Citant de vagues plans, d'improbables hypothèses de ce qu'on pourrait faire si j'étais là avec lui, je l'entends me demander si j'ai le mal du pays. "J'ai des coups de blues par moment, oui." Admis-je. "Tout ça t'arrive encore?" Le questionnais-je. Parce que je sais que ça fait plus longtemps que moi qu'il est à Harvard, mais peut-être que ça lui arrive encore, qu'il sait ce que c'est. Ou qu'il n'a jamais vraiment senti ça au final, que ça ne l'affecte pas particulièrement et qu'il s'adapte plutôt bien au changement. "Je me dit que j'ai quand même vécu plus de 20 ans au même endroit... Moi qui aie pas le sens de l'orientation, les quartiers, je les connaissais. C'était rassurant, d'un sens." Expliquais-je. "Un truc que j'aimais, c'était de voir à quelle point, en deux stations de métro, tu pouvais changer d'univers. Passer du quartier des Arts, au quartier chinois, puis au Vieux-Port. Tout le mélange de culture..." Fis-je sans terminer ma phrase. C'est pas la même chose sur le campus. Pas les mêmes ambiances. C'est pas pour autant désagréable! Faut pas voir tout noir, non plus! "J'ai juste pas encore trouver mes marques à Boston. C'est une question de temps, t'en fais pas." Ajoutais-je en riant. Je le taquine ensuite un peu sur la langue parlé, parce que je sais que ça l'embête quand je parle français en sa présence, parce qu'il ne comprend pas. J'essaie de faire attention, mais j'avoue que je me laisse parfois emporter. Lorsque je l'entends dire "Bonjour" aussi simple que ce soit, je ne peux pas m'empêcher de sourire comme un bien-heureux, me laissant retomber sur le lit. "Joli ton accent." Commentais-je doucement, sincère. "Tu peux aussi dire 'Comment ça va?' qui veut dire 'How are you?' " Suggérais-je. "J'ai le droit de dire que je trouve ça adorable de ta part? Même si c'est juste un mot." À défaut de dire "mignon" parce qu'il n'aime pas. Ou du moins pas pour lui.