puis y'a cette boite qui tombe et qui t'interpelle. t'essayes de le recentrer sur toi, mais il n'est pas dupe. il se redresse, quitte ton corps et se fige. tu ne bouges plus non plus et ta respiration, saccadée par l'excitation, devient plus compliquée, envahit par le stress. — je.. aucun mot ne réussit à sortir de ta bouche. quoi dire? comment se justifier? il ne croirait sûrement rien de ce que tu dirais. tu te redresse, attrape le sweat au sol et le remets. quelques pas en arrière, vers les grandes baies vitrées qui surplombent la ville illuminée par les réverbères. au plus loin tu te tiendras de lui, au moins il verra tes yeux brillants de honte, de regrets et de douleur. — si tu veux partir, je t'en voudrais pas c'est plus simple comme ça. valider son potentiel départ, lui retirer la culpabilité de te laisser.

À deux doigts de te faire l'amour sur ce canapé, tout aurait été parfait si la boite de médocs n'était pas tombée au sol. Elle avait rompu le charme, rompu cette bulle dans laquelle nous nous étions tous les deux réfugiés. C'était la seule façon légitime qu'on avait de se dire à quel point on pouvait s'kiffer.. s'aimer. Mais non, la boite était là, et je ne pouvais pas l'ignorer. Parce que ça m'percutait. Ta journée n'avait pas été simple, tu avais été silencieuse durant tout l'après midi et même tout à l'heure, il y avait une certaine distance que j'avais choisi de rompre. C'était pas une situation simple, dans laquelle je me trouvais et je préférais ne rien dire. Mais ta réaction, elle me faisait un électrochoc. Tu te redressais, te rhabillais et finissais même par t'éloigner de moi. Une distance que j'avais bien du mal à accepter. Alors je remettais mon boxer bien en place et une fois sur mes deux pieds, je prenais ta direction, venant me caler dans ton dos. Menton posé sur ton épaule droite, celle qui était indemne, je collais mon visage au tien. « je partirai pas ana... pas quand t'es en plein combat avec toi-même » soufflais-je. Je balançais la boite sur le canapé, avant d'enrouler mon bras autour de toi. « c'est pour ça que ça allait pas aujourd'hui ? t'avais envie de craquer ? » Parce que je sais que tu n'avais pas craqué. Je l'aurais remarqué. Tu avais les mêmes yeux que d'habitude, la même attitude. Même si le moment dans la cuisine était loin de ce qu'on avait pu connaître, je suis pas certain que la moindre drogue puisse provoquer ça. « qu'est-ce qui se passe...? » Je cherchais simplement à instaurer une zone de confiance ici, celle où personne jugeait personne. Où t'étais libre de dire ce que t'avais sur le coeur sans avoir à te justifier ou à avoir peur de la moindre représaille.

partie de jambes en l'air avortée. tu t'es éloignée comme un chaton apeuré. comme quand t'essayes de fuir les foudres de travis. tu connaissais le regard qu'il portait sur toi et l'ambiance qui régnait quand ça pouvait arriver. l'insécurité qui te figeait. mauvais réflexe. habitude à perdre. tu savais au fond de toi, que jamais, ô grand jamais, donovan ne ferait quoi que ce soit qui pourrait te nuire à ce point. mais les démons qui te hantent son puissant. la honte qu'il soit tombé là dessus de cette manière. ton incapacité à dire quoi que ce soit. tout était réuni pour que la soirée vire au drame. sauf que comme toujours, il réagit parfaitement à tes maux. un léger sursaut lorsque son corps qui vient se lover contre le tien, que sa tête se pose sur ton épaule. tu fermes les yeux pour l'écouter parler. ta main viens s'accrocher à son bras qui t'entoure. t'hyperventile, et tu sais qu'il va assister typiquement à ce genre de crise d'angoisse que t'as l'habitude de gérer seule. incapable de prononcer un mot, les larmes se mettent à fondre. de longues minutes passent comme ça, sans lui répondre, à rester ancrée au sol dans cette exacte position. sans qu'il ne bouge non plus. quand t'arrives à reprendre le contrôle sur ton souffle tu l'entraines au sol pour t'assoir. c'est épuisant de se battre contre soit même et tes jambes tremblantes, t'appelles à te reposer. — j'me sens ridicule, j'ai gâché la soirée chuchotes-tu entre deux sanglots. est-ce que tu vas lui vider ton sac si facilement? avouer tes failles, encore, au grand jour? — j'ai rien pris. elle est pleine. comme toutes celles qui doivent encore être sous la couette et que tu n'as pas touché. tu les a caché là quand valentin est arrivé pour manger avec toi, et entre temps, tu as oublié.

Mon envie de te protéger était forte. Mais je savais pertinemment que j'pourrais jamais le faire tant que tu n'en as pas pleinement envie. T'étais toi-seule maîtresse de tout ça. Si tu avais envie que quelqu'un te protège, tu saurais le dire, le communiquer. Et c'était clairement pas le cas puisque tu avais préféré me cacher l'existence de cette boite, de ton mal qui t'habitait. On était restés plusieurs minutes dans la même position, mon bras se resserrant un peu plus quand je sentais que tu faisais une crise d'angoisse. Je ne pressais pas le temps, je te forçais en rien. J'étais juste présent, comme un rocher auquel tu pouvais t'accrocher. Une fois au sol, quand tu te laissais tomber en m'entrainant avec toi, je me calais les deux jambes autour de toi, gardant mon torse contre ton dos. La tête toujours présente sur ton épaule, je déposais quelques baisers sur ta peau, espérant que ça puisse t'aider d'une quelconque façon. « t'as rien gâché du tout » soufflais-je. Le moment était gâché oui, mais parce que j'ai préféré être curieux qu'indifférent. Dans ce cas-là, c'était moi qui avait tout gâché. « je sais.. enfin je m'en doutais » Et puis tu me le confirmais. Je sais bien que tu me mentirais pas sur ça. Enfin j'osais espérer le croire. « on est pas obligés d'en parler si t'en as pas envie... mais si tu en ressens le besoin, j'suis là. j'vais pas te juger, j'vais pas t'engueuler. j'veux juste être là pour toi et t'aider à surmonter tout ça, du mieux que j'peux » Parce que je t'aimais et que j'voulais juste être un soutien sur lequel tu pouvais compter.

t'as pas eu le choix que d'accepter sa présence alors que ton corps se cristallise. tu deviens ton pire ennemi dans ces moments là et ça peut durer des heures. des heures recroquevillées sur toi même, tentant de reprendre le contrôle de ton esprit et de ton corps. ça n'avait pas été si long ce soir, seulement quelques minutes. tu te sentais protégée dans ses bras, contenue contre toute la violence et la douleur. tu reprenais ton souffle avec de grandes inspirations. assis au sol, face à la ville que tu fixes car il est plus simple de ne pas croiser son regard, t'écoutes attentivement son discours. tu te rattaches à ses dires plus que tout au monde à cet instant. vide ton sac, ana. — quand un truc déconne, que j'sais plus le gérer, le plus simple c'est de se dire que la codéine va m'aider. parce que ça coupe court aux émotions, aux réflexions. à tout. l'histoire de quelques temps, j'plane et je pense plus à ce qui me blesse. c'est une facilité stupide. t'esquives le pourquoi du comment t'en es venue à presque flancher. tu passes la main dans tes cheveux pour les mettre en arrière. — j'ai pas réussi à la protéger. olympia. et ça m'a... bouffé? tué intérieurement? t'as eu peur pour elle. tu t'es sentie impuissante, de a à z. même pas mise au courant par la principale intéressée, ce qui a encore mis encore plus à mal ton état. ce qui a certainement marqué officiellement la fin de votre amitié. du mal à t'y résoudre. un mal de chien. qui aurait été apaisé si t'avais fait fondre quelques pilules sous ta langue. ta main essuie les larmes sur tes joues. — y'en a pleins d'autres des boites. confies-tu. tu sais qu'il risque de vouloir les jeter ou les emmener avec lui. risque à prendre. mais t'en rachetera, encore et encore, pour te rassurer.

C'était pas le genre de situation que je connaissais. Au contraire. Je m'étais tenu bien loin de ce genre de merdes durant toute ma vie, pour la simple et bonne raison que je ne voulais pas mettre à mal ma carrière sportive pour des conneries. Mais là, c'était différent. Tu avais été accro, tu avais réussi à t'en défaire mais ça restait une kryptonite présente. Incapable de vivre sans cette envie d'en prendre quand les choses ne vont pas bien, tu étais encore sûrement un peu trop atteinte par l'addiction. Possible que ça le sera encore longtemps, si ce n'est toute ta vie. J'écoutais alors ta voix, tes mots. Ce qui se passait quand tu étais dans une situation difficile. Le prénom de Pia sortait dans ces paroles et je ne comprenais pas vraiment pourquoi. La protéger ? De la kéta ? « qu'est-ce qui te pousse à ne pas céder...? si t'as autant de boites, pourquoi t'en as pas pris ? » Les doigts sur ton bras, sur ta peau, ne cessaient de faire des petits mouvements. Tentant de t'apaiser au mieux par un contact des plus simples. Un tas de questions me passaient par l'esprit en cet instant. Pourquoi en avoir acheter autant ? Pourquoi vouloir en acheter surtout ? J'avais l'impression que c'était en rapport avec Pia pour le coup, mais j'avais peur de ce que je pouvais apprendre. Il n'était pourtant pas question de moi ici, donc je laissais tout ce qui était en rapport avec mes peurs de côté, préférant me concentrer sur toi, sur tes craintes, sur tes angoisses. « il s'est passé un truc aujourd'hui, pour que tu te renfermes comme tu l'as fait ? j'savais que ton silence radio n'était pas normal.. »

peut-être qu'à l'avenir tout ça n'arrivera plus. tu l'espère profondément. ne plus avoir de crises d'angoisses quand tu sais plus gérer. ne plus avoir l'envie irrépressible d'être défoncée pour faire une pause. ne plus repousser les choses bien qui t'arrives. tout ça, c'est idyllique. et dés que t'effleures le bonheur, t'éclates cette bulle, de manière automatique, presque inconsciente. tu penches ta tête pour la caler contre lui. c'est aussi une manière de se cacher un peu de son regard que tu fuis le plus possible. — j'en sais rien. j'me suis dis qu'il m'en fallait beaucoup. c'est complètement con.. tu te retrouves avec au moins cinq boites de codéine, dont tu vas pas savoir quoi faire, que tu vas passer ton temps à regarder.  tu pinces l'intérieur de ta joue fortement pour pas te remettre à pleurer. t'es une putain de madeleine, tu pourrais pleurer des heures, pour un oui, pour un non. même si cette fois, la raison est plus que valable, après tout, tu vois s'envoler une relation de six ans, en quelques jours. — elle a finit à l'hôpital murmures-tu sans réussir à donner plus d'explications.  — et j'ai rien pu faire pour éviter ça les voilà les perles qui défilent à nouveau sur tes joues rosées.

Le regard fixé au loin à travers la fenêtre, j'essayais de comprendre ton fonctionnement. Prendre beaucoup de boites de la drogue qui était ta faiblesse, c'était pas un smart move. Forcément que tu allais être tentée. Et puis le pire, c'est que si on te confisquait toutes tes boites, tu trouverais bien le moyen de t'en procurer. Alors c'était con, mais j'savais que j'pourrais rien faire si tu voulais consommer cette merde. « t'as pas répondu à ma question.. pourquoi t'as pas cédé ? » C'était ça le plus important, ce que je voulais savoir. C'était comme la dernière fois quand t'étais à l'hôtel. T'étais à deux doigts de craquer et pourtant, tu l'avais pas fait. Tu étais forte, malgré tout ce qu'on pouvait penser de toi des fois. T'avais assez de volonté pour ne pas craquer, ne pas céder à cette pulsion pourtant difficile à contrer. Puis tu me donnais la raison de ton mal. Pia, elle était à l'hôpital. Sûrement à cause de la drogue, vu ce que tu m'disais. Et instinctivement, mon bras plâtré venait se mettre devant toi et je resserrais un peu plus mon étreinte autour de toi. « j'suis désolé... » Désolé que tu traverses ça, que ton amitié avec ta meilleure amie soit au plus bas. Pour avoir connu ça, je sais que c'était pas facile, c'était une mauvaise passe. J'espérais juste que vous réussirez toutes les deux à remonter la pente et à vous retrouver comme avant.

— parce que ce qui a après la défonce, c'est horrible. le manque, ça consume à petit feu. ça pousse a re-consommer. ça obsède l'esprit plus que tout. et une fois en manque, c'est aussi bien le cerveau que le corps qui réclame sa dose. chez toi en tout cas, la douleur physique était l'excuse à consommer toujours plus. et puis le cercle vicieux, sans qu'on s'en aperçoive, l'air de rien, s'installe. tu soupires longuement, sensation de soulagement qui te remplit. ça t'a fais du bien de dire ce que t'avais sur le coeur. tu songes à le faire plus souvent, à te pousser dans tes retranchements. t'ouvrir pour laisser les autres t'aider. tu l'as promis à aurea, même si ça te coûte, tu le feras. — c'est comme tout. ça passera relativement persuadé de ce que tu dis. t'as oublié des peines et des relations, alors pourquoi pas celle-là? ton corps frissonne. chute vertigineuse de toute l'émotion que tu viens de traverser en si peu de temps. — merci souffles-tu. d'être toujours là quand il faut, comme il faut. de t'aimer, de rester, d'être parfait.

Difficile d'imaginer quand on est pas passé par là. Mais je te crois sur paroles. Et j'espérais que tu n'oublierais alors jamais ce passage obligatoire, le manque que tu ressens quand tu redescends. Je détestais que tu aies à vivre cette torture, l'envie de reprendre cette merde et le courage que tu dois rassembler pour ne pas céder. Je peux pas t'obliger à me parler de tout et de rien, j'espérais simplement que tu avais suffisamment d'épaules sur lesquelles te reposer quand t'en aurais besoin. « je sais.. mais c'est normal et légitime d'avoir des hauts et des bas après avoir perdu une personne importante » On a jamais vraiment parlé de Grace et moi, mais je l'avais perdue, avant de la retrouver. Et je m'estimais assez chanceux pour le coup. Seulement, je sais pertinemment que c'est pas le cas de tout le monde. Et perdre sa meilleure amie, c'était une étape compliquée à passer. Un deuil à faire... et pour toi, c'était encore un nouvel obstacle avant de pouvoir être pleinement heureuse. « de rien » glissais-je doucement, avant de déposer un baiser sur ta mâchoire. Une étreinte de plus, et je me calais pour regarder dehors, le menton toujours posé sur ton épaule. Puis au bout de quelques instants, je reprenais la parole. « on fait ce que tu veux ce soir, j'suis à ton service. tout pour panser un peu ton coeur » Des câlins, des bisous, faire l'amour ou m'en aller. C'était toi qui décidait à présent, j'allais pas imposer quelque chose qui ne t'irait pas.