Nous baigner alors qu'on était défoncés, bourrés, tout ce que vous vouliez, c'était peut-être pas la meilleure idée qu'on ait eue jusqu'ici. Mais c'était tellement drôle parce que je me sentais complètement libérée de cette peur qui gâchait l'océan pour moi d'habitude. Là, je pouvais simplement profiter de l'eau avec mon copain, je ne réfléchissais à rien d'autre que de m'enfuir quand il me coursait. J'avais un peu de mal à me débattre avec les vagues pour avancer parce que plus ça allait, plus elles me faisaient dériver mais j'arrivais malgré tout à me remettre sur le chemin à chaque fois. J'hurlai de rire en l'entendant vaguement m'imiter dans mon dos et je donnai une petite accélération, mais je vis une vague m'arriver dessus et le rouleau s'apprêtait à se casser juste sur ma tête. Donc au lieu de passer par-dessus comme d'habitude, je plongeai dessous, c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Sous l'eau, je fus secouée dans tous les sens, perdant tous repères. À certains moments je me sentis toucher le sable avec violence et je commençai sérieusement à manquer d'air. Et quand je crus que j'allais finir par étouffer, je m'échouai enfin sur la plage. Aussitôt je me relevai en prenant de grandes inspirations, me mettant à rire et repoussant mes cheveux en arrière. « BORDEL j'ai failli pas en réchapper de celle-là ! » Je rigolai et me retournai pour faire face à l'océan, cherchant mon copain du regard. Mes yeux scrutèrent l'eau plusieurs secondes, mais je ne trouvai pas sa silhouette. « Alex ? » l'appelai-je en fronçant les sourcils, me sentant soudain inquiète.

I feel freeeee *chantonne* Ouais non. Enfin si, je me sentais libre et forcément, j'étais euphorique. Euphorique parce que j'étais défoncé en plus d'être bourré et je jouais avec ma petite amie. Ouais, ouais, on était dans l'eau, gelée au passage, et on s'amusait. Je faisais l'indigné parce qu'elle avait balancé une gerbe sur moi quand je sortais à peine de l'eau et s'était mise à courir loin de moi. Je tentais de la rattraper, en vain. Puis au bout d'un moment, je ne la voyais plus et je commençais à lui gueuler après afin qu'elle m'indique où elle est. Mais pas de réponse. A un moment, je me suis retourné et bim! Un rouleau dans la gueule. Je comprenais plus rien à ma vie et sans que je comprenne le pourquoi du comment, je n'arrivais plus à remonter à la surface pour remplir mes poumons d'air. Je me mis à paniquer aussi rapidement et là, ce fut le drame. Le trou noir, l'inconscience en somme. Je ne voyais plus rien, je ne ressentais plus rien. Rien, je n'avais même plus la peur que je pouvais ressentir quelques instants auparavant. C'était... c'était une noyade.

Il n'y avait pas à dire, je venais de me faire secouer comme un prunier, si bien que j'avais cru pendant un instant que je n'allais pas réussir à me sortir de ce rouleau. Je venais d'avoir une petite frayeur, mais je ressortis quand même en en rigolant. L'effet drogues, sûrement. Sauf que j'arrêtai aussitôt de rire quand je cherchai mon petit ami du regard et que je ne le trouvai pas. J'avais beau scruter l'eau, je ne voyais rien. « ALEX ! » criai-je, désormais complètement affolée. Sans attendre, je retournai dans l'eau, combattant une vague pour avancer et je continuai de m'époumoner à appeler mon copain, que je ne voyais toujours pas. J'essayai de retourner là où je l'avais vu pour la dernière fois, mais putain qu'il faisait noir ! Enfin, je crus voir quelque chose alors je nageai telle une dératée et je mis enfin la main sur le corps sans vie d'Alex. Mon souffle se coupa une seconde et je sentis mes yeux me brûler. « Non, non, non putain non, Alex ! » Je ne savais pas si c'était l'adrénaline, mais tout se passa en un flash et je réussis à le tirer jusqu'à la plage pour le coucher sur le sable. J'étais complètement essoufflée, affolée, je me penchai au-dessus de son visage et paniquai d'autant plus en ne sentant pas son souffle sur ma peau mouillée. Par miracle, la brume qui habitait mon cerveau se dissipa assez pour me permettre de me souvenir des gestes des premiers secours. Je mesurai avec précipitation le bon emplacement sur sa poitrine afin d'exercer les compressions sur son cœur, me penchant ensuite sur lui pour lui insuffler deux fois de l'air et je recommençai, tout en le suppliant de lutter, de respirer. Mes gestes ne flanchaient pas, je compressai sa cage thoracique toujours avec la même énergie, mais plus les secondes passaient, plus je sentais l'espoir me glisser entre les doigts. Putain, pas lui aussi, pitié.

Depuis combien de temps j'étais dans cet état d'inconscience ? Je n'en avais clairement aucune idée. Disons juste je n'avais tout simplement aucune notion, ni aucun moyen de savoir ce qui se passait. J'allais mourir ? Certainement. J'veux dire, comment Billie peut me retrouver dans le noir complet, sachant que la mer était loin d'être calme ? Nah ouais, j'allais mourir et j'allais la laisser seule, sans pouvoir lui dire au revoir. C'était triste ça, genre vraiment triste et je ne voulais pas. Non, je voulais la revoir, l'embrasser et lui dire que je l'aime. Sérieusement, retrouve moi Billie, retrouve moi. Et puis finalement, je ne savais pas trop ce qui se passait, je ressentais des coups de pression au niveau de mon torse et ça m'faisait mal. J'avais mal et j'avais l'eau qui remontait le long de ma trachée. L'eau qui était présente dans mes poumons remontait et finalement, reprenant conscience, je recrachais tout en toussant. Me redressant sur le coup, je continuais de cracher l'eau sur le sable à côté de moi, toussant tout ce que je pouvais pour vider chaque bronchiole. Respirant de façon saccadée, je tentais d'irriguer mon organisme de particules d'oxygène avant de regarder qui était à côté de moi : Billie. Sauf que je retombais sur le sable, épuisé et terrorisé par ce qui venait de se passer, sans un mot.

Le talon de ma main droite continuait de s'enfoncer dans sa poitrine sans hésitation, je frémissais d'adrénaline, il m'était impossible de ralentir le rythme. Tout ce que je voyais, c'était le corps inerte de mon petit ami, son cœur immobile sous la plante de mes mains et son souffle refusant de venir chatouiller mon visage à nouveau. Je n'avais pas la moindre idée depuis combien de temps je faisais ça, si c'était des secondes, des minutes, des heures .. Je perdais la notion du temps, j'ignorais s'il était temps que j'arrête, que j'abandonne. Mais je n'arrivais pas à m'y résoudre. Et enfin, quand tout semblait se diriger vers une fin atroce, il reprit connaissance. Je bougeai rapidement pour l'aider à tenir sa tête droite histoire qu'il ne s'étouffe pas avec l'eau qui ressortait de sa trachée. Puis j'accompagnai son corps jusqu'au sol, mais gardai un bras derrière sa nuque et je me penchai sur lui pour coller mon front contre le sien, sentant finalement les larmes qui avaient dû couler sur mon visage tandis que je faisais son massage cardiaque. Je sentais enfin mes genoux esquintés par le frottement du sable contre eux alors que j'étais agenouillée près du corps d'Alex. Je retrouvai mes sensations et alors que je réalisai qu'il était vivant, je me sentis revivre avec lui. Sans plus attendre, je me détachai de lui et accourus vers ses affaires pour venir le recouvrir de sa veste et je posai la mienne par-dessus ses jambes. Son corps était glacial et maintenant, il était important de le réchauffer un minimum. « Tu m'as fait peur .. » murmurai-je tandis que je revenais m'agenouiller près de sa tête, les épaules courbées en avant sous le poids du drame qui venait de nous arriver.

Suite à un massage cardiaque, je venais recracher toute l'eau qui se trouvait dans mon système respiratoire, et ce grâce à Billie qui avait eu les bons réflexes quand elle m'a retrouvé inconscient dans l'eau. Je pense que si elle n'avait pas été là, j'aurais pu fini avec les cadavres des crabes et autres crustacés. Une fois que j'avais tout recraché, je m'allongeais sur le sable mouillé en tentant de retrouver une respiration ne serait-ce qu'un peu plus normale. Elle se mit à se redresser et à courir plus loin, ce qui me fit paniquer, mais sans qu'aucune réaction ne se fasse à l'extérieur. Elle revint assez vite près de moi pour déposer ma veste sur mon torse et la sienne sur mes jambes. Je me rendais compte à ce moment précis que j'avais froid et que je tremblais même. Ma petite amie vint s'agenouiller à côté de moi, de mon visage, le dos courbé. "Tu m'as fait peur .." Je venais alors chercher sa main avec la mienne et je la serrai comme je pouvais et je fermai les yeux, encore sous le choc de ce qui venait de m'arriver. "J'suis désolé.. vraiment désolé je..." Ma gorge me brûlait et ça s'entendait dans ma voix. Cependant, je voulais finir ce que j'avais à lui dire donc je m'efforçais de le faire. "J'sais pas c'qui s'est passé, un instant j'te cherchais et l'autre.." Et l'autre je paniquais sous l'eau, finissant par succomber à l'inconscience.

Je n'avais pas eu peur de le perdre, ça avait été bien plus loin que ça, j'étais tétanisée, déjà à me demander comment j'allais faire sans lui. Son cœur refusait de battre sous la paume de ma main, le seul air qui entrait dans ses poumons était le mien et j'avais eu une peur bleue que ça reste ainsi. Mais il était enfin conscient alors je m'empressai de venir le couvrir de nos manteaux histoire de le réchauffer un minimum, pour lui éviter l'hypothermie. Agenouillée près de lui, je frottai doucement son bras, murmurant qu'il m'avait fait peur. « J'suis désolé.. vraiment désolé je... » Il attrapa ma main alors je montai la sienne jusqu'à mes lèvres pour l'embrasser doucement, mon cœur battant toujours rapidement. « J'sais pas c'qui s'est passé, un instant j'te cherchais et l'autre.. » Je m'assis parce que la position me coupait le sang qui circulait déjà mal dans mon corps et lui fis signe de se taire parce que je savais ce que le manque d'air provoquait : une brûlure de la trachée et c'était extrêmement douloureux. « T'as sûrement été emporté sous la vague. Ça m'la fait aussi juste avant que je remarque que t'avais disparu. Sauf que .. » Sauf que j'avais eu plus de chance, je m'étais échouée sur le sable alors que lui avait continué d'être entraîné en avant et en arrière jusqu'à ce qu'il perde connaissance.

Je me doutais bien, rien qu'en voyant son visage, que je lui avais fait une peur bleue en ayant cet incident. C'était pas rien, je m'étais noyé quand même et j'avais pu ne pas m'en sortir si elle ne m'avait pas sorti de l'eau à temps et si elle n'avait pas eu les bons réflexes de premier secours. Elle m'avait prodigué un massage cardiaque qui avait relancé mon coeur bien comme il fallait, ce qui a eu comme conséquence l'éjection de l'eau de mon organisme, plus particulièrement mes poumons. Je m'excusais, malgré la douleur que j'avais à la gorge, parce que j'avais besoin de lui dire ces mots. Ses lèvres sur ma main, je me sentais déjà un peu plus réconforté. Elle avait également sûrement besoin de les entendre, mes mots, parce que j'avais vraiment pas géré sur le coup. Mais après s'être assise, elle me fit signe de me taire et je m'exécutais, sans broncher. Ca me faisait mal de toute façon, je voulais simplement reprendre mes esprits et aller mieux. "T'as sûrement été emporté sous la vague. Ça m'la fait aussi juste avant que je remarque que t'avais disparu. Sauf que .." Je fermais les yeux, tournant la tête sur le côté en sa direction. Sauf que moi j'ai failli mourir noyé contrairement à elle. Pourquoi j'avais vécu ça ? La drogue et l'alcool ? Sûrement. Je sais pas, j'étais encore en état de choc et je savais qu'il me faudrait un moment pour m'en remettre.

Quand je m'étais rendu compte qu'il n'était plus en surface, j'avais paniqué immédiatement. Peut-être qu'il me faisait une blague, peut-être qu'il allait surgir juste devant moi pour me faire flipper. Mais j'avais un terrible pressentiment donc j'avais aussitôt éliminé cette hypothèse, me mettant alors à le chercher en hurlant son nom. Et quand je l'avais trouvé, mes craintes s'étaient réalisées ; il ne respirait plus. Est-ce qu'il s'agissait d'une noyade ? Est-ce qu'il avait fait une overdose ? Comment est-ce que je pouvais le savoir ? On avait pris tellement de trucs ce soir .. Tout ce que je voyais, c'était qu'il ne respirait plus. Alors je l'avais tiré de l'eau grâce à je ne sais quelles forces et j'avais commencé à lui faire un massage cardiaque. Mais pendant tout ce temps, je me demandais si c'était réellement utile, s'il venait de faire une overdose ça n'était pas tout ce dont il aurait besoin. Son cœur refuserait de repartir normalement tant qu'il serait truffé de substances. J'avais fini par réussir à le réveiller, me prouvant qu'il ne s'agissait pas d'une overdose et quand il ouvrit les yeux, je pus respirer à nouveau. Il était  toujours en état de choc tandis que je m'attelais à le réchauffer. Je me rendis compte que j'avais froid aussi lorsque je me mis à claquer des doigts, alors je me tournai rapidement pour choper mon chemisier et l'enfiler histoire d'avoir un minimum de chaleur. « Faut que je trouve un taxi .. Qu'on aille à l'hôpital voir si t'as rien. » Je regardai la route au loin, qui était quasiment déserte à cette heure-ci. J'allais probablement devoir appeler une compagnie pour avoir un taxi.

Si je devais dire à quelqu'un de se noyer pour le fun... ouais bon ok, on ne dit pas ça à quelqu'un parce que c'est loin d'être fun. On panique puisqu'on arrive pas à remonter à la surface, on avale de l'eau et on finit par tomber dans l'inconscience puisque le cerveau n'est plus irrigué par l'oxygène supposé être apporté par chaque respiration. Non, c'est loin d'être fun et j'avais flippé énormément. Seulement, là, je ne voulais plus bouger, malgré mon état. Je ne voulais pas me lever et me rhabiller, je voulais juste être téléporté dans mon lit où je pourrais me réchauffer et me blottir contre ma petite amie. Cependant, je savais que ça ne serait pas vraiment possible immédiatement donc je me contenterai du moyen le plus rapide d'y accéder. "Faut que je trouve un taxi .. Qu'on aille à l'hôpital voir si t'as rien." me disait-elle après avoir enfilé son chemisier et moi, je secouais tout simplement la tête négativement. "Non, non. J'veux rentrer à la Mather House et m'coucher, s'il te plait.." Je la suppliais presque mais j'avais horreur des hôpitaux et j'avais vraiment pas envie d'y aller ce soir malgré mon mauvais état.