Il était une fois, une luciole qui n’arrivait pas à briller. Ses copines lucioles vivaient leurs vies près d’un grand étang, se moquant d’elle et de son éclat inexistant. La petite luciole, très triste, finit par quitter sa maison et à partir très loin de chez elle. Elle s’installa au bord de la mer et rencontra une bande de planctons luminescents. L’un d’eux finit par la séduire et ils décidèrent de se marier malgré leur grande différence d’environnement. La luciole et le phytoplancton bioluminescent eurent ainsi des enfants brillants de jour comme de nuit. C’est en s’occupant de toute sa petite tribu, gorgée d’amour, que notre petite luciole se mit à briller de mille feux. Une larme perla au coin de l’œil de Kaylann, submergée de tristesse à son éveil au beau milieu de la nuit. S’emparant du calepin qui était toujours posé sur sa table de chevet, la brunette posa les mots sur le papier. Sa tâche achevée et le calepin reposé, la lampe de chevet sombra à nouveau dans l’obscurité précaire, la chambre illuminée par les lumières de la nuit. Se retournant plusieurs fois dans ses draps satinés, elle finit par se rendormir et oublia ce rêve qui serait probablement l’un de ses prochains livres avec un peu de rédaction et quelques illustrations.

Nuit agitée, réveil matinal, difficulté à se rendormir… Ce n’est pas sous les meilleurs auspices que Kaylann commençait sa journée. Mal réveillée, elle tourna plusieurs fois dans son lit avant de se décider à quitter le confort de sa couette. Elle se traîna jusque sous sa douche qu’elle prit un peu trop chaude, un peu trop longtemps. Cela l’aida à émerger, pas totalement mais suffisamment pour se rendre jusqu’à la cuisine où elle se prépara une grande tasse de moka limu. Petit déjeuner avalé, elle retourna se préparer. Pull fin à col roulé, pantalon noir avec bottines à talons, veste bicolore et la voilà parée. Il ne lui resta plus qu’à glisser son porte-monnaie et ses clefs dans l'une des poches de son manteau avant de quitter l’appartement.

Le temps était mitigé en cette belle journée d’automne. Pour le moment, le soleil brillait malgré la fraîcheur de Boston. Le ciel bleu voyait des nuages se profiler à l’horizon mais pour le moment les rayons caressaient doucement son visage. Elle ne prit pas son combi ce jour-là, profitant des feuilles ambrées qui virevoltaient. L’hiver n’allait pas tarder à pointer son nez et la brunette en profita pour célébrer les dernières lueurs de cette saison chatoyante. C’est d’un pas tranquille qu’elle se rendit au supermarché. Elle n’avait rien de prévu en cette journée si ce n’est d’acheter quelques provisions. Passant entre les portes vitrées, la jeune femme garnit son sac en se glissant entre les allées. Souhaitant prendre une boite qu’elle n’arrivait pas à attraper, elle commença à escalader l’un des rayons afin de tenter de l’atteindre. Elle se prit alors le talon dans l’étagère et se mit à glisser en arrière et son cœur manqua un battement, anticipant sa chute sur le sol.

@Ji-hun Hwang

Ji-hun connût un réveil compliqué. Pour célébrer la réussite de son club de sport, il avait accepté de boire un verre avec quelques uns de ses amis la veille. Mais un verre s’était rapidement transformé en deux, puis le deuxième avait précédé le troisième, sans compter le « dernier pour la route » un peu trop commun aux coréens. Il avait réussi à retrouver le chemin de la maison, tout heureux d’avoir réussi à se libérer enfin du temps, à sortir de chez lui en pleine obscurité aussi. Le lit aurait pu le voir sombrer, mais une conversation l’avait quelque peu déstabilisé. Il avait fini sur le canapé et avait été réveillé tôt, – bien trop tôt pour une personne qui s’était endormi à peine quelques heures avant. Hospitalité offerte le temps que tout se tasse sur le campus, il ne s’en plaignit pas ouvertement, mais ses cernes demandèrent quelques massages supplémentaires devant le miroir pour les estomper.

Son énergique marraine d’accueil l’intercepta dans le couloir qui desservait chambres et salle de bains, et lui donna la fameuse liste d’emplettes qu’il lui avait demandée de fournir, pour compenser toutes ces nuits d’hébergement. Ça n’avait pas paru nécessaire à la quadragénaire, mais elle savait par expérience qu’il était préférable de ne pas refuser ; il en valait de la fierté personnel du brun. Yeux encore dans le gaz, le nord-coréen parcourut d’une traite le papier avant de rejoindre le rez-de-chaussée. Il croisa Liv, la plus jeune de la famille. Il lui adressa un sourire, mais cette dernière ne lui rendit ni l’esquisse, ni son bonjour. Elle était en colère contre lui, ça ne faisait aucun doute – de quoi rajouter davantage à son malaise. Il s’habilla et sortit du logement de Somerville, qui l’avait accueilli à son arrivée sur le sol américain. Il prit son vélo, parqué contre le mur, et s’en alla vers le centre.

Les voies routières étaient dégagées, il arriva donc très vite au magasin. Deux-roues attachés sur un emplacement prévu à cet effet, il passa les portes automatiques et se munit d’un panier. De sa poche, il sortit le morceau de feuille et commença à aller et venir dans chaque rayon, cochant au fur et à mesure les ingrédients qu’il avait trouvés à l’aide d’un stylo. Habitude volée à sa marraine, avec qui il avait découvert l’utilité des marchés pour la toute première fois ; en Corée du Nord, la nourriture était principalement distribuée aux habitants. Regard fixement accroché aux intitulés, ce fut au dernier moment qu’il porta son attention sur la silhouette féminine qui, prête à tomber, se raidit. Il lâcha papier et stylo, eut tout juste le temps de faire deux pas en avant pour ralentir sa chute. Il l’agrippa d’un bras plaqué contre le haut de sa poitrine et sa main gauche accrochée à son épaule droite.

L’élan prit par le corps de la jeune femme le bouscula, le fit reculer sans le faire basculer en arrière, et son menton cogna le haut du crâne de la brune. Moindre souffrance, comparé à ce qui aurait pu se passer. Le cœur de l’Asiatique bondissait dans son torse, frappant la colonne vertébrale de celle qu'il venait de sauver, mais pas aussi vite et fort que le muscle vital qu’il devinait pulser plus bas. Est-ce que… ça va, demanda-t-il, après quelques secondes de mutisme, bien nécessaire en réponse à l'adrénaline tout juste vécue. Mal, je ne vous ai pas fait, ajouta-t-il. Il commençait à sentir les effets douloureux du choc qui s'était produit entre la pointe de sa mâchoire et la tête de la plus petite. Étreinte toujours active, il finit par, brusquement, lui rendre sa liberté