Ça la prend à la gorge, l’impression d’avoir avaler un nuage de fumée, les yeux qui pique, comme un incendie qui ravage tout. Et quiconque connaît Joyce un minimum sait que, le seul élément qu’elle maîtrise un tant soit peu, est tout l’opposé du feu. Elle se sent submergée, ne reconnaît personne à qui s’accrocher dans la foule et finit par taper quelques mots sur son téléphone à l’attention de sa meilleure amie. Haley ne met pas longtemps à répondre, présente comme toujours dans les moments de joie comme ceux qui sont plus douloureux – et qui ont tendance à s’amoncelle ces derniers mois. Elle étouffe la doctorante, troque ses chaussures contre sa paire de basket – qu’est-ce qu’elle se sent ridicule dans cette tenue qu’elle avait mis dans le seul but d’espérer séduire Jay – et farfouille son sac à la recherche des clés de son cadenas de vélo. Il lui faut s’éloigner, il lui faut aller voir les vagues et les embrumes pour noyer les flammes. Elle referme à peine ses mains sur le métal qu’une paume la fait sursauter.
Jay, merde, merde, merde. Il lui faut contenir ses larmes encore un peu, articuler douloureusement un sourire insouciant sur ses lèvres et partir à la pêche à un nouveau mensonge. Elle devient douée dans cette discipline – merci William ?

– Haley vient de m’écrire, elle se sent pas très en forme, je vais aller lui remonter le moral.

Elle sait qu’ils se sont quelque peu éloignés ces derniers temps, et combien même son ex essayerait de vérifier son alibi, sa meilleure amie n’hésitera sûrement pas à la couvrir. Joyce déteste l’idée de mentir, mais les circonstances la pousse à ça. Elle n’a pas envie d’avouer ses blessures devant celui qui vient de déchirer son cœur en deux, elle n’a pas envie qu’il voie les larmes qui brille ; il a perdu ce droit en même temps que leur relation s’est noyée.

– Désolée pour la courte apparition. J’espère que tu passeras une bonne soirée.

Les mots lui semblent si irréels qu’elle aimerait les cracher. Elle ne lui laisse cependant pas le temps de s’interroger sur son départ, n’a pas envie de devoir se débattre avec encore plus de questions, encore plus de mensonges. La gorge nouée, elle tourne les talons pour filer en direction du poteau où elle a abandonné son vélo. Les mains un peu fébrile, elle libère son destrier des temps modernes avant de l’enfourcher pour filer vers la mer. Les larmes sur ses joues ont l’avant goût des écumes.