Comme chaque année, nombreux Dorés s'étaient inscrits à cette activité, Secret Santa à la Pforzheimer était bel et bien ancré et Ji-hun avait encore une fois accepté d'y participer. Message reçu des Présidents, prénom de celui à qui il devra un présent, accompagné de trop peu de renseignements. Il trouva tout de même une idée, fit des recherches sur l'endroit où il vivait. Était enfin venu l'échange du présent, le Nord-coréen s'était rendu au comptoir de l'établissement. Demande formulée d'appeler le jeune homme à qui son cadeau était destiné, aucune réponse donnée, absence supposée. Il réitèra quelques jours après, sans plus de succès. Pour éviter des va-et-vient qui ne méneraient à rien, des appels réguliers furent passés par le brun jusqu'au moment opportun. Marcus enfin rentré, il se prépara à y aller.

Arrivé sur les lieux, sur lui furent posés quelques regards curieux. Présence du Pfo validée par un monsieur, il en fut très heureux. Est-ce que vous pourriez lui demander si je peux monter, interrogea le doctorant à l'employé. Ji-hun se mit à patienter, dans l'attente de pouvoir remettre sur son épaule le gros sac qui contenait plusieurs paquets – tous vides sauf un ; pas de panique, il saura tout recyclé. Dites-lui que c'est le Père-noël, ajouta-t-il pour ne pas dévoiler entièrement son identité. Puisqu'il s'était inscrit, il devait se douter de quoi il s'agissait. Barbe blanche repositionnée, le déguisement jurait un peu avec ses yeux bridés. Il étouffait dans ce rez-de-chaussée bien chauffé, mais qu'est-ce que ça faisait du bien de s'amuser !

Voilà à peine quelques heures maintenant, j’avais atterri à Boston après des fêtes de famille passées en autriche, dans la royale demeure de mon père. J’étais… exténué. Éreinté par cette entrevue annuelle avec le paternel et son lot de remontrance, par cette pression constante que j’avais là bas, de montrer la meilleure version de moi-même, d’essayer d’arriver à la cheville de mes frères aînés, de le rendre fier… Sans parler de la présence de Brinley qui n’avait fait que compliquer les choses. Ou peut-être pas, mais je n’y avais déjà que trop pensé.
Avachi dans le canapé du salon de ma suite, j’allumais distraitement la télé quand le téléphone de l’hôtel sonna. Sans déconner, je pouvais pas avoir cinq minutes de répit ? Il ne me fallut pas longtemps pour décrocher et ce qu’on m’annonça au bout du fil était pour le moins déconcertant. Un mec déguisé en père Noël qui demandait à me voir ? « Non merci je ne suis pas intéressé » dis-je en soupirant. Il pourraient quand même faire le tri et virer les péquenots qui se présentaient vu le prix de la suite. Je m’apprêtai à raccrocher quand d’un coup, je percutais. « Non attendez ! Laissez-le monter » dis-je après une légère hésitation. A tous les coup, il s’agissait d’un membre de la Pfo venu me faire le secret santa. Je soupirai à nouveau, fatigué à l’avance. Clairement, c’était pas du tout mon truc de simuler la générosité auprès des autres étudiants. Et j’étais moi-même tellement compliqué en terme de cadeau qu’on pouvait dire que c’était une punition pour le pauvre type qui avait pioché mon nom lors du tirage au sort. Quelques minutes plus tard on sonna à ma porte et bien que pas motivé pour un sou, je m’en allais ouvrir à l’inconnu.

L'employé se mit à téléphoner pour annoncer Ji-hun qui, maintes fois, s'était déplacé ou avait appelé pour espérer voir Marcus rentrer. Pour ne pas que son identité soit complètement dévoilée, le Nord-coréen s'imposa entre deux bips de sonnerie. Il fallait que la surprise soit réussie, alors il dit : dites-lui que c'est le Père-noël ! Étrange puisque les festivités étaient passées, mais même à l'homme de rouge vêtu, les retards pouvaient arriver. Le doctorant entendit la négation dans le combiné, et fut un peu déçu vu la mise en scène qu'il avait préparée. Au comptoir, son vis-à-vis allait en terminer quand, à son oreille, l'appareil fut de nouveau plaqué.

Bonne nouvelle annoncée, on l'attendait. Ni une ni deux, rhabillé entièrement du déguisement qu'il avait trouvé, il jeta sur son épaule le sac rempli de paquets et s'en alla prendre l'ascenseur pour monter. Bouton du bon étage pressé, il n'avait plus qu'à patienter, espérant voir tirée au sort une personne qui saura apprécier l'idée. La cage finit par s'arrêter et Ji-hun n'eut qu'à chercher le numéro de la suite que son compère de Maison occupait. Il se posta devant et se mit à frapper. Bonsoir et joyeux Noël, s'exclama l'asiatique quand l'étudiant apparut devant lui, tu m'as donné du fil à retordre, t'étais parti ? Il dira ce qu'il voudra bien partager.

Ji-hun respectait la vie privée, et puis les vacances étaient faites pour s'amuser, d'autant que les examens étaient passés c'était le moment de décompresser. Du coup, si tu veux ton cadeau, il va falloir répondre à une devinette, dit-il, c'était la punition pour l'avoir fait autant galèrer ; pas de panique, il s'en amusait. Le Nord-coréen était sympa quand on le connaissait. Quel est le gâteau le plus dur du monde entier, l'interrogea-t-il, posant à terre le sac qu'il transportait.

J'étais fatigué d'avance rien qu'à l'idée de voir un gars débarquer déguisé en père noël. Je soupirais légèrement, puis faisais ce qui me semblait être un effort commensurable pour essayer d'adopter une attitude sympa avant d'ouvrir. C'était un membre de ma confrérie après tout, et même si il semblait que nous ne partagions pas du tout le même sens de la "fête", il fallait être tolérant... n'est-ce pas ? Sauf qu'entre ma raison et ce qu'il allait sortir de ma bouche, il y avait parfois un monde. « Bonsoir » le saluais-je en retour en ouvrant, reconnaissant Ji-Hun. On ne se connaissait que de vue mais au moins je ne m'étais pas trompé, il s'agissait bien de cette histoire de secret santa. Mes sourcils se haussèrent alors qu'il commençait presque à me demander pourquoi je n'avais pas été là. « De toute évidence » répondis-je avec raideur. Il voulait pas mon emplois du temps non plus ? Puis voilà qu'il lui annonçait une devinette. Non sérieux, il voulait pas juste donner son cadeau et se casser ? Je soupirais, commençant clairement à perdre patience. Rappelez-moi l'an prochain de ne pas pas participer à ce genre de conneries. Mais le pire c'est que je me mettais réellement à réfléchir, sentant venir la vanne pourrie à des kilomètres. « La bûche de Noël c'est ça ? » répondis-je, désabusé.

Une semaine plus tôt, Ji-hun avait eu la surprise de recevoir un présent, cadeau caché dans l'entrée du bâtiment où il travaillait avec acharnement. La demoiselle qui s'en était chargé avait joué un rôle parfait, celui de la Mère-Noël avec une touche de modernité, ce qui lui avait donné l'idée de se déguiser. Il avait trouvé l'idée plutôt amusante jusqu'à entendre une voix peu pétillante. Il aurait pensé que l'inscrit allait se marrer, à croire qu'il n'avait pas tout envisagé. Il fit abstraction de l'accueil, lança un défi qu'oui ou non il le veuille. Je me doutais bien qu'un pfo aurait tout de suite trouvé, plissa-t-il les yeux quand la réponse fut donnée, mais en même temps il ne voulait pas trop s'attarder sur une devinette qui n'avait que l'intérêt de pouvoir briser la glace – et qu'est-ce qu'elle était gelée ! Tu veux que je te donne le cadeau dans le couloir ou tu m'autorises au moins à passer la porte pour qu'on puisse éviter de se faire trop voir, lui demanda-t-il pour ne pas s'imposer. Surtout qu'il avait encore le sac à fouiller pour tomber sur le bon paquet, pas sûr qu'il voudrait qu'on le remarque en train de secouer chacune des boîtes emballées de papier coloré.

Non clairement, l'idée du père-noël venant m'apporter mon cadeau, c'était pas mon délire. J'avais voulu faire ma bonne action de l'année en m'inscrivant à ce secret santa de confrérie, mais à présent que je me retrouvais dans cette situation, je regrettais de seconde en seconde. Pitié, libérez moi de ce gars pour que je puisse enfin avoir la paix. Malgré tout je réfléchissais sérieusement à sa devinette, trouvant assez rapidement la réponse. Bon très bien, maintenant que j'avais répondu à sa vanne pourrie, peut-être allions-nous pouvoir passer au vif du sujet ? Toujours d'humeur massacrante, je l'observais de la tête aux pieds alors qu'il me demandait pour rentrer, puis jetais un coup d'oeil dans le couloir. Je n'aimais pas faire rentrer les gens chez moi. En règle générale, rares étaient ceux qui y étaient invités. « Très bien, entre » répondis-je malgré tout en m'écartant pour le laisser entrer. Après tout je n'étais pas certain de vouloir être aperçu par mes voisins avec un père-noël dans les pattes. Je m'éloignais de queslques pas, allais me chercher un verre tandis que le Pfo semblait chercher le paquet parmi la pile qu'il avait sous les yeux. « C'est toi qui a emballé tout ça ? » demandai-je, dubitatif.

Demande formulée de pouvoir entrer dans la suite où, apparemment, le Pfo habitait. Non pas qu'il voulait s'imposer, mais il s'était déjà assez fait remarquer. Surtout que son interlocuteur ne semblait pas aussi emballé, alors autant que sa fierté ne soit pas trop touchée. Ce fut accepté, Ji-hun quitta alors le palier. Sac posé dans l'entrée, il l'ouvrir et commença à fouiller. Disparition soudaine de son interlocuteur, ce dernier revint quelques secondes plus tard avec un verre de liqueur. Ouais, j'avais probablement du temps à perdre à ce moment là, dit-il. Ça faisait un moment qu'il avait tout préparé, il ne se rappelait plus trop de l'idée qui, dans sa tête, était passée. Il ne le fit pas chercher, trouva le bon paquet à la pesée, et le tendit, droit devant lui. Joyeux Noël, il s'exclama une nouvelle fois. Il attendit qu'il fut pris, puis se délesta du bonnet, de la barbe décolorée, du manteau rouge qu'il portait – la matière du pantalon le grattait, mais celui-là il ne pouvait le retirer. Il fait chaud chez toi, ou c'est moi, demanda-t-il, est-ce qu'à fond les radiateurs étaient poussés ? Les vêtements l'avaient peut-être un peu déshydratés ; dans une luxueuse boîte fermée, une jolie ceinture réversible Zadig et Voltaire allait bientôt se mettre à découvert.

Sérieusement, il s'était fait chier à emballer tout ça ? En tout cas, on ne pouvait pas lui reprocher d'avoir joué le truc à fond. Un léger sourire étira mes lèvres malgré moi face à sa réponse, un peu amusé de la situation malgré tout. Il parait que le ridicule ne tue pas... enfin jusqu'à preuve du contraire. Soudain pris de compassion - ou peut-être plus de pitié - j'allais chercher un second verre, le tendant au pfo lorsque celui-ci s'était débarrassé de tout ses atours de père noël. « Je pencherai plutôt pour ta tenue qui t'a tenu extrêmement chaud » commentai-je en haussant un sourcil. Acceptant le cadeau, je posais mon verre et ouvrais le paquet pour y découvrir une ceinture Zadig et Voltaire, simple mais classe. Tout ce que j'aimais. « Elle est très cool, merci mec ».

Cadeau trouvé parmi les milliers emballés, Ji-hun le tendit au membre de sa Maisonnée en lui souhaitant de bonnes fêtes de fin d'année. Dans sa main, le poids fut délesté et il put un peu se déshabiller, dire au revoir à l'accoutrement de père-noël qu'il avait acheté. Boisson proposée pour l'hydrater, il remercia le maître des lieux puis se délecta d'une gorgée. Pas de quoi, il fit, Je t'avoue que j'ai failli en acheter une pour moi. Mais il avait déjà une belle collection et petite était sa location. Tu vis là toute l'année, demanda-t-il pour faire la conversation, au moins le temps de terminer sa boisson. Il y a tellement de membres qui vont et viennent à la PfoHo, je ne suis pas certain qu'on se soit déjà croisés, supposa-t-il, laissant un maigre doute plané ; est-ce qu'il avait déjà participé à une activité organisée par la Présidence de l'année passée ? En tout cas, ils n'avaient jamais eu l'occasion de parler, mais peut-être bien que ce n'était pas sa tasse de thé. Nouvelle gorgée avalée, il se permit de l'interroger sur le domaine qu'il étudiait : et t'es de quel département du coup ? Probablement pas médecine, il ne semblait pas avoir le profil.