Le cours passait si longuement que cela en était un supplice. L’homme qui se tenait en face de toi était le stéréotype même du professeur qui parlait à deux à l’heure, s’arrêtant toutes les cinq secondes semblant être pris d’une diarrhée soudaine. C’était plutôt triste à voir, il te faisait même pitié. Il faut dire que ses élèves n’étaient pas mieux dans leur genre. On aurait dit de vrai zombie, incapable d’articuler la moindre réponse. Surtout la fille a coté de toi qui ne semblait pas avoir inventé l’eau chaude, genre elle n’a jamais dû avoir cette petite ampoule qui clignote au-dessus de sa tête. En effet, cela faisait cinq bonnes minutes qu’elle nettoyait, asticotait ses crayons, les tenant comme si ça vie en dépendait, tel un bébé accroché à son biberon. À croire qu’elle faisait sa petite vaisselle, normal.  Toi tu la regardais faire avec le plus grand désarroi. Elle te donnait chaud à bouger dans tous les sens, elle était rapide dans son genre. Par simple opposition, tu t’amusais à faire tomber sur le sol les stylos qu’elle venait de nettoyer. Occupation douce et éphémère pour faire passer le temps, même si cela en était presque risible. Puis, alléluia, se fut la fin des cours. Tous les étudiants ouvrirent les yeux, à croire qu’il venait de recevoir le plus magnifique cadeau un soir de réveillon. Tu te levas d’un bon, suivant le mouvement de cette foule. Il fallait que tu te dépêches, sinon tu allais le louper. Alejandro. Néanmoins en ce quatrième jour de reprise, les élèves avançaient à une lenteur horripilante. Tout comme on pouvait être photosensible au soleil, eux semblaient l’être au cours. C’était une assertion, une vérité universelle en somme. Au bout de quelque seconde tu arrivas enfin à hauteur du secteur où se déroulait son cours. Il devait avoir loi ou un truc du genre. Oui, tu avais réussi à te faufiler tel un petit lutin, dans les bureaux administratifs pour récupérer son emploi du temps. Cela en avait été presque trop simple. Tu attendis derrière la porte, toute excitée de le revoir. Puis tu vis cette silhouette si familière, cette touffe de cheveux se distinguer du lot alors ni une, ni deux, tu sautas sur lui en mode grosse dingue, criant 'Alejanndrooo.' Des élèves pourraient penser que tu chantes la chanson de lady gaga, bah nan. L'homme se retourne et c'est pas lui. À part s'il a fait de la chirurgie esthétique à la michael jackson. T'es parfois trop bête comme fille, trop blonde.

Alejandro était dans son cours de droit fiscal, bien installé, son ordinateur portable dernier cri devant lui et prenait les dernières notes des dernières diapositives du professeur. En un regard vers la fenêtre, il apercevait le temps qu'il faisait dehors: beau et chaud, le genre de journée où il aurait préféré faire de la voile, mais voilà, la nécessité est la mère des tristesses. Tandis que le professeur affichait des tableaux avec des colonnes de chiffres, il revoyait les résultats électoraux à la tête de la maison eliot, élection qu'il a perdu. Même pas VP, ce qui aurait été une consolation, non, rien du tout, à peine devant Dante, un imbécile souffrant d'amnésie qui s'est porté candidat. Son orgueil en a pris un goût et même s'il sourit, même s'il fait l'homme au-dessus de tout cela, Alejandro avait été blessé, avec une drôle de sensation comme quoi plusieurs de ses pairs, prêt à lui accorder leur soutien, s'était simplement joué de lui. Perdre n'était pas dans ses habitudes, se sentir comme un perdant encore moins.

Alors ouais, autant se changer les idées et prendre des notes. Vêtu d'un shirt blanc à manches longues avec quelques boutons en haut, pantalon chic beige, il ne s'était pas rasé la veille, mais cela ne lui faisait pas une barbe non plus, plutôt un petit look hispano. À la première occasion, il comptait remettre ses lunettes fumées aussi, une fois dehors, accrochées pour le moment au devant de son shirt. Les manches retroussées, il eut un regard vers l'heure affichée dans le coin de son portable. Plus que cinq minutes.

Le cours terminé, l'Espagnol se levait et rangeait son ordinateur dans son sac bandoulière et jetait un coup d’œil à son téléphone, histoire de voir s'il avait eu des messages et d'y répondre. Ce faisant, il saluait une fille, une connaissance à lui, puis un mec aussi, qui demandait une occasion de revanche au squash et Alejandro promettait bien, mais pas cette semaine. Cette semaine, il avait décidé de se donner du recul, vous voyez?

Une fois la bandoulière contre son épaule, il quittait doucement et parmi les derniers la salle de cours, puisque tout le monde avançait telle une horde dans un mauvais film de zombie ou une bonne série, à voir. Alejandro venait de passer le cadre de la porte de classe, lorsque son prénom retentit dans tout le corridor et le fit sursauter. Seulement, quand il vit la blonde qui avait crié cela, il se mit à rire de bon cœur. Sacrée Brynn! Qu'est-ce qu'elle faisait là?

-Brynn, par ici.

Fit-il entendre assez fort pour être entendu par son ex petite amie. Ouvrant les bras et vu comment elle s'y jetait et lui la serrait contre lui, ils avaient plus l'air amis, à tout le moins, qu'ex', mais qu'importe. Avec la main derrière la nuque de Brynn, l'autre cerclant le bas de son dos, il se permit même de la serrer un brin plus longtemps qu'un ami se le permettrait peut-être, puis alla déposer un baiser sur sa joue.

-Quelle surprise tu me fais là? Et tu sors de où? Qu'est-ce que tu fais à Cambridge?

Les questions le submergeaient, c'est normal non?

Son look!:

Brynn avait sans aucun doute voulu lui faire une surprise en venant le voir, puisqu'elle ne l'avait pas prévenu, ni par facebook, ou message texte, appel téléphonique. La seule façon dont Alejandro avait pu le savoir, un peu à la dernière minute, c'est quand il a entendu son prénom et vu une jolie blonde, difficile à manquer, faire une accolade à un mec qu'elle connait aucunement, mais qui, de dos comme de loin, lui ressemblait peut-être un brin, quoique, Alejandro ne trouvait pas!

C'est certain que de là où il se trouvait, l'Espagnol rigolait bien de voir la princesse se tromper de la sorte, mais il ne tarda pas non plus à donner signe de vie, ne cachant pas son étonnement, et ravissement, de la trouver ici. Après l'accolade et la bise de circonstances, le beau brun demandait à son ex, ce qu'elle faisait ici. Avec un beau sourire, visiblement plutôt fière d'elle et de prendre Alejandro au dépourvu, ce qui n'est pas rien, le jeune homme étant d'une perspicacité certaine, elle se plaisait bien à se faire vague et à se jouer de lui. Qu'importe, elle était là, c'est l'essentiel.

-Je suis content de te voir moi aussi, bien sûr. Si je réfléchis un peu, j'imagine que mettre la main sur mon horaire n'est pas trop difficile pour toi, charmante comme tu es, intelligente comme je te connais. En revanche, je me demande si tu as fait un vol Europe-Amérique uniquement pour me voir et me faire cette belle surprise.

Si tel est le cas, alors Alejandro prendra cela comme un signe que depuis leur rencontre sur ce yacht en Espagne, retrouvailles en quelque sorte, qu'elle a décidé qu'il était temps qu'ils reprennent contact et peut-être, reprennent ce qu'ils ont arrêté il y a de cela des années maintenant. Difficile de se faire à une autre idée, quelle fille se donnerait autant de trouble pour simplement voir un mec et aller prendre un café avec lui? À moins que justement, cela n'ait pas été autant de trouble que ce qu'il suppose.

-Cela te dérangerait de m'accompagner dehors? Je viens de passer la journée assis et à l'intérieur à écouter de vieux sages m'enseigner les lois de ce monde, mais du soleil et de la vrai air me feraient le plus grand bien.

Avec l'accord de la princesse, il put marcher avec elle et se diriger vers la porte qui donne sur l'extérieur la plus proche, discutant toujours avec elle en chemin, il put mettre ses lunettes de soleil, comme il en avait l'intention à la sortie de la classe. Alejandro n'en revenait toujours pas de voir Brynn et ses méninges tournaient sans cesse en ce moment. Faut dire qu'elle ne lui avait pas donné le moindre indice!

Alejandro se demandait bien ce qui amenait Brynn à Harvard et il se prit à se demander: lui? Ce serait bien possible après tout, la princesse est du genre à faire des petites folies du genre, mais d'un autre côté, il était un tantinet sceptique, sceptique vis-à-vis ses propres pensées, pas vis à vis de Brynn. D'abord, avec un sourire teinté de malice, elle lui fit une réponse qui laissait entendre qu'Alejandro pouvait toujours espérer ce à quoi il pensait, puis, elle fit une affirmation qui venait un peu contredire ce qu'elle venait de dire. Si elle avait pris un avion pour venir sur la côte est américaine, ce n'était pas juste pour le voir, mais pour joindre l'utile à l'agréable, pensa-t-il.

-Si, je crois souvenir, plutôt beau garçon, intelligent, qui te fait rougir simplement en te comparant au soleil, je me rappelle.

Il se souvenait encore assez bien de cette journée sur le yacht et des discussions qu'ils y ont eu, chacun rattrapant un peu le temps perdu. Puis, l'Espagnol arrangea un peu son hypothèse, qu'il exprimait à voix haute, toujours dans ce corridor en face de sa classe de la fac de droit.

-J'en déduis que tu as pris un vol, peut-être pas strictement pour me voir, mais que tu as joint l'utile à l'agréable.

Chose certaine, Brynn aime entretenir le mystère et Alejandro manquait un peu d'éléments pour comprendre vraiment ce qui se passe. Vous avez déjà été à Harvard? C'est immensément grand, des milliers de personnes y bossent, y étudient et du coup, si on n'appartient même pas à la même faculté, même maison étudiante, très difficile de croiser quelqu'un de spécifique. Alors non, il se doute pas qu'il a une harvardienne devant lui.

Alejandro avait besoin de soleil, comme il a besoin de la mer parfois, raison pour laquelle il a un appartement à Boston plutôt qu'à Cambridge. Brynn l'accompagnait dehors sans hésiter et puis s'amusait à lui faire des petites remarques qui le firent rire. Voilà son ex' qui lui vantait les fesses de certains mecs du coin. Pourtant, il répond avec un sourire qui trahissait un regard plus vague, plus incertain.

-Oh si, je me plais... Les filles ici ne sont pas uniquement jolies, elles sont intelligentes, cultivées, bien élevées, mais avec cette singularité américaine, moins chaleureuses que les filles en Espagne je te dirais. Quoique, j'ai rencontré cette fille de la Floride l'autre jour...

Le beau brun se mit à rire et laissa cette histoire en suspens.

-C'est beaucoup plus intéressant à la Eliot House, disons que cela permet de faire un certain tri.

Puis, c'était son tour de poser, encore hey oui, des questions.

-Et toi? L'Amérique te plait?

Peu après avoir posé cette question, il pouvait pousser la porte et laissait, bien sûr, passer la princesse en premier, avant de suivre derrière elle et lâcha une expiration de contentement une fois qu'il se retrouvait dehors.

Ah Brynn... Elle pense être mystérieuse et elle l'est sur certains éléments, mais sur d'autres, elle est telle un livre ouvert et quand elle rougit, Alejandro est bien placé pour savoir que ce n'est pas le soleil ou la température qui la fait rougir, mais bien autre chose, surtout quand il vient de sortir une de ses charmantes phrases.

-Le soleil? Si, si, je te crois princesa...

Comme dans « pas le moins du monde ». Puis après, peut-être pour se venger un brin d'avoir été prise sur le fait, elle sous-entendait qu'il n'était pas si beau que cela. Fallait la voir le pavaner à toutes ses amies quand ils sortaient ensemble, Brynn semblait penser tout autrement. Tentant  de rester de marbre, il rétorquait tout de même:

-Le garçon en question est ton ex' tout de même...

Alors si elle ne le trouve pas si beau, soit que c'est faux, soit elle lui trouvait d'autres qualités et Alejandro pencherait plutôt pour la première option, vu qu'en règle générale, enfin, on se tourne quand il passe quoi. Sur le mystère de la présence de Brynn, qui aurait bien pu prendre un vol ou jet privé, c'est que 8 heures de l'Europe de l'Ouest à la côte est américaine après tout, ce matin et venir lui dire coucou cet aprem', Alejandro n'était pas plus avancé. Pour l'heure, il hocha de la tête et décida de juste profiter de la présence de son ex' sans plus se poser de questions. Inutile de verser dans l'interrogatoire après tout!

La princesse était curieuse de savoir comment il trouvait les États-Unis, ainsi que les jolis spécimens qu'on y trouve, comme partout ailleurs. Ici, c'est le vaste melting pot, il y a de tous les mélanges, tous les styles, tout le monde y trouve son compte, même celles qui s'intéressent aux marques de jeans et ceux qui n'en ont que pour les filles de bonnes familles.

-Dommage que je n'en porte pas. Je passe le test du look au moins?

Puis Alejandro parlait de sa maison, de comment c'était, ce qui faisait naître d'autres questions de la part de la belle blonde à ses côtés.

-C'est une maison mixte oui, une sorte de regroupement d'étudiants si tu veux et s'il y a quelques gars du type dont tu parles, d'autres ont plus mon profil si tu veux. À moins que tu me catégorises chez les gros durs tout en muscle?

S'interrogeait-il avec un petit sourire en coin. Une fois dehors, c'était à son tour de demander comment elle trouvait les États-Unis, même s'il se doute que ce n'est pas la première fois que Brynn y met les pieds, en bonne globe trotter qu'elle est. En tout cas, sa réponse fut assez brève. L'Espagnol continua à marcher jusqu'à apercevoir une sorte de petit talus où les étudiants ont tendance à s'asseoir ou même à pique-niquer. Alejandro y posait son sac et s'assoyait comme ça, dans l'herbe.

-Tu restes quelques jours dans le pays ou tu repars bientôt?

Alejandro a sa fierté, cela a toujours été et s'il y a bien une chose que Brynn aime faire, c'est de le taquiner et de grafigner cette fierté. Alors de sous-entendre qu'il est laid ne l'étonnait pas vraiment de la part de la blonde, mais cela ne semblait pas le faire rire pour autant.

-Tant mieux, parce que moi non plus.

Du coup, cela les mettait sans doute sur un pied d'égalité, ah! Parions quand même que s'il était laid, Alejandro avoue être sceptique quant au succès qu'il aurait pu avoir auprès de Brynn.

La suite de la conversation le fit rire et pas qu'un peu. Tandis qu'ils étaient tout prêt de cette fameuse porte qui les menait dehors, au fil de la conversation, son ex' avouait, comme ça, qu'elle n'avait pas besoin de raison pour lui mater les fesses. À ce moment, il se mit à rire, de bon cœur, amusé par la déclaration. Hey bah!

-Bien ne te gênes pas, je t'en pris!

Ah Brynn, d'une franchise toute naturelle, un brin gaffeuse peut-être, mais c'est bien pourquoi il l'adore. Peu après, la belle blonde pouvait juger de sa tenue et comme elle arrêtait de marcher, il fit de même, prenant une petite posture digne d'un mannequin de la mode. À croire qu'il en a été un dans une autre vie! Il passa la tête et après, le duo reprit sa marche, Alejandro avec un petit sourire en coin.

Alors, Alejandro = monsieur muscle? Non, plutôt Ken, comme dans Ken et Barbie... À choisir entre les deux, il serait presque hésitant, mais bon, Brynn est clairement une barbie!

-Ken, il n'est même pas espagnol, mais je te vois bien en barbie!

Et tact! Enfin, ils se retrouvaient dehors et le jeune homme était curieux de savoir si la princesse resterait en Amérique quelques temps, à Cambridge si possible. Ça lui donnera une idée de s'ils vont se voir seulement aujourd'hui ou si ce sera possible de se revoir plus tard. La réponse qu'elle lui fit le poussa à se poser plus de questions encore. Silencieux, il hésitait à dire le fond de sa pensée, se contentant de sourire tandis qu'il regardait la belle Danoise tournoyer. Puis, elle échappa quelque chose ,qu'il devait ramasser apparemment.

Intrigué à souhait, Alejandro approcha et ramassa la carte aux pieds de Brynn. En l'approchant, il reconnu aussitôt le symbole de Harvard et la photo de son ex', pas mal en passant, qui allait avec. Il y avait son numéro d'étudiante et tout le tralala d'une carte étudiante normale quoi. Il comprit en moins de deux que son ex' venait de se jouer de lui et se leva.

-Rester plus longtemps que prévu... J'ai l'impression que tu vas rester un bon bout de temps oui, petite maline!

Le beau brun tendait alors la carte pour la lui rendre et ne cachait pas son amusement. Après, quand elle le reprend, il pose ses mains sur les épaules de son ex', plongeant son regard dans le sien.

-Tu te rends compte de ce que cela signifie?

Alejandro ne laissait pas le temps à Brynn de répondre ou même de réagir, qu'il tentait de la faire tomber au sol en lui faisant un croc-en-jambe. Si elle tombe, il se jettera sur celle qui est au sol, enfin, jeter, c'est un grand mot. Couché au-dessus de la blonde, il lâchera alors avec un air amusé:

-Ça, c'est pour m'avoir mené en bateau depuis tout à l'heure!

Si bien sûr elle ne tombe pas, bien faudra revoir tout ce qui se passe!