Il était parré. Il avait tout ce qu’il fallait : soupe maison, plaid duveteux, bouillotte rigolote en forme de hérisson et huiles essentielles pour dégager les sinus. Il avait tout. Ou presque puisque ne lui manquait que l’adresse personnelle de Wendy, ce qui était un élément majeur s’il en est. Il se claqua la paume de main sur le front avant de se mettre en quête du précieux sésame. Google ne donna rien. L’assistante personnelle de la femme d’affaire se révéla un sérieux dragon. Ne resta plus que le concours de son cher et tendre. Comme il était pratique que ce dernier travaille à l’administration de l’université et ait en sa possession l’intégralité des données personnelles des étudiants. Fier de lui, il prit le chemin, pas si éloigné, du domicile de la belle rouquine qui ne semblait pas au meilleur de sa forme et dont il avait décidé de prendre grand soin. “Peut être que j’aurais dû prendre de quoi lui un grog aussi.” s’interrogea-t-il lui même dans l’ascenseur après qu’une bonne âme ait accepté de lui ouvrir. Il ne savait même pas ce que c’était un grog mais Monica Geller le présentait comme une solution miracle dans la série Friends. Naviguant sur Google pour en chercher la composition, il toqua à la porte de la demoiselle.

@Wendy Witter

Le choc était indéniable. Même s’il l’avait vu à la plage et dans l’eau, qu’il s’agisse de sauver des coraux ou sa dignité sur une planche. Même s’il l’avait vu à la salle de sport, rouge d’effort après une session musclée. Il ne s’attendait pas au visage que lui présentait la businesswoman. Lui qui se l’imaginait toujours tirées à 4 épingles même pour aller dormir et impeccable de manière constante, voilà que son mythe s’effondrait. Et le rassurait dans le même temps : Wendy Witter était humaine également. Et même qu’elle portait des pyjamas. Face à son entrée en matière caractéristique de la belle, il lui adressa un large sourire, quelque peu soulagé avant de glisser son téléphone dans sa poche arrière et de lever ses mains chargées pour lui montrer le nécessaire de base. “J’ai compris : “oh, je suis à l’article de la mort, Kitt. Viens me sauver de cette dernière avec une soupe maison, un plaid, une bouillotte et ton charme à toute épreuve.” répliqua-t-il en profitant d’une ouverture laissée entre la rouquine et la porte pour rentrer dans son logement. Il poussa un sifflement admiratif. “Whaou, plutôt sympa ton logement étudiant.” Puis il se retourna vers elle : “Hop, sur le canapé Mademoiselle. Je fais réchauffer la soupe. Tu as du rhum et du miel ?” demanda-t-il en reprenant ses recherches Google.

“Tss, tss, c’est exactement ce que dirait quelqu’un qui voudrait être réchauffée.” Il lui adressa un clin d’oeil amusé avant de reporter son attention scrutatrice sur la jeune femme. Il sentait bien qu’elle n’était pas bien et même s’il était la dernière personne qu’elle souhaite voir ou, pire encore, s’occuper d’elle, il n’allait pas se déclarer vaincu. Ce n’était pas dans son tempérament que de baisser les bras après la première rebuffade. Sous des airs légers et joyeux, il pouvait faire preuve de sagacité quand il le voulait. La lueur sombre qu’il voyait dans le regard de la jeune femme, il l’avait déjà vu. Il le connaissait parce que ce n’était pas la première fois qu’il le croisait. Pas chez Wendy évidemment, mais dans son miroir. Dans celui de Percy. Dans celui de Micah parfois. Alors il s’accroche, comme une moule s’accroche à son rocher, comme un enfant s’accroche aux jupes de sa mère, comme un morpion s’accroche à son poil pubien.

“Dis moi quelque chose que je ne sais déjà.” réplique-t-il, amusé et ravi que pour une fois, et à sa grande surprise, elle finit par céder. Oui, il est chiant. Oui, il est lourd. Mais oui, il tient à elle, plus qu’il ne pourrait jamais lui admettre au risque de la faire fuir et de la contraindre à le mettre dehors, un bon coup de pied dans le derrière. Il pose alors son regard sur les papiers sur sa table basse, lui faisant froncer les sourcils. “C’est pour ça que tu es à l’article de la mort ?” demande-t-il d’un air dubitatif en désignant les logos. Son instinct lui hurle de ne pas la croire mais il ne relève pas. “C’est pour quelle société ? Une nouvelle ou une ancienne que tu veux moderniser ?” Il tente l’aspect professionnel puisque c’est par là qu’elle se laisse aborder. Il verra bien ce qui en découlera.

Qui tentait-il de tromper ? Il n’avait jamais fait d’études en marketing et il fallait bien avouer que sa brillante carrière à Hollywood n’avait fait que confirmer son manque d’habileté pour se vendre. La bouche en forme de cul de poule, il fit mine de prendre en considération ce qu’elle venait de lui indiquer, la félicitant au passage. « Bravo ! C’est une belle réussite ! » Elle pouvait être fière d’elle : si jeune et déjà la tête d’un groupe qui portait son nom, là où Kitt se faisait soulever dans les ruelles du West End par des inconnus d’un soir ou draguait des spectatrices l’attendant au stage door. Non vraiment, Wendy pouvait être fière d’elle, même si cela ne l’avançait pas d’un iota sur le meilleur logo pour représenter l’évolution de sa société. « Mmmmmh, peut-être … » commença-t-il à indiquer après avoir tirer au sort entre les logos dans son esprit quand la phrase suivante que l’incendiaire rouquine le prit tellement au dépourvu qu’il s’en étouffa avec sa propre salive.

Après avoir sérieusement toussé et avoir vu le reste de sa vie défiler en un quart de seconde, il se tourna vers la jeune femme, n’en croyant toujours pas ses oreilles. « Pardon ?! » C’était jour de célébration ! Depuis le temps qu’il cherchait à coucher avec elle. Depuis leur première rencontre dans les coulisses d’un photoshoot. C’était l’aboutissement de toute une vie de dure labeur, sans exagération. Mais l’étincelle qu’il lisait dans son regard lui fit comprendre qu’il ne valait mieux pas la titiller. « Oui. » lui répondit-il, sincèrement avant de préciser. « Si je n’étais pas en couple et fidèle à mon petit ami, je t’aurais déjà jeté sur mes épaules pour t’amener dans ta chambre, te jeter sur ton lit et t’arracher ton pyjama pour te faire sauvagement l’amour, Wendy. » Et c’était le cas. « Et tant pis pour les 1.400 dollars. » Il lui adressa un clin d’œil complice avant de préciser. « Il faudrait être fou pour refuser une telle opportunité. » Il pencha légèrement la tête de côté, inquiet. « C'est ça qui te ronge ? M'avoir perdu ? » demanda-t-il, persuadé dans son ego qu'il ne pouvait s'agir que de la seule explication maintenant qu'il n'était plus disponible.