres et je répondais « Les escaliers… » Ouais, les escaliers étaient toujours préférables face à tout le reste.

La curiosité enfantine s’invitait comme elle avait eu l’habitude de le faire par le passé. Lorsque Lukas faisait certaines moues qui me laissaient savoir qu’il pensait à quelque chose ou qu’il préparait quelque chose, je finissais toujours par me jeter sur lui pour tenter de découvrir ce qu’il avait en tête. Et il me le confiait presque à chaque fois me mettant dans la confidence pour vivre l’aventure à deux. Ensemble. Teo et Lukas. En Italie. Aujourd’hui, ce n’était plus Teo et Lukas en Italie. C’était Neal et Lukas au Sun Rock à Boston dans une vie un peu trop complexe que j’avais tant de mal à saisir. C’était Neal et Lukas dans une relation que je peinais à voir réellement. Dans une relation que je ne voulais pas voir peut-être. Meilleur ami plus important que le reste, malgré les pulsions et les désirs cognant dans les veines lorsque j’étais proche de lui. Je secouais la tête pour ne pas penser à ça. Et, ce soir, même si je ne me jetais pas sur lui pour découvrir ce qui se cachait dans sa tête, je ne savais pas retenir la question qui franchissait mes lèvres. Gamin qui voulait savoir à quoi il avait pensé. Gosse désireux de découvrir ce qui avait pu le faire rire. La confession ne tardait pas à glisser entre ses lèvres et mes prunelles se perdaient un instant sur la scène à imaginer ce qu’une telle démonstration pourrait donner. Imagination bien vite détournée lorsqu’il attrapait de nouveau mon attention en parlant de la cuisine qui se trouvait au-dessus de nous. Sourcils froncés, je soufflais « Je… Tu… Tout le monde peut t’voir faire la cuisine alors.. ? » Question qui semblait juste emplie de curiosité. Question qui cachait – peut-être beaucoup trop mal – une pointe de jalousie. Gamin qui adorait observer Lukas cuisiner dans l’appartement. Gosse qui ressentait un trop plein de choses en le voyant si concentré. Est-ce que d’autres personnes ressentaient pareil en assistant au spectacle ? Me tournant vers la scène comme pour oublier cette soudaine question, je reprenais la parole pour babiller « Tu… T’es pas obligé d’faire une démonstration de cuisine sur scène… Mais je… Un concours de cuisine peut-être… » Idée farfelue qui glissait entre mes lèvres avant que je me contente d’hausser les épaules. Je n’y connaissais rien moi en fait. Je n’avais sans doute rien à dire. Rien à proposer. Je suivais donc sagement Lukas alors qu’il se faufilait derrière le bar pour m’offrir une bière que j’acceptais avant de continuer la visite. Cette visite avec plein de mots alors qu’il me parlait des possibles projets pour les pièces vides. J’acquiesçais lorsque le silence tombait en murmurant admiratif « Tout plein de sublimes projets… C’est chouette… » Et je trouvais que ça l’était vraiment. Continuer d’avancer jusqu’à l’arrêt brutal de Lukas. Je manquais de lui rentrer dedans avant d’offrir ma réponse pour continuer la visite. Les escaliers montés, la lumière allumée, je découvrais la salle de restauration. Cet endroit où Lukas me laissait soufflant qu’il allait sortir la pizza du four. Je l’observais jusqu’à ce qu’il disparaisse de mon champ de vision et je me tournais alors vers la salle. Gamin découvrant l’endroit et avançant doucement entre les tables. Gosse qui finissait par grimper sur une table pour s’y asseoir. Lukas avait un vrai projet, un vrai endroit à lui. Il avait une vraie place ici. Et moi dans tout ça ? Elle était où ma place ? Un soupir glissait entre mes lèvres et je venais retirer le sweat que je portais. Je venais même déboutonner les premiers boutons de ma chemise. Gamin qui crevait de chaud sous l’angoisse qui pulsait. Gosse qui fermait les yeux et qui attendait d’entendre du bruit sans bouger de son perchoir.

Étrange sensation qui s’invitait dans mon bas-ventre et dans mon cœur lorsque la question glissait entre mes lèvres. Est-ce que tout le monde pouvait voir Lukas en train de cuisiner ? Cela n’aurait sans doute pas dû me préoccuper. Ce n’était que mon meilleur ami qui faisait la cuisine. Rien de bien fou. Et, pourtant, cela m’inquiétait peut-être un peu trop. Gamin qui adorait l’observer. Gosse qui se laissait parfois avoir à des fantasmes un peu trop fous en voyant ses gestes si précis et parfaits. Le rire de Lukas me tirait hors de ma tête et je me contentais d’hocher la tête à la réponse qui m’offrait. Une réponse qui venait apaiser le feu brûlant de la jalousie que j’avais du mal à comprendre. Une réponse qui me poussait à sourire doucement malgré moi comme si j’étais serein de nouveau. Serein à l’idée de savoir que peu de monde pouvait voir mon meilleur ami cuisiner. Je ne m’attardais pas sur cette histoire détournant la conversation sur l’idée de Lukas. Peut-être qu’il ne pouvait pas faire une démonstration de cuisine sur la scène, mais il pouvait organiser un concours de cuisine. Ça existait bien ça ici aussi. Ces concours qui pouvaient passionner certaines personnes. Je lançais les propos avant d’hausser les épaules comme le gamin incertain que j’étais. Il ne s’agissait que d’une folle idée sortie tout droit de ma tête. Une idée que Lukas ne trouvait pas stupide la reprenant et se mettant déjà à chercher une idée de thème. Le rire entre ses lèvres me poussait à lever les yeux sur son visage pour apercevoir ce sourire qui me tordait agréablement le ventre. Son regard rencontrait le mien lorsqu’il proposait une pizza géante et moi qui dégustait la première part. Sourire aux lèvres, j’imaginais cette scène à l’intérieur de mon esprit et je rétorquais « J’veux bien déguster la première part d’une pizza géante ouais… Et je… Y a plein de concours possibles en cuisine t’sais… Genre… Le meilleur plat Italien entre plusieurs participants… Ou le meilleur dessert… » Faisant un mouvement de la main comme pour dire qu’il y avait plein d’autres pistes, je baissais soudainement les yeux en mâchouillant ma lèvre. Gamin qui se sentait de trop et qui n’avait pas à s’impliquer comme ça au sein de quelque chose qui n’était pas à lui. Gosse qui ferait sans doute mieux de garder les idées dans sa tête. Antonio soufflait toujours que le silence était préférable lorsque je n’étais pas contraint de parler alors, merde, pourquoi ne pas juste me taire ? Je ne cessais de mordiller ma lèvre suivant Lukas qui passait derrière le bar. J’attrapais la bière tendue avant de l’entendre me parler des projets du Sun Rock. Des projets qui me rendaient admiratifs et qui poussaient mon meilleur ami à reprendre la parole pour parler encore de l’endroit. De ce Sun Rock et de tout ce qu’il pouvait accueillir ou représenter. J’hochais la tête des étoiles brillants dans les yeux en observant Lukas. Il semblait si bien et si heureux. Il semblait tellement dans son élément et je ne pouvais m’empêcher de souffler admirativement « Tu… T’es à ta place ici… » Les mots m’échappaient dans un murmure plus pour moi que pour lui. Gamin qui admirait le super héros sous son regard. Gosse qui rêvait quelque part de lui ressembler. Nous nous retrouvions à l’étage et j’étais laissé seul dans la salle de restauration. Seul à errer entre les tables avant de me poser. Et la tête se mettait en marche. Les réflexions fusaient. Les pensées chahutaient. Je retirais mon sweat et déboutonnais les premiers boutons de ma chemise comme pour éviter la vague d’angoisse qui semblait vouloir s’inviter à l’intérieur de mon être. Je fermais les yeux pour me concentrer sur ma respiration et, presque aussitôt, les bruis de pas me poussaient à les rouvrir. Lukas était là. Verre d’eau et pizza à la main. Il était là à m’interpeller et à souffler des mots pour m’encourager à laisser la tête de côté. Je ne pouvais m’empêcher de marmonner un « D’solé… » comme si je me sentais coupable de me faire emporter par le dédale de ma tête. M’excuser de partir en vrille alors qu’il lançait une remarque qui me faisait froncer les sourcils. J’observais la table sur laquelle je m’étais installé avant de laisser mon regard parcourir l’endroit. Toutes les tables se ressemblaient et je ne comprenais pas ce qu’il pouvait vouloir dire en parlant de mon choix de m’installer. Levant à peine les yeux sur lui, je me comportais à nouveau comme un gamin curieux soufflant « D’la même façon ? Sur la même table ? » Enfant qui avait envie de découvrir les secrets qui lui échappaient. Gamin qui voulait saisir la réalité qui lui manquait. Gosse qui voulait entendre la réalité de Lukas. Mais, en attendant, j’acquiesçais à sa deuxième interrogation. Attrapant le verre d’eau, je le vidais d’une traite avant d’oser me lever de cette table. Et, le pull posé sur l’épaule, je soufflais « J’te suis… » à Lukas pour l’inviter à avancer vers le bureau où nous devions aller pour manger.