Je n'avais pas songé au fait qu'à cette heure ci le bâtiment des Mathers puisse être encore plein. C'est vrai, chez les Eliots, presque tout le monde dormait déjà, ou s'occupait dans sa chambre, j'avais donc filé sans réfléchir, sans me changer, ne m'inquiétant pas de croiser qui que ce soit. Mais c'était sans compter sur le fait que les Mathers étaient d'incorrigibles fétards et les rois de la nuit blanche. Fort heureusement, je ne dut traverser les couloirs que le temps de rejoindre la chambre de Jude. Il faisait étrangement frais dans la chambre de Jude d'ailleurs, en contraste avec les couloirs des Mathers. J'en déduisit qu'il venait d'ouvrir sa fenêtre, et visiblement, lorsque j'arrivais, il rangeait ses cours. Je me souvins que, au téléphone, je l'avais entendu retourner sa chambre sous la colère, ou le manque, ou... Je ne sais quoi. Ses feuilles de cours étaient toutes sans dessus dessous. Je détournais bien vite mon regard de celles ci en me mordant la lèvre inférieure, et m'installais sur le lit de Jude en silence. Il retourna s'assoir sur son tabouret avant de répondre à ma question dans un murmure « Je…ça va comme je peux… » Je hochais doucement la tête de haut en bas, regardant Jude sans rien dire de plus. Je baissais la tête en regardant mes mains qui jouaient nerveusement avec le tissu de mon gilet, le tordant dans tous les sens. « Et toi….ça va… ? » Je redressais la tête, lâchant tout ce que j'avais entre les mains d'un coup, et passais ma langue entre mes lèvres devenues sèches. Comment j'allais ? Les litres de glace que j'avais avalés, j'ai surement du les reperdre en larmes. Lunatique, je pouvais sembler aller parfaitement bien devant Billie, Julian, ou qui que ce soit qui vienne me rendre visite, mais dès que je refermais la porte et me retrouvais dans la pénombre de ma chambre, seule, je pleurais toutes les larmes de mon corps. « Eh bien ... ça va .. On fait aller j'ai envie de dire... » Je déglutis, retirant mon gilet pour le plier et le poser sur mes genoux. J'avais l'impression que notre complicité à Cancun s'était envolée, que nous avions perdu tout ce que nous avions eu là bas, et ça faisait mal. Je me levais alors pour aller poser mon gilet sur sa commode, et fis quelques pas dans la direction de Jude, avant de m'arrêter juste en face de lui, toujours assis sur son siège près de son bureau. Je m'accroupis légèrement, silencieuse, me posant à sa hauteur, avant de caresser sa joue du bout de mes doigts froids. S'il semblait fatigué, il restait le même à mes yeux ... Toujours aussi beau et touchant. Je le sentais gêné, et je dis alors, doucement : « Ces deux jours, sans te voir, ç'a été ... Une véritable torture.» Je baissais les yeux, timide, ne sachant plus quoi dire ni faire.

A chaque fois que nous revenions de voyage, le retour à la réalité se faisait toujours beaucoup plus durement. Comme si c’était programmé, comme si la vie voulait nous rappeler que notre relation, ne tenait qu’à un fils et que rien ne pourrait jamais être parfait. En revenant de Paris, il y a eu cette histoire de saccage de la maison des Eliot. Je me rappelais encore de la voix tremblante au téléphone de Roxanna, persuadée que je l’avais trahis, que je l’avais utilisé, dans le seul et unique but d’avoir les clefs de la maison adverse afin d’aller foutre le bordel. Et aujourd’hui, c’était cette histoire de rechute. Je m’étais senti tellement nul, tellement honteux d’avoir fait ça. De m’avoir fait ça, et de lui avoir fait ça à elle, aussi. Mais Julian m’avait rassuré, il m’avait dit que c’était tout à fait normal, et que lui aussi, avait replongé quand il avait arrêté la drogue. Il m’avait même donné pleins de trucs pour m’aider, les bonbons, Billie m’avait dit de bien faire du sport et j’avais même fait une petite marque sur ma blouse pour être sûr et certains de la reconnaître et de ne plus l’inverser avec personne. Ca parait con, mais tout était parti de ça…d’un échange entre deux blouses. C’était ridicule. Roxanna avait l’air tout aussi mal à l’aise que moi, c’était vraiment bizarre le contraste avec Cancun. « Eh bien ... ça va .. On fait aller j'ai envie de dire... » Je fronçais légèrement les sourcils. Elle n’avait pas l’air d’aller si bien qu’elle le disait. La connaissant, elle avait dû se goinfrer de glaces ou de choses de ce genre.

Je la regardais se lever pour aller poser son gilet et je baissais les yeux, jouant nerveusement avec mon pouce. Je déglutis légèrement en voyant son ombre s’approcher près de moi, levant légèrement les yeux vers elle, que je fermais instinctivement en sentant ses doigts sur ma joue. J’avais l’impression que mon cœur allait s’arracher de ma poitrine tellement il battait vite. J’avais tellement eu peur de ne plus pouvoir vivre ça. Juste….juste sa main caressant ma joue. Rien que ce petit contact de rien du tout, m’avait tellement manqué. Roxanna se mit à croupie, de manière d’être à ma hauteur. J’ouvrais un peu les yeux pour la regarder alors qu’elle au contraire, baissait les yeux vers le sol. « Ces deux jours, sans te voir, ç'a été ... Une véritable torture.» Je glissais mes doigts sous son menton pour lui lever légèrement la tête, afin de la pousser à me regarder. Rien que son regard, m’avait manqué. Tout…et j’avais tellement, tellement eu peur de la perdre aussi. J’approchais mon visage sur sien, posant mon front contre celui de Roxanna sans la quitter du regard, fronçant légèrement les sourcils. J’espérais juste, ne pas faire de crise ce soir…pas encore, pas devant elle. Je détestais ça, plus que tout. « J’ai vraiment cru que….que j’te reverrais plus… », murmurais-je calmement, avant de déglutir. J’avais la gorge nouée, et je sentais mes paupières lourdes, à un point… « J’suis…tellement désolé…. », soufflais-je à voix basse, baissant les yeux en me mordillant la lèvre inférieure.

Comment aurais-je pu bien me porter, éloignée volontairement de l'homme que j'aime? J'ai toujours fuis la drogue comme la peste, depuis mon adolescence, et d'ailleurs, lorsque j'ai appris la mort d'Holly d'une overdose, ça m'avait fait un sacré choc. Elle savait bien combien j'avais la drogue en horreur, et d'ailleurs je pense que c'est pour cela qu'elle n'a jamais osé me parler de ses problèmes d'addiction... Et aujourd'hui, j'avais tendance à me dire qu'avec mon soutient, si elle m'avait un peu plus parlé de ses soucis, peut-être ... Eh bien peut-être qu'aujourd'hui elle serait toujours là. Aujourd'hui, je ne voulais pas reproduire la même erreur avec Jude. Je ne voulais pas, non, je refusais l'idée de me réveiller un matin en me rendant compte qu'à cause de mon entêtement et de mes idées arrêtées, je l'aurais perdu. Je crois bien d'ailleurs que c'est ça précisément, cette prise de conscience, qui m'avait poussée à sortir de mon lit si brusquement, et surtout, si tardivement, juste pour aller jusqu'à sa chambre.

Je venais de lui dire que j'avais vécu l'enfer, et c'était plus que la vérité. Moi qui n'ai jamais dépendu de personne, qui ait toujours fait en sorte d'être pleinement autonome depuis mon arrivée sur le campus, je m'étais attachée depuis le début de l'année à tant de personnes qui étaient devenues indispensables à ma vie : Billie et Apple, c'était déjà une évidence, tout comme Damen et Soliman. Mais Jude ... Je crois que c'était pire, car en un peu plus d'un mois, j'avais développé un lien beaucoup plus fort qu'avec n'importe quelle autre personne avec lui. Quoi d'autre que l'amour ? Tête baissée je me pinçais la lèvre en sentant les doigts de Jude se poser doucement son mon menton pour redresser mon visage... J'en frissonnais. Doucement, je redressais mon regard bleu vers le sien, toujours aussi sombre, et attirant. J'attrapais doucement sa main dans la mienne, silencieusement, tout en entrelaçant nos doigts comme j'avais si souvent coutume de le faire. Je ne quittais ma Jude du regard tandis qu'il collait doucement son front contre le mien, coupant ma respiration et accélérant les battements de mon cœur. Comment ais-je pu vouloir me passer de ça ? « J’ai vraiment cru que….que j’te reverrais plus… » Commença-t-il alors, dans un murmure. Un nouveau frisson parcouru mon échine. « Deux jours c'était déjà trop pour moi ...» Dis-je alors en me pinçant les lèvres, sincère. Je sais déjà que cette semaine j'aurais craqué. J'aurais séché les cours juste pour le voir sortir d'un de ses cours de médecine, ou de l'hôpital. J'aurais tout simplement perdu l'esprit. « J’suis…tellement désolé…. » Continua-t-il dans un souffle. Je sentais tellement de tristesse et de regrets dans son regard ... Comment ais-je pu croire un seul instant qu'il avait replongé volontairement ? Je posais un doigt sur ses lèvres, le poussant à se taire. « Jude ... Je .. Je sais. J'aurais jamais du douter de toi ... J'aurais du t'apporter mon soutient dès le début ... » Je baissais à nouveau la tête, honteuse. Je l'avais traité d'égoïste, alors qu'en réalité, l'égoïste, celle qui se protégeait au détriment des autres, c'était moi. « Pardonne moi ... »

J’en venais à me demander encore, comment nous en étions arrivés là. Moi qui n’avais plus voulu dépendre de personne, aujourd’hui, j’avais du mal à m’imaginer sans elle. En fait, non, c’était tout simplement impensable. Tout simplement, parce que ma survie n’avait dépendu que du résultat de notre rencontre, le soir où nous nous étions donnés rendez-vous pour la première fois. Mais honnêtement, jamais j’aurais cru que je me serais attaché à elle, surtout après seulement un mois. Mais c’était comme si nous nous étions toujours connu, elle me connaissait mieux que beaucoup de gens sur le campus qui ne cherchaient même pas à comprendre pourquoi j’étais comme ça : pourquoi j’avais toujours ce regard triste, pourquoi je buvais et me droguais autant. Au fond, si l’indifférence me blaisait, c’était parce que Apple faisait partie des rares personnes qui savaient que cette image n’était qu’un genre que je me donnais, qu’une carapace qui cachait un passé douloureux. Apple était avec moi, quand l’hôpital m’avait appelé, en cette fin d’après-midi grisâtre pour m’annoncer le décès de ma mère et de Kyle. C’était elle qui était restée avec moi toute la soirée, même, tous les soirs de cette semaine d’enfer pour ne pas me laisser tout seul. Elle, était venue avec moi à l’enterrement, elle avait été là. Et qu’elle se moque aujourd’hui, sur internet du fait que j’ai voulu mettre fin à mes jours, ça me faisait mal. Tellement mal, que je m’étais défendu en étant aussi odieux qu’elle dans les commentaires de cet article.

J’avais eu tellement peur, que Roxanna me tourne le dos aussi, à cause de cette erreur que j’avais fait. Et même si là, maintenant, tout de suite, je me sentais soulagé qu’elle soit là, face à moi, la paume de sa main contre ma joue qu’elle caressait doucement comme elle avait pris l’habitude de le faire, je continuerais, à toujours avoir cette peur qui me nouerait l’estomac. C’était inévitable. Car on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Je m’étais excusé, encore et encore, car je l’étais, j’étais vraiment désolé d’avoir été aussi faible, alors que si je l’avais appelé, elle serait arrivée dans la seconde pour m’empêcher de replonger dans cet enfer dans lequel j’étais à nouveau aujourd’hui. La jeune femme glissa son doigt sur mes lèvres, mon cœur battait de plus en plus fort et je ne pouvais pas détacher mon regard du sien. « Jude ... Je .. Je sais. J'aurais jamais du douter de toi ... J'aurais du t'apporter mon soutient dès le début ... » J’hochais la tête négativement en la voyant baisser la sienne, « Non…non, t’étais en colère, c’est normal… », soufflais-je en remontant mes deux mains sur sa joue pour lui faire lever à nouveau la tête dans ma direction. Je me pinçais la lèvre, avant d’avancer mon visage du sien pour l’embrasser doucement : moi qui pensait ne plus jamais y avoir droit avec me conneries. Je brisais le baiser, gardant mes lèvres près des siennes avant de murmurer, « Julian m’a donné quelques trucs pour m’aider…et Billie aussi je…mais…la seule chose qui m’aidera vraiment…c’est de savoir que t’es encore là…j’supporterais pas de te perdre toi aussi… ce sevrage n’a aucun sens sans toi… »

J'étais prête à tout pour sortir Jude de son addiction, l'empêcher de craquer à nouveau. Au départ j'ai pensé - et je l'ai pensé à tort- qu'en m'éloignant de lui Jude se déciderait une bonne fois pour toute à arrêter la drogue, mais ce que je n'avais pas réalisé, c'est que la dépendance à la drogue n'est pas un choix mais comme une maladie, et qu'il lui fallait non seulement du temps pour s'en débarrasser, mais surtout, du soutient. Et comme une idiote j'avais fuis à la première complication, la première rechute. Mais aujourd'hui j'étais décidée à changer la donne, à être présente, même si je m'attendais déjà à me faire engueuler par certaines personnes, notamment Apple, ou tant d'autres. En réfléchissant bien, moi aussi j'ai fait beaucoup de choses dont je n'étais pas fière... Pas fière du tout même, et pourtant, la plupart de mes proches qui connaissent ce passé m'acceptent aujourd'hui telle que je suis, Jude compris. J'ai voulu fuir, mais désormais j'étais même prête à endurer les remarques, les rumeurs, leur méchanceté, tout... Tout, tant qu'au final je pouvais enfin vivre tranquillement auprès de Jude. Après tout, pourquoi est ce que nous serions l'exception, tous les couples traversent des crises, pour en ressortir plus fort.

Alors que je m'excusais platement de ma lâcheté alors qu'il était au plus bas de son moral, Jude répondit alors. « Non…non, t’étais en colère, c’est normal… » Je fronçais les sourcils. Non, certes j'étais en colère, mais même une fois la colère passée, je me suis entêtée à garder mes distances, à ne pas vouloir le voir. « C'est pas une raison .. » Commençais-je alors, sentant par la suite ses mains s'approcher de nouveau de mon visage pour le redresser une seconde fois. Cette fois, mon regard était voilé de larmes. J'étais tétanisée, et en même temps, je m'en voulais terriblement. Je ne savais pas quoi dire, ni quoi faire, mais Jude combla ce silence en déposant doucement ses lèvres sur les miennes ... Je ne saurais décrire ma réaction à ce moment là... Le sentir près de moi m'avais tellement manqué que j'avais non pas l'impression que deux jours s'étaient écoulés, mais plutôt deux semaines. Je l'embrassais à mon tour, doucement, posant mes mains sur ses genoux pour ne pas perdre l'équilibre tandis que j'étais toujours accroupie. Jude rompit notre baiser, mais je refusais de reculer mon visage pour autant, ce qui semblait être le cas pour lui aussi. Il murmura alors : « Julian m’a donné quelques trucs pour m’aider…et Billie aussi je…mais…la seule chose qui m’aidera vraiment…c’est de savoir que t’es encore là…j’supporterais pas de te perdre toi aussi… ce sevrage n’a aucun sens sans toi… » Je hochais doucement la tête timidement, gardant les yeux grands ouverts en sachant pertinemment que si je les fermais, le rideau de larmes devant mes yeux allait terminer le long de mes joues. Convaincue une bonne fois pour toutes de mes paroles, je déclarais alors avec assurance « Je ne t'abandonnerais plus jamais de la sortes ... Pardonne moi... Je serais là quoi qu'il arrive désormais. » Doucement, je rapprochais mon visage pour exercer une nouvelle pression de mes lèvres sur les siennes, tendrement.

Elle s’en voulait, je le voyais dans ses yeux. Pas besoin de savoir lire dans les pensées pour le comprendre. Mais je pouvais tout à fait comprendre…c’est vrai qu’au départ, ça m’avait foutu en colère. Une sorte de mélange entre la colère et la tristesse. Car au fond, elle avait un peu comme rompu avec moi, lorsqu’elle m’a criée qu’elle voulait que je la laisse et que je devais faire comme si elle n’avait jamais existée. Et j’avais continué, à être en colère. En colère, parce qu’elle avait rompu sa promesse : elle m’avait promis qu’elle ne me laisserais jamais…elle m’avait dit qu’elle avait besoin de moi, autant que moi, j’avais besoin d’elle : comment est-ce qu’elle avait donc pu faire ça ? Mais aujourd’hui, ça n’avait plus d’importance… Parce qu’elle était là, et parce que je comprenais : sa meilleure amie avait trempée dans la drogue, et elle en était même morte…pas étonnant que Roxanna réagisse mal à la pensée que je puisse recommencer à me droguer et donc, prendre le risque de mourir d’une overdose, même si rien qu’en me droguant, je me pourrissais la santé. Je n’avais pas pu m’empêcher d’associer ses lèvres aux miennes, et c’était comme si je prenais une grande bouffée d’air après un week-end entier en apnée.

J’ouvrais les yeux pour la regarder, elle n’avait pas bougée d’un pouce elle non plus. Je sentais presque ses lèvres caresser, frôler les miennes alors que je lui disais que tout ce que je voulais, c’était qu’elle soit là, avec moi. Si j’avais décidé de changer, c’était pour pouvoir être avec elle. Pour ne pas lui faire du mal, la faire souffrir, pour la mériter. Oui, je voulais vraiment la mériter, essayer de combler ce fossé qui était installé entre nous et qui était assez conséquent aux vues de nos nombreuses différences. Ses yeux bleus étaient voilés par des larmes qu’elle empêcher de faire couler le long de ses joues. Je me pinçais la lèvre, pourquoi était-elle au bord des larmes… ? « Je ne t'abandonnerais plus jamais de la sortes ... Pardonne moi... Je serais là quoi qu'il arrive désormais. » Je laissais un sourire s’étirer sur mon visage, fermant les yeux en voyant son visage s’avancer à nouveau vers le mien pour m’embrasser à nouveau. Je prolongeais doucement, remontant une main dans ses cheveux pour les glisser entre ses mèches blondes, ne voulant plus décoller mes lèvres des siennes. Je reculais légèrement mon visage pour détacher nos lèvres, fronçant un peu les sourcils alors que je tournais mon visage vers mon bureau. Je ris légèrement, « J’peux bien te proposer quelque chose à manger mais….j’ai que des carambars. » Je pris le paquet, le regardant en constatant qu’il était déjà presque vide et je soupirais, « J’ai fait que manger ces trucs là ce week-end…j’vais prendre du bide si j’continue ! Dis, tu m’aimeras encore même si j’ai dû bide hein ? », lançais-je en essayant de garder un peu de sérieux, même si j’avais un petit sourire sur les lèvres, me moquant intérieurement de moi-même avec mes conneries.

J'ai toujours été relativement facile à faire pleurer, que clea soit de colère, de tristesse, ou d'émotion. J'étais capable de fondre en larmes devant Bambi ou Kung Fu Panda, ou pire encore. Alors inutile de vous dire que le trop plein d'émotions de ce week end avait créé une véritable boule de nerfs en moi. Et maintenant que tout semblait sur la voie de la reconstruction, entre Jude et moi, je lâchais tout ce que j'avais retenu. Je n'étais pas triste non ... Soulagée, tout simplement. Je me sentais revivre, juste à travers lui. Et après toutes ces heures recroquevillée dans ma chambre, plongée dans le doute, j'étais désormais intimement convaincue que tant que nous serions tous les deux, rien ne pourrait plus jamais nous atteindre, lui comme moi. Certes, de ce côté là je me faisais des films, je savais que nous aurions sans le moindre doute encore beaucoup d'épreuves à affronter tous les deux, mais, au moins, je savais que quoi qu'il arrive, nous resterions ensemble. Car il me connaît autant que je le connais, et que je lui fait parfaitement confiance. S'il m'a dit qu'il regrettait et qu'il voulait se sevrer une bonne fois pour toutes, je savais qu'il le pensait réellement, et qu'il comptait changer. Pour lui, mais aussi pour moi. N'est pas là la plus belle preuve d'amour ?

Mes lèvres plaquées contre celles de Jude, j'étais capable encore une fois d'oublier la triste réalité qui nous entourait. Comme quand, à Cancun, enfermés dans notre chambre, nous arrivions à oublier les conflits entre nos deux maisons, tous ces soucis qui étaient restés à Harvard le temps de notre voyage. Sauf que, à un moment ou un autre, il fallait bine entendu revenir à la triste réalité. Au bout d'un moment, Jude se décida à séparer nos lèvres, chose que, je crois, je n'aurais jamais été capable de faire moi-même. Je le vis froncer les sourcils et tourner la tête vers son bureau. J'en profitais pour, d'un geste rapide de la main, essuyer mes yeux. Jude rit légèrement, m'intriguant. « J’peux bien te proposer quelque chose à manger mais….j’ai que des carambars. » Il attrapa un paquet qui trainait sur son bureau, et je vis alors en riant qu'il était déjà presque vide. Enfin, déjà ... Me connaissant, il n'aurait pas survécu à une soirée avec moi. « J’ai fait que manger ces trucs là ce week-end…j’vais prendre du bide si j’continue ! Dis, tu m’aimeras encore même si j’ai dû bide hein ? » J'éclatais de rire, me redressant pour me mettre à nouveau debout, et lui prenant des mains le paquet pour lui voler un carambar. Au caramel, mon préféré ! Je le déballais en me dirigeant vers le lit de Jude ou je retournais m'assoir, puis lui adressait un sourire en coin. « Tant que tu deviens pas comme ces types qui ont une bouée sous le ventre à force de boire de la bière devant des matchs de foot ... Et tant que tu m'acceptes aussi, parce que j'ai du prendre cinq kilos avec les tonnes de glace que j'ai mangé, sans compter le beurre de cacahuète que j'ai massacré.. » Enfournant le carambar entre mes lèvres, j'attrapais entre mes doigts un bourrelet inexistant, marmonnant la bouche pleine : « Bientôt, tu sortiras avec une obèse ! »