to escape

aaron & romy

Le message que m'a envoyé Cole m'a clairement fait l'effet d'une douche froide. Tout se passait si bien pendant cette escapade avec Aaron. J'aurais cru que le retour à la réalité se ferait dans quelques heures, quelques jours, quand on rentrerait à Boston, puis Harvard. Je pensais que j'aurais encore un peu de répit. Puis je pensais surtout pas recevoir une telle chose. Une vidéo, de moi, sortant de l'immeuble de chez moi pendant la nuit de l'incendie. C'est complètement tordu. La paranoïa de Cole finit par être contagieuse, car je le deviens moi aussi. Pendant qu'Aaron s'occupe certainement à renvoyer un message à Cole, mes pensées fusent dans tous les sens. Et si ? C'est pas possible, je veux pas y croire. Pourtant, les faits sont là. Je suis bien sortie. Et avec mes problèmes de santé, mes médicaments, je dois admettre être instable depuis des semaines, des mois. Il n'y a qu'à se référer à mon trou de mémoire. Et si en plus d'altérer mes souvenirs, mes problèmes altéraient aussi mon jugement,, mon comportement ? Et si je l'avais vraiment fait ? Après tout, c'est mon truc de foutre le bordel, casser des choses, faire dans l'illégalité. Puis il est vrai que je n'aime pas les confréries. Est-ce que je serais vraiment capable de mettre le feu à Harvard ? « Aaron ... » je commence à dire, dépitée. « Et si c'était vrai ? » je lui demande, plongeant mon regard effaré dans le sien. Je sais plus qui croire. Mon instinct, Cole ? « Et si j'avais mit le feu ? » je répète la voix tremblante. J'en reviens pas, j'ai du mal à croire mes propres mots. J'ai du mal à croire qu'un homme puisse me faire douter à ce point de moi. Où est la Romy sûre d'elle ? Probablement au fond de ce lac en Nouvelle-Ecosse. Elle s'est noyée depuis longtemps. Tout ce qu'il en reste, c'est une Romy perdue, qui se pense capable des pires choses.

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La situation est clairement devenue hors de contrôle. Cole a perdu les pédales et je suis sur le point de faire de même à cause de ses accusations. J'ai beau être une je-m'en-foutiste dans l'âme, une anti-conformiste, l'idée de blesser ou d'avoir blessé des gens m'effraie. J'ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit dans ma vie. J'ai déjà fait souffrir, mais de là mettre le feu à une confrérie pleine de gens. Ca jamais. Pourtant, je suis en train de croire à toutes ces conneries. Je me remets en question. Parce qu'il faut que je découvre la vérité, je peux pas rester dans le néant comme ça. Je peux pas laisser quelqu'un détruire ma vie sous prétexte qu'il est devenu parano. Ma main dans celle d'Aaron, je hoche la tête à sa tentative de me rassurer. « T'as probablement raison. » que je lui dis, essayant de me convaincre moi-même. Il faut pas que je croie à toutes ces conneries. La cause des incendies avait été prouvée. C'était un incident, une cause naturelle, un stupide orage. J'observe Aaron qui ne lâche pas son téléphone de main, échangeant des sms avec Cole, et je peux voir son visage changer d'expression à chaque fois qu'il en reçoit un nouveau. J'en déduis que Cole lui rend la vie dure à lui aussi. Alors je repense aux paroles de Cole. Il va aller voir la police, c'est certain. Il est fou à lier, il est capable de tout. Et n'oublions pas qu'il est puissant, c'est un Eliot. Il a de quoi foutre des vies en l'air. Une liasse de billets, une vidéo et il pourrait convaincre n'importe qui de ma culpabilité. C'est plus comme si on avait le choix. « Ecoutes Aaron ... » je commence à lui dire, pas forcément ravie de ce que je m'apprête à faire. « Il va aller voir la police. Je sais que je vais avoir des ennuis et je préférerais t'éviter d'en avoir. » je rajoute. Je sais pas pourquoi, mais je me doute que Cole tient quelque chose à propos d'Aaron. Il tient quelque chose à propos de tout le monde à Harvard. « Je pense qu'il vaudrait mieux que tu rentres à Cambridge. Moi je vais continuer ma route, me faire discrète le temps que ça se calme. Tu me tiendras au courant de ce qu'il se passe là-bas comme ça, et on ne pourra pas te reprocher d'être avec moi. » je conclus. C'est la meilleure solution. J'ai l'habitude de voyager, de me faire disparaître. Aaron, lui, il a une vie et je pense pas qu'il ait spécialement intérêt à faire le con, à devenir une personne recherchée parce qu'on sait qu'il était avec moi. Prendre de la distance sur toute cette histoire me permettra de mettre en place un plan ou quelque chose.

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La proposition que je fais à Aaron ne m'enchante pas. Je le fais plus ou moins à contre coeur, mais je sais dans le fond que c'est la bonne chose à faire. Et ce coup-ci, je ne le laisserais pas m'interrompre, me dire que c'est une mauvaise idée, ou négocier pour m'accompagner. J'en ai fait des mauvais choix tout au long de ma vie, des choix qui se sont souvent répercutés sur mes proches et les relations que j'avais avec eux. Ma relation avec Aaron a agréablement évolué pendant cette escapade, ces derniers jours. J'ai pas envie de tout faire foirer, alors il est évident à mes yeux qu'il ne peut pas s'embarquer avec moi dans cette histoire. Pour lui, l'aventure s'arrête ici. Il ne s'en rendra peut-être pas compte tout de suite, mais je le protège en faisant ça. De la police, des ennuis, puis de moi. Je hoche la tête avec gravité alors qu'il me demande si je suis sûre de moi. « Oui. Et tu sais toi aussi que c'est mieux comme ça. » je lui dis. Car il a des affaires à régler de son côté. Ce pourquoi il n'a pas voulu se confier à moi. Je me doute qu'il a beaucoup à gérer de son côté, et se retrouver complice de quelqu'un recherché par la police n'est pas ce dont il a besoin en ce moment. Il n'est pas irresponsable et c'est pourquoi il fera le bon choix lui aussi. Le choix de me laisser partir, me laisser me débrouiller. Il m'attire dans ses bras et je le serre contre moi, un peu comme si c'était la dernière fois. On en sait rien après tout. La dernière fois que je suis partie, je ne suis pas revenue avant plus d'une année passée. Qu'est-ce qui me dit que je reviendrais cette fois ? Mes proches, sûrement. Car j'ai appris à leur faire confiance, à m'attacher à eux et ce départ me semble plus pénible que le précédent. Comme si je sentais qu'on me retenait. « Toi aussi Aaron. » je réponds à son murmure, avant de m'éloigner un peu de lui. Il dépose un baiser sur mon front. Je souris, m'apprête à embrasser sa joue, mais mes lèvres dévient légèrement et touchent le coin de sa bouche. Un dernier sourire puis je m'éloigne de lui pour attraper mon sac laissé sur la banquette où j'étais assise. Je finis par sortir du café, quelques dollars en poche, juste assez pour prendre un bus qui me mènera jusqu'à un autre moyen de transport pour ma prochaine destination : Cuba.

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