« lunes, salue la caméra », tes yeux croisent ceux de ta mère. son ton est ferme, si tu ne le fais pas tu seras punie alors tu t’exécutes. tu fais un petit geste timide à cette boite noire. sans savoir qu’une partie du pays te regarde. papa est président de la nation, chef du peuple maman a dit. il était déjà le chef à la maison, tu trouves que ce rôle lui ira bien. puis comme ça maman travaillera moins. peut-être. ou pas. tu ne vis plus dans la province de Santa Cruz, tu es une fillette de la capitale maintenant. tu changes d’école. leurs habits ne sont plus les mêmes. leurs parents te dévisagent ou te sourient. tu ne te sens pas à ta place. c’est la faute à papa.

« lunes… » -« oui je sais. » une nouvelle fois, quatre ans plus tard en 2007 tu salues une nouvelle fois une caméra. maman est élue présidente de la nation à son tour. ce n’est pas fini pour toi. les photographes, les cadeaux, les regards ou même les insultes. tu es plus grande. tu as passé la dizaine, ils pensent que tu comprennes. que ce que ton père ou ta mère peuvent te raconter n’est pas du chinois à ton oreille. pour toi tout serait plus facile. tu donnerais de l’argent à ceux qui n’en ont pas, tu en prendrais un peu à ceux qui en ont trop. les méchants en prison, les gens qui s’aiment filles comme garçons auraient les mêmes droits et tout le monde serait content. ce n’est pas si facile ils disent. alors qu’en 2006 ton père acceptait de signer le traité de l’ONU pour abolir la peine de mort, cela ne se met en place qu’en 2008 sous le régime de ta mère. tu te rappelles des cries dans la rue. certains ne voulaient pas. d’autres étaient heureux. toi tu ne savais pas. quand maman a légalisé en 2010 le droit au mariage pour personne de même sexe celle-ci t’a demandé de l’expliquer à tes camarades. ton école catholique n’approuvait pas tes dires et t’ont bien trop souvent puni. à tort, tu ne fais que respecter les mots de maman.

« baissez-vous » crie un homme. « l’ancien président a été touché, appelé une ambulance » se met à dire un autre. la foule court. ta mère te lâche la main. on te tire à son opposé, tout le monde te demande de suivre l’homme qui te tient fermement la main mais t’as compris. papa est blessé et on te croit trop jeune pour le voir ainsi. pourtant t’en as décidé autrement, ton pied frappe les parties de l’homme. ton garde du corps t’avait appris à faire ça en cas de danger, mais peut-être pas permis à le réaliser sur un de ses collègues. tes bras viennent encercler ta mère. tes yeux découvrent le sang rouge sur le sol. ta mère se retourna et ne te serra pas. sa main rencontra ta joue et un grand fou avait pu capturé cette image. l’image d’une présidente abattue, blessant ce qui lui reste. il était mort, comme vous.

en 2012, la cour suprême de justice rend un arrêt. l’ivg pratiquée à la suite d’un viol n’est pas punissable dans le pays. encore faut il prouver que la femme est en danger ou que celle-ci s’est faite agresser. certaines provinces ne mettent pas en place le protocole permettant un IVG gratuit et sécurisée pour ces femmes. ta bataille commence. tu n’es pas la plus jeune mais tu es bien la plus jeune fille mise sur le devant de la scène pendant cette lutte. les photos tournent, les vidéos passent aux informations. tu te feras même arrêtée un an plus tard après une manifestation dans laquelle tu aurais frappé un policier après qu’il est souhaité lever la main sur une de vous. ta mère ne cautionne pas ton comportement mais souhaite que tu continues ta rébellion avec diplomatie malgré ses liens avec Jorge Bergoglio ou plus connu sous le nom de Pape François.

« je pense que je dois te remercier Lunes », tu te redresses, ta jambe posée sur celle de ton copain. « avec toutes les photos que j’ai accumulé et les informations je vais me faire un sacré billet. » le garçon se lève, te regardant dans les yeux. « tu penses quand même pas que c’était sincère ? » tu comprends une fois le masque tombé. trop naïve de croire qu’on pouvait t’aimer. son visage se rapproche du tien, comme un murmure il vient glisser ses mots, ses balles. « ma seule tristesse aurait été de ne pas t’avoir pris ta virginité. » inconsciemment tu le giflas. le coup était parti tout seul, ses yeux extériorisent déjà sa haine. « va t’en ou je te dénonce. » le ton froid, le coeur à plat. comme s’il avait arrêté de savoir comment battre, le couteau dans le dos. la confiance en toi détruite.

maman a fini ses mandats. n’est plus que sénatrice et toi tu as fini le niveau polymodale. tu vas pouvoir aller à l’université. tu les as toutes sélectionnées selon leur classement en Amérique mais une c’est principalement démarquée. harvard.

la justice te questionna, maman est accusée par un homme d’affaire. tu l’as déjà vu. ce n’était pas qu’un homme d’affaire. ils avaient un lien plus fort. charnel, secret. une nouvelle fois tu te sens trahie mais c’est sans compter sur le fils de l’italien, Ayden. rencontrée au même moment, et rencontrée une nouvelle fois au coin d’une rue. il n’avait pas que cette gueule d’ange, maintenant que tu savais qui il était, il était un des pieds même de ta vengeance envers ta mère. on ne te cache pas quelque chose, sans en payer le prix.