Je ne voulais pas montrer l’émotion qui me rongeait. Partagée entre ce sentiment de bien-être total et de culpabilité intense, je fronçais les sourcils. Il n’allait nul part. Je respirais. Je l’en aurais empêché de toute manière, cette nuit, rien que pour une nuit, il était mien. Nue contre lui, je caressais les muscles de ses bras de mes doigts hésitants. J’osais à peine, fermant les yeux. Je lui faisais mal.
Il riait, me montrant que tout allait bien, mais je m’en voulais de ce que je venais de montrer. Je prenais son doigt légèrement entaillé par mon ongle et l’amenais à mes lèvres, l’embrassant tendrement. Je prenais sa main et la collait contre ma joue, comme un doudou pour la courte nuit qu’il nous restait. Bien trop courte nuit d’ailleurs. Demain à l’aube, je m’en irait, avant que nous en souffrions davantage. Avant que le sérieux nous rattrape, avant qu’il ne soit véritablement trop tard. Il venait m’embrasser. Je répondais à ce baiser de la façon la plus tendre qui soit, mélangée à des restes de désirs ainsi que de la culpabilité. Il me questionnait.
Qu’aurais-je pu répondre à ça ? Que depuis mon adolescence mon entourage me préconisait d’éviter ce genre de liens ? Que je savais qu’un mariage non pas d’amour, mais de raison m’attendait prochainement précisément par ma condition familiale et mentale aussi ? Que j’avais été éduquée pour me montrer froide et impassible ? Que je savais qu’à la moindre faiblesse je pouvais faillir ? Justement. Non, ça n’allait pas. A cause de lui. Tout était de sa faute. Il n’aurait jamais du m’approcher ce jour là. Je le détestais un instant. Le haïssais de tout mon corps, de toute mon âme. Mais étais-je à ce moment assez forte pour le lui dire ? Non. Bien trop faible pour lui avouer quoi que ce soit au contraire. Et puis. Il m’aurait certainement prise pour une illuminée. Je n’en avais pas envie. « Ca va … et toi ? » répondais-je finalement poliment, laissant transparaitre mes doutes sans le vouloir. J'avais envie de partie. Il le fallait. Je devais à tout prix me retirer de cette étreinte douloureuse. Je me levais, quitte à paraitre littéralement lunatique, moi qui deux secondes plus tôt ne voulais pas qu'il me lache. Je me levais et commençais à me rhabiller. "Pardonne-moi Alejandro ..." J'allais chercher ma robe, et l'enfilais à la hâte. Perdue, complètement. Il fallait que je m'en aille au plus vite.

Une question toute simple et pourtant, dans les yeux d'azur de la belle Harper, Alejandro avait l'impression de voir défiler mille et une idées. Avait-elle envie de se confier, quelque chose la tracassait-elle? Durant cette poignée de secondes où un silence régna dans la pièce, Alejandro aussi se posait bien des questions. La douceur du baiser qui avait précédé, la Harper si intense au lit, si  gentille au dîner, laissait place à une jeune femme presque distante maintenant. Pourquoi? Le beau brun n'est pas fou, il est même plutôt observateur. Il sent que quelque chose a changé. Mais quoi? Pourquoi?

Son amante ne l'éclairera pas plus sur ses questions. Son ça va semblait presque programmé et elle lui posait la question en retour. En même temps, c'était sans doute la réponse d'usage, que pouvait-elle répondre d'autre? Alejandro fit un doux sourire, posa sa main contre la joue de la belle, son pouce glissant contre celle-ci, puis sa mâchoire.

-Je me sens vraiment bien. Je voulais juste savoir si c'était pareil pour toi.

Étaient-ils encore sur la même longueur d'onde? Alejandro n'en était pas si certain. Comme pour confirmer ses craintes, il regarde, impuissant, la belle se lever hors du lit et quitter leur étreinte. C'est vrai que cela faisait contraste. Le beau brun se redresse, désormais assis et constate que la jeune femme se rhabillait bel et bien, en vitesse même. Il vient s'asseoir au bord du lit.

-Ne t'excuses pas, tu es libre tu sais.

Ils sont des adultes après tout et il a les épaules larges. Seulement, il ne comprenait pas le pourquoi de ce départ soudain et se mettait en tête de la convaincre de rester.

-Tu es certaine que tu ne veux pas rester? Je dors beaucoup mieux quand je suis accompagné...

Dit-il avec un petit sourire invitant. Non, ça ne semblait pas la convaincre, ni sa blague, ni son invitation et elle finissait de mettre sa robe. Alejandro se lève, toujours nu, et s'approche d'elle pour venir l'attraper doucement par les hanches et qu'elle le regarde un instant, s'arrête de bouger un peu.

-Demain matin, je nous ferais du café, on le prendrait sur le balcon, tranquille, ce serait bien, non?

Comme petit plan matinal, cela disait bien à Harper? Hey bien non, elle se détache de lui et le jeune homme fait une moue et se rassoit sur son lit. Inutile d'insister, il ne va pas se mettre à genoux non plus.

-Très bien, j'ai compris, mais deux questions avant que tu ne partes, si tu permets. As-tu passé un bon moment? Est-ce qu'on va se revoir?

S'il n'est qu'une aventure d'un soir, autant qu'elle le lui dise, ce sera clair de cette façon. La Kennedy pourra ajouter un Ortega à son tableau de chasse. Si elle a aimé, ce sera toujours cela de gagner. Alejandro sait que c'est le cas, enfin, il en est pas mal certain. Quoiqu'il arrive, de son côté, c'est comme il a dit plus tôt: jamais il n'oubliera cette nuit avec elle.

Look d'Alejandro:

L’envie obsédante d’être près de lui devenait compliquée à gérer. Mais je me connaissais. Du moins je le pensais. Et la peur venait me frapper. De ce fait, je prenais les devants. Tentant au mieux d’appréhender de futures déceptions. Je me relevais. Je n’y pouvais rien, je n’avais jamais eu de ma vie à faire face à ce genre de moment. D’ailleurs, je n’avais jamais eu à dormir avec quelqu’un. Même Hadès n’avait pas eu ce droit, il avait dormi dans une de mes nombreuses chambres d’amis. Après tout c’était fait pour ça, non ? Je ne pouvais concevoir de dormir près de quelqu’un. J’enfilais en vitesse ma robe, oubliant même culotte et soutien-gorge. Je me sentais mal de faire ça. Trop. Mais c’était plus fort que moi. Alejandro se redressait à son tour, s’asseyant au bord du lit, me faisant comprendre que j’étais libre de mes choix, avant tout de même d’essayer de me convaincre de rester. S’il savait. A quel point mon coeur me criait de rester. Mais après tout, comme on ma tante me l’avait souvent dit, pour être reine, il faut se montrer froide. Celles qui écoutaient leur coeur se faisaient trancher la tête, et je ne voulais pas être de celles là. Je soupirais alors qu’il me sourit de la façon la plus adorable qui soit. Il se levait nu, s’approcha doucement de moi, m’attrapa les hanches. Mes jambes à ce moment là me semblaient être du coton. Je ne bougeais plus, le regardais simplement. Il aurait pu à cet instant deviner mon tiraillement. Ce n’était certainement pas l’envie d’un café sur une terrasse qui me ferait rester ce soir, mais simplement l’envie d’être avec lui. Juste lui m’aurait suffit. J’acquiesçais, baissant les yeux. « Je n’ai jamais dormi avec quelqu’un … » Je l’avouais. A quoi bon. Il fallait mieux ça que lui révéler le fond de mes pensées les plus intimes. Mais il se rasseyait sur le lit, me privant de sa présence physique. Il avait l’air de perdre patience. Quelque part, avec beaucoup de mal, je me disais que c’était pour le mieux. Mais je lui accordais une réponse. Partir de cette manière méritait une justification. « Cette nuit me hantera probablement encore des années. Mais .. tout ça est allé si vite … et c’est de ma faute je le sais. Je n’aurais jamais du. Je ne sais pas si c’est une bonne idée que nous nous revoyions Alejandro. Ce sont les vacances et il y a certainement plein de filles qui seraient plus apte à te donner ce que tu recherche. Je ne le peux malheureusement pas. Je t’ai donné absolument tout ce que j’avais ce soir. » Je le disais à contre-coeur. Mais il fallait qu’il me déteste. Pour son bien et le mien. Je ne pouvais pas me risquer à une relation, encore moins une relation qui démarrait aussi fort. La passion est mortifère et je n’étais pas Antigone. Je m’approchais de lui, me mettant à genoux, approchant mes lèvres des siennes une toute dernière fois, mes mains sur son visage. Ce baiser me faisait déjà mal, et de cette façon, je me disais que je faisais bien d’agir de cette façon.

Alejandro ne comprenait rien. Ils étaient si bien, tout était si parfait quoi et soudain, Harper était pressée de s'en aller. C'était comme si une deuxième noix de coco était tombée. Alejandro tente donc divers approche pour convaincre la jeune femme de rester encore un peu. Quand il parlait qu'elle reste dormir avec lui, elle avouait n'avoir jamais rien fait de tel. Habituée des coups d'un soir ou simplement célibataire endurci? Peu importe au fond. Avec son sourire et son charme naturel, le beau brun hausse des épaules comme si cette information était un détail.

-Il y a une première fois à tout.

Puis, ils parlaient du café, c'était peut-être futile, mais c'était comme une invitation à ce qu'ils restent ensemble le plus longtemps possible, qu'elle comprenne qu'il tenait à elle. Le café était plutôt un symbole. Sauf que cette invitation reste lettre morte et comme Harper semblait prête à partir, Alejandro se rassoit sur le lit. Il ne va quand même pas la retenir si elle veut partir à ce point, encore moins se mettre à genoux pour elle.

Dans ce cas, il avait deux questions qui demandaient réponses avant qu'elle ne parte. À écouter Harper, cette nuit avait tout d'une erreur. Pourquoi? Lui avait-elle menti et était-elle en couple? Pas avec ce qu'elle a dit plus tôt comme quoi elle ne dormait pas avec un homme. Quand elle parlait du fait que ça allait si vite, l'Espagnol comprit un peu plus. Quand elle parle des autres filles, tout de suite, il sentit le complexe. C'est elle qu'il veut, pas les autres. Honnêtement, un peu subjugué par tout cela, il ne savait pas trop quoi répondre et pourtant, d'habitude, Alejandro a réponse à tout, c'est un petit vite quand il s'agit de réfléchir.

-C'est vrai, c'est allé vite, on peut très bien ralentir aussi, prendre notre temps. Je n'ai rien contre cela. Je sais très bien dans quel contexte nous sommes, mais on peut quand même faire une rencontre et... voir où elle nous mène.


Il avait l'impression de ne pas être très clair, ni convaincant. L'alcool et la fatigue se faisaient ressentir. À la fin, comme elle l'embrasse, d'un baiser d'adieu, il prolonge, caresse une dernière fois la joue de l'Eliot et se lève avant la fin du baiser et l'attirait contre lui, comme s'il l'intimait de rester, mais c'était surtout pour lui dire:

-Pourquoi tu te fais du mal?

Pourquoi ce changement soudain? Pourquoi rompre tous liens de proximité et faire comme si ce qui s'est passé n'était jamais arrivé? Au final, elle partira sans doute sans lui répondre et Alejandro retrouvera sa relative solitude.

Look d'Alejandro:

A sa réponse, je fermais les yeux, soupirais doucement. C’était justement ça dont je n’avais pas envie. Prendre son temps signifie des éventualités dont je me passerait bien. Et il n’était pas la raison. Non. Il était trop parfait. Et je pourrais le briser sans le vouloir en tombant. Je l’entrainerais à coups sur dans ma chute. Une auto-destructrice passive en couple ? Ou a t-on vu ça ? Ce genre d’histoires se finissent à l’asile … ou dans un cercueil. Je hochais la tête. « Pardonne-moi … »
Alejandro avait certainement du faire plus d’efforts envers moi qu’il n’aurait du. J’avais mal. Mal de gâcher ce que nous avions eu. Mais pourtant, je le savais, je le garderais en mémoire. Dans mes moments de solitude si habituels, je me souviendrais de ce que ma vie aurait pu devenir si j’avais accepté de rester dans ses bras.
Je profitais intensément de notre dernière étreinte, et sentait qu’il tentait lui aussi de son côté de la prolonger. C’était beau et horrible à la fois. Mais j’étais persuadée qu’il m’oublierait. Qu’il passerait à une autre le lendemain, trop habituée à voir ce genre de choses. Je n’aurais jamais imaginé pouvoir lui causer de la peine.
Combattre le mal par le mal ? Je répondais nonchalamment, désormais plus sûre de ma décision. « Pour éviter de nous en faire davantage. » Je me détachais alors de lui, l’air tout aussi détaché, mais l’intérieur arraché. Je ramassais ma pochette, lui tournait le dos et m’en allais, tentant au mieux de passer à autre chose, que nous puissions continuer nos vies presque comme si de rien n’était.