tu deviens folle.
— margot

Je roulais vers le chemin de sa maison familiale, essayant d'entamer un brin de conversation. Parce que le silence était pesant, j'avais pas envie de ça entre nous. Sauf qu'à ça question, je ne pouvais m'empêcher de tout lâcher. Premièrement, parce que ça me faisait un bien fou. Deuxièmement, parce que sa question était débile. Est-ce que je lui demandais si elle allait bien, moi ? C'était évident qu'elle avait pas l'air d'aller bien. Sauf qu'elle... me demandait d'arrêter la voiture. Et vu le ton qu'elle employait, je l'écoutais sans réfléchir, me garant sur le premier emplacement possible. Je tournais la tête vers elle, l'écoutant, lâchant un soupire. Pourquoi il a fallu que je l'ouvre ? Je voulais pas repartir dans cette discussion. « Je peux pas être ton ami. » répondais-je simplement, parce que c'était vrai. Je savais que je pourrais pas tenir, je savais que ce serait impossible. « Je peux pas te regarder sans avoir envie de t'embrasser, sans penser que t'es l'une des plus belles filles que j'ai jamais vu. » continuais-je en baissant le regard, n'osant plus la regarder. J'étais un idiot, parce que c'était moi le premier à avoir lancé cette idée stupide. Mais je savais qu'au fond, j'étais incapable de tenir ça, d'être juste un ami pour elle. « Et surtout, je supporterais pas d'être ton ami en te voyant dans les bras d'Eliot. » finissais-je en soupirant. Elle était là, la vérité. Eliot ou un autre homme, cela dit. Mais Eliot, c'était pire. Mon esprit me poussait à la faire aller vers lui. Mon coeur me poussait à la garder pour moi seul.

tu deviens folle.
— margot

Mon comportement est puéril, je le sais, et pourtant je peux pas m'empêcher d'agir comme ça, à lui demander quoi faire, comment agir, comment diable est-ce que je peux garder Adriel dans ma vie. J'ai mal au coeur, et pas dans le sens nauséeuse, plus dans le sens où j'ai l'impression d'avoir une lame plantée en plein dedans, remuée à chacun de ses mots: « Je peux pas être ton ami. » Je baisse les yeux, mes espoirs - déjà maigres - brisés. « Je peux pas te regarder sans avoir envie de t'embrasser, sans penser que t'es l'une des plus belles filles que j'ai jamais vu. » Et je voudrais pouvoir lui dire de se taire et de m'embrasser, d'oublier tout le reste, mais moi-même je ne peux pas. Je serre mes mains sur mes genoux nus, pour les forcer à arrêter de trembler. Si je relève les yeux vers lui, de son côté, Adriel les a baissés. « Et surtout, je supporterais pas d'être ton ami en te voyant dans les bras d'Eliot. » Un rire jaune m'échappe. Eliot, je peux pas le regarder sans penser à ce que je perds à côté, sans penser au manque que je ressens par l'absence d'Adriel. Evidemment, je lui en ai pas parlé, tout comme lui ne me parle pas d'Orysia. « Alors... C'est fini ? » Demandais-je, la gorge serrée, les mots sortant me brulent la gorge au fer rouge. « On fait l'impasse sur deux ans en s'ignorant? » Quoi d'autre, Margot ? On est dans une voie sans issue. La seule issue possible, c'est celle qu'il a donnée. C'est la fin. Et à cette pensée, je retiens mes larmes, m'assois à nouveau pour m'attacher, cette fois, recroquevillée contre la fenêtre. « Tu peux redémarrer. »

tu deviens folle.
— margot

Je me rendais compte de la situation catastrophique. Je me rendais compte de la débilité de mes paroles la dernière fois. Comment j'avais pu lui proposer de rester amis ? J'en étais incapable, et je comprenais son refus de la dernière fois. Il ne fallait pas se voiler la face, c'était impossible. Alors je lui exposais les soucis, lui montrant que je ne pourrais pas, même si je le voulais. Pourtant je ne voulais pas la perdre, je ne voulais pas la laisser filer. Mais est-ce que j'avais vraiment le choix ? « Alors... C'est fini ? » Oui. Je ne savais pas si j'étais capable de dire ça à haute voix, mais c'était un fait. Si on ne pouvait pas être amis, alors on ne pouvait rien être d'autres, non ? C'était pas ça, le soucis ? « On fait l'impasse sur deux ans en s'ignorant? » Il fallait croire que oui. Ca me faisait mal, je ne voulais pas ça, mais il le fallait. Il allait falloir que j'arrive à la laisser, que j'arrive à ne pas courir à des soirées pour la ramener chez elle. Je devais l'oublier, tout simplement. « Tu peux redémarrer. » Qu'elle disait, déjà rattachée et prête au départ. Je posais ma main sur les clés, prêt à démarrer. « C'est terminé parce que tu le choisis, lui. » chuchotais-je en fixant le volant, avant de me rendre compte en quelques secondes de mes paroles. Merde merde, je ne voulais pas le dire à voix haute. « Oublie ce que je viens de dire, oublie ça et ne dis rien, s'il te plait. » rajoutais-je rapidement, redémarrant la voiture pour vite repartir, vite la ramener, vite l'oublier.

tu deviens folle.
— margot

Chaque fois que je me dis que ça ne peut pas faire plus mal, je me prend une baffe supplémentaire pour me faire comprendre que j'aurais mieux fait de me taire. Voilà ou on en est, c'est terminé. Il répond rien, mais je sais qu'il pense ça, je le sais et ça me bouffe encore plus de savoir que dans sa tête, je serais bientôt une étrangère. Alors je rends les armes. Je peux rien faire d'autre. Le coeur lourd, les larmes aux bords des yeux, je me détourne, j'attends qu'il démarre. Et une phrase. « C'est terminé parce que tu le choisis, lui. » Je tourne alors les yeux vers Adriel, incrédule, qui démarre. « Quoi? » « Oublie ce que je viens de dire, oublie ça et ne dis rien, s'il te plait. » Ah non, tu vas pas me la jouer comme ça. Je secoue la tête, catégorique, mâchoire serrée. « Non j'vais pas oublier. Et encore moins ne rien dire. J'ai choisi personne, Adriel. C'est pas à Eliot que j'ai dit que je tombais amoureuse. C'est pas lui qui m'a poussé dans l'autre direction. » Eliot, lui, sait la situation, et m'a dit les choses de but en blanc : Je veux pas te voir avec lui. Il sait mes sentiments, et comme moi, il cherche à démêler tout ça. Je serre à nouveau les poings, soupire. « Eh puis merde à quoi bon, c'est un dialogue de sourd. » Ca, je l'ai bien compris.

tu deviens folle.
— margot

Dans ma tête, j'essayais de me convaincre que c'était terminé. J'essayais de me faire à l'idée, j'essayais de me dire que c'était la dernière fois que je la voyais, j'essayais, vraiment. Mais plus j'y pensais, plus je me disais que si j'abandonnais maintenant, elle avait toutes les cartes en main pour se jeter dans les bras d'Eliot. Est-ce que c'était égoïste de ma part de ne pas vouloir ça ? Est-ce que j'étais égoïste de vouloir rester dans la course ? J'en savais rien. J'avais pris l'habitude de m'écraser face à ce genre de situations, mais j'en avais marre de faire ça et de toujours finir seul et malheureux. Je ne voulais pas retourner dans mon appart, en pensant que c'était la dernière fois que je lui adressais la parole. Pour autant, les mots que j'avais dit, je voulais les garder pour moi. Alors je lui demandais de ne rien dire, démarrant le contact pour reprendre la route l'air de rien. Mais évidemment, elle parlait. Et elle avait raison, sur le deuxième point en tout cas. Pour le premier, j'étais heureux d'entendre ça. Je laissais un silence de quelques minutes, les yeux fixés sur la route. « Dans ce cas, tu peux passer la nuit chez moi. » C'était pas une question, c'était une affirmation. Je changeais directement de direction pour aller vers mon appartement, sans attendre sa réponse. Peu importait qu'elle le veuille ou non. Puis si elle m'aimait, elle ne refuserait pas.

tu deviens folle.
— margot

Comment ose-t-il dire que j'ai choisi Eliot, alors que c'est lui qui m'a répété de le choisir pendant que je refusais. J'ai été honnête avec Eliot, qui lui-même a compris ma démarche de ne pas sortir avec lui et d'attendre de savoir où j'en suis. Evidemment, ça ne lui plait pas, mais est-ce que ça me plait de le savoir partagé entre moi et Orysia? Non. Est-ce que j'aime savoir qu'Adriel lorgne sur ma meilleure amie? Non plus. Pourtant, je me tais, je laisse aller, parce qu'il n'y a rien que je puisse faire d'autre. De toutes manières, cette discussion n'aboutira à rien, alors je choisis le silence, tandis que lui ne répond rien, se contentant de conduire. Ce que je n'attendais pas, c'était à ce qu'il dise au bout de quelques minutes: « Dans ce cas, tu peux passer la nuit chez moi. » Et clairement, il n'attendait pas mon approbation, je devinais au trajet qu'il se dirigeait déjà vers son appartement. Je me redresse, ne comprenant pas sa démarche. « Pourquoi? » Non, je ne refuse pas, je ne m'offusque pas, juste... Pourquoi tu fais ça ? Parce qu'au fond, une part de moi refuse l'idée qu'il me dépose devant chez moi, et que tout s'arrête comme ça. Même si je sais que ça va finir par arriver, je repousse l'échéance, désespérément.

tu deviens folle.
— margot

Il était temps que je prenne les choses en main, il était temps que je fasse bouger les choses. Quand on se voyait, on passait notre temps à se prendre la tête, à se déchirer, à se briser. Je voulais un peu de bonheur dans tout ce bordel, je voulais un peu de joie et de sourire. Je voulais retrouver la Margot d'avant. Alors quand elle disait que j'étais le seul à qui elle avait dit les fameux mots, que je m'en rendais réellement compte, je me disais que j'avais le droit d'y croire. Sans lui laisser le choix, je changeais de direction et je partais en direction de mon appartement. Je ne réfléchissais pas, je m'en fichais, je me disais juste que je ne pouvais pas la ramener chez elle, la déposer et partir comme si de rien était. C'était hors de question. Elle ne refusait pas, me demandant juste pourquoi. Demande plutôt logique. « Parce qu'on peut se donner une bulle de bonheur ? J'en ai marre qu'on se déchire tout le temps ses derniers temps. » disais-je en jetant un coup d'oeil vers elle. Après tout, avant, c'était déjà le bordel, pourtant on arrivait à se retrouver et à être un peu heureux. Plus maintenant et ça me manquait. « Si je dois te perdre définitivement, je ne veux pas avoir de regrets. » avouais-je en fixant la route.

tu deviens folle.
— margot

Pourquoi? C'est la première question - la seule et la plus logique - que je me posais en voyant Adriel changer de cap sur un coup de tête. Il avait pourtant l'air déterminé à rester en dehors de ma vie, à m'écarter de lui puisqu'on ne pouvait clairement pas être amis. Alors pourquoi ce revirement de situation? « Parce qu'on peut se donner une bulle de bonheur ? J'en ai marre qu'on se déchire tout le temps ses derniers temps. » Je le regarde bouche bée dans un premier temps, ahurie. Est-ce qu'il a bien dit ça? « Si je dois te perdre définitivement, je ne veux pas avoir de regrets. » Et là, mon coeur s'affole. D'une part parce que l'entendre parler de me perdre me révolte. De l'autre, parce que l'entendre s'accrocher comme ça au moindre moment passé ensemble me donne envie de me rouler en boule dans ses bras et d'y disparaître tout simplement. Alors, d'abord sans un mot, je tend une main hésitante pour la poser sur la sienne. « D'accord... » Peut-être que demain, il sera encore résolu à ne plus me voir. Alors j'vais être égoïste, j'vais l'être jusqu'au bout pour le garder pour moi encore un peu. « Et.. merci d'être venu. » L'agressivité retombée, j'ai compris son geste, son attention envers moi. Il préserve celle que je suis vraiment. Celle que je voudrais être pour lui. Pas la loque qui boit jusque pas d'heure.

tu deviens folle.
— margot

J'avais décidé d'aller chez moi sur un coup de tête. Mais en entendant ses paroles, je n'avais pas eu à réfléchir longtemps. C'était sûrement idiot, mais de savoir qu'elle n'avait pas dit à Eliot qu'elle tombait amoureuse de lui, me donner de l'espoir. Cela me laissait une infime chance de faire en sorte qu'elle ne lui dise jamais. Alors je roulais vers chez moi, lui expliquant pourquoi parce qu'évidemment, elle ne comprenait pas. Vu la conversation qu'on avait juste avant, je n'aurais pas cru à ce revirement de situation. Un frisson parcouru mon corps quand elle posait sa main sur la mienne. C'était dingue cet effet qu'elle avait et il fallait le dire, ça m'avait manqué. « Ne me remercie pas, c'est normal. » disais-je simplement, me garant sur ma place de parking, enfin arrivé devant mon immeuble. Je sortais de la voiture, suivie de Margot. On se dirigeait vers la porte de mon appartement, je ne disais rien. Sauf que je captais, d'un seul coup, m'arrêtant devant ma porte pour me tourner vers elle. « Mmh, tu ne regardes pas ma table. Il y a peut-être des choses pas très... légales dirons-nous. » disais-je avec une légère grimace, ouvrant quand même la porte pour rentrer à l'intérieur. Bonsoir les rails de cocaïne sur la table.

tu deviens folle.
— margot

Non je ne comprends pas son comportement mais je vais pas m'en plaindre pour autant. J'en suis arrivée à un stade où je profite de chaque seconde aux côtés d'Adriel comme si c'était la dernière,  et si je pouvais encore gagner quelques heures... Juste quelques heures... Je les prendrais. Tout ce qu'il me donnera, je prendrais, et demain quand j'aurais complètement décuvé je veux encore me souvenir de tout dans les moindres détails. Le pire, et surtout le meilleur de ce soir, comme ma main sur la sienne, le fait qu'il ne me repousse pas. « Ne me remercie pas, c'est normal. » Je hausse une épaule en silence, et lorsqu'il se gare finalement, je me décide à remettre mes talons pour le suivre en sortant de la voiture. Le tout en évitant de me casser la gueule. C'est seulement une fois devant sa porte qu'Adriel repris la parole. « Mmh, tu ne regardes pas ma table. Il y a peut-être des choses pas très... légales dirons-nous. » Je fronce les sourcils, marmonnant un « D'accord... » Sauf qu'évidemment des qu'il ouvre la porte, mon regard dévie malgré moi vers la table. J'inspire un coup, tourne les yeux vers Adriel en priant qu'il ne m'ait pas vue. « J'ai pas vu. » Faux. Mais comme pour prouver ma bonne volonté je me planque dans le couloir. « Je... Je peux te piquer un verre d'eau ?  » Je suis perdue, je sais pas comment agir avec lui, je sais plus ce que je peux me permettre ou pas,  et ça me trouble.