« Pourquoi je t'aime..? », demanda-t-elle calmement. Personne ne m’avait aimé. Du moins, toutes les filles que j’avais apprivoisées, au fond, aucune d’entre elles n’avaient essayées de me connaître, n’avaient essayées d’avoir quelque chose de plus de moi, à part le sexe. Aucune n’avaient voulu, ou avaient essayé de tomber amoureuses de moi. C’est pour ça, que j’avais posé la question à Roxanna, même si elle paraissait débile. C’est vrai que quand Apple m’avait dit qu’elle allait me présenter des amies à elle, jamais je n’aurais cru qu’elle réussirait son coup et que je tomberais amoureux. Encore moins, que je tomberais autant amoureux que je l’étais de Roxanna. Je fermais les yeux en sentant sa main sur ma joue, et je sentais mon cœur s’emballait comme un dingue. Un frisson me parcourant en sentant ses doigts glisser jusque mon cou, mon épaule et mon dos. « Je sais pas si ça peut s'expliquer comme raison. J'ai moi-même pas tout saisi lorsque c'est arrivé mais ... » je ris légèrement, regardant la faible lumière qui passait à travers les rideaux de ma chambre, me délectant de chacune de ses caresses en l’écoutant parler. « Ce soir-là, au restaurant, je m'attendais à faire une rencontre parmi tant d'autres, un type tout simple qu'Apple voulait me présenter, qui ne s’intéresserait pas à moi plus que ça, mais ... Dès le premier soir tu m'as inspiré confiance ... Tu t’intéressais à moi, et surtout, tu te confiais à moi ... Ça m'a tout de suite touché. » Un sourire se dessina sur mon visage. C’est vrai que j’avais vite réussi à me mettre en confiance avec elle, mais c’était quelque chose que je n’arrivais pas à expliquer. « Et puis tu m'as accepté telle que je suis, avec mes défauts, mon passé ... tout ça. Enfin voilà.. Tout ce que je sais c'est que ... J'ai jamais été amoureuse par le passé ... Et avec toi je vois toute la différence entre être attirée, et aimer, vraiment. »

J’approchais mon visage du sien, posant mon front contre celui de ma petite amie en me pinçant les lèvres. C’était bête, mais le fait qu’elle dise, clairement, qu’elle était amoureuse de moi, me faisait quelque chose. A chacun des je t’aime de Roxanna, je ressentais ce petit truc dans ma poitrine, des petits papillons dans mon estomac. Je glissais mes doigts sur son bras, même dans le noir j’arrivais à voir ses grands yeux bleus me fixer. « J’t’avoue que…au départ, c’est quand j’ai vu…tes marques sur tes poignets que ça m’a mis en confiance… » Je fronçais légèrement les sourcils, ça avait l’air idiot, mais de me retrouver face à quelqu’un qui, apparemment avait aussi eu une vie difficile, ça m’avait aidé à me dire qu’elle pourrait peut-être me comprendre, ne pas me juger ou ce genre de choses. « Mais j’regrette pas… », continuais-je en murmurant avant d’ajouter calmement, « T’es la meilleure chose qui m’soit arrivée.. » Je la serrais un peu plus contre moi et je lui souris timidement avant de fermer les yeux, sentant un mal de tête arriver d’un coup.

Tomber amoureuse de Jude avait autant changé ma vie dans le bon que dans le mauvais sens. Quoique... Je dirais quand même plus le bon. La jeune danseuse relativement effacée que j'étais était brusquement passée au premier plan des discussions malhonnêtes. On parlait de moi dans mon dos, on enquêtait sur mon passé, déterrait des choses dont je n'étais pas forcément fière, ou pire, on inventait les pires horreurs dans mon dos. La drogue, les tromperies, tout. A force j'apprenais progressivement à me forger une carapace, et je me rassurais en quelques sortes en me disant que Jude vivait tellement pire que moi. Il avait vécu de telles tragédies de son enfance jusqu'à maintenant, de telles horreurs que personne ne savaient... Je comprenais qu'il ait pu plonger dans l'Enfer de la drogue, et qu'il ait tant de mal à en sortir désormais. Mais plus que ces rumeurs, Jude m'avait apporté quelque chose que je n'avais jamais connu. La sensation de quitter Terre dès qu'il me dit Je t'aime, l'envie d'aller plus loin dans la vie, de construire quelque chose avec lui. Je m'étais toujours limitée à me questionner sur ce que je ferais le lendemain, voir la semaine prochaine. Là, je me projetais dans les mois, les années, suivant la fin de mes études. Et cette sensation d'avoir enfin envie d'un avenir, était délicieuse. Depuis un peu plus d'un mois, je n'étais plus un automate qui se laissait vivre. Je vivais. Pour de vrai.

Alors que je terminais de parler, je sentis le souffle de Jude se rapprocher progressivement de moi, jusqu'à ce que son front se colle délicatement contre le mien. Ses doigts glissaient doucement sur la peau de mon bras, me faisant redresser la tête dans sa direction. Un frisson léger me parcourut à nouveau, et mon regard azuré ne quittait pas le sien, malgré l'obscurité nous entourant. « J’t’avoue que…au départ, c’est quand j’ai vu…tes marques sur tes poignets que ça m’a mis en confiance… » Murmura Jude, me faisant instantanément rougir. Je passais directement le pouce de ma main gauche contre mon poignet droit, ou je sentais les marques, sans doute à vie, de mes erreurs d'adolescences. Je hochais doucement la tête, comprenant ce qu'il voulait dire. Je pense que, d'ailleurs, c'est aussi le fait qu'Apple, et Jude lui même, m'aient parlé de son enfance difficile, de son côté "déprimé", qui m'a aidé à me confier plus sereinement. Jude enchaina alors : « Mais j’regrette pas… T’es la meilleure chose qui m’soit arrivée.. » Je me blottis dans ses bras doucement, glissant de nouveau mes mains dans son dos en rencontrant ses lèvres avec les miennes. Après les avoir séparées, je dis doucement, alors qu'il fermait les yeux. « Je pourrais jamais regretter... J'ai jamais été aussi bien qu'à tes côtés ... » Je passais une main sur sa joue, le voyant froncer les sourcils, et je l'imitais presque directement, inquiète. « Ca va pas mon coeur...? » Je remontais ma main le long de son visage, la passant dans ses cheveux, l'inquiétude se peignant sur mes traits fins.

Dans mon esprit, l’amour était forcément relié à la tristesse, ou à une fin tragique. Je n’avais jamais pu croire qu’un amour pouvait durer longtemps ou être éternel. Non pas parce qu’on ne pouvait pas aimer une personne longtemps, mais parce qu’il peut y avoir des millions de choses qui peuvent séparer deux personnes qui s’aiment, et je l’avais assez bien vu avec ma mère. Je me rappelais encore, de l’année qui avait suivi la mort de mon père : ma mère était tout simplement inconsolable. Elle avait le regard vide, et elle ne souriait jamais, ne riait jamais. Sauf pour moi, mais je n’étais pas totalement dupe et même si j’étais jeune, je voyais bien qu’elle était malheureuse. Nous allions au cimetière toutes les semaines, c’est peut-être pour ça que je n’arrive pas à y aller trop souvent aujourd’hui. Passer des heures devant une tombe avec sa mère qui ne veut pas partir, ça n’est pas forcément joyeux. Enfin, à l’époque, j’avais l’impression que ma mère exagérait un peu, mais quand j’ai perdu Aurore, j’ai pu comprendre à quel point elle avait pu avoir mal et heureusement qu’elle avait été là pour moi, car elle seule avait su m’aider à faire le deuil et à oublier. Mais aujourd’hui, avec Roxanna, j’avais un peu d’espoir. L’espoir que cette fois, ça ne finirait pas mal, et que moi aussi j’avais le droit au bonheur. J’avais dû vivre assez de choses dans ma vie, j’avais envie d’arrêter les drames et de pouvoir enfin vivre comme un jeune homme de mon âge. J’aimais pouvoir ne plus avoir peur, ne plus avoir peur d’aimer.

Je la sentais se rapprocher de moi, et je la laissais faire, enroulant mes bras autour d’elle pour la coller à moi le plus possible. Je frissonnais légèrement en sentant ses doigts dans mon dos, et j’accueillais ses lèvres avec tendresse, prolongeant ce fin et doux baiser le plus longtemps possible. « Je pourrais jamais regretter... J'ai jamais été aussi bien qu'à tes côtés ... » Un léger sourire se dessina sur mon visage, gardant les yeux fermés. Je me sentais vraiment bizarre tout à coup, mais en même temps, le dernier vrai repas que j’avais mangé, c’était les pates carbo de Julian samedi soir. Depuis, je n’avais pas vraiment mangé, ou alors des carambars : tu parles d’un repas. « Ca va pas mon coeur...? » Je gardais les yeux fermés le temps de sentir sa main glisser sur mon visage avant de remonter dans mes cheveux. Je me risquais à ouvrir mes yeux, je pinçant un peu la lèvre avant de soupirer, « Petit moment de faiblesse…ça va passer… », murmurais-je calmement. J’esquissais un sourire pour la rassurer un peu et je passais ma langue entre mes lèvres, j’avais l’impression que ma gorge était sèche. « Faudrait que j’demande à William de m’apprendre à cuisiner, parce que d’après Julian faut que j’mange plutôt sainement pour m’aider à…rester clean », continuais-je avant de refermer les yeux en remontant une main à sa joue pour la caresser doucement.

Je pouvais sentir chaque mouvement du torse de Jude contre moi qui se soulevait et redescendait au fil de sa respiration calme. J'inspirais calmement l'odeur de sa peau, les yeux fermés, blottie dans ses bras qui me réchauffaient après que j'aie du affronter dehors le temps de rejoindre sa chambre. Bien vite mon corps avait retrouvé sa température normale, sous ces couvertures, les bras de mon petit ami enroulés autour de moi ... Je serais capable de rester ainsi durant des heures entières, des jours, qui sait, peut-être même des semaines entières. Hélas, j'avais aussi pleinement conscience du fait que demain, en me réveillant, il allait falloir que j'aille en cours de danse, pendant que Jude, lui, retournera à son stage à l'hôpital ... Et la vie reprendrait son cours, tristement. Je sentais dans l'expression de Jude, ou du moins, dans les quelques traits de son visage que je parvenais à distinguer dans le noir, que quelque chose n'allait pas, comme si tout à coup une migraine venait de le frapper. Inquiète, je me suis empressée de lui demander ce qui n'allait pas, et il soupira longuement avant de me répondre dans un murmure: « Petit moment de faiblesse…ça va passer… » Je me mordis la lèvre inférieure, tandis qu'il me faisait un sourire qui peinait à m'apaiser. Je posais à nouveau mon front contre le sien en attrapant une de ses mains dans la mienne, entrelaçant nos doigts doucement. « Dis moi si tu as besoin de quelque chose ... Je suis là. » J'étais on ne peut plus présente, et prête à l'aider du mieux que je le pourrais si il avait besoin de quelque chose que j'étais en mesure de lui apporter. Et même quelque chose qui était difficile à trouver, après tout, je suis une Eliot, je peux tout trouver avec un simple coup de fil. Mais je pense que la seule chose dont nous allions avoir besoin avec Jude dans les jours à venir, ce serait de la patience, et du courage. Jude dit alors, tout en caressant doucement ma joue. « Faudrait que j’demande à William de m’apprendre à cuisiner, parce que d’après Julian faut que j’mange plutôt sainement pour m’aider à…rester clean » Je fermais les yeux à mon tour, et hochais la tête de haut en bas, approuvant les paroles de Jude, et ainsi ce que Julian. A voix basse je répondis, en me pinçant la lèvre « Il a raison ... Et même si tu as besoin de quelque chose, je suis la reine de la restauration rapide, je peux t'apprendre deux trois trucs ... » J'ouvrais les yeux avant d'embrasser le front de mon petit ami doucement, ajoutant timidement « Je te lâcherais plus ... Tout ce que je pourrais faire pour t'aider, je le ferais ... Crois moi. »

« Dis-moi si tu as besoin de quelque chose ... Je suis là. » J’hochais la tête positivement : je lui disais oui, alors que je savais très bien qu’en vérité, je ne le ferais jamais. J’avais toujours détesté l’idée, de dépendre des autres. J’avais trop dépendu de mes parents durant des années lorsque j’étais malade. J’étais dépendant des infirmières qui passaient toutes dans la chambre avec leur petit regard qui en disait long sur leurs pensées, et sur le fait qu’elles étaient tellement désolée qu’un petit garçon ne moins de huit ans doive subir une chimiothérapie, doive subir une opération de la moelle osseuse. Et même si mes parents avaient essayés de rendre ma chambre d’hôpital la plus similaire possible à celle que j’avais à la maison, je détestais cet endroit. C’est drôle, qu’à l’époque je le détestais et qu’aujourd’hui, j’aie envie d’y travailler. Peut-être parce que quand on a six ans et qu’on pense déjà à la mort, la perception des choses et de la vie change radicalement. Je me contentais de resserrer ses doigts entrelacés avec les miens, sentant mon estomac se nouer à nouveau. Je ne voulais pas qu’elle soit inquiète pour moi, elle en avait déjà assez supportée lors de mes premières crises de manque. Elle n’avait absolument pas à subir ma rechute avec moi : elle avait déjà été blessée par les effets de la drogue une fois avec sa meilleure amie, et tout ce que je pouvais faire, c’était la protéger de ça avec moi. Je savais qu’elle voulait m’aider, mais je ne voulais pas qu’elle ait à trop subir tout ça.

« Il a raison ... Et même si tu as besoin de quelque chose, je suis la reine de la restauration rapide, je peux t'apprendre deux trois trucs ... » je lui souris à nouveau, je me voyais mal l’appeler pour lui demander d’aller me chercher un truc à manger, ça je pouvais le faire aisément. Je fermais les yeux automatiquement en sentant son baiser sur mon front, et un sourire sincère se dessina sur mes lèvres. « Je te lâcherais plus ... Tout ce que je pourrais faire pour t'aider, je le ferais ... Crois-moi. » J’approchais mon visage pour déposer un baiser au coin de ses lèvres et je caressais calmement son dos, sans rien ajouter dans un premier temps, nous laissant dans le silence complet alors que j’ouvrais les yeux pour la regarder dans les yeux, essayant de percevoir chaque détail de son magnifique visage. « Je sais… », murmurais-je en soupirant légèrement. « T’en fais pas…tout ce que j’ai besoin, c’est que tu sois là… » Je ris légèrement et j’ajoutais, « Même si tu restes là, dans mon lit à me regarder et à rien dire…ça me va, et ça m’aide… » Je déposais un baiser sur son épaule avant de m’approcher encore plus pour enfouir mon visage dans son cou, resserrant notre étreinte sous les couettes chaudes de mon lit, profitant de cette atmosphère, oubliant que quelques heures plus tôt, je pensais encore l’avoir perdu pour de bon..

Je sais bien que, quoi que je dise, Jude refusera mon aide. Plus encore que moi, il m'a dit qu'il ne supportait pas la pitié des gens, et c'est pour cette raison aussi que je m'étais senti immédiatement proche de lui. Il ne voulait pas dépendre des autres, ne pas avoir à leur demander quelque chose, quoi que ce soit. Et je voyais bien que, même si dans un sens nous étions devenus accro l'un à l'autre, nous ne dépendions que de notre présence mutuelle. Je ne me voyais absolument pas demander quelque chose à Jude, ce ne serait qu'avouer un signe de faiblesse, chose que j'ai toujours eue en horreur depuis mon plus jeune âge. En même temps, à l'époque, avouer la moindre faiblesse à mon paternel équivalait à signer mon testament et graver mon nom dans une pierre tombale. Quoi qu'il en soit, qu'il le veuille ou non, je savais qu'à partir de maintenant je viendrais fréquemment rendre des petites visites à Jude, et je songe même à me mettre à la pâtisserie histoire qu'il ne mange pas que des Carambars jusqu'à la fin de son sevrage.

Je pensais chacun de mes mots lorsque je disais que je serais là quoi qu'il arrive. Regardant Jude avec un fin sourire sur mes lèvres, il approcha alors doucement ses lèvres de la commissure des miennes pour y déposer un baiser léger. J'étais devenue brutalement muette, me concentrant uniquement sur sa peau contre la mienne, sa main dans mon dos, qui bougeait doucement. Silencieusement, nous nous sommes regardé alors un moment, sans rien dire, nous entendions à peine le raffut que les autres Mathers faisaient dehors, ou dans les couloirs. Je ne voyais plus que lui. Enfin, la voix de Jude, basse, se fit entendre pour briser le silence régnant dans la pièce. « Je sais… T’en fais pas…tout ce que j’ai besoin, c’est que tu sois là… » Il soupira, puis fit un rire léger, me faisant légèrement arquer les sourcils, intriguée, jusqu'à ce qu'il ajoute pour me sortir de ma curiosité « Même si tu restes là, dans mon lit à me regarder et à rien dire…ça me va, et ça m’aide… » Immédiatement, je ris à mon tour de bon coeur. Je redressais légèrement ma tête, riant aux éclats, avant de la faire retomber lourdement, prenant un faux air sérieux en observant Jude « Fais gaffe, j'en serais bien capable ! » Je tirais la langue, puis fis un sourire. Je glissais de nouveau mes mains derrière lui lorsque ses lèvres effleurèrent mon épaule, et le laissait calmement enfouir son visage dans mon cou, me rapprochant au maximum de son corps chaud. Ma main montait et redescendait le long de sa colonne vertébrale, calmement, et j'appuyais mon menton sur le haut de sa tête, avant de murmurer doucement « Rien que ça, te regarder, ça m'avait tellement manqué ces derniers jours tu sais ... » J'embrassais la partie de son visage que je pouvais atteindre, avant de continuer, plus bas encore, la gorge nouée « Je sais pas ce que j'aurais fait sans toi plus longtemps ... »

[color=#e0005a]Je n’avais jamais vu Roxanna en colère. Plusieurs fois, enfin, les seules fois où nous nous étions disputés, ça c’était fait par téléphone, et par téléphone, il est plus difficile de voir concrètement la réaction des gens. Quoi que, je préférais ça, plutôt que des disputes « en face » car quand je me mettais en colère, je pouvais devenir assez violent, dans le sens de taper dans les murs ou ce genre de choses bien sûr. Jamais je ne pourrais lever la main sur elle, jamais. Mais je ne voulais pas non plus lui faire peur, lui faisant repenser à son père qui était violent et qui avait dû lui piquer plus d’une colère. Mon rôle n’était pas de lui faire remonter des mauvais souvenirs, mais plutôt de lui faire oublier du moins, de lui laisser, des bons souvenirs. De la faire sourire, la faire rire, la faire rêver. Je n’exagérais pas, quand je disais que rien qu’elle soit là, ça m’aidait. La voir, là, dans mes draps, avec moi signifiait qu’elle était là, qu’elle était là dans ma vie et que aujourd’hui, les choses ne pourraient que aller mieux, puisqu’elle était là. Et c’était le plus important, qu’elle soit là. Ça avait l’air bête, et c’est vrai que je n’étais dépendant que de ça, de sa présence. Car tout ça, c’était pour elle, avant tout. Arrêter la drogue, faire moins la fête juste…devenir quelqu’un de bien. Et je pense que j’étais en train de réussir…

La jeune femme se laissa tomber sur le draps après avoir ris, je la regardais faire en me pinçant légèrement la lèvre, sans rien dire, l’écoutant juste parler. « Fais gaffe, j'en serais bien capable ! » Je ris avec elle, frissonnant en sentant ses lèvres frôler la peau de mon épaule. Je fermais les yeux rapidement, juste pour profiter, espérant juste que ça ne soit pas un rêve et qu’elle était bien là, qu’elle m’avait bien pardonnée. Chacune de ses caresses étaient un délice, et je me demandais comment j’aurais pu continuer à vivre sans tout ça. Comment j’avais réussi à survivre, tout ce temps sans elle ? J’avais eu de la chance, vraiment…tellement de chance…« Rien que ça, te regarder, ça m'avait tellement manqué ces derniers jours tu sais ... » Je ris, remontant mes doigts dans ses cheveux, les caressant doucement. Je refermais les yeux encore sous ses baisers, soupirant légèrement. « Je sais pas ce que j'aurais fait sans toi plus longtemps ... » Je sentais de l’émotion dans sa voix, et je me reculais légèrement pour pouvoir la regarder, sans me décoller d’elle, remontant un peu le draps sur nous après avoir été traversé d’un léger frisson. Je déposais un baiser sur le bout de son nez, puis, sur sa joue avant de lui murmurer calmement, « Plus la peine d’y penser… ». Je caressais mes lèvres avec les siennes, avant de les attraper pour l’embrasser tendrement, ajoutant par la suite, « Faut plus jamais qu’on se sépare comme ça…j’le supporterais pas… » Je fronçais légèrement les sourcils, lui souriant un peu avant de passer mon pouce sur sa lèvre inférieure avant de murmurer.. « Plus jamais….juré…. ? »

Si je suis d'un naturel très lunatique, je peux affirmer qu'il est relativement difficile de me pousser hors de moi. J'ai toujours tout fait pour demeurer le plus calme possible. Avoir eu un père violent m'a enseigné une chose principale : Plus tu te fais discrète, moins tu auras d'ennuis si ça dégénère. Les seules fois ou je me suis mise en colère les choses ont mal tourné : Je me suis disputé avec mon père, lui ai tenu tête, et je l'ai tué. Même si c'était un incendie provoqué à mon insu, si je n'avais pas quitté la maison ce soit là, ces bougies auraient été éteintes à temps, et rien de tout cela ne serait arrivé. Ceux qui connaissent mon histoire disent qu'en agissant ainsi je ne voulais que me libérer de son emprise. Je crois que, dans le fond, c'était également plus. Je me souviendrais toujours du sentiment de satisfaction que j'ai eu en voyant les pompiers emmener son corps hors de la maison. J'étais heureuse, soulagée. Et même si à bien des égards c'était compréhensible vu ce que j'ai enduré, je m’écœurais moi-même. Depuis, je m'étais juré de contrôler ma colère. Je ne voulais jamais qu'il arrive quelque chose à Jude, parce que j'aurais bêtement perdu mon sang froid. Je ne me le pardonnerais jamais.

Et voilà que nous étions là, en face l'un de l'autre, enlacés tendrement. Ma colère et mon manque de compréhension m'avaient plongée dans une rage telle, une tristesse si intense, que j'avais manqué de tout perdre par pur entêtement. J'avais de la chance. Jude ris, je faisant sourire tendrement lorsque sa main caressa mes cheveux dorés. J'étais sincère, lorsque je disais que je ne savais pas ce que je ferais sans lui. D'ici une semaine je serais sans doutes tombée dans une dépression pire que celle dans laquelle j'avais plongé ce week end. Je me serais enfermé dans ma chambre, refusant d'en sortir, même pour les cours. Je me pinçais les lèvres, ma gorge était serrée en prononçant ces dernières paroles. Avouer ma faiblesse n'a jamais été mon fort, mais je me devais de le dire à Jude. Sans lui je n'étais plus rien. Je redevenais Rox, cette étudiante effacée dont la vie n'était rythmée que par la danser et ses quelques potes. Jude recula son visage et je baissais les yeux timidement en sentant son regard sur moi. Alors qu'il remontait le drap sur nous, je l'attrapais pour en recouvrir mon épaule dénudée, avant de lancer un regard timide vers lui, m'observant toujours. Je fermais les yeux en sentant ses lèvres sur mon nez, puis sur ma joue. Un frisson me parcourut instantanément. « Plus la peine d’y penser… ». Je hochais la tête silencieusement, esquissant un fin sourire alors qu'il caressait mes lèvres avec les siennes. Le genre de chose qui fait inévitablement que j'ai envie de l'embrasser, chose qu'il fit avant moi. Je portais mes mains à son visage, caressant sa joue délicatement en approfondissant le baiser. Bon sang, je ne voudrais jamais quitter ce lit. « Faut plus jamais qu’on se sépare comme ça…j’le supporterais pas… » Je me mordais la lèvre inférieure en hochant à nouveau la tête. J'entrouvris à peine mes lèvres en sentant son pouce passer sur ma lèvre inférieure.« Plus jamais….juré…. ? » Tendrement, j'attrapais sa mains dans la mienne, l'embrassant doucement. « Juré ... J'aurais plus jamais la force de me tenir loin de toi de toutes manières ... » J'attrapais de nouveau ses lèvres contre les miennes avec tendresse et douceur, le serrant contre moi. Entre deux baisers, je soufflais alors « Je t'aime ... » Je reculais mon visage, posant mon front contre le sien : « On devrait peut-être dormir, ou demain le réveil va être rude ... »