Ma main liée à celle de mon copain, j’observais d’un air absent l’aiguille qui teintait sa peau. J’observais mes initiales prendre place sans réellement les regarder trop perdu à l’intérieur de ma tête. Mes prunelles se relevaient sur le visage de mon petit-ami qui souriait. Il semblait si heureux de passer ce cap et je m’en voulais de fracasser ce bonheur à cause de qui j’étais. À cause de l’Enfer de ma tête. Les grimaces de mon copain me faisaient sourire d’un air amusé malgré moi parce que je ne me rendais pas compte que l’aiguille pouvait faire mal. J’avais connu tellement pire que ça ne m’avait rien fait. Que ça ne me faisait jamais rien. Alors ouais, ça me faisait sourire de le voir grimacer et endurer cette souffrance pour moi. L’aiguille terminait son travail et Mio Amore contemplait son doigt avec ce sourire de fierté qui venait me mettre les larmes aux yeux. F*ck… J’en avais marre de me sentir au bord du précipice. J’en avais marre de me sentir toujours au bord des crises de larmes comme si je ne pouvais plus rien encaisser. Comme si le vase était trop plein. Mio Amore m’attirait à lui et ses mains se glissaient dans mon dos me faisant son prisonnier. La demande glissait entre ses lèvres. Un soupir m’échappait. Il y avait tellement de choses à l’intérieur de ma tête et je ne voulais pas foutre en l’air le bonheur de mon copain. Son bonheur d’avoir ce tatouage… Son bonheur que j’ai ce tatouage qu’il venait regarder. Marmonnant un « Plus tard… », je me dégageais doucement de sa prise avant de l’attirer à ma suite. Les tatouages payés, les recommandations pour s’en occuper dans les jours à venir entendues, nous nous retrouvions à l'extérieur main dans la main. Et, là, ma langue se déliait « Je… J’regrette pas que tu aies fait ce tatouage Amore… Vraiment pas… Mais je… J’peux pas m’empêcher de penser qu’un jour tu vas finir par le regretter parce que je vais te faire souffrir et que tu vas me détester… J’peux pas m’empêcher de penser qu’un jour tu viendras me reprocher d’avoir sauter un tel pas alors que tout… Alors que tout est instable et incertain… »

Les confessions glissaient entre mes lèvres parce que je ne voulais pas les retenir pendant ce week-end. Je ne voulais pas rajouter quelque chose à ma tête. Je ne voulais pas me torturer l’esprit pendant des heures alors que j’avais si follement envie de profiter de ce temps avec mon copain loin de Boston. Je désirais profiter de cette pause loin de notre Enfer quotidien. Je voulais pouvoir être bien ce week-end. Mieux que tout le reste de la semaine. Les confessions m’échappaient alors dans la rue et mon copain s’arrêtait trop soudainement pour me faire face. Les premiers mots tombaient pour tenter de me rassurer. Est-ce que ça fonctionnait ? Honnêtement, je ne savais pas trop. J’étais un peu trop perdu. J’avais du mal à croire que Mio Amore ait vraiment eu envie de marquer sa peau de lui-même sans se sentir obligé parce que je le faisais. J’avais toujours peur qu’il finisse par m’en vouloir un jour. Mais, je restais silencieux cette fois. Mio Amore me serrait contre lui. Ses yeux trouvaient les miens et les mots glissaient. Des mots face auxquels je me retrouvais à acquiescer sagement parce que ouais j’avais envie de ça moi aussi. Je voulais parcourir le chemin ensemble le plus longtemps possible. Les questions tombaient et je secouais négativement la tête marmonnant « Non je ne regretterai pas mon tatouage… J’y ai bien réfléchi et je ne le regretterai pas… Jamais… Et je… Tu… On sait tous les deux que ce n’est pas toi qui me blessera… » J’étais persuadé qu’il le savait. Jamais Lukas pourrait me blesser comme moi je pourrai peut-être le blesser. Mâchouillant nerveusement ma lèvre, mes yeux s’emplissaient de larmes tandis que je reprenais « Je… Je pourrai jamais réellement te détester Amore et tu le sais bien… Mais je… Tu… F*ck… À mes yeux c’pas rien ce tatouage Lukas… » Son prénom résonnait comme pour montrer le sérieux de l’instant. Le sérieux de ce tatouage. Mes bras glissaient autour de son cou et j’osais reprendre « Je… Ce… Ce tatouage c’est presque plus qu’un engagement avec un anneau pour moi… » me sentant rougir lorsque les mots quittaient mes lèvres.

Yeux dans les yeux, mes réponses tombaient rapidement parce qu’elles étaient sincères. Je n’avais pas à réfléchir des heures pour trouver quoi dire. Je savais déjà ce que je désirais dire, ce que je pouvais ressentir. Alors non, je ne regretterai jamais ce tatouage. Je n’aurai jamais proposé de le faire si je pensais un jour le regretter. Lukas faisait parti de ma vie depuis que j’étais gosse et c’était quelque chose que je ne voulais pas oublier. Plus oublier. Le soupir de mon copain me poussait à baisser les yeux avant de reprendre que je ne pourrais jamais le détester. Et ça, ça le faisait sourire laissant glisser les mots rassurants entre ses lèvres. Le sérieux s’invitait. Un sérieux dont je n’avais pas prévu de parler aussi tôt. Je pensais faire cette déclaration sur la dune demain soir, mais je ne pensais pas qu’il se ferait un tatouage. Mes bras glissaient autour du cou de mon copain et je me sentais rougir sous les mots que je prononçais. Des mots qu’il ne comprenait pas me demandant de dire ce que ça représentait pour moi sans approximation. Le soupir m’échappait. Je m’éloignais soudainement. Je marchais de long en large glissant mes mains dans mes cheveux. Le stress montait dans mon être. Je savais quoi dire. Je ne savais plus comment le dire. Merde, ce n’était pas le moment. Si ? Soupirant, je m’arrêtais soudainement face à Lukas. À quelques mètres de lui et plantant mon regard dans le sien, je me lançais « Je… F*ck… T’étais pas censé te faire un tatouage aussi Amore… Je… J’suis heureux que tu l’aies fait hein… Mais je… Ouais j’crois que tu te rends pas compte de ce que ça peut vouloir dire… » Je secouais négativement la tête en soupirant avant de reprendre « Un anneau tu peux le prendre, l’enlever, le jeter, le faire disparaître… Tu peux l’avoir à ton doigt et une minute après ne plus l’avoir… » Et, comme pour prouver mes dires, je montrais ma main gauche où se trouvait la bague à mon index. Je la retirais, la faisant disparaître un instant avant de la remettre à mon doigt. Les yeux rivés sur le sol, je continuais « Un tatouage ça s’efface pas si facilement… Tu… T’peux essayer de le masquer et bien sûr tu peux te le faire retirer un jour… Mais je… C’pas pareil… C’est là… Sur la peau… Et à moins de se couper le doigt, ça va rester là… Et je… F*ck… Je… Tu sais que je peux pas te promettre la fidélité Lukas… J’fais des efforts je te jure, mais je ne peux pas garantir de ne pas craquer un jour. Je ne peux pas garantir de ne pas déraper, de ne pas coucher avec d’autres parce que je… C’est comme ça que j’suis… C’est comme ça qu’ils m’ont façonnés et que je… J’ai besoin de ça… Alors je… J’peux pas te promettre la fidélité à cent pour cent… Mais je fais des efforts et c’est déjà énorme pour moi… D’écraser les crises de manque… De ne pas craquer dès que l’envie cogne… De ne pas coucher tous les soirs avec quelqu’un… Alors je… J’ai fais ce tatouage Lukas… » Relevant les yeux vers lui, je soufflais un coup avant de continuer « J’ai fais ce tatouage parce que c’est un engagement plus fort qu’un anneau pour moi… Ce… C’pas une vraie demande en mariage parce que je sais que j’peux pas faire ça… Que tu mérites mieux… Mais ce… C’est ce qui s’en rapproche le plus… J’ai fais ce tatouage et ce… C’est un peu comme si quelque part ça faisait de moi ton mari Lukas… Un mari particulier certes, mais un mari quand même… »

La déclaration tombait. Pas comme je l’aurais voulu. Ce n’était pas aussi romantique. Ce n’était pas aussi parfait. Ça semblait un peu trop bancal. Tellement trop imparfait. Peut-être que ça nous ressemblait un peu plus à Lukas et moi dans le fond. Je babillais sans savoir m’arrêter. Je m’emmêlais un peu trop ne trouvant pas exactement ce que j’étais censé dire. Les mots glissaient. Et finalement le silence tombait. Un silence bien vite rompu par Mio Amore qui reprenait mes propos. Ma nouvelle dénomination. Mon copain soufflait qu’il ne savait pas quoi dire et j’haussais doucement les épaules. Qu’il me dise qu’il n’était pas d’accord avec ça. Qu’il me dise qu’il ne voulait pas que j’ai cette place là. Qu’il me dise qu’il voulait ça. Qu’il souffle qu’il se considérais comme mon mari lui aussi maintenant. Je n’en savais foutrement rien. J’avais peut-être juste envie qu’il me donne son avis sur cette réalité que je mettais soudainement en lumière. Cette réalité dont j’aurai dû lui parler, mais ce n’était pas de ma faute. Je n’aurai jamais cru qu’il se ferait un tatouage. Mon sexy musicien s’approchait de moi prenant mes mains et je le laissais faire. Ses yeux trouvaient les miens. De nouveaux mots tombaient. Il comprenait mon acte et ça le touchait. Mais… ? Ouais, j’attendais ce foutu mais qui ne semblait pas venir. Ce fichu mais qui semblait pourtant peser dans l’air. Je l’entendais presque cogner à ma tête. Pourtant rien ne venait. Les mots ne tombaient pas. Les bras de Lukas glissaient autour de mon cou tandis que mes mains se posaient sur ses hanches. Ses lèvres trouvaient les miennes délivrant les sentiments déjà connu. Mes prunelles se fermaient et je murmurais « Je t’aime aussi Lukas… » avant de déposer mes lèvres sur les siennes une nouvelle fois.

Ce n’était peut-être pas plus mal que les choses se passent de cette manière. Qu’il n’y ait pas de grande déclaration faite lors d’un pique-nique sur la Dune. Ça rendait les choses peut-être moins oppressantes, moins grandioses. Ce n’était pas plus mal qu’il n’y ait pas de mais qui glissent comme si, pour une fois, les choses pouvaient bien se dérouler dans notre Neakas si bancal et douloureux. Alors, je tentais simplement d’apprécier le moment. Apprécier notre moment à nous. Mes lèvres contre celles de Lukas, j’étais bien. Bien au point de ronchonner légèrement lorsqu’il lâchait mes lèvres pour babiller des mots qui me poussaient à froncer les sourcils. Qu’est-ce qui n’était pas prévu ? Mio Amore reculait pour me montrer une bague. Ouais, ouais, vous avez bien lu. UNE BAGUE. Mes yeux étaient rivés sur le bijou tandis que les mots glissaient entre les lèvres de mon copain. La déclaration résonnait à mes oreilles et les larmes glissaient sur mes joues. Un peu trop réelles. Foutrement trop incontrôlables. Mon copain soufflait tous ces mots que je n’attendais absolument pas et je sentais mon cœur cogner si fort dans ma poitrine. Lorsque le silence cognait, je relevais finalement les yeux sur mon sexy musicien. Les larmes baignaient mes joues. Mes lèvres tremblotaient. Et j’étais comme un abruti qui avait soudainement perdu la parole. Je venais bégayer « Je… Tu… Je… Je… Ce… C’moi… Moi qui sait plus quoi dire là… » Non, je ne savais plus parce que je ne m’étais absolument pas attendu à une telle chose. À une telle déclaration. À une telle promesse. À une telle bague. Une bague liée à ma mère. M’approchant lentement de mon copain, je mâchouillais nerveusement ma lèvre avant de murmurer « Je suis fou de toi aussi Amore… Et je… F*ck… Je m’attendais pas à ça… Je… Tu… » J’hésitais comme si je revenais des années en arrière. Comme ce gamin qui n’osait parfois pas demander des choses à Lukas de peur de recevoir un non comme réponse. Ma langue glissait sur mes lèvres. Je relevais les yeux sur Lukas avant de souffler un coup pour oser demander « Ce… Tu… C’est toi qui la garde quand même cette bague ou je… J’la met sur le collier que tu m’as offert ? » Ce collier avec ce N qu’il m’avait offert un an plus tôt et qui ne quittait pas mon cou depuis.