Si on m'avait dit un jour qu'en plus de récupérer le dossier légal de Han Sol j'allais lui courir après dans l'escalier, probablement aurais-je ri à ce moment-là. A croire que nous sommes aussi impulsifs et imprévisibles l'un que l'autre, car si je le sens bientôt se calmer, ses excuses me fendent le cœur. Il n'y a rien à pardonner que je me permets de répondre afin qu'il n'aille pas s'imaginer que je lui en veux d'une quelconque manière. Non. Au contraire, mon esprit analyse et fragmente chaque détail afin d'adopter la posture la plus détendue possible, comme si je me retrouvais face à un animal blessé, et donc prêt à mordre pour se défendre. La suite, en revanche, me laisse sans voix : dès lors que ces deux mots adopte-moi sont prononcés, mes yeux s'ouvrent en grand, prenant l'apparence de billes translucides. Clairement, je ne m'attendais pas à une telle demande, et je suis sur le cul, ni plus ni moins. T'adopter ? Impossible pour moi de ne pas répéter la formule, tant cette dernière me laisse coi. Han Sol s'explique, annonce ses arguments et je me surprends à être légèrement ému par la donne. Tu es au courant que tu n'as pas besoin d'être de ma famille pour que je t'aide, Han ? Bien pour ça que j'ai récupéré ton dossier... Cette fois, mon côté avocat spécialisé dans le droit familial prend le dessus. Si je comprends la démarche, goupiller tout ça risque de ne pas être simple. Tu sais... je suis très touché par ta demande que je m'empresse d'ajouter, afin qu'il n'ait pas l'ombre d'un doute sur mes intensions. Je ne te cache pas que se lancer là dedans va demander des efforts. Pour toi comme pour moi. On va se prendre des portes dans la gueule, sois-en certain... Mon regard reste doux, compréhensif. Une partie de moi-même que seule une poignée de personnes connaît. En revanche, je ne suis pas sûr de pouvoir t'adopter au sens propre. Mais être ton tuteur dans un premier temps, oui. Ce qui signifie quand même se sortir de cette famille de merde, puisque c'est moi qui serait responsable de toi et plus eux. Va falloir un dossier en béton armé. Tu es sûr de que tu te sens prêt pour une telle procédure ?

Han, du calme. Tu pourrais m'insulter en disant que je me suis envoyé la terre entière, ça fait pas de toi un client potentiel pour la chaise électrique... Ce petit chaton perdu a beau me connaître, au moins autant que Mia, il demeure toujours précautionneux et craintif dès qu'il s'emporte. Pourtant, si certaines personnes parviennent au miracle de me vexer en un dixième de seconde, cela n'a jamais été le cas pour mon mousquetaire unique et préféré. Han, je n'ai pas dit non que je crois bon de préciser alors qu'il me donne davantage d'explications. Bien que je sache à quel point sa haine pour cette famille est grande, je m'étonne de ce que j'entends et fronce les sourcils de manière quasi automatique. Je vois... bon ces preuves tu vas me les montrer et on va les mettre dans le coffre fort qui se trouve chez moi. Dans un second temps, je vais me rendre dans ta famille bien qu'ils n'en n'aient vraiment que le nom, pour venir chercher tes affaires. Je suis ton avocat désormais, j'ai récupéré ton dossier, ils ne peuvent légalement pas m'empêcher de récupérer ce dont tu as besoin. Tu vas aussi me faire une liste de choses que tu veux absolument récupérer... tu sais combien j'aime être prêt à toute éventualité : si d'aventure ils ne veulent pas me donner telle ou telle chose, je saurais quoi réclamer. Tandis que j'expose à Han Sol mon premier plan d'attaque, le premier d'une très longue liste étant donné la procédure dans laquelle nous nous apprêtons à nous lancer, je sors un calepin afin de prendre quelques notes. Mon cerveau doit se délester de certaines informations ou je risque une migraine carabinée. Ce n'est qu'ensuite que, mon ton d'avocat mis de côté, je prends la main du jeune homme dans la mienne et la serre en souriant franchement. Je vais m'occuper de la levée de tutelle. Je dois t'avertir, ça prendra du temps, la justice est une machine complexe et jamais pressée. Mais tu peux compter sur moi, tu le sais non ? Je dois juste savoir où tu préfères vivre : à la Kirkland avec tes potes ou avec Mia et moi ? Question importante, après tout. Aucune obligation de choix cependant. Les deux sont possibles, pour te simplifier le choix : tu peux être dans ta confrérie la semaine et le weekend avec nous que je lui précise d'un ton doux et prévenant.

Sans pouvoir me retenir, j'éclate littéralement de rire. Tu sais qu'il existe une invention tout à fait révolutionnaire qui s'appelle le second degré ? Bien sûr que je connais les détails les plus sordides de la peine de mort. Bien sûr que cette dernière a été abolie, mais il demeure encore des États aux USA qui l'appliquent... et je pense que c'est une connerie monumentale. Mais en l'occurrence, tout ce que j'ai dit précédemment, à ce sujet-là du moins, n'est que second degré et second degré uniquement. Oula, on ne va pas parler de ma vie sentimentale maintenant... que je soupire en levant les yeux au ciel, bien décidé à rester concentré sur l'idée fondamentale : la proposition de Han Sol. Pars toujours du principe que qui cherche trouve. Ceci étant, un numéro ça se modifie et une ligne ça se sécurise. Il faut juste savoir à qui s'adresser pour que ce soit efficace... mais ça, je m'en charge. Quant à ton dossier, je viendrai le récupérer moi-même à la Kirkland. Je n'ai confiance en personne d'autre que ma petite personne pour obtenir les informations en question... méfie-toi d'ailleurs de tout le monde. Même ceux qui se présentent comme amicaux, il peut très bien y avoir anguille sous roche que je poursuis, désormais debout. Je ne suis pas certain que tu mesures la longueur d'une telle procédure, Han. On ne parle pas de semaines, mais d'années. La jeunesse parle pour nous et pourtant, nous avons le même âge. Mon étonnement reste constant quant à la demande de mon interlocuteur, mais je tais cette dernière, en tout cas pour l'instant. Tu lui as parlé quand pour la dernière fois ? Tu ne sais pas qu'elle a fait une overdose il y a quelques jours ? Cette fois, mes sourcils sont froncés, et ma mine plus dure. Cette vérité, j'ai encore du mal à la supporter. Les médecins ne savent pas si elle va s'en sortir, Han.