Et en plus il ne sait pas conduire... La voiture pile brusquement à l'un des dernier carrefour de la ville, tentative désespérée de Boden encore une fois je suppose pour tenter de me faire fuir. Les paumes plantées sur le tableau de bord, c'est dans son regard que je viens river le mien, satisfait d'avoir pu l'exaspérer à ce point. '' Dans tes rêves qu'on va divorcer, ta sœur je l'aime et j'ai jurer de l'aimer jusqu'à ma mort.'' Et reprenant une position un peu plus confortable, c'est à mon tour de répliquer le temps que le feu ne nous donne à nouveau l'autorisation d'avancer: « Dans mes rêves,  jamais tu n'aurais pu l'approcher. » Sur ce il me gratifie d'un doux surnom en embrayant comme un dératé dès le vert passé.

Quelques minutes plus tard je végète déjà, calé dans mon siège un sourire déplacé à l'idée que de nous deux il soit le plus agacé et ferme les yeux. Quitte à mourir, j'aimerais autant que ce soit en oubliant sa gueule mais un son obsédant me tire de ma semi-torpeur. Alors une paupière légèrement relevée j'aperçois un nom s'illuminer ce qui me permet à moi aussi d'identifier l'appelant. Erik Boden, sans doute le père du crâneur. Mais le blanc de pine n'ose répondre et se contente seulement d'éluder l'appel de sa commande au volant. On n'ose pas parler devant le beau-frère... je comprends. « Mais j't'en prie, réponds donc à Monsieur l'ministre. C'est encore légal...»

'' Et ainsi te donner le privilège de connaître d'autres choses sur moi? pitié fou moi la paix.. Érik c'est pas mon père mais mon frère ainé.'' Et là silencieusement au lieu de penser à ma connerie, je remercie le ciel de n'avoir une autre sœur à offrir à cette famille. La voiture s'engage sur une départementale peu empruntée vu le bord de chaussée à priori négligé, nous voilà encore coincés pour 25 bonnes minutes de torture.  Je dois admettre que je n'ai pas foutu le pied depuis maintenant cinq bonnes années au chalet et ces montagnes que je connaissais autrefois n'ont plus rien de familier ce qui leur donne soudainement un nouvel attrait. '' tient admire la vue, tu es pro dans l'art de disparaître dans la nature et ça sans le dire a ta famille , tu va te sentir comme chez toi non?'' La question n'est pas sans me faire sourire car pour une fois le Boden n'est pas loin de la vérité. Alors observant les cimes finement saupoudrées de neige, je ne peux qu'aller dans sa direction, murmurant amèrement «  Ouais, le seul problème vois-tu....»  lorsque mes yeux vont chercher les siens.  «  C'est que je n'aime pas laisser derrière moi de témoin. »  Autrement dit, il disparaitra avec moi.
Et ce n'est pas peu dire lorsqu'un peu plus loin sur cette route abandonnée un sanglier se décide de traverser la chaussée...

Bien évidemment que j'avais vu la bête mais je pensais sincèrement que Jake l'avait aussi aperçue histoire de l'éviter à temps. Au premier écart ce sont mes mains qui viennent se supplanter au tableau de bord, les traits contrariés lorsque malheureusement je sens la voiture patiner sur le bas coté. Il est trop tard pour récupérer la trajectoire du véhicule alors que j'ai moi aussi ce réflexe stupide d'appuyer du pied. La voiture  dévale la légère pente arborée et j'en suis à m'agripper vivement à la fixation du plafonnier, priant qu'on puisse débouler dans une clairière sans la moindre gravité. Mais non c'était trop demander. A peine quelques secondes à jouer entre les pins qu'un tête à queue est amorcé pour finir par nous planter dans un tronc. Le choc est tel que c'est le coup du lapin assuré.

Alors après avoir comaté quelques minutes les yeux clos, je reprends faiblement mes esprits en me découvrant une douleur lancinante dans la cage thoracique. Et pas moyen d'y toucher sans aggraver les symptômes. Cet abruti aura bien réussi son coup s'il avait dans l'esprit de me les briser. Puis regardant justement le di conducteur, je l'aperçois lui aussi en mauvaises conditions. « Putain je l'ai buté ce con... »  Avec de faux espoirs, je vais donc poser mes doigts sur son cou et malheureusement y découvre un pouls. C'est donc un peu soulagé que je reprends ma position latente et souffle tout en redécouvrant au travers des vitres brisées notre environnement. L'air frais s'engouffre rapidement, bien trop rapidement. Il faut partir d'ici sans quoi même si le choc ne nous a pas tué sur le coup, la fraicheur de la nuits'en chargera. J'espère seulement que Clea réagira assez vite face à notre retard. D'ailleurs en parlant d'elle, ma main vient aussitôt rechercher dans la poche de ma veste de quoi tenter un appel et vois avec effroi qu'aucun réseau ne dessert l'endroit. Évidemment, nous sommes perdus en pleine montagne sur une route qui n'est seulement empruntée que pas les rares chasseurs du coin. La ceinture de sécurité est débouclée avec lenteur, sans doute parce que chaque geste amplifie la douleur et murmure à son intention le regard rivé vers les sous-bois « Et toi qui voulais me voir disparaitre dans la nature.... » Je ne sais pas ce qu'il a et personnellement je ne me vois pas supporter un tel poids mort très longtemps, alors mieux vaut qu'il reste là à m'attendre. Mais à peine suis-je sorti du véhicule que je crois l'entendre geindre.

"Hey...lâche". J'arrive enfin de l'autre coté du véhicule en ayant contourné le pied explosé du tronc qui s'est écrasé sur la tôle de la berline, dépourvu de chaussures puisqu'elles ont volé dans l'accident. Ce n'était pas une hallucination, Boden dont les traits dépassent de l'air bag dégonflé, bouge faiblement les lèvres. Me soutenant péniblement d'une main sur la carrosserie, j'hésite un instant à le laisser s'étouffer dans sa propre merde pour répondre à l'appel de cette nature sauvage. Disparaitre encore une fois, prétexter qu'il m'ait laissé sur le bord de la route durant le trajet pour n'avoir jamais eu l'occasion de pourvoir le sauver. Clea subitement veuve, héritière d'une fortune dont je ne soupçonnais même pas l'existence...

Mais il y a un problème dans ce magnifique décors que je tente d'implanter: mon sang laissé dans l'habitacle de sa voiture. Alors que je fais quelques pas de plus pour m'écarter et abandonner le véhicule, je malaxe machinalement ma nuque et découvre sur mes doigts quelques traces partiellement coagulées. J'ai du dans l'accident me couper avec quelques éclats de verre. Mon plan vient de tomber à l'eau subitement lorsqu'il  se met à tousser, forcé de constater qu'il est bel et bien conscient et que son agonie risque de prendre un bon moment. " Aide-moi...." Et alors que je suis toujours figé à quelques pas de la carcasse, une fine buée s'échappant à chacune de mes douloureuses respirations, j'exulte avec colère: «  T'es pas décidé à crever...» Mon regard se perd dans la foret pour souffler, exaspéré par ce que le sort m'a réservé dans son infinie bonté « Me fera chier jusqu'au bout » . Après quelques secondes de réflexion je reviens au véhicule, boitant dans la terre du sous-bois pour me vautrer sur sa portière et tenter de l'ouvrir mais en vain. La voiture lors de son 360 a dû percuter un arbre à cet endroit précis ce qui rend toute tentative inutile. Il faudra passer Boden par la vitre brisée. Alors après avoir abaissé la manche de mon blouson, les débris restant sont expulsés histoire de ne pas le blesser d’avantage lorsque je vais essayer de l'en extraire. Mais les douleurs lancinantes qui m'irradient des cotes jusqu'à mes organes me reprennent dès que je tente de l'attraper. « Va falloir y mettre du tien. »

" J'ai pas l'intention de mourir...désolé je te déçois.." C'est une habitude chez toi, ne t'inquiètes pas. Combien nombre de fois j'ai voulu avoir sa peau et combien de fois il a réussi à s'en sortir in extrémiste, s'en devient affligeant. Alors même si je lui apporte mon aide quelques minutes, j'espère bien qu'il crèvera en chemin et ma conscience sera lavée de tous remords. Boden sort enfin le bras de l'habitacle en gémissant à voix faible: " Vas-y je suis prêt..." Un dernier regard sur les alentours, l'oreille attentive quant au moindre bruit de voiture qui nous permettrait de nous en sortir mais rien, seul le silence de cette nature de plus en plus hostile. Je ne sais ce qu'il fabrique à l'intérieur mais il réussi tout de même à s'élever suffisamment pour que je puisse l'extirper tant bien que mal du véhicule avant qu'il ne s'écrase au sol lorsque mes jambes fléchissent sous son poids. En piteux états, nous nous adossons à la carrosserie défoncée quelques secondes histoire de reprendre notre souffle.  « Fais-moi penser à remercier Clea...» pour ce séjour formidable. Et m'appuyant sur l'humus pour me redresser péniblement, je vais en direction du coffre enfoncé pour récupérer ce qui pourrait être sauvé. Il n'y a pas grand chose à l'intérieur hormis mon sac de sport où je sais cachée une bouteille de scotch. L'alcool, il n'y a que çà de vrai en toute occasion. Et dire que je la conservais pour une seule et unique raison: trouver le sommeil rapidement en les sachant tous deux dans la même chambre le soir venu. La bouteille ouverte, son goulot trouve très vite mes lèvres pour quelques gorgées avant d'être refermée puis balancée aux pieds de Boden qui lui, trouvera certainement à redire à cette façon d'atténuer la douleur.