« Le grand secret. »
isaiha & lily

« Les miennes sont dans un pot de fleurs, à côté de mon entrée. Mais chut, personne ne s’en doute. » répondit-elle en écho, son index posé sur les lèvres, une lueur amusée dans le regard. Le pire c’est qu’elle ne mentait pas. Elle avait vraiment pris l’habitude de laisser un double de ses clefs dans la coupelle de ce fameux pot de fleurs. Tête en l’air qu’elle pouvait être, elle était persuadée que cela lui serait utile un jour. En revanche mieux valait que personne ne soit au courant de sa petite « planque », au risque qu’on la traite d’inconsciente. Tout cela pour dire qu’ils se ressemblaient un peu finalement. Deux énigmes à résoudre, certes pas forcément compliquées, mais des énigmes quand même. « Tu as raison … Je suis d’accord. J’aime aussi dessiner les gens qui ont ce quelque chose, parfois inexplicable, qui les rend unique. Ça peut se voir à travers un tic facial par exemple … Ou une particularité physique. » Moyen de détourner l’attention sur autre chose que sur elle peut-être. Elle trouvait le regard qu’il lui portait flatteur, un peu trop peut-être. Et il y avait cette petite voix tapie dans sa tête qui lui disait que ce n’était pas raisonnable, que cela ne lui ressemblait pas. Voix qu’elle fit taire alors qu’ils empruntaient la sortie du Casino.  

Prudente au départ, presque précautionneuse, Lily avait l’impression d’être maladroite, perchée qu’elle était sur ses talons hauts qui ne lui permettaient pourtant pas d’arriver à la même hauteur que le Lowell. Il fallait souligner aussi qu’il était particulièrement immense, et qu’avec tout juste son mètre soixante, elle ne pouvait guère rivaliser. Soulagée de constater qu’il ne la repoussait pas, voire même qu’il l’encourageait en lui répondant avec délicatesse, ses bras enveloppèrent avec douceur ses épaules, jusqu’à ce constat plus … Pratique disons. Cela désacralisait un peu l’instant, mais elle trouvait cela drôle. Cela avait l’air si naturel pour les autres. Chez toi ? chez moi ? Cela sonnait comme des évidences dans d’autres bouches, mais pour eux elle sentait bien que c’était inédit. Un sourire naquit à la naissance de ses lèvres, alors qu’elle libérait sa bouche pour glisser de nouveau ses doigts autour des siens. « Viens, allons là-bas. » Elle parlait de l’hôtel. Cela lui semblait plus approprié car c’était un terrain neutre. Elle ne voulait pas s’imposer dans son univers, ou dans son intimité. En admettant qu’il ait un ou une colocataire, cela risquait de créer plus de gêne qu’autre chose. Quant à l’idée de l’emmener chez elle, elle lui avait à peine traversé l’esprit. Là non plus, elle estimait qu’il n’avait pas à entrer dans son univers. Pas maintenant. Pas alors qu’elle n’était pas sure de le revoir un jour après cette nuit. Il y avait des territoires qu’il valait mieux ne pas emprunter, et préférer des chemins annexes.

Calmement ils se présentèrent dans le hall de l’hôtel. Sans être totalement gênée, Lily ne se sentit pas non plus très à l’aise lorsque la réceptionniste les avisa tous les deux du regard. Ils n’avaient aucun bagage, à part leurs manteaux respectifs. Nul doute qu’elle avait deviné qu’elles étaient leurs « intentions ». « Bonsoir. C’est pour combien ? » Lily sourcilla face à la question de la femme. Il n’y avait qu’eux-deux dans ce fichu hall, elle croyait quoi, que des amis allaient les rejoindre ? « Heu … Juste nous deux. » répondit Lily en se raclant la gorge. « Non, pour combien de nuits je veux dire ? » précisa la femme en les observant entre ses petites lunettes rondes placées sur son nez aquilin. « Juste une. Merci. » - « Il y aura des petits déjeuners ? » Non mais, elle allait continuer comme ça longtemps encore ? Apparemment oui. « Aucune idée. Il y a un service d’étage au pire non ? » - « Bien sûr … je vois. » Comment ça, elle voyait ? Les lèvres de Lily se pincèrent légèrement alors qu’elle levait les yeux au ciel. « Et je la mets à quel nom ? Pour le registre voyez …» Un sourire de façade sur les traits de la jeune femme, et elle ajouta avec autant de politesse que possible. « Mettez Hopkins. Et nous paierons en rendant les clefs. Merci. » Elle laissa Isaiha récupérer la clef, tendue tout d’un coup à l’idée de monter. Comme si l’échange avec cette femme lui avait donné l’impression d’être jugée, et que cela l’avait refroidie. Pourtant dans l’ascenseur, quand les portes se furent refermées, elle poussa un long soupire. « J’ai l’impression qu’on vient de passer devant la grande inquisition espagnole, tu ne trouves pas ? » plaisanta-t-elle en riant, plus détendue maintenant que la réceptionniste n’était plus dans leur ligne de mire.




@Isaiha J. Buchanan

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La parenthèse entre-ouverte, il était difficile maintenant de la refermer sans avoir écrit quoi que ce soit à l’intérieur. Mais le regard de cette femme sur ce qu’ils ne seraient jamais (à savoir un couple normal), avait légèrement refroidie Lily sur le coup. En réalité elle ne les avait pas regardés autrement qu’elle l’aurait fait avec un autre couple. C’était simplement sa mauvaise conscience qui lui avait fait interpréter de la mauvaise façon des questions pourtant de routine dès lors que l’on souhaite fréquenter un tel établissement. Dans l’ascenseur, la mine déconfite pendant quelques instants, Lily se demanda si c’était réellement une très bonne idée. Il n’était pas encore trop tard pour reculer après tout … Il comprendrait. Elle s’apprêtait presque à se raviser lorsque sa remarque vint la cueillir en plein vol, la faisant pouffer de rire sur le coup. « C’est vrai que tu as une petite tête de pervers. Elle a dû se dire que tu essayais de me détourner du droit chemin. » plaisanta-t-elle avec un air taquin espiègle, cela ayant eu le mérite de la détendre un peu. Lui aussi avait-eut cette impression d’être jugé alors ? Ils faisaient la paire, avec leur maladresse commune. Au moins était-elle rassurée. S’il avait été un Don Juan, habitué à ce genre de parenthèses nocturnes, elle aurait probablement pris ses jambes à son cou, intimidée à l’idée de passer pour une godiche. Un sourire flottant à la commissure de ses lèvres, Lily repassa instinctivement ses bras autour de ses épaules, ayant juste le temps de déposer un baiser au coin de sa bouche avant que l’ascenseur ne s’ouvre, et qu’ils puissent naviguer jusqu’à leur chambre. « J’espère bien. » avait-elle juste ronronné auprès de son oreille, cherchant à présent le numéro du regard. « Ah c’est là. » fit-elle en reconnaissant enfin la bonne porte, la refermant derrière eux, une vague de nervosité l’ayant envahie à son tour.

Son regard se fit circulaire, détaillant l’ensemble de la pièce comme pour en déceler toutes les failles. C’était joli oui, il avait raison. Les motifs de la tapisserie au mur étaient un peu vieillots, et les couleurs affadies par le temps, mais pour le reste cela avait l’air assez cosy. La chambre était assez grande pourtant, mais nerveuse qu’elle était, elle avait l’impression que les murs se rapprochaient, jusqu’à les étouffer dans un espace étriqué. Bon sang. Qu’est-ce qu’elle faisait-là ? Ah oui. Ce jeune homme charmant. Le casino. Ce jeune homme charmant encore. Quelle idée. Quelle idiote. Les mains légèrement tremblantes, elle sentait une bouffée de stress pulser à ses tempes, presque à lui en donner le tournis. Et ça c’était sans compter son cœur qui semblait soudain vouloir déguerpir de sa cage thoracique en tambourinant contre elle. Calmement elle avait ôté son manteau, le posant sur le fauteuil disposé auprès de la fenêtre. Ses paupières balbutièrent légèrement en sentant sa silhouette se rapprocher de la sienne, et un soupire sous-tendu la traversa de part en part, alors qu’elle abaissait légèrement la tête, presque honteuse en vérité. « Isaiha … Il faut que je te dise … Je n’ai pas du tout l’habitude de faire ça. Enfin tu vois ce que je veux dire … Aller comme ça, à l’improviste … Avec … Un inconnu. C’est même la première fois. » admit-elle enfin en contemplant leurs pieds tout d’un coup, soulagée pourtant d’avoir fait preuve de franchise à son égard. « Je me sens un peu … Ridicule … De ne pas être aussi à l’aise, ou aussi entreprenante que pourrait l’être une autre fille. » prenant son courage à deux mains, avec douceur elle glissa ses bras autour de ses épaules, caressant l’arrière de sa nuque avec le bout de ses doigts frais. « Je ne voudrais pas que tu penses que finalement, tu ne me plais pas ou que j’ai envie de me dérober. C’est juste que … Je suis un peu nerveuse. » Un sourire vint pourtant égayer ses traits, alors qu’elle hochait légèrement la tête sur le côté. Il y avait autre chose qui la tracassait. Une chose qui risquait peut-être de le faire fuir. Aussi préférait-elle le prévenir … Quitte à ce qu’il la rejette. Elle aurait du mal à se remettre d’une expression dégoûtée si jamais elle lui laissait l’effet de « surprise ». « Il y a quelques semaines maintenant … J’ai subi une très lourde opération, au niveau des poumons. Une greffe complète. Ça m’a laissé une cicatrice, sous la poitrine … Sur toute la largeur du buste … Un peu comme une fermeture éclair en fait … Qui n’est pas très … Très gracieuse on va dire. » De nouveau son regard fureta sur le côté. Cette cicatrice, si impressionnante soit-elle, elle devrait vivre avec à présent. Une marque indélébile à prendre, ou à laisser. « Je comprendrais que ça puisse … te dégoûter. C’est pour ça que je préfère te prévenir, et m’épargner un peu par la même occasion. » Avoua-t-elle enfin, avant de reposer son regard dans le sien. Elle ne lui en voudrait pas s’il préférait ne pas s’attarder. Elle avait conscience que ces marques qui cisaillent parfois les corps pouvaient en refroidir certains.


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Amante elle avait su être, autrefois, quand aimer était encore quelque chose de sensé à ses yeux. Cela lui semblait si loin à présent cette époque, où elle n’avait pas peur de ressentir, de s’émouvoir, de s’épancher. Où la pudeur elle aussi n’existait pas, jetée en pâture d’une sensualité qui ne demandait qu’à s’épanouir. Mais aujourd’hui, auprès de cet homme qu’elle ne connaissait pas mais qui lui plaisait terriblement, elle se sentait si gauche. Elle avait l’impression de devoir réapprendre chaque geste, chaque mécanisme qui permet aux hommes et femmes de se trouver. Et il y avait l’image de cet autre homme inaccessible, comme imprimée au fond de sa rétine, pour lui rappeler qu’elle faisait sans doute une erreur. Maudit Lawrence. Toujours là. Dans son cœur, dans sa tête, dans chaque fibre respirante de son être meurtri. Toujours là, ombre qu’elle ne pouvait plus ignorer, qui la suivait sans la voir, sans la regarder, sans apercevoir cette envie qu’elle nourrissait depuis qu’il avait consentit à l’aider. Sans doute éprouvait-elle des sentiments pour lui, Lily le savait à présent. Et elle le maudissait d’être capable de la mettre dans cet état d’incertitude grandissante. Les bras d’Isaiha se refermèrent autour de sa taille alors même que ses pensées dérivaient de manière trop lointaine. La puissance manifeste de ses bras, la chaleur de son corps, une vague de sensations l’envahit tout d’un coup, rendant ses pensées mutiques. Lily le regarda longuement, avec tendresse en réalité. Peu à peu l’image en filigrane s’effaça pour qu’il ne reste que les contours de son visage, à lui, et lui seul. Isaiha. Isaiha qu’elle ne connaissait pas, mais qui cette nuit serait tout à elle, quand elle serait tout à lui.

« C’est tout à ton honneur tu sais … » Référence au fait qu’il n’avait eu qu’une seule femme. Surement celle dont il lui avait parlé plus tôt, et qu’il avait quittée. Ainsi était-ce sans doute la première fois qu’il n’aimerait qu’avec son corps, quand son cœur resterait la propriété de quelqu’un d’autre. Car autant être lucide : ils ne s’aimaient pas, et ne s’aimeraient probablement jamais. Ce n’était pas une fatalité mais c’était ainsi. L’amour n’était pas ce dont ils avaient besoin en cet instant. Voir, être vu. C’était cela qu’ils voulaient, rien d’autre. C’est peut-être cela qui la poussa à la confidence, à la vulnérabilité aussi. Une vague de soulagement l’avait envahie en comprenant que la maladresse leur était commune. Au moins cela détendait l’atmosphère, rendait l’approche plus simple, plus évidente aussi. « Tu sais quoi ? Ça me rassure … De voir … Qu’on est pareil. » avoua-t-elle du bout des lèvres alors qu’un rire sous tendu lui échappait. Ses bras l’avaient enlacé naturelle, son nez venant effleurer la rugosité de sa joue alors que la tension nerveuse s’évanouissait peu à peu de son corps. Quant à ses paroles après qu’elle lui ait avoué pour sa cicatrice, elles la touchèrent, bien malgré elle. Ses grands yeux bruns l’avaient observé longuement, de plus en plus sereins. « Merci … Isaiha. » souffla-t-elle finalement au creux de son oreille, la pulpe de ses lèvres venant s’imprimer sur la courbure de son cou. Calmement elle se laissa guider jusqu’au lit, s’y asseyant en l’entraînant avec elle, leurs corps se lovant l’un contre l’autre en venant froisser légèrement les draps. Ses doigts frais partirent à l’aventure, glissant dans son dos, poussant l’audace jusqu’à rencontrer la peau qui s’étendait sous sa chemise. Allongée sur le côté, sa cuisse était remontée contre sa hanche, alors que ses lèvres s’emparaient des siennes avec moins de prudence. Tendre au début, bientôt audacieuse, l’humidité de sa langue rencontra la sienne, ballet sensuel qui volait son souffle et précipitait peu à peu les battements de son cœur. Les courbes de son corps pressées contre les siennes, naturellement elle s’était vite retrouvée dans une position de supériorité, perchée au-dessus de son corps, ses cheveux flottant en cascade autour de son visage. Lily quitta ses lèvres un instant, le regard flamboyant d’une lueur nouvelle, sa poitrine se soulevant au gré de sa respiration saccadée. Avec une lenteur étudiée elle fit coulisser la fermeture éclair de sa robe, laissant les bretelles retomber sur le côté, alors que ses doigts entreprenaient de la retirer doucement, dévoilant une peau nue d’une couleur laiteuse. Elle ne portait pas de soutien-gorge sous la robe, celle-ci étant dos-nu. Et à présent, ne lui restait comme frontière avant une nudité absolue qu’un empiècement de dentelle noire qui recouvrait son intimité. Sans avoir honte, sans rougir non plus, elle le regarda avec intensité pourtant, comme soucieuse à l’idée qu’il ne tienne pas parole et que sa cicatrice le répugne. Il faut dire qu’elle contrastait avec l’ensemble. Des courbes délicates, bien proportionnées, mais sous ses seins, semblant scinder son buste au deux : une immense cicatrice encore rougeâtre qui ressemblait presque à une fermeture éclair. Mais elle ne chercha pas à se cacher. Au contraire, elle attendit, assise à califourchon sur ses hanches en lui laissant la possibilité de se redresser s’il en avait envie, ses doigts parcourant les courbures de son torse avec lenteur, comme pour lui demander la permission pour la suite.



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Un sourire mutin égaya ses traits, complice, rassuré aussi de se savoir regardée sans que l’observateur soit un juge trop cruel. Il y eut une seconde de flottement durant laquelle elle l’observa entre ses cils avec tendresse, et ses doigts prirent avec délicatesse son visage en poupe, ses pouces traçant des arabesques délicates sur ses joues légèrement rugueuses. Peut-être aurait-elle dû dire quelque chose, n’importe quoi. Pour le rassurer lui aussi, ou pour le remercier une fois de plus. Mais elle n’en fit rien, demeurant silencieuse. La lueur qui vacillait dans son regard en disait plus que n’importe quel mot, et ses lèvres vinrent capturer les siennes, allant jusqu’à les gratifier de morsures infimes, les mordillant ici et là comme s’il s’agissait d’un fruit défendu à goûter encore et encore.
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