Chaque personne aime se dire qu'elle est unique, qu'il n'y en a qu'une comme elle. Moi? Je n'ai jamais pu prétendre ça. Je suis née précédée d'une jumelle, totalement identique à moi. Pourtant dès petites nos parents ont pu se rendre compte que nous avions nos identités, nos différences. Elle était le calme, la douceur et la candeur même. J'étais la tempête, la vivacité et la facétie à moi seule. Joane était la petite fille et moi son reflet assombrit dans le miroir. Nous étions pareilles mais, tellement différentes à la fois. Nous nous imbriquions comme deux pièces de puzzle, nous étions les deux facettes d'une même pièce. Tantôt proches, parfois éloignées. Ce n'est pas toujours facile d'être deux vous savez? Il m'est souvent arrivé d'être envieuse envers elle, nos parents la voyaient comme la petite princesse, la petite fille parfaite et moi? Moi je faisais toutes les bêtises qu'il y avait à faire. En fait, ce n'est qu'une déformation de la vérité, quand Joanne faisait une connerie, je prenais sa place. Soucis de protection oui, je l'avoue je faisais tout ce qu'il fallait pour prendre les remontrances à sa place. Combien de fois sur le fils de nos années avons nous échangé nos places? Je n'ai plus assez de mes dix doigts pour les compter. Oui moi aussi je la voyais comme ça, comme une petite princesse sur qui je devais veiller. Il y a toujours eu ce fil invisible entre nous, ce fil impalpable pour les autres mais, qui nous reliait l'une à l'autre. Quand elle se faisait mal, je ressentais sa douleur. Quand elle était triste, je n'étais pas dans mon assiette et ce quel que soit l'endroit où nous nous trouvions l'une et l'autre. Beaucoup de gens prendrait ce que je vous raconte pour de pures balivernes mais, je vous assure que c'est vrai! Nous avons grandi ensemble et elle était tout pour moi. Je tenais à elle comme à la prunelle de mes yeux. Mon être cher, celle sans qui je ne suis pas complète. Pourtant, la vie n'est pas toujours telle qu'on l'aurait rêvé ou attendu.

En y repensant aujourd'hui avec plus de maturité, je pense que c'était une période de crise d'identité. J'avais besoin de me démarquer, de trouver ma propre voie. Tout était bon pour me faire remarquer. L'exagération, la rébellion. Elle était blonde comme les blés, il a fallu que je devienne brune. Elle était posée, il fallait que je sois délurée et fonceuse. Introvertie, moi extravertie. Quand j'ai rencontré Jim, je n'avais encore que quinze ans. Il avait tout du mauvais garçon, celui qui ne plairait jamais à la famille. Il ne plaisait même pas à ma jumelle. Mais, qu'importe j'ai cru qu'il me plaisait à moi et c'était tout ce qui m'importait. C'est ce que j'ai cru longtemps oui. Il avait déjà dix-neuf ans, mes parents le trouvaient bien trop vieux déjà. Très vite prit en grippe, il fut le premier point de discorde entre moi et les miens. Je ne rentrais pas après l'école, je vagabondais sur sa moto, les cheveux au vent et moi je me sentais vivante, enfin différente. La première année faut géniale, idyllique même. Puis les premières crises de jalousie sont venues. Il s'est mit à épier tout mes faits et gestes. A quelle heure je rentrais, où j'allais. Il pensait tout le temps que je lui cachais des choses, que je voyais d'autres garçons. Allant même jusqu'à un jour débarquer à la sortie des cours, brisant le bras de mon meilleur ami parce qu'il avait eu le malheur de le poser par-dessus mes épaules. C'est là que j'aurai du comprendre, réagir mais, j'étais aveuglée, oui l'amour rend aveugle. Il m'a entrainée sur une mauvaise pente. Tout c'est très vite dégradé par la suite. Les premiers coups sont tombés ainsi que les premières insultes. J'étais au prise avec un manipulateur pervers enfin ça c'est le psy qui me l'a fait réaliser des années plus tard. Il m'en a fallu du temps pour réaliser que cette relation était malsaine, il m'a fallu Joanne, fidèle au poste. Une plainte à ensuite été déposée avec interdiction d'approcher. Mais, mon ciel s'était assombri. Où que j'aille je ne me sentais jamais complètement rassurée. Une véritable psychose de le croiser, ou qu'il n'enfreigne l'injonction s'était installée. J'avais à peine 19 ans vous voyez! Alors lorsque est venu le temps de poser nos dossiers d'admission pour les universités, c'est là que j'ai fais différer mon choix à celui de ma jumelle. Elle visait Harvard et j'aurai l'y suivre, nous étions inséparables. Elle n'a pas compris mon choix, elle ne l'a pas accepté et c'est là que j'ai été vraiment odieuse avec elle... Je lui en ai balancé quelques saloperies, qu'elle m'avait toujours fais de l'ombre. Volé la vedette dans toutes les situations. Que je ne supportais plus les comparaisons. Que je voulais m'amender d'elle, faire ma vie, tracer ma route et ne pas me retourner. Dans ses yeux j'y ai lu la surprise, la peine et surtout la colère. Le ton est monté, on s'est insultées comme jamais, non je n'avais jamais vu ma jumelle dans cet état-là. Je me suis alors retournée pour rejoindre ma chambre et faire mes bagages. Non, ce n'était pas elle que je désirais fuir mais, c'est ce que j'ai préféré laisser croire. Quelques jours plus tard, je prenais l'avion pour le Canada pour rejoindre la faculté des arts d'Ottawa. Elle partait pour Cambridge à Harvard. Je ne l'ai jamais revue. On ne s'est jamais écrit. J'avais rompu le cours de nos vies mais, pas le fil menu qu'il restait entre nous.

Quelques années plus tard, quand l'improbable est arrivé. J'ai nié cette pointe que j'ai ressentie un jour. C'est venu comme ça comme une vague. Quelque chose n'allait pas. Avec les années écoulées, je n'y ai pas prêté attention. Puis, j'ai reçu ce coup de téléphone des parents. Leur annonce... Je me suis alors pincé les lèvres écoutant attentivement leurs explications. Joanne était morte dans un incendie, c'est son fiancé qui les avait prévenu avant que ne le fasse les autorités. Il était pompier. Je me souviens qu'ils ont évoqué son prénom. J'avoue, je n'y ai pas fais attention. Pas réellement. Elle n'était plus là et la douleur fut deux fois plus vive que cette pointe ressentie deux jours auparavant. Cette sensation à laquelle je n'avais pas voulu prêter attention. Je me suis alors confondue en excuses tout plus incompréhensibles les unes que les autres. Mais, je ne serais pas présente le jour de l'enterrement. Par ma faute, j'avais gâché nos plus belles années. Elle était fiancée je n'en savais rien, j'allais me marier et elle n'en serait jamais le témoin. J'ai raccroché et dans les minutes suivante j'ai envoyé ce sms. Je reprenais mon oui fatidique. J'ai quitté la faculté et je me suis enfuie une fois de plus. Un an a passé. Puis deux, le temps de prendre le courage d'envoyer mon dossier à Harvard. Certes, elle n'est plus là. Elle n'y sera jamais plus mais, en mémoire d'elle. Je fais ce que j'aurai du faire, le jour où j'ai tout gâché. Depuis un an, je suis le fantôme de ma jumelle sur le campus...