Nous avions enfin notre moment seule dans la piscine, comme on l’avait attendu depuis le début de la soirée. Rien qu’elle, moi et les étoiles pour bercer notre parade édulcorée dans l’eau qui remuait à mesure que je faisais des brasses autour de Kaélia. Je voulais juste rester près d’elle, mais je n’avais pas l’habitude de nager sans bouger.

- Si je m’avanouie tu viendras me chercher hein ?

Elle pensait que je pourrais avoir mal à la tête, mais pour le moment elle était juste inondée par un trop plein d’information d’un seul coup. La blonde me parlait de ces journées qu’elle passait avec son père, et m’invitait même à la suivre cet été, d’une façon si naturelle que j’avais du mal à digérer sa proposition sans l’avoir considérée.

Si j’avais envie qu’elle me présente à son père ? Envie de passer un moment rien qu’avec elle, hors d’ici … C’était une question qui me troublait. Elle m’assurait que son père ne mordait pas, et d’une certaine manière j’avais envie de rencontrer cet homme qui avait donné naissance à cette beauté divine dans la piscine avec moi.

- Ça te plairait ? Que je sois avec toi là-bas ?

Si elle me posait la question, c’était certainement le cas, et ma question était plus une façon de gagner du temps qu’une façon de ne pas répondre. J’arrêtais de tourner, il fallait que je canalise mon énergie autrement, et pendant un instant je concentrait mon attention sur les étoiles du ciel avant de reposer mes yeux sur elle.

- Ça me ferait plaisir, de passer du temps avec toi, de découvrir un peu plus ton univers. Mais alors si je viens, tu m’apprendras à être une geek ?

Elle devait avoir tout ce qu’il fallait chez son père pour ses jeux, et même sans ça on pourrait trouver une salle sur place pour jouer. Je prenais une grande bouffée d’air, essayant de respirer plus calmement, et de ne pas penser au fait que j’avais prévu d’accompagner Kaélia chez son père.

Pour me focaliser sur elle, et sur ce qu’on pourrait vivre là-bas, je lançais toute mon attention sur sa silhouette qui aurait pu faire pâlir n’importe quelle sirène de l’océan. Je m’amusais à détailler son corsage, en soulignant ma déception sur le fait que ça n’était encore pas transparent, accusant la réponse de Kaélia.

- Hey !

Quand elle m’envoie de l’eau au visage je souris, et puis gonfle le torse en nageant vers elle, en adoptant un air patibulaire. Elle avait accepté de passer la nuit avec moi, et j’aurais tout le loisir de profiter de chaque instant de cette belle soirée, en attendant la suite, je jouais d’un doigt avec une de ses mèches de cheveux mouillée.

- Tu crois que je suis perverse ? Si c’est le cas, tu es coupable aussi ! Parce que c’est pas légal d’être aussi belle.

On pouvait profiter toutes les deux de cet instant à la piscine pour jouer, minauder, comme si nous avions l’hôtel pour nous. A cette heure-ci, la piscine était vraiment à nous, et si quelqu’un venait troubler notre moment à deux je crois que je le ferai regretter d’être venu. Je cherchais une façon de montrer à Kaélia que je m’amusais avec elle, que je passais un bon moment et que j’étais prête à tout pour continuer à l’amadouer.

- Faire semblant ? huum, si c’est pour la bonne cause, c’est pas une vilaine chose, si ?

Ça serait pour ma cause à moi, la sienne, notre cause à toutes les deux, une cause où nos lèvres ne feraient qu’une. J’affichais mon plus grand sourire, fière de moi, et de l’idée que je pouvais être une autre personne avec Kaélia. Cette idée folle que je pourrais allez jusqu’à chez son père et partager du temps en famille avec elle pour avoir toujours plus de moment à nous.

- Je m’inquiète pas, enfin, j’ai pas de raison de croire que ton père ne m’aimerait pas … Je crois que je passe bien avec les parents.

Après tout j’étais une fille bien élevée, je pense que je ferais bonne impression devant son père, même si ça voulait dire pour ça de ne pas toucher Kaélia en public. Est-ce que ça serait agréable de jouer les filles sages, en sachant ce qu’on a déjà fait ? Je pourrais être taquine avec ma jolie blonde, mais j’avais peur de la mettre mal à l’aise devant son père.

- C’est juste que j’aurais peur de pas savoir être une gentille fille modèle, et en même temps la Minna perverse avec qui tu aimes jouer.

Je voudrais arriver à me montrer telle que j’étais réellement, mais j’arrivais à douter de celle que j’étais. Je portais le masque de la fille parfaite depuis si longtemps que j’en venais à me persuader que j’étais une fille comme il faut. Pourtant c’était moi aussi cette vilaine fille, manipulatrice à ces heures perdues.

Cet instant passé avec mon frère tout à l’heure au bal prouvait que je pouvais changer, mais jusqu’à quel point ? En batifolant avec Kaélia dans la piscine, je songeais à ce qui nous attendait ensemble. Je voudrais être comme elle, partager plus de chose, même si elle avait l’air fâchée que je lui demande trop souvent de m’apprendre à être une geek.

- Te vexe pas … Je veux pas être une geek comme d’autre copine que tu dois avoir, je veux pas être une fille que tu présente à ton père comme t’as déjà fait avec ta meilleure amie. J’ai pas envie d’être ton jeu, et je veux pas que tu sois le mien … Kaélia, j’ai envie qu’on joue ensemble, au même jeu, et sans parler de jeu vidéo, j’ai envie d’apprendre à te connaitre comme personne te connais.

J’imaginais que je pouvais lui faire peur avec ce genre de discours, je me faisais peur moi-même. Je ne sais même pas si elle comprend ce que je veux lui dire, si elle arrivait à comprendre ce que je ressentais. Pendant un instant j’avais arrêté de la regarder, pour essayer de remettre mes pensées au clair.

Mais dès que je revenais à poser ses yeux sur elle, je la voyais là, si belle, et il n’en fallait pas plus pour me séduire. Quand je lui disais qu’elle me rendait aussi perverse, parce qu’elle était plus belle que les autres, trop belle pour ne pas me faire de l’effet, je la laissais me renvoyer le compliment. Mais je n’appréciais pas qu’elle s’en enlève du mérite.

Elle souriait, un sourire si magique que je ne pouvais que l’imiter, et la suivre en nageant près d’elle. Je m’avançais, jusqu’à ce qu’on atteigne le mur d’en face de la piscine. J’attendais qu’elle se retourne pour passer mes mains sur la bordure du mur, les deux mains de part et d’autre de ses épaules, comme pour l’empêcher de partir avant que je ne l’embrasse une nouvelle fois.

- Je t’interdis de dire que je suis plus belle que toi !

Je voulais qu’on joue toutes les deux dans cette piscine qui n’appartenait qu’à nous ce soir, mais j’avais l’impression que Kaélia n’était plus si réceptive. J’imaginais des scénario où elle pourrait s’occuper de moi, mais la jolie blonde me faisait comprendre qu’il n’en serait rien, et qu’il faudrait que je trouve autre chose.

Sans argumenter, je continuais d’y réfléchir en brassant l’eau autour de moi quand elle me parlait de venir passer du temps avec elle chez son père. Je trouvais le concept étrange, et il fallait avouer que je ne savais pas trop quoi en penser. Ce qui était certain c’est que la présence de son père changerait certainement beaucoup de chose à nos jeux.

J’essayais d’expliquer à mon amie ce que je ressentais, même si vraisemblablement je devais mal m’y prendre. C’était comme si chaque fois qu’on essayait de parler un peu tout se compliquait, et qu’on arrivait à se compléter que dans nos moments d’intimité. Je baissais les yeux sur l’eau claire de la piscine, un peu déçue.

- Kaélia, on reparlera de ça demain, j’ai envie que rien ne puisse ternir notre soirée.

Son père, la façon dont j’aime qu’elle soit geek même si je ne comprend rien à ça, toutes ces choses qui ont l’air de nous différencier, et pourtant qui me plaisent chez elle, je décidais de garder ça dans un coin, pour n’avoir que les étoiles comme témoins de notre soirée. Je venais de lui dire combien elle était belle en l’embrassant, et ma respiration s’accélérait quand elle y répondait.

La lumière tamisée dans l’eau pour seul guide en dessous des étoiles rendait chacun de nos mouvements magiques. J’avais ma jolie blonde juste en face de moi, et je gardais ma position avec mes bras qui l’enlaçait contre le bord sans la toucher. Mon nez venais chatouiller le sien, avant de lever les yeux, la tête vers le ciel.

- Tu connais bien les étoiles ?

Je ne me qualifierais pas d’astronome renommée, je crois même que je serais nulle pour reconnaître un ensemble étoilé parmi un autre, et pourtant j’admirai la beauté du ciel qui n’avait rien à envier à personne. D’une main je me maintenait au bord, face à elle, et de l’autre je pointais vers le ciel étoilé au dessus de nous.

- Elles sont plus belle que jamais ce soir

Tout était réuni pour qu’on passe une des plus belles nuits de mon année à Harvard, alors je ne voulais pas gâcher ce moment par des interrogations. On aurait le temps de parler de la suite, d’un été chez son père, de notre façon de jouer aux jeux vidéo, mais ce soir c’était réservé à la piscine et aux étoiles.

J’essayais d’amadouer ma jolie blonde en me rapprochant, lapant son regard si tendre d’une tendresse tout autant partagée. Je voulais simplement être avec mon amie, sans chercher à mettre des mots sur ce qu’on était en train de vivre, j’avais envie de profiter sans avoir de compte à rendre à personne.

- Chuut, c’est pas vrai ! T’es pas méchante, et en plus il n’y a que toi qui me trouve gentille…

Tournant la tête vers son menton posé sur mon épaule, je lui faisais une petite moue, las d’argumenter. Quand elle venait caresser mes cheveux je me contentais de sourire bêtement, et de la regarder faire sans bouger, battant seulement des cils telle une chatte qui ronronnait de plaisir.

C’est exactement ce genre de moment perdu dans ses bras que je voulais, profitant de sa présence, de son sourire, de cette odeur qui ne me quittera pas de la nuit. Elle venait me voler un baiser et si je pouvais me voir de loin, je crois que je me verrais rougir comme une adolescente à qui on vole son premier baiser.

- Je pourrais te mentir et te dire que celle-là c’est l’étoile du kangourou et l’autre là-bas l’étoile de la cerise, mais j’y connais rien du tout, c’est comme une jolie peinture, comme tes tatouages, je ne suis pas une experte, mais je sais juste que j’aime les regarder.

J’ai toujours trouvé ça aussi abstrait que de discerner des formes dans les taches d’ancre du psychologue scolaire. Ce que certain scientifique voit dans les étoiles je n’étais jamais arrivé à le percevoir, même en étudiant ça couché sur du papier, alors à observer dans le ciel ? Je restais collé à elle, attrapant sa main quand elle disait que j’étais belle, pour embrasser deux doigts, les suçoter et les tendre plus haut vers les étoiles.

- Celle-là c’est la plus brillante de toute. J’ai envie de l’appeler Kaélia, ça sera mon étoile tatouée !

Celle que d’autre pourrait appeler l’étoile du berger, celle qui se distingue parmi toutes les autres, j’aimais l’idée qu’elle me fasse penser à cette cabot qui avait su se démarquer de par son style particulier. Je restais songeuse, jusqu’à ce que Kaélia m’envoie de l’eau à la figure en riant comme une enfant.

Je prenais mes gros yeux pour la regarder rire, en commençant à lui envoyer une pichenette d’eau, puis une autre. J’adorais sa façon de s’amuser d’un rien, et je commençais à rire avec elle, même sans savoir pourquoi. Avec une main leste, j’essayais de la récupérer, rattrapant avant qu’elle ne fuie trop loin son poignet, et la rattirant près de moi jusqu’à ce que je puisse lui donner un baiser plus langoureux que les précédents.

- Pardon ! Je pensais que tu étais une délicieuse glace à la framboise.

Le ciel étoilé devenait une toile abstraire qu’on décortiquait d’un regard aussi amusé qu’avisé. Pendant un instant je m’imaginais astronome en inventant ce que pourrait être le nom des constellations qui transperçait les cieux de leurs éclats célestes. Je souriais davantage quand ma partenaire dénotait l’absurdité de ces noms que je proposais sans réfléchir.

- La grande ours, tu trouves ça plus joli que l’étoile du kangourou ? C’est de la discrimination envers les mammifères à poches !

Je riais timidement, en me rendant compte que ça sonnait effectivement moins bien. Pourtant ça ne devait être qu’une habitude à un son qu’on avait entendu que trop de fois, ces habitues phonétiques qui font qu’on a tellement plus de mal à apprendre une langue qu’on a jamais parlé étant enfant.

Si quelqu’un me voyait de là-haut, si cette étoile avait des yeux, elle me verrait en train de sourire bêtement à la détailler d’une façon gênante. Il n’en fallait pas plus pour que je me sente ailleurs, à moins que ça soit sa présence, celle des bras de Kaélia autour de moi qui me rendait si béate que je ne maitrisais plus rien.

- Alors on a notre étoile à nous ? J’aime bien Kaéna, ça sera ma nouvelle étoile préférée, juste avant celle du kangourou !

Je me surprenais à lui tirer la langue d’une façon si puérile que je devais en rougir. C’était agréable de redéfinir la convention des étoiles avec elle, et je crois que je pourrais passer la soirée à trouver un nom pour chacune de ces étoiles. Mais c’était sans compter cette attirance que j’avais pour ses lèvres qu’il m’était difficile de résister.

Kaélia m’éclaboussait en riant, et j’adorais cette façon enfantine qu’elle avait de rire, de jouer avec moi. C’est comme ça que j’en venais à me rapprocher pour l’embrasser, un baiser moins bon enfant, mais dans une ambiance tout autant juvénile. Je l’embrassais encore, en pressant un peu plus sur ses lèvres.

- Le parfum le plus délicieux du monde.

C’est comme ça que je développais une accoutumance à ses lèvres dont je n’étais pas certaines d’arriver à me sevrer par la suite. Je fermais les yeux seulement quelques secondes sans me séparer de ce baiser quand la lumière venait à disparaitre autour de nous. Je les rouvrais, surprise de ne trouver plus que l’éclat des étoiles autour de nous, les spots de la piscine ayant disparus.

Quelle heure il pouvait bien être ? Surement assez tard pour que le personnel de l’hôtel ait décidé de tout éteindre. Pourtant ça ne rendait que l’instant un peu plus intime, je souriais en nageant à reculons, une façon d’avoir une vision plus majestueuse de la silhouette tatouée de ma jolie blonde qui se dessinait dans un ombrage bleuté de la nuit.

- Tu crois que ça veut dire qu’il est l’heure d’aller au lit ?

Je posais la question d’une voix penaude, presque triste. Je sais bien qu’il faudrait que nous nous couchions, mais j’avais peur en fermant les yeux de mettre fin à une soirée que je n’étais pas certaine de revivre un jour. Je soupirais, penchant la tête en arrière, le dos dans l’eau pour regarder les étoiles en faisant la planche.