Cape Cod… Voilà plusieurs heures que nous étions arrivés sur place. Voilà déjà plusieurs heures que nous profitions de notre week-end en amoureux. Le dernier avant l’arrivée d’Aurore. Après une nuit et une grasse matinée au sein de notre hôtel habituel maintenant, nous avions fini par nous rendre à l’endroit voulu. Le salon de tatouage… Cet endroit où tout allait changeait. Cet endroit qui marquait un tournant au sein de notre histoire parce qu’aujourd’hui j’allais encrer Lukas sur ma peau pour toujours. Et pas n’importe où.
Allongé sur le fauteuil du tatoueur, je gardais les yeux fermés en attendant de ne plus entendre l’aiguille faire son travail. Elle marquait mon annulaire gauche de ce ‘L’ que nous avions choisi ensemble. Lukas et moi. Ce ‘L’ qui signifiait tellement… C’était peut-être plus fort qu’une demande en mariage et c’était sans doute pour cette raison que j’avais eu peur que mon copain soit contre mon idée. Il ne l’avait pas été. Il avait même pensé à mon annulaire pour accueillir le tatouage. Alors je me trouvais sur ce siège à laisser l’encre s’inviter dans ma peau. À laisser Lukas prendre cette place dans ma vie. L’aiguille se taisait. Je tournais la tête vers mon copain qui se trouvait à mes côtés lui souriant et lui rendant ce je t’aime qu’il m’envoyait. Me redressant, j’étais prêt à payer et à partir continuer profiter de ce week-end avec mon copain lorsque sa voix s’éleva à l’attention du tatoueur. Les mots me figeaient sur place. Je n’osais plus bouger. Je n’osais peut-être même plus respirer. Bouche entrouverte, je posais les yeux sur Mio Amore en fronçant les sourcils. Ma langue glissait sur mes lèvres et j’osais demander « Tu… Tu veux le même… ? » comme un gamin timide et hésitant. Ce n’était pas prévu ça. Qu’est-ce qu’il était en train de faire ?

L’envie de mon copain sortait d’un seul coup. Soudaine. Imprévue. Surprenante. Allez savoir pourquoi, mais je ne voyais pas Lukas désireux de porter de l’encre sur sa peau à vie. À vrai dire, je n’avais jamais pensé franchir le pas moi aussi. Pourtant, après le premier dessin fait sur mon poignet gauche, les idées s’étaient mises à fuser dans ma tête. À présent, je comptais trois tatouages sur ma peau. Trois tatouages qui avaient tous une signification particulière et importante pour moi. Trois tatouages qui étaient rattachés à des personnes qui comptaient pour moi. J’étais persuadé que ce tatouage était le dernier que je faisais. Le dernier et le plus marquant sans doute. Ce n’était pas rien de laisser l’initiale de mon copain trouver sa place sur mon annulaire gauche. Et voilà que Mio Amore voulait le même tatouage. Sa main s’approchait de moi venant refermer ma bouche. Le sourire rassurant se dessinait sur les lèvres de mon copain qui venait exprimer son souhait. Mes prunelles se baissaient. Mon cœur cognait trop fort. Ma respiration s’accélérait un peu trop. Ma tête fonctionnait trop vite. Quelques minutes passaient et je relevais les yeux sur Mio Amore l’interrogeant « T’es sûr de toi ? » parce que j’avais besoin de savoir. Besoin d’être certain qu’il faisait ça pour lui. Qu’il ne faisait pas ça en réponse à mon tatouage. Qu’il ne se sentait pas obligé de le faire comme pour accepter une étrange demande en mariage. Mordillant nerveusement ma lèvre, je marmonnais « T’es pas obligé d’faire ça tu sais… Je… J’dis pas que je suis pas d’accord hein… Bien au contraire, je serai totalement d’accord… Mais je… Tu y as vraiment réfléchi ? T’veux réellement te faire un tatouage ? Ce tatouage ? » pour pousser le sexy musicien à réfléchir un peu plus. Pour éviter qu'il commette une erreur qu’il pourrait regretter dans quelques mois.

Dire que j’étais surpris était un euphémisme. J’étais carrément sous le choc de cette envie soudaine qui se répercutait dans le salon de tatouage où nous étions échoués pour ce début de week-end en amoureux. Totalement perdu par cette décision dont nous n’avions pas parlé, je sentais ma respiration s’accélérer et mon cœur cogner plus fort parce que j’avais peur. Peur que Lukas ne fasse ça que parce que je le faisais. Peur qu’il se sente simplement obligé de marquer sa peau pour me prouver ses sentiments. Peur qu’il commette une possible erreur qui ne pourrait plus s’effacer. Parce que ouais, malgré tout, je continuais de penser que je n’étais pas la personne qu’il fallait pour Lukas. Il était peut-être mon âme-sœur, mais je n’étais pas la sienne. Pas assez bien. Beaucoup trop toxique. Le souffle court, le cœur douloureux, je m’emmêlais doucement dans ma tête. Et Mio Amore réagissait au quart de tour comme toujours. Il savait que l’angoisse arrivait alors sa main glissait dans la mienne. Je la serrais doucement avant d’oser le questionner. Les secondes s’écoulaient bien vite et la réponse ne faisait pas attendre. Mon sexy copain hochait la tête totalement sûr de lui avec ce putain de sourire qui me faisait craquer. Il soufflait ces mots qui me faisaient monter les larmes aux yeux parce que c’était un peu trop inattendu. Peut-être aussi parce que c’était un peu trop important. Hochant doucement la tête, je soufflais « D’accord…  Je… Si t’es vraiment sûr de toi, sûr que c’est ce que tu désires, je… J’suis d’accord  Amore… » tout en caressant la main de mon copain. L’attirant à moi, je plantais mon regard dans le sien comme si je cherchais à lire en lui et à être sûr que ce n’était pas moi qui le poussait à un tel acte. Susurrant un « Je t’aime… », je déposais mes lèvres sur les siennes un bref instant avant de sauter du fauteuil pour laisser la place à mon copain.

La main libre de mon copain montait caresser ma joue poussant mes yeux à se fermer sous le contact. Ça m’apaisait. Ça faisait du bien. Ça venait calmer mon cœur un peu trop fou et ma respiration si emballée. Lorsqu’il venait m’essuyer le coin de l’œil, j’ouvrais de nouveau les yeux pour poser mon regard sur mon copain et le rassurer. Je ne voulais pas qu’il s’en fasse. Je ne voulais pas qu’il se mette à croire que ces larmes étaient mauvaises. Alors, je babillais « C’est ok Amore… Ça va… J’suis juste ému… Mais je… Tout va bien… » Et c’était vrai. Ça allait vraiment. Je ne faisais pas semblant. Je ne mentais pas. J’allais bien. J’étais juste un peu trop touché par cette action qu’il se décidait à commettre. Par ce pas qu’il se décidait à franchir. Ce n’était pas rien à mes yeux et je me demandais s’il le savait vraiment. S’il se rendait réellement compte de ce qu’il faisait. Je mordillais nerveusement ma lèvre. J’hésitais un bref instant. Est-ce que je devais prendre le temps de lui expliquer réellement ce que ce tatouage pouvait vouloir dire ? Est-ce que je devais prendre de précieuses minutes pour peut-être empêcher qu’il commette un acte au sein duquel il ne voulait pas réellement s’engager ? J’avais envie de les prendre ouais, mais s’il ne m’en avait pas parlé avant, c’était sans doute pour ne pas avoir toutes ces discussions. Alors, je soufflais mon accord sans pousser plus loin. Je soufflais mon accord et je l’attirais vers moi tandis qu’il me remerciait. Le tatoueur se raclait la gorge et je m’empressais de laisser ma place sur le fauteuil. Mio Amore s’y installait. Sa main ne lâchait pas la mienne alors qu’il demandait le tatouage. Ce ‘N’ et ce ‘T’ qui viendraient se graver dans sa peau à jamais. Le regard de mon copain s’accrochait au mien. Je caressais doucement sa main pour le rassurer. Mais, je ne pus m’empêcher de demander « T’es vraiment sûr hein ? Ce.. C’ta dernière chance… Je… Tu… T’sais ce qu’un tel tatouage veut dire hein… » parce que j’avais trop peur qu’il regrette. Dans quelques heures. Dans quelques jours. J’avais trop peur qu’il me dise qu’il me détestait de ne pas l’avoir empêché de faire ça.

Les larmes s’étaient invitées dans mes yeux, mais elles n’avaient rien de mauvais pour une fois. Je m’empressais d’ailleurs de rassurer mon petit-ami qui ne voulait pas me faire pleurer. Je voulais qu’il sache que je n’étais pas triste de sa décision. J’étais simplement touché au point de ne plus savoir contrôler ce que je ressentais. Après tout, sa décision était imprévue. Je n’avais pas eu le temps de m’y faire. C’était un peu comme se prendre un coup qu’on n’attendait pas. Un doux sourire glissait sur mon visage lorsque mon copain me confiait qu’il savait et que ça se voyait. Bien sûr qu’il savait… Après tous ces mois à se fréquenter, Lukas avait appris à différencier les lueurs dans mon regard. Il avait appris à prévoir un peu mieux les crises d’angoisses aussi. D’ailleurs, il avait su en éviter une à l’instant en laissant sa main retrouver la mienne. Ses lèvres déposaient un baiser sur ma main m’arrachant un nouveau sourire avant que nos lèvres ne se trouvent pour un véritable baiser. Un baiser qui me faisait du bien. Un baiser qui réchauffait mon cœur. Les rôles changeaient. Mio Amore s’installait sur le fauteuil réclamant les deux lettres qui viendraient orner son doigt à tout jamais. Nos regards s’accrochaient et je caressais sa main pour lui montrer mon soutien. Cependant, au bout de quelques secondes, je craquais. Je ne savais pas retenir mes mots. Je ne savais pas me taire. Il fallait que je propose un retour en arrière une dernière fois. Il fallait que je lui ouvre la porte de sortir une ultime fois. Je ne voulais pas que le jeune homme me reproche d’avoir franchi un tel cap un jour. Notre histoire était bancale. Elle le serait sans doute toujours. Je risquais de le blesser plus d’une fois. Alors était-il sûr de vouloir ces initiales sur sa peau ? Était-il sûr de les vouloir à cet endroit particulier avec tout ce que cela pouvait apporter ? La réponse ne tardait pas à tomber et je me contentais d’hocher la tête après les mots de mon copain. J’étais incapable d’ouvrir la bouche. Touché. Bouleversé. Peut-être aussi un peu trop perdu parce que, merde, est-ce que ça ressemblait à une demande en mariage ? Alors que je me torturais l’esprit en silence, Mio Amore donnait l’accord au tatoueur et je l’observais serrer les dents pour ne pas penser à la douleur. Mes doigts caressaient doucement le dos de sa main droite comme pour l’aider à oublier. Comme pour l’aider à passer outre cette douleur.