Dans d'autres circonstances, l'humour personnel de Gíacobe ne dérangeait pas Bambi. Mieux encore, elle y répondait en mode ping pong, s'amusant de sa connerie alors qu'il ne la lâchait pas sans avoir obtenu un sourire de sa part pour ses blagues à répétitions. Leur duo fonctionnait ainsi depuis des lustres... à être toujours proches d'une manière bien à eux, que nul autre ne saurait comprendre. Mais depuis quelques temps, la belle l'évitait. Sourire lui était devenu impossible et même douloureux, par conséquent devoir supporter la moindre plaisanterie relèverait de la torture. Le mot n'était pas fort, en y repensant : alors qu'elle essayait tant bien que mal de se remettre d'une nouvelle trahison amoureuse, et du fait de ne plus être sur la liste des demandeurs de greffe, son statut de mourante lui pesait plus que jamais. A croire que sa joie de vivre se soit définitivement fait la malle, après avoir plié bagages. Alors elle errait sans but dans les rues de Paris, sans se poser véritablement. Puisque le programme lui offrait un jour de repos, elle avait pris l'avion pour la journée. Une journée off... sauf qu'au détour d'une rue, elle ne pensait vraiment pas tomber sur Gíacobe, la dernière personne qu'elle aurait prévenue de sa petite escapade solitaire. Sans chercher à savoir s'il l'avait vue ou pas, l'italienne tourna les talons, prenant la fuite. Non, ça ne lui ressemblait pas... mais la fin justifie parfois les moyens.

Paris. Ce n'était sa première fois dans cette belle ville européenne. Lui, qui avait souvent voyagé avec sa famille, parfois avec le personnel de famille, avait déjà eu l'occasion de côtoyer Paris. Aujourd'hui c'est seul, qu'il arpentait les rues de Paris, en quête de lieux familiers. Le genre d'endroits qu'il aurait follement apprécié des années auparavant, et surtout, il avait dans l'idée d'aller visiter une galerie.  La photo c'était l'un de ses dadas, et sa mère avait longtemps été galeriste, d'ailleurs. Quoiqu'il en soit alors qu'il écoutait justement un message vocal audio de sa mère, il aperçut Bambi, et très vite il réalisait, la seconde d'après, qu'elle lui tournait le dos. C'était mesquin, et elle n'était nullement ce genre, il le savait. Alors il pressa le pas, prêt à reporter la conversation avec sa mère. Heureusement que je t'ai aperçue. On se serait loupés de peu, sans ça. Bambi était une véritable amie pour lui. C'est ainsi qu'il la considérait avant tout, même si il était rarement sérieux. Forcément, il n'était pas dupe, il savait à cet instant qu'elle l'avait fuit volontairement, et il ne tarderait certainement pas à essayer de comprendre.

Et merde. Non seulement Gíacobe l'avait vue, mais en prime rattrapée en moins de deux enjambées, mettant en avant leurs différences de taille. Bambi se sentait minuscule à cet instant précis, mais également honteuse comme jamais... pourtant, l'envie d'entendre ses plaisanteries habituelles n'y était toujours pas. Pourrait-il le comprendre, malgré leur si proche amitié ? Difficile à dire. Jusqu'ici, l'italienne était restée sciemment muette sur ses différents soucis et comptait maintenir ce statut quo... du moins le pensait-elle jusqu'à ce qu'il ne lui fasse face, le regard empli d'incompréhension, chose qui ne manqua pas de la mettre extrêmement mal à l'aise. C'est ça... t'as mis le doigt dessus, un peu plus et on se manquait soupira-t-elle en haussant les épaules d'un air égal et triste. Tu voulais quelque chose ? Je suis pressée... Et voilà qu'elle fuyait encore !

Coco pensait nécessairement qu'il y avait une raison à ce que Bambi puisse l'éviter ainsi. Intrigué, il ne demandait qu'à la confronter, pourtant il n'était nullement dans l'optique de lui reprocher quoique ce soit. Mais sa remarque amère ne manquait pas de l'interpellait.Je veux bien te croire mais tu files dans la direction opposée là.. Précisait-il banalement comme pour lui faire comprendre qu'effectivement il ne croyait pas vraiment à sa remarque. C'est dingue comme tu me donnes l'impression d'être un pot de colle ces derniers temps. C'est très inconfortable. Certes, souvent il l'avait chambré en la dragouillant gentiment, mais merde il osait se dire qu'ils étaient amis, et qu'elle agissait très bizarrement.

Touchée... Gíacobe avait cette fâcheuse manie de savoir mettre immanquablement le doigt sur les choses, ne laissant pas de répit à la demoiselle qui se sentait de plus en plus mal à l'aise. Et, comme à chaque fois que Bambi se sentait piégée, soit elle bottait en touche, soit elle s'énervait, telle l'italienne pure souche qu'elle était... Ah oui tiens... fit-elle l'innocente une dernière fois avant que son interlocuteur ne se sente tel un pot de colle. Ce qu'il était un peu ces temps-ci, autant être honnête. Mais depuis quand lui avait-elle demandé de se soucier autant, hein ? Bah désolée d'être imparfaite hein ! s'emporta-t-elle sans même s'en rendre compte, esquissant plusieurs pas de recul. Si on ne m'obligeait pas à agir comme ça peut-être que je serais gaie comme un pinson... mais j'avais pas envie de blaguer, pas le cœur à rire, tu peux comprendre ça ?!

Forcément il n'allait sans ignorer qu'elle était bien consciente de lui servir des excuses bidons. C'était mal, quand on sait le temps depuis lequel ils se connaissaient. Depuis quand est-ce qu'elle pouvait le mépriser ainsi. Du moins se laisser aller à des actes qui laissait penser à ce genre de considérations. Excuses acceptées. Avais-tu dit avec un brin d'insolence mais bon sang, elle y mettait aussi du sien en montant sur ses grands chevaux ainsi. On croirait ce genre de demoiselles que tu n'affectionnes pas du tout. Imbues d'elles-mêmes, superficielles et prétentieuses. Tout ce qu'elle n'était pas d'ailleurs. Le comprendre oui, mais le deviner certainement pas. Oui pour le coup, monsieur retrouvait son sérieux, et mettait les points sur les i. A l'évidence quelque chose clochait, mais toi qui arrivait comme un cheveu sur la soupe tu n'aurais pas pu le deviner même en le voulant.

Ce n'étaient pas vraiment des excuses et Gíacobe le savait. Là demeurait toute la complexité de la chose car face à lui et ses remarques presque acerbes, contrastant avec son humour et sa légèreté habituelle, Bambi se sentait de plus en plus mal. Ses prunelles se mirent à l'éviter, tout bonnement, pour essayer de ne pas craquer. Elle n'était pas une petite conne superficielle et lui n'était pas mauvais non plus, d'ordinaire... aussi cette discussion prenait une tournure que l'italienne ne pourrait pas supporter bien longtemps. Voilà pourquoi je voulais pas... commença-t-elle d'une voix brisée, bien que plus adoucie sur le moment. Des larmes se mirent à couler, tant et si bien que les retenir ou les essuyer fut bientôt impossible, la vanne étant ouverte. Mais le pire fut la toux, sanguinolente, laissant une trace à sa joue. Une première, puisque Coco n'était pas au courant et ne l'avait jamais vue ainsi. En plus de ne pas pouvoir comprendre, je ne savais pas que tu pouvais faire culpabiliser... je ne... je ne peux pas... articula-t-elle avec une difficulté extrême, incapable de poursuivre une telle conversation dans ses conditions. Aussi tournait-elle déjà les talons...

Elle était vite partie plus tôt dans l'après-midi. Elle lui avait échappé, le laissant partagée entre l'incompréhension, la rancœur, et finalement le choc de ses paroles. Puis cette toux et cette tâche à sa joue, ne lui avaient pas échappées. Pour autant, il mit du temps à traiter toutes ces informations et le soir même alors qu'il était à une soirée dans un appartement parisien, il s'était isolé pour lui envoyer un message, inquiet. Et la suite on la connaissait plutôt bien. Il quittait donc les lieux avec dans l'idée de rejoindre la place du Trocadéro, et alors qu'elle lui confirmait être arrivée, il accélérait le pas alors qu'on l'avait escorté en scooter. Il achevait les derniers mètres à pieds avant de l'apercevoir au loin. On dirait que tu viens de gagner mon pardon. Avait-il lancé alors qu'il s'en approchait. C'était le deal, non ? Si elle arrivait la première, elle gagnerait son pardon. Quoique soyons précis, elle l'aurait gagné quoiqu'il arrive tant qu'elle se montrait plus accessible que précédemment.

Logiquement, Bambi venait de remporter le deal haut la main, puisque arrivée largement en première. Malgré cette belle soirée d'été, les frissons parcouraient son échine, le vent du soir contrastant avec la fièvre qui circulait actuellement entre ses veines. Coco ne l'avait peut-être pas encore compris - bien que son inquiétude ait été plutôt évidente - mais en la voyant, pleine de sueur, le poignet légèrement violet à cause de l'altercation avec l'autre type... il réviserait probablement son jugement. Ses mains avaient encore du sang, preuve que sa toux n'avait pas cessé, non plus... et pourtant, ce fut avec un sourire plus éclatant que jamais que l'italienne accueilli le jeune homme. Ouf ! T'as mérité ton beusou alors ! ricana-t-elle doucement avant de s'approcher de sa joue pour s'exécuter, se mettant sur la pointe des pieds, manquant de chanceler. C'est zarbi... je n'ai pas bu une goutte et je tiens pas droit... Nouveau rire.

Voilà plusieurs minutes qu'ils échangeaient par texto, et cela avait certainement déjà désamorcé énormément de choses. Lorsqu'il lui avait envoyé son premier texto, Coco avait eu dans l'idée de rompre ce malaise entre eux. Au temps dire qu'il n'avait que très peu apprécié les sauts d'humeur de la demoiselle qui le laissait complètement largué. Pire, il avait eu cette impression de ne pas la connaître. Pourtant ils ont toujours été proches. Soit. Son humeur semblait au beau fixe ce soir, et c'était pour arranger Coco. Il a sourit, puisque malgré tout, il avait son bisou alors qu'elle venait tout juste de le qualifier de méchant gentiment. Tu n'pensais quand même pas que je bluffais ?!  Osa-t-il répliqué en tendant sa joue pour y accueillir son bisou. Voilà la Bambi qu'il connaissait. Elle était bien différente de celle qui lui avait explosé à la figure plutôt non ? Tu as peut-être bu.. un petit peu ? Dit-il en mimant un petit écart entre son pouce et son index. Par précaution sa main s'apposait à l'avant-bras de la jeune femme pour éviter qu'elle ne tombe, puis il reprenait. Dis, tu serais pas un peu déshydratée, toi ? Il faisait chaud certes mais il était tard dans la nuit. Cet état n'était donc pas ce qu'il y a plus normal, surtout que son avant bras semblait bien chaud. D'ailleurs la main de Coco finissait par se plaquer au front de la belle italienne.