Perché sur une chaise, je me débats avec le grand rideau noir pour qu'il reste sur la tringle que je tente depuis tantôt d'accrocher au support. Le problème étant que pour ça, j'ai les deux pieds chacun sur un des appuis-bras d'une chaise qui date d'un autre âge et j'en suis quand même à bout de bras. Normalement, il y a une échelle qui traine et qui me facilite grandement la tâche, mais j'ai la flemme de faire tous les locaux de l'étage pour savoir où je pourrais en trouver une autre puisque celle qui est normalement ici a disparu. Encore heureux que je n'ai pas besoin des projecteurs au plafond! Je pourrai me contenter des spots sur trépieds.

J'ai un projet à faire pour le cours de prise de vue et si, à la base, je m'étais dit que je pourrais faire de l'autoportrait, mais je me suis vite rendu compte que ça serait le bordel et que je risquais de bousiller ma caméra entre-temps. Du coup, après réflexion, j'en suis venu à la conclusion qu'il me fallait un modèle. Et qu'avec quelqu'un de plus tatoué que moi, ça serait encore plus cool. Reste à savoir s'il acceptera une fois que je lui aurai expliqué de quoi il retourne.

- Rah!! Sacrament, fais pas chier!! Jurais-je finalement à voix haute, retrouvant ma langue natale sans même y réfléchir alors que je me débats encore avec cette fichue tringle.

Après encore un ou deux essais infructueux, j'entends finalement le "cling" de la victoire.

- Fuck, y'était temps! m'exclamais-je faisant un mouvement d'épaule pour détendre les muscles que je maltraite depuis de longues minutes avec ça.

Faisant plus ou moins attention, je descends de la chaise, mais un léger manque d'équilibre me fait me réceptionner plus durement sur ma cheville gauche, me faisant lâcher une plainte sourde. Je vais encore en avoir pour deux jours à marcher comme un éclopé! Bon pas au point de me promener à nouveau avec des béquilles, mais assez pour que je ne puisse pas courir dans les jours à venir. Tout ça pour avoir fait l'imbécile dans un bar y'a deux ans.

Une plainte m’échappe tandis que je me réceptionne mal sur ma cheville gauche, celle que je me suis méchamment amoché y’a un peu plus d’un an. Je vais la porter longtemps cette blessure, je crois bien. Mais bon, je marche encore, je peux courrir et faire du skate. J’ai pas les béquilles à vie et je suis pas en chaise roulante alors c’est encore correct. Et puis, c’est juste dans des occasions comme maintenant qu’elle me cause problème.

Entendant la voix de Jax vers l’entrée, je me redresse et tente de ne pas trop paraître affecté.

- T’aurais cru que j’étais aussi acrobatique? plaisantais-je. Sérieux, tu t’es perdu? M’étonnais-je. Normalement c’est à moi que ça arrive ce genre de chose. ...genre en partant de la Lowell pour me rendre à la Mather, avouais-je, prêt à rire de moi-même.

Mon sourire est tout de même naturel quand je le regarde : ça me fait plaisir qu’il aie accepté de venir m’aidé. Bon d’accord, je lui ai as pas expliqué de quoi il retourne exactement. Son regard se pose d’ailleurs sur l’environnement et les différents équipements. Je laisse entendre un léger rire.

- Pas tout à fait, lâchais-je. T’es toujours partant pour me servir de modèle  photo pour l’un de mes cours? J’ai figuré qu’avec tes tatouages, ça serait juste génial, expliquais-je avec un grand sourire.

Je dois travailler les contrastes et tout ça, donc sa peau encrée va me permettre de faire des miracles, j’en suis certain.

- Ha! Et la peinture, elle va sur toi en fait, précisais-je avec un sourire en coin.

Alors, t’es toujours partant Jax?

M'expliquant sur quelle spectacle il a eu en se perdant dans les couloirs, je pouffe de rire.

- T'es conscient que t'aurais très bien pu tomber sur ce genre de scène, en fait? le questionnais-je.

Ça me fait rire, parce que, oui, y'a vraiment des cours de dessin avec modèles nu qui se donnent, j'en ai d'ailleurs régulièrement. Aussi, y'a des locaux qui servent pour des photos osées et tout. Après, je suis pas celui qui peut vraiment faire la morale à quelqu'un sur ce sujet. Pas après avoir eu Arthur comme modèle.

Quand il s'étonne que je me perde entre la Lowell et la Mather en allant le voir, j'hausse simplement les épaules, nonchalant.

- J'ai habité pendant vingt ans dans la même maison et je trouvais encore le moyen de me perdre dans le quartier, dis-je en haussant les épaules. T'en fais pas, vas, je suis une cause désespérée pour ça par moment, mais j'en suis bien conscient.

Raison pour laquelle je trouve génial d'avoir un gps intégré à mon téléphone.

Lui expliquant un peu plus la raison de sa présence ici, je le vois changer d'air et commencer à chercher ses mots. Adorable! J'en laisse échapper un petit rire, surtout quand il plaisante au sujet de ses tatouages.

- Au contraire, je les adore, lui assurais-je, parfaitement sincère. Et ils seront particulièrement utile pour ce que j'ai en tête comme concept, souris-je. Et puis, t'as peut-être sauté un message, mais je t'ai averti que tu risquais d'avoir besoin d'en prendre une autre, lui fis-je remarquer.

Semblant avoir eu une illumination, je m'approche de lui, tranquillement, le regard joueur jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres.

- À moins que… t'avais en tête que ce soit pour d'autres raisons, suggérais-je, la voix plus suave. Plutôt du genre sport de chambre, mais pas en chambre, ajoutais-je, jouant, passant près de ses lèvres.

Y'a que nous ici et y'a rarement des gens qui viennent jusque dans ce coin du bâtiment. C'est en partie ce que je recherche quand je prends mes habitudes dans un local. Comme ça, je peux prendre mes marques sans que personnes viennent tout bousillé. Et quand j'ai quelqu'un comme Jax en face de moi, je peux aussi me permettre des conneries ou du laisser aller de manière générale.

- Ou c'est que t'es chatouilleux et que t'as peur de ce que ça peut faire si je laisse trainer un pinceau sur ta peau? émis-je en hypothèse.

Étant moi-même chatouilleux, je dois reconnaître que ça peut être un vrai supplice. Surtout quand y'a rien sur le pinceau. Avec de la peinture, c'est moins pire.

- Hurler? T'es sûr de ça? demandais-je, en faisant preuve de mauvaise foi. Les marques de dents et les suçons que t'as laissé sur ma peau sont une assez belle preuve que l'inverse est aussi vrai, rétorquais-je avec un clin d'oeil. D'ailleurs, c'est pas passé inaperçu, l'informais-je en riant doucement.

Carter a assez vite vu que j'avais au moins eu une nuit accompagnée la dernière fois qu'on est sortie. Elle plaisante facilement avec ça et, bon même si on se passe de détails, ce qu'elle veut savoir au fond, c'est si je suis bien et que je suis heureux.

Je ris lorsqu'il avoue avoir passé le dernier message que je lui ai envoyé. La preuve qu'il me donne me fait d'autant plus rire. Alors, comme ça, il m'aurait invité à la prendre avec lui?

- Économie de l'eau, oui, oui, bien sûr. "Sauvons l'environnement" et tout ça, répondis-je comme si c'était l'évidence même. Tu sais que si je te peinture, faudra quand même que t'en prenne une douche? Et je dis ça comme ça, mais la Lowell est juste à côté, ajoutais-je en faisant un signe de tête vers l'extérieur.

Bon d'accord, on est probablement pas du même côté du bâtiment, mais chuuuuut. C'est juste une façon de dire qu'il peut bien s'inviter dans ma chambre cette fois, s'il en a envie. Et puis, c'est lui qui fait miroiter des idées d'un nouveau tête à tête. Bon d'accord, je suis peut-être pas vraiment mieux à venir lui parler tout près en demandant si les plans qu'il se faisait de la soirée était du sport de chambre. Sensiblement le seul sport qu'il me verra pratiquer d'ailleurs.

À force de jouer, je semble quand même l'avoir convaincu à mon idée d'user de peinture sur lui. Est-ce que c'est vraiment parce qu'il devrait passer sous le jet d'eau par la suite?

- Mes désirs... hum… jusqu'à présent, t'es arrivé à très bien les satisfaire, répondis-je avec un sourire en coin, à peine pervers. Pour commencer, tu peux retirer ton t-shirt, dis-je en en tirant le bas, riant légèrement avant de me diriger vers la table ou j'ai laissé mes pinceaux et les quelques pots de peinture.

Récupérant un élastique dans la poche de mon jeans, je m'attache les cheveux pour m'assurer de ne pas les avoir qui retombe devant mon visage. Surprenant le regard de Jax, je lui tire la langue comme un enfant.

- C'est pas sexy, je sais, fis-je en pointant ma tignasse.

Ouvrant un pot de peinture, je prends quelques pinceaux de différents formats.

- J'espère que t'es du genre patient, parce que j'aimerais refaire le crâne que t'as dans le dos, expliquais-je. C'est de la peinture phospho, ajoutais-je en lui montrant la pâte blanchâtre dans le pot.

Peinture qui "emmagasine" la lumière et luit dans la nuit. Le thème de l'exercice? "Beauty in the darkness". Ça devrait le faire!

Mes taquineries le font rire tandis que je prétends avoir la mémoire courte et ne pas me rappeler qu’il m’aie fait hurler que je lui plaisais. Je suis pas certain que j’aie nécessairement hurler ça, mais je peux pas nier qu’il m’a largement fait gémir. Cependant, je le vois changer d’air lorsque je précise que ses marques ont fait parler.

- Oh, du calme, soufflais-je avec sourire doux pour tenter de le rassurer. C’est ma cousine qui a vu les souvenirs que tu m’as laissé. Elle est comme ma petite soeur,indiquais-je. Elle sait que j’ai passé une très bonne nuit en compagnie de quelqu’un, que si l’occasion se présente, je ne dirai probablement pas non à recommencer, mais elle ne sait pas qui tu es. Tu m’as dit que tu voulais que ça ne reste qu’entre nous, alors ça va. Je lui cache pas que je vois quelqu’un, mais je n’irai pas te pointer du doigt en criant « C’est lui! » au milieu du campus.

Je n’irai pas mentir à Carter en disant que je ne vois personne, elle n’est pas stupide : je peux pas m’être fait les marques qu’il m’a laissé et c’est pas de simples echymoses. Après, je l’adore et elle m’adore, on veut tous les deux le bonheur de l’autre, alors ça va.

- Et puis, sinon, t’as pas à faire gaffe : j’aime bien ce genre possessivité au lit, ajoutais-je tranquillement comme s’il s’agissait d’un détail anodin.

En vrai, les marques ne me dérange pas le moins du monde parce que je me sens désiré. Ça me rappelle que pendant un moment, y’a quelqu’un qui a voulu de moi au point de ne pas pouvoir suivre les supposées convenances et qu’il l’a simplement laissé parler son envie et ses instincts, et selon moi, c’est encore l’une des plus belles preuves que la nuit a été particulièrement agréable.

Et s’il veut jouer sur les propositions à partager une douche pour « économiser l’eau », je joue avec lui, lui proposant d’économiser aussi les pas puisque la Lowell House n’est pas très loin. Hochant la tête, j’approuve ses arguments, faussement convaincu que ce n’est effectivement qu’une question d’hygiène et que 10 minutes de marche avec de la peinture sur le corps pourrait lui être nocif. Moi qui passe des journées entières avec des pigments collés à peau… Qu’est-ce qui faut pas dire! Mais la situation m’amuse beaucoup. Je peux me permettre de déconner avec lui, l’ambiance reste légère et j’adore ça.

M’occupant à préparer ce dont j’ai besoin tandis qu’il se débarasse de son haut, je souris à sa question avant de rougir légèrement sous le compliment qu’il me lance. Mignon? Et ça met ma mâchoire en valeur.

- Heu… merci, fis-je en saisissant mes pinceaux. Et pour la vue, commençais-je laissant pleinement mon regard glisser sur lui. Ça devrait convenir, finis-je par dire pour l’enquiquiner.

Il sait que j’aime ses tatouages qui sont de véritables oeuvres d’art, je lui ai d’ailleurs déjà demandé de me donner l’adresse de son tataoueur. Et pour ce qui est de son corps, je crois que c’est plus à prouver qu’il me fait de l’effet. Mais bon, s’il tient à ce que je lui prouve encore ce soir… J’en pouffe d’ailleurs de rire à ses paroles tandis qu’il s’installe par terre. Me posant d’abord à genoux derrière lui, je me penche à son oreille, par-dessus son épaule.

- Ton corps est à moi pour la nuit? Le questionnais-je dans un murmure. Jusqu’à quel point? Demandais-je encore avant d’embrasser la base de sa nuque.

Depuis tantôt qu’on se lance des piques, je commence sérieusement à avoir envie de la douche, même si mon projet photo me tient à coeur. Commençant d’ailleurs, je coince les deux pinceaux que je ne me servirai pas tout de suite sous l’élastique dans mes cheveux avant de tremper le dernier dans la peinture pour en appliquer une couche sur les zones les plus larges à couvrir.