Je n’estime pas être un livre ouvert, lorsqu’il est question de mes émotions, mais mon amour de la maitrise, ce n’est pas quelque chose de nouveau, bien au contraire, alors à ses mots, je ne montre aucune surprise. “Dans le contrôle.” Comment sinon assumer les poids qui pèsent sur mes épaules ? Si je le perds, le risque, c’est de voir mon entreprise qui dégringole. Et ça, le monde sait que je ne le supporterai pas. “Ah, vous autres américains, à toujours vouloir contrôler chaque aspect.” C’est ce qui fait la meilleure recette pour accéder au succès. Il faut ce qu’il faut pour atteindre le sommet. “Alors qu’il est pourtant si plaisant de le perdre.” Il s’aventure à prononcer, en étant parfaitement conscient de l’impact possible de ses paroles, de ce double sens que je trouve quasiment drôle. Au moins il a le mérite de ne pas perdre le nord, même s’il peut, à la vue de ses antécédents, mettre de côté directement ses envies de m’entendre lui murmurer des encore.

D’ailleurs, ses anciens agissements, j’estime que de les mettre sur le tapis, c’est le bon moment. Lui remémorer ce qu’il espérait obtenir de ma très chère maman. S’il aurait pu jouer d’un potentiel étonnement, il préfère jouer les innocents, ses mains se relevant, “Seulement quand elles sont jolies.” Oui, de ma mère, c’est ce qu’on dit. Elle attire les regards, elle est l’héroïne de tas d’histoires. Le genre d’actrice qu’on ne pourra jamais oublier. “Et qu’elles le veuillent bien.” Si ça le fait rire, moi, j’en grimace derechef, sans même le réfléchir. Comme si elle aurait pu ne serait-ce qu’envisager de craquer. Mais il ne s’arrête pas dans ses délires tandis qu’il continue de s’habiller ; “Sinon, je me rabat sur le mari.” Là, bordel, à imaginer mon père, j’ai envie de gerber. Au moins, une chose est certaine, à jouer les plus malins, il a tout gagné pour être catalogué dans le rôle du sombre crétin. “Peut-être devrais-je m’intéresser à la fille. Elle n’est pas de celle qu’on néglige.” Evidemment, après avoir dépeint des tableaux sur ses potentiels déboires avec l’entièreté de mes liens familiaux, il se propose pour prendre une place dans le mien. “Cela a sans doute été mon erreur.” Le je ne peux que l’approuver, les prunelles plantées dans les siennes, les erreurs, je n’ai pas de mal à déterminer, qu’il est plutôt le genre d’homme à les accumuler. “Et toi donc ?” J’en arque les sourcils, ne le comprenant pas. “Pas de partenaire duquel je pourrais te détourner ?” La prétention, c'est de tous ses pores qu'elle se met à suinter. Ses yeux allant finalement se poser sur mes doigts, évidés, qui prouvent que je ne suis pas engagée.

Contre toute attente, d’ailleurs, cette constatation, elle vient taper sur mon système nerveux d’une façon qui ne peut que m’étonner. Je suis la première à glaner mon indépendance, ma non-envie d’appartenance… Mais qu’un homme comme lui puisse me le sortir aussi facilement que ça, comme si c’était réducteur, c’est à la lisière de me filer des hauts le cœur. Alors j’en émets, avec ma bouche, un son, de désapprobation. « Personne n’est à la hauteur, que veux-tu. » Et j’ai du mal avec tout ce qui concerne les sentiments. Le jour où je me lierai à quelqu’un, c’est de plus en plus limpide pour moi, ce ne sera qu’une histoire de contrat. « Mais tu sais, ce n’est pas en voulant sauter ma mère, en supposant que tu vas culbuter mon père, que tu vas soudainement me plaire. » J’en secoue le visage par la négative, faussement dépitée par son comportement, alors que je n’en ai rien faire, évidemment. Avant de me décider pour mettre un terme à notre petit aparté. « Tu ne m’en voudras pas, » que je m’excuse sans aucune once de sincérité, sarcastique à souhait, « mais il y a des gens qui bossent vraiment. » Qui ne se contentent pas de jouer les mecs faussement charmants. Et oui, lorsque je me retourne, j’en craque un sourire, satisfaisant.