Lorsqu’il est passé la prendre et durant le trajet, elle est restée tendre, presque silencieuse, n’a pas hurlé, pas bronché, alors qu’elle en avait envie, que ça la démangeait. Elle ne lui a infligé aucune scène lui démontrant sa peine. Foutre en l’air la Saint Valentin dans le seul but de s’entrainer, elle ne parvient pas encore à le réaliser… Bien sur cela fait des mois maintenant qu’il ne lui a plus donné de raison de douter, mais malgré la confiance, elle n’avait pas pu s’empêcher de songer – une seule et unique minute – qu’il la passait avec une autre cette soirée. Avant de culpabiliser face à ses pensées. Ne pouvant croire qu'elles étaient vraies, pas après ce qu'ils avaient vécu le mois dernier. Et si depuis ils ne se sont pas physiquement retrouvés, c'était un détail qu’elle envisageait de contrer durant ce quatorze février. Comme une pauvre idiote qui met de l’importance dans les dates et les occasions. Atrocement con. Comme si elle n’avait pas assimilé depuis le temps que pour lui ce n’était pas le cas, que les évènements il ne les retient pas. Une défaillance dans ses espérances.

Puis malgré tout, elle avait voulu marquer le coup, même si ça devait dire attendre le lendemain afin de profiter avec lui le temps d'un rendez-vous. Alors pour la première partie de la soirée, entre la compétition de boxe et le baseball son cœur avait balancé, parce que oui, elle avait ressenti cette envie irrationnelle de le cogner. Mais c‘était pour le second qu’elle s’était finalement décidée, préférant frapper une balle plutôt que l’être aimé.
Une fois sur place, après avoir précisé à l’hôtesse d’accueil qu’ils avaient réservé, et dans l’espace qui leur était désigné, prête à entrer dans le rôle des filles qui ont besoin de leurs copains pour savoir comment taper, elle amorce, « Je me demandais, » qu’elle prononce en s’armant de la batte, lui lançant un regard légèrement haineux ; « juste pour savoir, » jouant d’une factice mais plausible nonchalance, « Tu m’aimes si peu ? » Si calme quant elle se sent perdante dans les sports amoureux.

Ses prunelles, elles vont se poser sur le gant qu’il prend entre ses mains, quand les siennes se crispent sur le manche de la batte qu’elle tient. Elle ne sonde même pas l’expression de son visage, persuadée d’en être contrariée dans tous les cas. Car elle le connaît bien assez pour savoir qu’il ne compte pas assumer, que c’est plus facile pour lui de faire semblant, d’éviter les possibles débordements de sentiments. Mais il faut croire que pour Haiwee, ce soir, ce n’est plus suffisant. Elle a besoin de plus que ce qu’elle devine habituellement. « De quoi tu parles ? » De toi, qui fait simule de ne pas la comprendre, qui feint de ne pas l’entendre. De toi, qui hier n’était pas là, alors qu’elle voulait passer cette journée entre tes bras. De cette infime possibilité que tu dissimules la vérité. Le mensonge par omission reste un mensonge, tu le sais ?

D’un battement de cils, elle finit par l’observer lorsqu’il décide de venir derrière elle se placer, « Besoin d’aide pour la tenir ? » Le voilà, le rôle de la fille fragile, qui sied tout à fait à la parfaite petite copine, aussi docile que naïve, comme elle le prévoyait, il le lui donne volontiers, ce qui la fait sourire, chagrinée. « Evidemment. » Un brin de sarcasme voilant le timbre de sa voix, c’est plus fort qu’elle, elle ne le contrôle pas. La respiration affectée par sa proximité, elle laisse naturellement le droit à ses doigts de guider les siens et la position de ses mains. Si lui l’aime peu, elle, elle l’aime trop, c’est ce que lui murmurent les frissons qui parcourent sa peau. « Je te parle de toi, » mais ça, évidemment qu’il le savait déjà, « et d’hier. » La réponse qu’elle espérait, c’était qu’il lui formule que si justement, s’il l’aime, c’est énormément. Qu’il s’atèle à la rassurer directement, qu’il souhaite éviter les sujets qui fâchent, mais les éviter correctement. En l’amadouant de mots doux, à lui conter un amour fou. « Mais si tu veux la jouer comme ça. » La conversation autant que la partie à venir, elle veut bien accepter ces règles là, même si ça ne lui ressemble pas. « J’crois que je sais la tenir maintenant. » Et la balle, elle est prête à taper dedans.

Haiwee, elle est comme ça, elle accepte parce qu’elle affectionne. Elle accumule, elle se tait, jusqu’à ce qu’elle déraisonne. Ou bien qu’elle souffre de se sentir trop conne. Quand son altruisme et sa bonté l’abandonnent. Comme lorsqu’il est question de Wendy, leur relation et leur fameuse nuit. Comme lors du bal de fin d’année, celui où elle avait voulu tout arrêter. Evidemment ce soir, elle n’en est pas à ce stade-là, il n’empêche qu’il prend des décisions qu’elle ne comprend pas. Des agissements qui la mettent hors d’elle, comme quand il prononce son ; « Très bien. » alors qu’elle estime qu’il n’est pas celui qui se doit d’être sec ce soir, il peut chercher autant qu’il le veut, l’amérindienne n’a jamais été coupable de rien.

Il ne se défend toujours pas, préfère ramasser l’accessoire qu’il avait abandonné, et ça l’énerve encore plus de se sentir elle-même délaissée. « Pas besoin d'un casque, hein. » Elle en crache un soupir enclin au dédain, même sans savoir frapper, Haiwee a toujours pu compter sur la chance de la débutante, de fait elle ne voit pas pourquoi les circonstances seraient différentes.
Tandis qu’il s’éloigne, elle rumine, ronge son frein, presque impatiente de jouer avec son gourdin. « Ce n'est qu'une date. » Qu’une date, et elle n’est qu’une fille, « Un truc que les américains ont inventé pour se faire du blé. » Bientôt, il va se risquer à lui dire que pour parler d’amour, il n’est pas nécessaire d’attendre ce célèbre jour. « Par contre c'est assez particulier comme saint-valentin. » Il note après avoir lancé la balle en l’air, avec toute son arrogance. Quand son regard – mauvais – se plante dans le sien. « Justement, ça tombe bien, » qu’elle souligne en se mettant en position, les pieds ancrés dans le sol, prête à taper dans la balle qu’il va lancer. « Ce n’est plus la Saint Valentin. »

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Dans le coup qu’elle frappe, elle y met toutes ses forces, toute cette rage qu’elle ressent… Toutes ces choses qu’elle garde pour elle. D’ailleurs, si elle était foncièrement mauvaise, elle aurait espéré de tout son cœur, de toute son âme qu’il ne parvienne pas à la rattraper, cette balle. Pas forcément qu’elle le cogne en plein visage, mais elle n’aurait pas dit non à ce qu’elle heurte son ventre ou sa hanche. Cela dit, elle éprouve tout de même cette satisfaction, résultant de la surprise qu’elle provoque chez lui en la lui renvoyant. Peut-être qu’elle aime un peu trop le voir déraper afin de la rattraper.

Et dans sa rancune, elle se retient de lui demander si ça va. Malgré cette sensation d’animosité qui s’accroit, bien sûr qu’elle se soucie de toi. Cependant, elle revendique une dignité mal placée, un besoin de lui montrer qu’elle ne peut pas toujours être celle qui patiemment l’attend. Un couple, c’est à deux que ça se vit, que ça se construit. Ca faisait longtemps qu’elle n’avait pas ressentit un sens unique aussi pesant. « C'est pourtant pour ça qu'on est là non ? » Justement, la réponse à cette question est autant oui que non. « Une soirée tranquille, à deux.... » Elle s’étouffe presque d’un soupir, agacée par cette fausse innocence dans laquelle il se complait. « Certes, c’est donc notre soirée de Saint Valentin. » Assurément, elle a une idée derrière la tête en lui accordant l’appellation de cet aparté.

Elle a fait l’impasse sur ce récent voyage, ne l’a pas acculé de questions, ne s’est pas rongé les sangs, sans savoir qu’elle était aveuglée par sa confiance en lui. Elle a simplement accepté en silence de passer pour une idiote, une nouvelle fois. Esseulée tandis qu’elle, elle réfléchissait à la meilleure façon de le retrouver après ce qu’ils avaient vécu le mois dernier, « Alors où sont mes roses ? » Même si elle n’en attendait pas, « Mes chocolats ? » Même si elle n’aime pas ça, « Ma carte ? N’importe quoi ? » ne serait-ce qu’une minime déclaration, un simple compliment qui l’aurait rassuré et aurait témoigné de ce qu’elle représente pour toi. « Oubliés à l’entraînement ? » A nouveau en position, elle l’invite à relancer d’un faible mouvement. Le corps bouillonnant.

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