Pas envie de m’étaler sur mon projet d’arts, artiste en carton que j’étais, je préférais rapidement renvoyer l’appareil à mon interlocutrice, la questionnant alors sur ses avancées avec la fameuse application de rencontre qui avait permis qu’on se retrouve ce soir. J’étais certain qu’elle devait avoir eu son lot de matchs, mais elle évoqua seulement un garçon de la kirkland. « Pourquoi ça ne m’étonne même pas que tu sois tombé sur un kirklandais ? » rigolai-je un brin moqueur, mes stéréotypes des geeks de cette confrérie en tête. C’était plus fort que moi, je voyais très bien le gars scotché sur sa console son téléphone et l’appli ouverte, tout proche de lui, pour brancher des minettes tout en terminant sa partie de mario bross. Cliché oui. « Je sais pas pourquoi, j’ai du mal à t’imaginer dans cette confrérie… C’est surement à cause des idées que je me fais de là bas, en tout cas je suis content que tu y sois, comme ça on se croisera lors des soirées communes à venir. » En tout cas, pour reprendre sur ses mots, je ne pouvais qu’approuver d’un hochement de tête. Cette appli, c’était drôle, c’était sympa, peut être la solution de facilité. Peut être même que je n’aurais qu’un B plutôt qu’un A pour l’avoir utilisée, parce que c’était un peu tricher… Qu’importe… Pour le moment, je me focalisais sur Belle qui sembla soudain mal à l’aise. Et elle reprit ensuite la parole sur notre délire conte de fée de l’autre fois, m’intriguant. «Ton prince charmant, ton docteur, ton barman, je suis multi tâche même t’as vu ? » répondis-je en lui lançant un regard curieux, attendant la suite, ne m’attendant absolument pas à son étrange demande. Un rire s’échappa de mes lèvres, pensant qu’elle me faisait marcher : « T’es sérieuse ? » soufflai-je alors qu’elle se cachait derrière ses mains. « Moi j’accepte que si j’ai le baiser qui va avec… » répondis-je alors avec amusement.

Je me marrais malgré moi en entendant Belle m’avouer qu’elle parlait à un kirklandais. Forcément, le cliché que j’avais en tête collait plutôt bien à une image du genre : boutonneux devant sa console, surfant à l’occasion sur le site de rencontre pour se sociabiliser. Sauf que les paroles suivantes de la demoiselle me firent passer l’envie de rire, et je me renfrognais malgré moi. « Il est mignon le guignol avec qui tu parles ? » ronchonnai-je alors, jalousie palpable dans la voix. Que voulez vous, je n’étais pas le roi du partage, ce n’était pas nouveau. A se demander ce que je faisais chez les quincys. Et elle enchainait ensuite sur les filles de sa confrérie, se coupant néanmoins avant la fin de sa phrase. « Je sais que certaines kirklandaises sont mignonnes, j’en ai un bel exemple devant moi en ce moment même. » répliquai-je alors, en retrouvant le sourire. Au moins, le truc bien dans cette histoire d’alliance, c’était qu’on allait avoir l’occasion de se croiser souvent. Elle approuva, nos regards se croisèrent quelques secondes, avant qu’elle ne se dérobe, se planquant derrière ses mains pour formuler cette drôle de demande. C’était bizarre comme idée, mais après tout pourquoi pas, je profitais un peu de l’occasion pour réclamer un baiser de la jeune femme qui finit par se lever, venant furtivement poser ses lèvres sur les miennes… Trop bref, mais pas le temps de protester, elle me tendit la main en annonçant que ce n’était qu’un bonus que j’aurais le droit à un second baiser à la fin de la danse. Elle lançait la musique, et je m’emparais de ses doigts avec douceur, ma main libre allant se glisser dans le bas de son dos pour l’attirer contre moi. Réminiscence soudaine de mon autre vie, c’est avec un naturel désarmant que je commençais à faire valser la jeune femme avec douceur, la guidant avec aisance sur la mélodie qui s’échappait de son téléphone.

Pourquoi je m’étais moqué de son geek là ? Parce que désormais je n’avais plus du tout envie de rire, mine ronchon et jalousie palpable, je me renfrognais d’autant plus lorsqu’elle avoua que son interlocuteur tinder avait du charme. « Oui, mais bon, méfie toi quand même. On sait jamais quel genre de gus traîne sur ces appli… » Pousser à la prudence pour l’encourager à couper les ponts avec ce guignol, on sait jamais sur un malentendu ça pouvait bien marcher. D’un coup, j’avais bien moins envie de bénir la copine qui l’avait inscrite sur le site de rencontre. Enfin, je n’allais pas laisser un inconnu fana de console et son ‘charme certain’ me gâcher ce moment avec la brune, je le chassais de mes pensées, préférant me concentrer sur mon interlocutrice et sur elle seule, lui assénant de nouveaux compliments pour lesquels elle me remercia, soulignant la teinte qu’allait prendre son visage si je continuais sur cette voix. « J’adore te voir rougir en fait… Ca te rend encore plus craquante… » avouai-je avec amusement avant un rapide baiser en introduction de la danse qu’elle m’avait réclamé. Une main dans la sienne, l’autre au creux de son dos, et la musique qui s’échappait de son téléphone. Un instant, je me sentis transporté dans mon autre vie. Je n’avais rien oublié des pas de la valse, suivant le rythme tout en guidant la demoiselle, tournoyant au milieu du bar désert. Sans dire un mot, juste la musique, nos pas, nos corps qui s’accordaient, et l’impression de s’être enfermés un instant dans une bulle. Mais la mélodie s’arrêta, et sans dire un mot, Belle s’avança simplement jusqu’à moi, ses lèvres se posèrent sur les miennes. Mes doigts pressèrent un peu plus le bas de son dos, pour l’attirer un peu plus à moi, la retenir aussi, même s’il semblait clair qu’elle n’était pas partie pour un baiser éclair cette fois, je ne lui laissais pas l’opportunité de se dérober. Ma bouche répondait à la pression de la sienne, approfondissant et prolongeant l’échange, jusqu’à ce que le souffle nous manque, que nos lèvres se séparent… « Je suis capable de te faire des claquettes ou même de te danser la macarena si c’est pour obtenir un autre baiser de ce genre… » lui soufflai-je alors avec un large sourire.

Sourire entendu, satisfait en entendant sa réponse, c’est par un petit hochement de tête que j’acquiesçais. Je ne devrais probablement pas jouer à ça, au jaloux, ou encore à m’amuser à faire rosir ses joues, teinte qui ne la rendait que plus charmante… Et pourtant, je le faisais, me lançant même ensuite dans cette danse. Une valse. Loin d’être paralysé par la nostalgie qu’une telle danse pouvait raviver, je guidais Belle avec aisance et plaisir, comme si la présence de la brune dans mes bras faisait s’envoler tous les fantômes du passé. Et le baiser qu’elle me donna conclut ce moment par une note magique. Au point de me faire suggérer d’autres danses loufoques pour un autre baiser. Sauf que je ne récoltais pas de nouveau défi de sa part, mais une invitation à l’embrasser dès que j’en avais envie. Elle eut à peine terminé sa phrase que ma main pressa doucement le bas de son dos pour l’attirer de nouveau contre moi, mes lèvres venant chercher les siennes pour un nouveau baiser, suite auquel je soufflais : « Et il se pourrait que j’apprécie le goût des tiennes… » Elle avait dit quand j’en avais envie après tout… Je me reculai un peu pour me diriger vers ma chaise, ma main se glissant dans la sienne pour l’entrainer dans mon mouvement. Une fois assis, je tirais doucement sur son bras pour l’attirer sur mes genoux. « Tu m’as pas dit ce qu’il y avait à gagner avec cette danse ? » Son ‘je dois me trouver un prince’ impliquait qu’on lui avait imposé ce défi. « Une balade en carrosse dans une forêt enchantée ? »lançai-je  avec humour, curieux de savoir qui lui avait lancé ce challenge et dans quel but.

Une danse, un baiser et une invitation à reprendre en otage ses lèvres dès que j’en avais envie, c’était probablement aux antipodes de ce que j’avais en tête lorsque je m’étais imaginé que la revoir me ‘guérirait’ et me permettrait de me reconcentrer sur mon projet du moment. Et c’est en l’entrainant par la main que je l’attirai sur mes genoux tout en la questionnant sur l’origine de ce drôle de défi que l’on venait de réaliser. Après j’étais pas très ‘in’ dans mon genre. Tout ce qui était réseaux sociaux et compagnie me dépassait un peu, alors peut être que c’était la nouvelle mode. Après le ice bucket, y’avait eu le truc débile et surtout dangereux de danser à côté de sa voiture, c’était peut être une variante de ce challenge là… Belle passait ses bras autour de mon cou, souriante, me répondant alors qu’il s’agissait tout simplement de son bizutage. « Ils ont de ces idées les geeks… » soufflai-je avec un petit ton moqueur avant de réaliser que la brunette sur mes genoux allait bientôt faire officiellement partie de ce groupe. « Enfin, sans jugement aucun. » me repris-je. Son regard accrocha le mien et je rapprochai alors mon visage du sien pour souffler : « En plus, j’suis très content qu’on t’ait refilé ce défi, ça m’a permis d’obtenir l’autorisation de t’embrasser quand je le voulais…. » Et une nouvelle fois, mes lèvres se posaient sur les siennes avec douceur. « Ca se passe bien alors là bas ? Ton bizutage tout ça, ils t’en font pas trop baver ? »