Deux gosses, c’était ce dont on avait l’air… Nina sur mon dos, moi mon bâton en l’air, prêt à me défendre face à des monstres imaginaires, on avançait ainsi en riant, délirant jusqu’à ce que le bruit de l’eau nous stoppe, jusqu’à ce que la  vue nous scotche… Nina retrouva le sol, et s’avança avec moi jusqu’au bord de cette magnifique cascade. Et c’était à la fois vertigineux et tentant : sauter, l’adrénaline… Et puis on était déjà en tenue. Elle sembla hésitante néanmoins, me questionnant sur la profondeur. Je me penchai, saisis une pierre assez imposante pour tester, la laissant tomber et écoutant le poc de son arrivée dans l’eau, puis le son qu’elle fit en s’écrasant en profondeur sur le sol et qui ne fut pas immédiat, indicateur donc que de l’eau, il y en avait assez pour amortir notre plongeon. « Je pense que c’est bon, on ne devrait pas se fracasser la tête… » assurai-je alors, avant de lui tendre la main et de m’avancer au bord prêt à m’élancer : « T’as peur ? » lui soufflai-je, défiant. 

 Je testai par un lancer de pierre la profondeur des eaux, plusieurs mètres sous nous. Le saut paraissait impressionnant, et promettait des sensations fortes. La demoiselle s’avança, jeta un coup d’œil plus bas avant d’avouer avoir un peu peur. Je lui tendis alors la main, comme si le fait de s’élancer ensemble rendait le plongeon moins impressionnant. « Ensemble. » acquiesçai-je donc, mes doigts se resserrant sur les siens. Un dernier regard vers le vide vertigineux dans lequel on s’apprêtait à s’élancer et j’énonçai le compte à rebours. « Trois, deux, un… » J’inspirai une fois, retins mon souffle et fis un pas en avant, de manière synchrone avec la jeune femme, ma main toujours dans la sienne. Quelques secondes d’apesanteur et on termina notre chute dans l’eau de la cascade, sous l’eau, bien plus fraiche que les vagues un peu plus tôt. Je remontai ensuite à la surface, tirant doucement sur la main de la demoiselle pour l’attirer à moi, reprenant mon souffle avant de lui souffler : « Pas de raison d’avoir peur tu vois… » Feignant que je ne l’avais pas ressenti moi, ce pic d’adrénaline qu’on avait tous avant de faire un truc complètement dingue.

 Le frisson, l’adrénaline, les sensations. C’était tout ce que je recherchais, tout ce que j’aimais aussi et avec ce vol plané, ce haut plongeon, on avait été servi. On se retrouva dans l’eau fraiche de la cascade, sans casse… Nina s’éloigna, brassant un peu, mais précisant qu’elle ne recommencera pas l’exploit. Un petit rire s’échappa de mes lèvres. « T’as fait le grand saut avec moi une fois, je vais me contenter de ça. » m’amusai-je à répliquer, jouant du double sens qu’on pouvait coller à l’expression –faire le grand saut-. J’envoyai ensuite un petit peu d’eau en direction de la demoiselle, grand gosse que j’étais mais je me stoppai aussi sec en entendant soudain un bruit de moteur ainsi que la sirène d’un bateau. « Nina, ils reviennent nous chercher je crois. » Ils avaient du réaliser en chemin pour le port qu’il leur manquait deux passagers. Sauf que là, on s’était un peu enfoncé à l’intérieur de la petite île, on allait devoir se taper un sprint pour rejoindre le rivage. « Faut qu’on se dépêche avant que le bateau reparte. »

 Finalement, le grand saut passé, la demoiselle semblait presque se plaire dans l’eau claire de cette cascade. On aurait pu commencer une bataille d’eau, ou on aurait pu déraper vers tout autre chose aussi, sauf que des bruits de moteur de bateau nous parvinrent et ça voulait dire une seule chose : ils nous cherchaient ! « Si t’as pas envie de rentrer jusqu’au port à la nage faut qu’on se dépêche. » répliquai-je en attrapant sa main pour l’attirer hors de l’eau. Elle démarra alors au quart de tour, sprintant au milieu des fougères et herbes hautes des lieux, et moi sur ses talons, suivant son rythme jusqu’à ce qu’on arrive de nouveau sur le rivage, essouflés. Le bateau était bien là, et m’approchant des vagues, je sautais en l’air en secouant des mains pour qu’ils nous repèrent. « Hého, on est là ! » Bon apparemment, l’embarcation ne pouvait pas s’approcher plus de l’île, au risque de voir sa coque accrochée et s’enlisée, il nous fallait donc les rejoindre à la nage… « Je sens qu’on va bien dormir cette nuit… » Après toutes ces aventures…

 Pas d’autre choix, si on ne voulait pas manquer la navette et le bateau commençait déjà à s’éloigner, nous allions devoir nager. Je soupirai qu’on allait bien dormir après tout cela, m’élançant ensuite dans l’eau, un petit rire s’échappant néanmoins de mes lèvres à la réplique de Nina. « Je pense que si ça ne tenait qu’à moi, ce ne serait pas pour une bonne nuit de sommeil que je t’inviterais… » Mais pour une nuit sans sommeil plutôt. Et elle l’avait surement bien compris lors de nos précédents baisers. Nina me plaisait beaucoup, mais l’heure n’était pas au flirt pour le moment mais bien à la nage. Quelques mètres dans les vagues et on atteignit enfin la coque du bateau, nous issant sur le ponton, via une échelle. A peine à bord, Nina réclama d’ailleurs un remboursement. Tant mieux, j’avais envie de dire, puisque j’étais censé être celui qui réglais et j’étais plus qu’à sec en cette fin de summer camp. L’équipage du navire se confondit en excuse, nous assurant le remboursement, nous proposant même une excursion gratuite. « Je crois qu’on a juste envie de retrouver la terre ferme. » leur répliquai-je en attrapant les serviettes qu’ils nous tendaient, essuyant l’eau qui ruisselait sur moi avant d’aller retrouver mes vêtements abandonnés pour les renfiler. « Je crois qu’on va se rappeler de cette journée… »