Appel en absence d'un numéro inconnu sur ton écran. T'observe ton natel un moment, te demandant qui peut bien chercher à te joindre alors que t'étais en cours. Message vocal laissé. T'attendras donc de changer d'amphithéâtre pour écouter le message, mais ça t'intrigue, bien que tu te dis que ça doit être un démarcheur pour x ou y produits à la con. ça peut attendre. D'ailleurs au  changement de cours, tu parles avec un de tes potes, t'oublies donc ce fameux message vocal. Ce n'est que plus tard, durant ton temps de midi que tu t'en souviens et compose le numéro de ta boite vocale. Un message du centre, il demande de rappeler et là tu sais tout de suite qu'il y a un soucis avec Ange. Tu rappelles le numéro, espérant réussir à les joindres.... Mais l'heure de midi n'aide pas à ce qu'il soit joignable.... Les horaires de bureaux à la con, tu détestes ça et Ange qui ne répond pas à tes textos. L'attentes est longue, très longue. Les minutes, non les secondes, sont interminable pendant ton temps d'attentes... A-t-il eu un soucis avec son traitement ? Une mauvaise réaction ? T'imagine plein de chose... Mais quand t'arrives à les joindre et qu'on te donne les explication.... Ton téléphone tombe de tes mains, alors même que t'es toujours en ligne....

Tentative de suicide.

Trois mots. Violent. Destructeur. Tu sais ce que cela signifie, une tentative c'est un échec. Il est toujours vivant.... Mais t'as pas imaginé une seule seconde qu'il puisse faire un truc pareil. T'as pas pensé un instant qu'il puisse être mal à ce point. Tu savais que c'était une épreuve pour lui, une très mauvaise passe... Tu pensais qu'il tiendrait pour toi, égoïstement Ou bien est-ce lui l'égoïste qui n'as pas pensé à toi en faisant un tel acte ? Tu ramasses ton téléphone après de très longue seconde, le visage blême et tu réponds enfin à la femme qui ne cesse de dire des Allo depuis un moment. Ta gorge est serrée, ta voix est brisé. Tu tentes de garder la face car t'es quand même en plein milieu de l'université et tu peux pas te mettre à pleurer comme un con. Trop de fierté ? Non ce n'est pas ça. Plus que de la peine, c'est de l'incompréhension que tu ressens. Tu ne comprends pas ce geste, pas alors que la veille il te disait encore je t'aime et que tu lui manquais. Est-ce que ce message signifiait autre chose pour lui ? Un adieu déguisé ? Une dernière confession avant sa tentative ? Tu sais pas, tu piges pas, tu comprendras probablement jamais, parce que t'accorde trop d'importance à la vie, malgré les emmerdes, malgré la poisse que tu peux avoir connue et connaitre encore par moment. Toi il ne te viendrait jamais à l'idée de faire une telle chose. Alors non tu ne peux pas comprendre.

Les nouvelles sont données. Il est en vie. Inconscient mais toujours en vie. Mais toi maintenant ? Comment tu te sens ? T'avais l'impression de foncé dans un mur, là t'as l'impression d'avoir heurté ce mur. La violence de cette situation. Imprévu qui te flingue. Tu sais pas quoi faire. Tu regardes ton téléphone, l'écran fissuré à cause de la chute qu'il a fait quand t'as entendu la nouvelle. Preuve que tout est bien réel. Tu restes immobiles un moment, parce que tu ne sais pas quoi faire. Allez en cours ? Clairement tu ne peux pas, t'es plus en état, t'arriveras à rien écouter parce que ton esprit s'inquiète pour lui, fait mille et un cheminement pour tenter de comprendre le pourquoi et surtout ce que tu ressens. T'as envie d'aller le voir mais ils te l'ont déconseillé tant qu'il n'est pas conscient... En même temps, t'as pas envie de voir ça, t'as pas envie de le voir inconscient Mais tu ne sais même pas quand il va se réveiller.... Ni même si il se réveillera un jour. T'es submergé par tout ça. Tu le savais que t'avais pas les épaules pour l'aider, pour le supporter. T'as enfin la preuve, parce que tu chutes avec lui à cet instant...

***

Les heures se sont écoulées, devenant au final des jours. Journées d'angoisses, d'incertitude. Quatre longues journées et quatre longues nuit à ne pas s'avoir. Quatre jours que t'attends un appel pour qu'on annonce qu'il a reprit conscience. Lion en cage qui souffre d'attendre, de ne pas savoir. Au début, t'étais dans le mal, tu ne savais pas comment réagir, tu cherchais à nier cela, à te dire que t'avais imaginé le tout, mais le silence dans votre conversation te ramenait à la réalité. T'avais fini par pleurer. Situation étrange, ingérable pour toi. Mais tu tentes de te tenir le cap, de garder la tête hors de l'eau. Les cernes sont là, les yeux rougis aussi. Mauvaise passe, ça ira mieux après... Mais après quoi ? T'es plus sûr de rien, de ce que tu veux avec lui, parce que tu redoutes d'apprendre pour une autre tentative, tu redoutes de te retrouver encore dans cette situation... T'aurais mieux fait de ne pas retourner vers lui après ta crise de jalousie qui avait conduit à ce que tu le quitte.

Les mains dans ton sweat, t'es loin d'être aussi glorieux que d'habitude, toi qui pourtant fait toujours attention à ton apparence, monsieur fashionista comme certain de tes potes t'appelles, mais là, t'es comme l'ombre de toi-même, une mauvaise version de toi. Tu t'avances pour franchir l'encadrement de la porte qui vient de s'ouvrir devant toi. Silencieux, la gorge noué, la boule au ventre parce qu'au final tu ne sais pas quoi dire, tu ne sais pas quoi faire, tu ne sais même pas pourquoi tu es là. Pour souffrir encore ? Pour te prendre encore plus le mur dans la gueule et en sortir encore plus meurtri ? Tu poses ton regard sur lui, le visage marqué par la fatigue, par cette situation dans laquelle il t'a foutu ses quatre derniers jours. Tu le regardes sans rien dire, gardant tes mains dans tes poches, ton regard le détaillant juste, se posant sur les marques autour de sa gorge. Visible. Réel. Ce n'était pas qu'un putain de cauchemar. Et toi, tu ne sais pas quoi lui dire, t'es paumé parce que par cet acte égoïste qu'il a fait, il t'a foutu en l'air, il vous a probablement foutu en l'air.

30 novembre 2023

- Il fait preuve de tenacité, indique Mr. Dafoe. Votre frère aîné, non? Déduit-il lorsque je le questionne du regard, me pointant mon téléphone laissé sur le bureau et dont l'écran s'illumine.
- Oh. C'est tout à fait lui, oui, approuvais-je avec un rire en saisissant l'appareil. Depuis mon passage à l'hosto, il m'appelle trois fois par jour, minimum. Parfois que pour quelques secondes, pour s'assurer que ça va, que j'ai mangé et pris mon traitement. Parfois ça manque de tact, mais c'est Jason, quoi. Vous permettez?
- Allez-y; la classe n'est pas commencée, me fait-il remarquer.

Le remerciant d'un regard et d'un sourire, je m'extirpe de la chaise, faisant quelques pas pour accepter l'appel, collant le combiné à mon oreille.

- Oui, Jason? Demandais-je, trouvant tout de même à m'amuser de ses incessants appels. Il changera jamais… Trouvant un certain silence pour me répondre, j'en fronce les sourcils. Jason? Demandais-je encore. Il m'a fait un butt call ou quoi? Allo?
- Mr. Oliver Davis? Me questionne une voix que je ne connais pas, trop formelle pour ne pas me glacer le sang immédiatement.
- Oui? Hésitais-je.

Pas une balle. Pas une balle. Pas une balle… répêtais-je mentalement, m'attendant à me faire annoncer que le grand frère s'est fait blessé en mission. Ou pire, qu'il ne reviendra jamais de sa fichue mission. Pourtant ce n'est pas la raison, mais lorsque la femme m'indique l'institut duquel elle appelle, un vent polaire me tord tout de même les entrailles. Pas l'hôpital, pas le coroner ; le centre de désintox. Pas Jason; Ange. Trouvant appui contre l'une des étagères de rangement, craignant que mes jambes me lâchent sinon, j'écoutes le résumé que me fait cette voix au bout du fil. Rien pour calmer les craintes ou la douleur sourdes.

- Co… comment il va? Trouvais-je la force de demander, la gorge sèche, craignant foncièrement la réponse qu'on pourra me faire.

***

3 décembre 2023

Plusieurs jours d'inconscience pour lui, à demi-connecté avec le monde m'entourant pour moi. Plusieurs jours à regarder mon téléphone aux deux minutes en espérant avoir un appel ou un message pour me dire qu'il s'est réveillé et qu'il va bien. Nada… Des heures à me répéter que j'aurais dû avertir le centre des propos qu'il m'avait tenu. Mais avec ses allers et venues habituels, ses hauts et bas courants, j'ai stupidement pensé que c'était tout simplement normal vu ce qu'il traversait… Après tout, y'a jamais personne qui est sorti d'une cure de désintox en disant "c'était une ballade tranquille". Nah, c'est une bataille constante contre soi-même et ses propres démons. Et pour un ange, l'ami il en traine beaucoup de démons. Plusieurs qui rêvent probablement de lui sauter à la gorge et de l'entraîner par le fond. Et ils ont presque réussi. Presque…

Ton plus léger lorsqu'un employé a fini par me contacter à nouveau. J'en suis presque tombé du canapé en voulant attraper mon cellulaire dès la première sonnerie, m'attirant le regard de la famille, même s'ils étaient avisés. Ils en sont encore à surveiller mes faits et gestes, s'assurer que je fais ce qu'il faut pour prendre soin de moi, alors avec le meilleur ami inconscient… ils ont peur que je replonge, me laissent rarement seul. Et le soupir que je pousse en entendant les nouvelles ne passent pas inaperçu, semblent les rassurer également. Ange qui a finalement ouvert les yeux, qui semble capable de reconnecter avec la réalité sans trop de séquelle. Assurant que je serai présent lorsqu'on avise qu'il sera autorisé à recevoir plusieurs visiteurs en une fois, je remercie en raccrochant. Ramassant quelques trucs rapidement, je me fais couper dans mes mouvements par la main d'Antony sur mon épaule. Mari de ma mère, père de Sam, qui m'offre un sourire.

- Je vais te conduire; ce sera plus sûr. Tu n'auras qu'à m'appeler quand tu voudras rentrer, m'assure-t-il tranquillement. Comme si c'était la chose la plus normale.

***

Guidé, escorté, jusqu'à une salle où il est censé se trouver, on me laisse entendre calmement les règles alors que tout ce que je veux, c'est traverser les couloirs à la course pour le rejoindre. Mordant l'intérieur de ma joue, j'en taperais du pied d'impatience si je n'étais pas déjà occupé à marcher. Hochant à toutes les consignes, l'employé doit bien avoir compris que je n'ai pas retenu la moitié de ce qu'on m'a dit, mais la porte est tout de même ouverte pour me laisser passer. Ambiance pesante qui me calme automatiquement lorsque je pénètre dans le local, je reconnais à peine Yohan. Moins flamboyant qu'à son habitude, c'est clair qu'il a le moral dans les talons et je ne peux lui offrir qu'un pauvre sourire pour lui faire comprendre qu'il n'est pas seul si y'a besoin. Et faudra que je lui dise qu'il peut me contacter si y'a quoique ce soit. Pour Ange, mais pour lui aussi. Il a pas non plus à traverser ça tout seul. Accrochant à peine la silhouette du gardien, mon regard se pose finalement sur le corbeau se tenant près de la fenêtre, les marques à son cou me rappelant qu'il a essayé de prendre un envol sans avertir personne.

- Hey… saluais-je doucement. Comment tu te sens?

•

Ton regard pâle posé sur lui, tu l'observes sans dire un mot, tu ne sais pas quoi dire, tu ne sais pas si juste un salut ferait l'affaire. Non probablement pas, mais qu'est-ce que tu peux bien lui dire ? Il n'y a pas de mode d'emploi pour ce genre de situation, il n'y a pas de procédé correct non plus. Doit-il l'engueuler ? Lui faire des reproche ou bien au contraire chercher à se rapprocher à le soutenir pour lui faire comprendre qu'il est là ? Qu'il n'est pas tout seul, même si lui à chercher à te laisser seul. Tu ne sais même ce qui correspondrait le mieux à ton état d'esprit, parce que t'as pas été préparé à vivre ce genre de situation. A l'école on apprend pas ça, on apprend pas à guérir les maux des gens, on apprend pas à les réconcilier avec la vie. Toi, t'as pourtant tenté avec lui, tu pensais avoir réussi en partie, lui offrant une éclaircie dans son ciel orageux, mais visiblement, t'es le seul à l'avoir vu ce ciel bleu... Parce que lui, la seule lumière qu'il a failli voir, c'est celle au bout du tunnel...

Il bouge à peine à ta venue, pivotant sur lui-même pour te faire face et ainsi te laisser constater la présence des marques autour de sa gorge. T'en détourne rapidement les yeux. Tu préférais quand ça n'était que des paroles, quand rien ne te prouvait encore que tout était vrai, qu'il avait réellement attenté à ses jours. Tu te montrais tolérant avec lui depuis le début, acceptant ses déboires avec l'alcool et la drogue et ce malgré ton entourage qui t'en dissuadait. Il t'entraine dans le mal... Clairement et tu serais bien plus faible, tu céderais, tu pourrais plonger dans son monde de débauche pour fuir tout cela. Cependant l'éducation de tes parents adoptif et ta propre aversion pour tout cela est un bon moyen pour ne pas y céder. Ton mec est au final la route à ne pas suivre. Tu flirtes avec le danger en restant avec lui, tu le sais bien, mais tu n'arrives pas à te faire une raison... Pour le moment t'accepte encore de te prendre des coups, même si tu galères à les encaisser, même si là celui-là, il te faudra beaucoup de temps pour passer outre.

La porte qui s'ouvre derrière toi alors que vous n'avez toujour échangé aucun mot, que t'évite de le regarder bien trop mal à l'aise à cause des marques. Oliver, le professeur d'art qui débarque, meilleur ami d'Ange. Tu tournes un peu la tête vers lui et d'un signe de tête le salue. Contrairement à toi, lui il prend les devant, il prend la parole assez rapidement. T'aurais peut-être du faire pareil, prendre des nouvelles de ton mec, lui demander comment il se sent, mais tu redoutais la réponse et tu la redoute toujours, parce que si il te balance qu'il regrette de s'être loupé, tu ne sais pas comment tu pourrais le prendre, comment tu pourrais accepter cela... Il désire peut-être réellement se foutre en l'air, sans se dire que ça peut aussi te foutre en l'air toi également.

Tu relèves le regard vers ton copain, attendant quand même la réponse qui ne vient pas. Silence de plomb, à croire qu'Oliver n'a posé aucune question, pourtant la gestuelle est là, le non verbal également. T'en sert un peu les dents. T'as peur de t'approcher de lui, comme si le serrer dans tes bras allait le briser, comme si il n'était que fumée, tu redoutes de le toucher. Tu déglutis alors et finis par t'approcher écartant un peu les bras pour l'y invité si tant est qu'il désire venir s'y blottir. Ou bien peut-être préférerait il ceux de son meilleur ami, après tout, l'arrivée de celui-ci semble l'avoir bien plus fait réagir que ton arrivée à toi. Peut-être qu'il redoute bien plus le regard d'Oliver que le tien, peut-être que cela signifie que le blond à bien plus d'importance pour lui, bien plus d'importance que tu n'en auras jamais.