La réalité de cet appel était déchirante. J’aurai sincèrement préféré que Côme m’appelle par besoin d’entendre ma voix qui lui manquait après toutes ces semaines loin l’un de l’autre. J’aurai aimé qu’il m’appelle pour combler le manque de nous qu’il devait ressentir tout comme moi. Malheureusement, ce n’était pas juste ces raisons qui avaient poussé le jeune homme à prendre son téléphone aujourd’hui. Ce n’était pas uniquement ces besoins qui cognaient. Non. Il y avait cette mauvaise nouvelle concernant sa sœur qui tombait et c’était foutrement difficile à encaisser. Je ne savais guère comment gérer tout cela d’autant plus que je n’avais aucune envie que le jeune homme se mette à courir des risques pour tenter de la retrouver. Ça m’angoissait tellement. Ok, c’était sa sœur, la dernière encore en vie… Mais, merde, que se passerait-il s’il la retrouvait ou plutôt comment allait-il faire pour la retrouver ? Je savais que Côme n’hésiterait pas à mettre sa vie en danger pour parvenir à ses fins et je ne pouvais guère l’accepter. L’idée de le perdre était si insoutenable. Trop douloureuse. Néanmoins, je ne pouvais pas demander au jeune homme de rentrer à Boston et de ne pas chercher sa sœur. Je n’avais pas le droit de lui imposer un tel ordre parce que je savais à quel point elle comptait pour lui. Il tentait de me rassurer promettant qu’il ne ferait rien de stupide. C’était la seule parole qu’il avait à offrir. C’était la seule réalité qu’il pouvait mettre sur la table et je l’acceptais. Je rendais les armes sachant parfaitement où se trouvait ma place. Néanmoins, l’angoisse refusait de quitter mon être et je ne pouvais pas m’empêcher de quémander quelque chose en échange pour tenter de me rassurer. Je voulais des messages toutes les dix minutes exactement. Ouais vous pouvez le dire, j’étais aussi paranoïaque qu’excessif… Mais, zut, il s’agissait de Côme et je ne pouvais pas faire autrement. Sa voix s’élevait d’ailleurs dans l’appareil. Elle était douce comme pour tenter de me rassurer et m’empêcher de plonger au sein des mille et une pensées angoissantes qui pouvaient battre dans ma tête. Il me demandait de me calmer soufflant qu’il n’avait encore rien tenté avant de me promettre que s’il faisait quelque chose, il m’enverrait des messages. Le nœud dans mon ventre se desserrait parce que je savais que je pouvais lui faire confiance. Je savais que j’aurai le droit à ces messages comme je le demandais et j’étais prêt à le remercier pour cela. Cependant, il ajoutait qu’il allait devoir dormir à un moment et que m’envoyer des messages toutes les dix minutes serait compliqué. Levant les yeux au ciel, je ne pouvais pas m’empêcher de sourire en entendant son rire résonner. Ça réchauffait tellement mon être. Je marmonnais « Je… J’sais que tu vas devoir dormir oui… T’moques pas… Je… Tu… C’juste si tu pars à sa recherche… Si tu te mets en danger… Que je veux ces messages toutes les dix minutes… » Ouais, je ne demandais pas d’avoir des messages constamment tout au long de la journée s’il restait sagement à l’hôtel. Je n’étais pas fou à ce point là… Quoique, cela ne m’aurait pas dérangé qu’il m’écrive autant. Néanmoins là, tout de suite, je lui demandais surtout de m’écrire quand il se lancerait dans sa quête. Une quête foutrement dangereuse… Au fil des secondes qui s’écoulait, mon cerveau refusait de laisser Côme se débrouiller tout seul au sein de cette histoire. Ce n’était pas les forces de l’ordre qui allaient lui venir en aide. Aussi, je m’empressais de plonger sans la moindre hésitation proposant d’être la pièce aidante qui manquait sur le terrain. Je m’attendais à ce qu’il refuse… Il était parti pour refuser. Néanmoins, je ne lui laissais pas le choix et il cédait sous quelques conditions. Des conditions qui ne me plaisaient guère et que je tentais de renvoyer au loin. Bien trop vite, l’ancien mafieux me disait qu’on verrait. On n’en était pas là et peut-être qu’on aurait pas besoin d’en arriver là. Fermant les yeux, je soufflais doucement parce que, zut, j’aurai voulu qu’on en parle moi. Je tentais toujours de préparer tous les scénarios avant de faire quoi que ce soit. Mais, là, avec le jeune homme simplement au téléphone et dans un sale état, je cédais sagement soufflant un « D’accord… On verra… » parce que je refusais d’argumenter plus longtemps et de le rendre malade. Je refusais de le pousser à imaginer le pire comme ma tête le faisait pour moi.

D’ailleurs, la crise d’angoisse venait planer un instant sur mon être. Je l’entendais cogner vivement à ma porte et j’avais tellement envie de céder. Je voulais ouvrir le battant parce que je n’étais pas foutu de supporter ces boum-boum incessants qui entravaient ma tête. Cependant, l’angoisse ne parvenait pas à se glisser dans la porte entrouverte parce que Côme était là et qu’il était plus fort qu’elle. Toujours plus fort. Il prenait le dessus en un rien de temps m’aidant à gérer la crise avant même qu’elle ne se forme complètement. Il m’aidait à passer outre ces portes de l’Enfer avant même que je n’y sois plongé violemment. Il m’aidait à gagner contre cette horreur incessante qui se plaisait tellement à me bouffer presque chaque jour. J’avais envie de remercier le jeune homme pour cette aide apportée, mais je n’étais pas foutu d’ouvrir la bouche. Non, je ne pouvais pas parler parce que je m’en voulais tellement. L’ancien mafieux avait tellement de choses angoissantes à gérer et voilà qu’il se retrouvait à devoir me gérer moi en plus. Cela ne me plaisait guère. Je ne voulais pas être une source d’inquiétude dans sa vie qui commençait à se combler d’angoisses. Alors, je ne perdais pas de temps dans des remerciements et je savais que Côme savait déjà que je lui étais reconnaissant. Le sujet déviait tandis que je lui demandait une nouvelle fois de faire attention à lui. L’idée de le perdre était beaucoup trop insupportable à présent que j’avais retrouvé sa trace. J’avais passé des années sans lui survivant parfaitement après lui avoir tourné le dos en quittant la Mafia. Néanmoins, maintenant qu’il était là, maintenant qu’il était dans ma vie, je ne voulais plus faire une croix sur lui. Non. Plus jamais. Mes propos entraînaient alors les mots doux à glisser entre nous. L’attachement beaucoup trop présent entre Côme et moi… Le besoin que l’autre fasse attention… Je tentais d’ailleurs d’offrir cette promesse à l’ancien mafieux. Je tentais de lui promettre de faire attention à moi, même si je n’étais pas certain de pouvoir tenir de telles paroles. Alors, on déviait… Encore… Je voulais jouer avec les barrières de l’imaginaire. Je voulais entraîner Côme ailleurs loin de tous ces sombres démons. Je voulais l’entraîner loin du précipice de l’Enfer. J’avais envie qu’il oublie tout le temps de quelques minutes… De quelques heures… Et je savais exactement comment faire pour ça.