Jordan se mit à rougir. Cela faisait longtemps. Narayan l’avait touchée, en prenant un peu de recul elle se rendait compte qu’elle avait voulu consoler Narayan en restant sincère. Pour cela, elle s’était ouverte elle aussi. En effet, elle avait également son lot de blessures. Mais elle se disait qu’en les affrontant avec Narayan et réciproquement, cela irait peut-être mieux, non ? L’union ne fait-elle pas la force ? Elle hocha timidement la tête suite aux paroles du grand brun. Elle l’imita et tenta de manger son sorbet à vitesse grand V, mais le froid la rappela vite à l’ordre et la demoiselle calma le jeu. Elle termina sa coupe un peu après le jeune homme, demandant curieusement ; « De quels instruments joue-tu ? » Elle avait acheté une guitare dans une brocante il y a deux mois de cela mais n’y avait presque jamais touchée : chaque fois qu’elle tentait quelque chose, la pauvre bête sortait un son rauque de guitare mal accordée. « Je me disais que peut-être, tu pourrais m’aider avec ma guitare. Elle est cool pour décorer, mais… J’aimerai savoir en faire autre chose qu’un serre-livre. » Confessa-t-elle un peu gênée. Pour un musicien, cela allait sans doute lui pincer le cœur. « En échange, je pourrais t’apprendre à faire du skateboard ! Ou bien, je pourrais t’apprendre à distinguer tous les crustacés que l’on sert au restaurant, mais c’est moins marrant. » Prise d’une soudaine crise de friponnerie, elle afficha un petit sourire malicieux et toucha une mèche brune qui tombait devant les yeux de Narayan tout en le charriant. « Ou si tu préfères, je te montrerai comment faire de jolies tresses. »

Fantastique ! Narayan était d’accord pour apprendre à Jordan à jouer de la guitare. Avec de la chance, elle réussirait à faire quelque chose de ses dix doigts. Non pas qu’elle ne soit pas débrouillarde, au contraire. Mais les arts ne semblaient pas trop l’apprécier. Ou bien peut-être n’était-elle pas faite pour l’autodidactisme ? Quoi qu’il en soit, elle arbora un grand sourire. Cette nouvelle la réjouissait. Par la même occasion, Narayan lui révéla qu’il savait jouer presque autant d’instruments qu’il parlait de langues. Trouvait-il le temps de dormir la nuit ? Jiji se mit à repenser au fait que le jeune homme avait un passé douloureux et que, visiblement, son présent l’était aussi. Cela devait lui permettre de panser ses blessures. Et puis il lui avoua déjà connaître tous les crustacés possible. Cet homme était une encyclopédie vivante ! « Je suis certaine que tu ne les connaît pas tous, on en a des vraiment étranges au restaurant. Mais ils sont tous délicieux ! » lança-t-elle pour valoriser l’établissement où elle travaillait. Si elle disait à ses nouvelles rencontres et potentiels clients que la nourriture là-bas était étrange, elle allait faire fuir la clientèle. Le patron ne serait vraiment pas content, pour sûr ! L’idée de se retrouver à la rue à la merci des autorités ne l’enchantait pas vraiment. Elle ne comprit pas pourquoi Narayan l’appela « ma chérie ». Elle s’empourpra rapidement, à cause de sa peau claire. Elle joua nerveusement avec sa cuillère qui baignait dans un fond de glace fondu au goût bien incertain. Ma chérie, ce n’est pas un truc qu’on dit à son amoureuse, ça ? Dans le doute, elle se décala sur le côté. Pauvre petite Jordan, il faut dire qu’elle n’était pas vraiment habituée aux relations sociales avec des gens de son âge. A la réflexion, avec des gens tout court. Des amis, elle n’en avait pas. Enfin, un seul, le fils du patron, qui était aussi son collègue. Aussi, elle ne comprit pas le sens amical des paroles des Narayan. « Et si on allait apprendre maintenant ? Le skateboard, je parle. Hein ? Ca serait chouette ! » Elle leva la main pour demander l’addition à une jeune fille qui passait justement près d’eux.