Je savais déjà ce que je ferais, demain : j’allais aller à la fac, pour suivre mes cours, armé de tous mes carambars au cas où j’avais un problème, si je faisais une crise de manque en plein cours ou une connerie comme ça. Je ne pouvais pas me permettre de louper les cours, à rattraper, c’était tout simplement, un cauchemar. Surtout que nos écritures devenaient de plus en plus brouillon plus les années passées : on se demande toujours pourquoi les médecins ont une écriture de cochon, mais quand on voit la tonne de prises de notes, la vitesse à laquelle les cours défilaient, faisaient que les écritures devenaient illisibles. La mienne, aussi. Mon écriture était déjà horrible avant que j’entre à la fac, alors je n’explique même pas comment à quoi elle ressemblait aujourd’hui. Ça avait été dur, de décoller mes lèvres des siennes, mais j’avais réussi. Je me sentais soudainement apaisé, et calme. J’avais un peu la gorge sèche, et j’avais très faim, mais ça, ça pourrait attendre demain. Je me sentais vraiment fatigué, j’avais l’impression que mes paupières étaient très lourdes, mais je n’avais pas envie d’aller me coucher tout de suite. Je voulais profiter de la présence de Roxanna et même si ça pouvait paraitre stupide, j’avais peur de me réveiller demain matin, et de constater que tout ça, n’était qu’un rêve. Que Roxanna n’était jamais venue, qu’elle ne s’était jamais excusée, qu’elle était restait dans sa chambre toute la soirée, enroulée dans sa couette avec un pot de glace devant un film.

Je lui souris alors que la jeune femme éclata de rire, se levant en me prenant mon sachet des mains, attrapant un carambar avant de s’asseoir sur le bord de mon lit à nouveau. Je la regardais faire, un léger sourire aux lèvres et je me levais pour m’asseoir près de Roxanna qui déballait son carambar. Moi aussi, je préférais ceux au caramel : en fait, c’était les seuls que je mangeais. Encore un point commun, on dirait. Comme quoi, nous n’étions pas si différent qu’on pourrait le croire. « Tant que tu deviens pas comme ces types qui ont une bouée sous le ventre à force de boire de la bière devant des matchs de foot ... Et tant que tu m'acceptes aussi, parce que j'ai du prendre cinq kilos avec les tonnes de glace que j'ai mangé, sans compter le beurre de cacahuète que j'ai massacré.. » Je ris à mon tour, regarder des matchs de foot ? Je détestais le foot, rien que ça, ça ne risquait pas d’arriver. Par contre pour la bière…j’en avais peut-être abusé ce week-end, et les quelques canettes vides qui trainaient à terre le prouver. « Bientôt, tu sortiras avec une obèse ! » J’éclatais de rire à nouveau, piochant dans le sachet pour prendre également une friandise, que je déballais pour la laisser entre mes lèvres : je glissais ma main sur son ventre, comme si je cherchais un quelconque bourrelet et je la regardais en haussant un sourcil : « Toi, obèse ? T’es la fille la plus…souple que j’connaisse », lançais-je en souriant avant de croquer dans mon carambar. J’adorais le goût sucré du caramel que ça laissait sur mes lèvres. Je finis assez vite le carambar, et je souris, « Voilà, maintenant tu vas avoir le droit…à une attaque de bisous collants ! ». Sur ce, je m’approchais pour déposer une lignée de baisers sur sa joue et autour de ses lèvres en riant. Je passais mon doigt sur son visage, riant de plus belle, « Je confirme, t’es toute collante ! »

Je savais bien que c'était ridicule, venant de moi, de dire que j'allais devenir obèse. Déjà, parce que j'avais une morphologie qui ne me laissait tout simplement pas grossir. Avec mes amis, et particulièrement Soliman, avec lequel nous avions un fastfood attitré, il m'arrivait d'engloutir des tonnes et des tonnes de cochonneries sans prendre un pet de graisse. Heureusement pour moi d'ailleurs, car le deuxième facteur qui me poussait à toujours et en toutes circonstances garder la ligne, c'étaient mes études. Forcément, lorsque l'on veut rester la meilleure danseuse, il faut savoir s'entretenir, et je faisais constamment du sport, que cela soit courir autour du campus, des abdominaux dans ma chambre, danser tout simplement, ou quoi que ce soit d'autres que j'étais capable de faire... J'étais prête à tout pour rester la meilleure. Une chance pour moi que je n'ai pas besoin de me mettre au régime. Me priver de glace, de frites, de pizza, de lasagnes ... Plutôt mourir tout de suite. Les épinards et brocolis, très peu pour moi, même si en revanche je suis une grande fan de carottes et de salade verte. Bref. Quoi qu'il en soit, Jude s'installa à mes côtés, pendant que je mangeait tranquillement mon carambar. Maline que je suis, je ne croquais jamais dans mes carambars pour me coller les dents, je préférais attendre qu'il fonde dans ma bouche, grande gamine que je suis. Il éclata de rire quand je lui dis que j'allais bientôt être obèse, et il piocha dans le paquet de carambars pour en prendre un à son tour et le mettre dans sa bouche. Avec un air interloqué, il passa alors une main de part et d'autres de mon ventre, sans aucun doute à la recherche d'une éventuelle trace de mes excès de nourriture. « Toi, obèse ? T’es la fille la plus…souple que j’connaisse » Je me mordis la lèvre inférieure en l'entendant mentionner ma souplesse, et ris légèrement. « On sait jamais hein ! Je peux brusquement me mettre à grossir ... Imagine, si j'arrête la danse plus tard et que je deviens un gros tas ! » Bafouillais-je toujours la bouche pleine de carambar. Jude termina rapidement son carambar, au contraire de moi qui laissais toujours le bonbon diminuer dans ma bouche. « Voilà, maintenant tu vas avoir le droit…à une attaque de bisous collants ! ». Je n'eus pas le temps de réagir que Jude m'assaillis de baisers collants partout sur le visage. Je tentais de le pousser quand il contournais mes lèvres. « Pas la bouuuuche j'ai pas fini mon carambaaar ! » Fier de lui visiblement il passa son doigt sur mon visage. « Je confirme, t’es toute collante ! » Je grimaçais, faisant une moue boudeuse. « ... Berk. Le caramel ça sent bon mais c'est poisseux. Pour la peine tu vas devoir me prêter ta salle de bain ! » Sur ces mots je me levais, courant jusqu'à la salle de bain pour me passer le visage à l'eau. Je criais alors à l'adresse de Jude « Et saches qu'à cause de toi j'ai avalé mon carambar tout rond, je t'en voudrais jusqu'à la fin de mes jours Jude Montgomery ! »

Je me rappelais parfaitement que, le soir où j’avais rencontré Roxanna, j’avais été étonné de voir tout ce qu’elle arrivait à avaler, en restant un poids plume comme elle l’était. En même temps, elle faisait beaucoup de sports, mais à l’époque, je n’étais pas trop au courant de ce détails. L’atmosphère était un peu plus détendue, mais j’avais peur qu’elle ne soit pas aussi bien qu’elle l’était à Cancun. J’avais juste envie…de retrouver notre complicité. Ce truc, que nous avions trouvé là-bas. J’espérais qu’il n’était pas resté au Mexique, car cela nous permettait d’explorer une nouvelle facette de notre relation, de l’améliorer, tout simplement. J’avais du mal à imaginer Roxanna arrêter la danse, ou même devenir obèse. J’étais certains que même en dehors des cours, elle devait faire un peu de sport, histoire de garder de l’assurance pendant ses chorégraphies. Je n’avais jamais osé assister à un des cours, qui étaient, pour la plupart, ouverts aux étudiants : je savais que c’était un peu tendu pour elle à ses cours, par ma faute et ma présence ne ferait qu’ajouter une couche à cette histoire. En y repensant, je m’en voulais, vraiment beaucoup qu’elle ait à subir tout ça uniquement pour être avec moi. J’en venais même à me demander ce qu’elle me trouvait de si exceptionnel, pour supporter tout ça sans rien dire, sans jamais me le reprocher d’ailleurs. Je me trouvais tellement plus de défauts que de qualités, après tout.

Une moue boudeuse se dessina sur le magnifique visage de ma petite amie. Je me retenais de rire, c’était beaucoup trop drôle. Je savais que Roxanna ne serait pas vexée, et qu’elle marcherait dans mon petit jeu. C’était une des raisons pour lesquelles j’aimais Roxanna ; elle avait encore son âme d’enfant, et elle arrivait à me faire rire, même quand ça n’allait pas. « ... Berk. Le caramel ça sent bon mais c'est poisseux. Pour la peine tu vas devoir me prêter ta salle de bain ! » J’éclatais de rire, c’est vrai que je lui avais vraiment mis du caramel partout, elle sentait le caramel et elle collait bien. Mais bon… l’atmosphère bizarre de tout à l’heure devait disparaître, car c’était beaucoup trop….bizarre. Je regardais Roxanna se lever pour se précipiter vers la salle de bain, passant de l’eau sur son visage. Je ris, me décalant un peu pour la regarder faire, restant assis sur le lit. « Et saches qu'à cause de toi j'ai avalé mon carambar tout rond, je t'en voudrais jusqu'à la fin de mes jours Jude Montgomery ! » Je souris, m’esclaffant légèrement avant de me laisser tomber sur le lit, regardant le plafond en croisant les bras sur mon torse. Je fronçais légèrement les sourcils, ne pouvant pas m’empêcher de penser à ce qu’elle m’avait dit, comme quoi elle se faisait traiter par tout le monde à ses cours de danse. « J’suis désolé que tu ais à subir…la haine que les gens ont à mon sujet…. C’est injuste… », soupirais-je en fermant les yeux et je souris légèrement. « Si seulement les gens savaient… », murmurais-je, presque à mon attention et pas à la sienne. Mais c’était un choix que j’avais fait, de ne pas parler de mon passé à tout le monde, je ne voulais pas que les gens me prennent par pitié, même si au lieu de ça, ils me détestaient..

Les rumeurs font partie d'Harvard. Le journal en grouillait, de ces maudites rumeurs qui donnaient toujours des préjugés sur les gens, qui leur collait à tous cette étiquette "fréquentable", ou "pas fréquentable". J'avais en horreur cette façon de procéder qu'avaient certains étudiants pour se permettre de se moquer les uns des autres. Et pourtant, malgré tout, je ne pouvais pas m'empêcher d'aller lire ces torchons sur le net. Juste pour vérifier ce qui est dit de mes proches, pour les défendre ... Me défendre, lorsque j'étais concernée, bien que cela soit rare. Aussi, je lisais quand il y avait de bons articles, même si c'est rare. Quoi qu'il en soit, ces rumeurs, et ces étiquettes, étaient capable de pourrir la vie de n'importe qui. Jude le premier, puisque déjà à la base on lui avait collé l'étiquette du drogué de service qui couchait à droite à gauche. A cela s'ajoutait maintenant le fait qu'il soit devenu vice-président de la maison des Mathers ... Autant dire qu'il venait de signer son arrêt de mort, et la garantie qu'il se ferait surveiller dans ses moindres faits et gestes ... Et moi avec. Je devais affronter les rumeurs sur moi, puisque je sortais avec Jude. A cause de notre différence, on avait même été jusqu'à nous qualifier de Roméo et Juliette, ce qui m'avait bien fait rire; ce qui m'avait moins fait rire, en revanche, c'était la guerre entre nos deux maisons, agrandissant le fossé entre nous.

Je me rinçais donc abondamment le visage au lavabo de la salle de bain, après avoir été tartinée de caramel par Jude et ses bisous collants. Je l'entendais rire dans la chambre, puis revenais une fois totalement rincée, en souriant. Allongé sur le lit, bras croisés, son expression rieuse de plus tôt avait disparue. Ses sourcils étaient froncés, et je m'asseyais alors près de lui doucement, l'entendant dire « J’suis désolé que tu ais à subir…la haine que les gens ont à mon sujet…. C’est injuste… » Il soupira, et je déglutis légèrement. Doucement je m'allongeais près de lui, appuyant ma tête sur son torse « C'est pas de ta faute, c'est de la leur. Leur bêtise. » Dis-je doucement en attrapant une de ses mains dans la mienne. « Si seulement les gens savaient… » murmura alors Jude, me faisant soupirer. C'est sur que les choses seraient tellement plus simples si les gens pouvaient un peu comprendre, et ne pas s'arrêter sur ce qu'ils voyaient... Voulant le réconforter, je me redressais et virais ses bras croisés pour m'assoir sur lui, attrapant ses mains dans les miennes. Je me penchais légèrement, l'embrassant du bout des lèvres, avant de déclarer avec un sourire « Au moins on est tous les deux, et on s'aime ! Et puis soyons heureux, nous sommes officiellement les Romeo & Juliet de la fac! » D'un coup je m'arrêtais, reculant mon visage en fronçant les sourcils, plongée dans une intense réflexion. « Juliet&Romeo, Jude & Roxanna ... J et R ... Mais c'est bien sur ! C'est à cause de nos prénoms ! » Je fis une moue enfantine, ouvrant mes grands yeux bleus comme si je venais de faire la découverte du siècle.

« C'est pas de ta faute, c'est de la leur. Leur bêtise. » J’hochais la tête, gardant les yeux fermés alors que je sentais ses doigts s’emmêler aux miens. Je resserrais un peu sa main dans la mienne, soupirant à nouveau. Elle avait peut-être raison…enfin, presque. Parfois, je me disais que j’aurais dû faire attention, quatre ans plus tôt, à la mort d’Aurore. Jamais, je n’aurais du toucher à la drogue : j’étais alors en première année de médecine, mais pas la peine de faire des études médicales pour savoir qu’il suffit d’une fois, et d’une bonne dose de tristesse pour vous faire plonger dans l’enfer qu’est la drogue. Quand je pensais qu’un mois plutôt, j’avais même commencé à dealer. C’était pitoyable…mais j’étais fragile, au fond. Trop fragile, et la mort d’Aurore, avait été la goutte qui a fait déborder le vase. Celle qui m’avait fait perdre toute mon assurance, qui avait fait disparaitre le Jude que j’étais avant, souriant, dynamique et qui profite de la vie, qui avait choisie, quelques années plus tôt de lui donner une deuxième chance. J’ouvrais les yeux en sentant Roxanna gigoter à côté de moi, et je lui souris légèrement en la voyant se redresser pour s’asseoir sur moi, attrapant mes deux mains dans les siennes, totalement prisonnier de la jeune femme. Je redressais ma tête pour pouvoir attraper ses lèvres, tranquillement. Je gardais les yeux fermés alors qu’elle déclara, après avoir détacher nos lèvres, « Au moins on est tous les deux, et on s'aime ! Et puis soyons heureux, nous sommes officiellement les Romeo & Juliet de la fac! »

Je ris : c’est bien ce que je disais, elle savait quoi faire, elle savait quoi dire lorsque ça n’allait pas. Et même si là, maintenant je passais une phase difficile, je savais que je devais m’accrocher. M’accrocher pour moi, m’accrocher pour elle, pour nous. Julian m’a prévenu que ça serait difficile, mais qu’il ne fallait pas laisser tomber, car la libération que l’on ressent lorsqu’on est clean, est incomparable et ne vaut pas les soirées de défonce qu’on peut se faire subir en étant accroc. Ne plus être prisonnier de cette envie constante de pouvoir snifer une ligne de coc’, de pouvoir me piquer. Mes bras commençaient enfin à être dépourvu de ses traces de piqures, qui étaient beaucoup trop nombreuses avant que je rencontre Roxanna. « Juliet&Romeo, Jude & Roxanna ... J et R ... Mais c'est bien sur ! C'est à cause de nos prénoms ! » Je la regardais, avec son air enfantin et je lâchais une de ses mains pour la glisser sur sa joue, en remontant jusque dans ses cheveux. J’haussais alors les épaules, « Ouais enfin…faudrait se débrouiller pour que ça finisse pas aussi mal qu’eux… » Je souris un peu, me redressant pour pouvoir poser mon front contre le sien, l’embrassant à nouveau tendrement, jusqu’à bout de souffle avant de déclarer à nouveau : « Mais j’crois que je t’aime autant que Roméo aimait Juliet…si il t’arrivait quelque chose…j’hésiterais pas une seule seconde… » Je me pinçais la lèvre, c’est vrai, d’avoir cru que je l’avais perdu ce week-end, ça m’avait foutu dans un état pas possible, alors la savoir mal, la savoir…morte. Un frisson me parcourut le corps tout entier, il fallait vraiment que j’arrête de penser négatif, de penser à la mort…mais celle-ci m’entourait, et j’avais énormément peur de ça, maintenant…

J'avais la tête d'une petite fille qui venait de faire une découverte de l'année. Vous savez, comme ces enfants qui trouvent un bout de bouteille de bière cassée dans le sable d'un bac à sable, et pensent qu'ils ont trouvé un trésor. Bon, je n'avais pas trouvé un bout de verre dans du sable, j'avais juste fait le rapprochement entre nos prénoms, et ceux des héros de la plus grande tragédie de sir Shakespeare. Comme on dit, il en faut peu pour être heureux, ou du moins, je cherchais le moindre prétexte, aussi ridicule soit-il pour faire apparaître un sourire sur le visage de mon petit ami. Je savais pertinemment qu'il n'avait pas la tête à s'amuser, surtout avec ce que nous venions de traverser, mais justement, je voulais que tout ça soit derrière nous, que nous allions de l'avant, convaincus que nous nous en sortirions face à tout : La drogue, la guerre Eliots/Mathers, les rumeurs ... Face à tout ça, tant que nous étions à deux, le reste importait peu.

Alors que je faisais toujours ma gamine, Jude se redressa légèrement, lâchant une de mes mains qui tenaient toujours les siennes. Je fermais les yeux en sentant le contact de sa paume contre ma joue, esquissant un sourire léger alors que sa main remontait jusque dans mes cheveux blonds en bataille. J'ouvris de nouveau les yeux, le regardant hausser les épaules. « Ouais enfin…faudrait se débrouiller pour que ça finisse pas aussi mal qu’eux… » Je fronçais les sourcils, mécontente. « Hm ... J'avais oublié cette partie fâcheuse de l'histoire . » C'est vrai ça, Romeo et Juliet sont vite tombés amoureux, d'un amour tellement fort qu'ils ... En sont morts. Voyant ma mine mécontente, Jude fit un sourire léger, et se redressa un peu pour poser son front contre le mien. Je tournais mon regard océan vers le sien, m'apaisant un peu lorsqu'il captura mes lèvres, tendrement. Comme toujours, je perdais rapidement le contrôle, prolongeant le baiser avec douceur, et il fallu que Jude nous sépare pour dire « Mais j’crois que je t’aime autant que Roméo aimait Juliet…si il t’arrivait quelque chose…j’hésiterais pas une seule seconde… » Il se pinça la lèvre, et je rougis. Je remontais ma main devenue libre jusque derrière sa nuque pour approcher son visage du mien, et l'embrasser doucement. Décollant mes lèvres des siennes, à une distance si courte que je ne saurais la mesurer, je dis alors avec un sourire léger, sincère. « Moi aussi .. Je ferais n'importe quoi.. Pour qu'on termine jamais comme dans la vraie tragédie.. On réécrira la fin de la pièce tous les deux d'accord ? » J'esquissais un nouveau sourire, avant d'enfouir mon visage dans son cou, me blottissant dans ses bras. « Je t'aime Jude .. » Dis-je alors simplement, dans un souffle.

J’avais toujours aimé la lecture, un peu de tout, que ça soit de la poésie, aux romans et aux pièces de théâtres. Enfin, je n’avais jamais lu Roméo et Juliet, c’était de Shakespeare, et à part pour les mordus de littérature, du Shakespeare, c’était tout simplement impossible à lire. Déjà que c’était écrit il y a très longtemps, mais en plus, dans un vieil Anglais. Hors, on ne nous apprend pas à comprendre le vieil Anglais. Déjà qu’ici, en Amérique, nous parlions relativement différemment de nos chers Anglais. Mais bon, tout le monde connait l’histoire de Roméo et Juliet, sans l’avoir lu. « Hm ... J'avais oublié cette partie fâcheuse de l'histoire . » C’était l’exemple même de l’histoire d’amour qui se termine mal. Du moins, c’était ce que j’avais retenu de l’histoire : que ça se terminait mal. Très mal même, limite, vraiment débilement, car tout est dans une histoire de mot qui n’avait pas pu être donné à Roméo pour lui prévenir que Juliet n’allait boire qu’une potion de sommeil et qu’elle ne murerait pas. Mais c’était vrai : si jamais il arrivait quelque chose à Roxanna, je n’hésiterais pas à tout faire pour aller la rejoindre. Rien que la pensée que je pourrais vivre sans elle, m’était impossible, insupportable. Je souris en la voyant rougir, et je fermais les yeux en sentant sa main glisser sur ma nuque, approchant mon visage pour m’embrasser à nouveau. Je la laissais faire, prolongeant un peu avant de la regarder sourire…

« Moi aussi .. Je ferais n'importe quoi.. Pour qu'on termine jamais comme dans la vraie tragédie.. On réécrira la fin de la pièce tous les deux d'accord ? » je me pinçais la lèvre, et j’hochais la tête, caressant mon nez avec le sien calmement, jusqu’à ce qu’elle cache son visage dans mon cou. Je caressais doucement son dos, enroulant mes bras autour d’elle pour la sentir contre moi. « Je t'aime Jude .. » Un sourire se dessina sur mes lèvres, et je fermais les yeux pour profiter de cette étreinte, déposant un baiser sur son épaule découverte par la légère tenue qu’elle portait. « Moi aussi mon amour… », murmurais-je avant de me reculer un peu pour pouvoir la regarder. Je lui souris, glissant mes doigts dans ses cheveux pour les placer derrière son épaule. Je la regardais un peu plus, et je ris légèrement, « Evite de venir aussi peu vêtue la prochaine fois…enfin, c’pas que ça me déplaise, mais on sait jamais, y’a des tarés dehors… »

J'ai lu vaguement le livre de Romeo et Juliet, mais, rapidement lassée de ce dialecte trop complexe pour la petite tête blonde que je suis, je m'étais contentée de regarder des films comme l'adaptation avec Leonardo Dicaprio, ou d'assister à une mise en scène de la pièce au théâtre du coin. La seule conclusion à laquelle j'étais arrivée c'était "Bon dieu, j'ai trouvé pire que moi." Deux adolescents qui, en quelques jours à peine, trouvaient le grand amour ainsi que la mort. Hm ... Non, après mure réflexion, hors de question que l'on me compare à Juliet, ou Jude à Romeo. Nous n'avions rien à voir puisque nous, notre histoire aurait un Happy Ending, contrairement à cette tragédie à la con. Et pour réussir à obtenir cette fin heureuse, j'étais prête à aller loin, très loin. Tout ce que pouvaient tenter les autres pour nous mettre à terre ne me ferait désormais plus rien, je devais rester au dessus de tout cela.

Blottie dans les bras de Jude, il enroula ses bras autour de moi et me caressait lz dos, calmement, alors que j'inspirais son parfum. Enfin ... Il sentait surtout le gel douche à vraie dire, vu qu'il avait pris une douche juste avant que je vienne le rejoindre. Ma voix étouffée contre sa peau, je lui murmurais alors que je l'aimais. C'est fou ce que je pouvais sentir quand il souriait rien qu'en l'entendant parler... Il embrassa mon épaule, et j'eus immédiatement la chair de poule. Il faut dire qu'habillée comme j'étais aussi, j'avais pas forcément chaud, mais je savais que ce frisson venait uniquement de Jude. « Moi aussi mon amour… » me répondit-il dans un murmure, me faisant sourire légèrement. Il recula, et je reculais à mon tour mon visage en descendant de mon perchoir, m'allongeant à ses côtés mais tournée vers lui. Je fermais les yeux en sentant les doigts de mon petit ami se glisser dans mes cheveux blonds. Les faisant reculer derrière mon épaule dénudée. « Evite de venir aussi peu vêtue la prochaine fois…enfin, c’pas que ça me déplaise, mais on sait jamais, y’a des tarés dehors… » Je me pinçais la lèvre, gênée. Je n'avais pas vraiment réfléchi avant de venir, j'avais quitté ma chambre sur un coup de tête, enroulée simplement dans mon gilet. Je passais ma langue entre mes lèvres et baissais les yeux, rougissant quelque peu. « Je sais... J'ai pas réfléchi. Pardon. Je voulais tellement te voir que je suis partie sur un coup de tête.. Et j'ai oublié qu'ici il y a souvent du monde même la nuit.. »

Elle m’aimait. Cette vérité, était parfois difficile pour moi à comprendre, à admettre. Mais c’était la vérité. Et elle m’aimait assez pour être prête à subir tout ça. Subir mes crises de manques, subir les murmures des gens lorsqu’on passait près d’eux, subir les insultes de tous ses camarades jaloux qui pensaient que j’avais une mauvaise influence sur elle. Parfois, je me demandais sincèrement ce qu’elle me trouvait d’aussi extraordinaire, avec tous les problèmes que je lui avais apporté depuis le début de notre relation. Avant, Roxanna était une fille assez discrète, en tout cas, assez pour que jamais je n’entende parler d’elle, et je crois que c’était son but : qu’on ne parle pas d’elle. Mais aujourd’hui, quand vous demandez à quelqu’un si il connait Roxanna Blackburn, on vous dira tout de suite qui elle est. C’est bien beau, d’avoir une réputation, mais elle en avait pas forcément une bonne, et c’était quelque chose que je ne supportais pas. SI je venais à entendre quelqu’un parler mal d’elle, c’est sûr que cette personne passerait une mauvais quart d’heure. Oh oui… Je ne savais pas ce que l’avenir nous réserve, mais ce que je savais, c’était que j’étais prêt à me débarrasser de cette image de Vice-Président des Mather suicidaire et drogué jusqu’aux dents. Je voulais vraiment prouver aux gens, qu’ils s’étaient trompés à mon sujet…

C’est vrai que sortir comme ça, ça n’était pas prudent. Pas uniquement parce qu’elle devait venir chez moi, les Mather n’étaient pas des violeurs non plus. Mais sur le campus dans sa globalité, il pouvait toujours y avoir des tarés qui auraient pu lui faire du mal. Et le pire, c’est qu’on lui aurait fait du mal par ma faute, car c’est moi qui l’avait renvoyé chez elle tout à l’heure, alors qu’elle m’avait annoncée qu’elle était juste là. J’avais été con de la rejeté, elle était revenue pour moi, alors que je pensais qu’elle ne voudrait plus jamais me voir… Je savais que c’était peut-être ma deuxième, et unique chance avant elle, et que je ne voulais pas la gâcher. La jeune femme se pinça la lèvre, un peu gêné et je souris. C’était la première fois, depuis Cancun, que je la revoyais dans cette position de fille gênée. « Je sais... J'ai pas réfléchi. Pardon. Je voulais tellement te voir que je suis partie sur un coup de tête.. Et j'ai oublié qu'ici il y a souvent du monde même la nuit.. » Je fronçais légèrement les sourcils et je me rapprochais d’elle pour poser mon front contre le sien, glissant mes doigts sur la peau de son avant-bras doucement, sans la quitter du regard. Je ris un peu et je lui répondais, « Mais non, soit pas désolée… », murmurais-je calmement. « J’dis ça parce que…j’veux pas qu’on t’fasse du mal…et…tu sais, si quelqu’un t’embête à ton cours de danse, dis le moi et j’irais régler mes comptes avec lui d’accord ? » Je remontais ma main à sa joue pour la caresser à son tour. Elle était encore toute froide, il devait faire frais dehors. « Tu dors ici… ? » Je posais la question, mais j’avais du mal à m’imaginer la renvoyer chez elle… Je n’avais pas envie, qu’elle s’en aille.

J'ai toujours été plus effacée que la plupart des autres Eliots, pour la bonne et simple raison que je ne voulais pas attirer l'attention sur moi, à cause de mon passé trouble. Mais de toutes manières, un type s'était permis de révéler mon passé douteux à Boston grâce à son site web, alors forcément... Rester discrète après ce genre de mésaventure relèverait du miracle. Quoi qu'il en soit, Roxy la discrète ne pouvait plus exister, et grâce à cela je me laissais d'avantage aller, plus à même de me défendre lorsque quelque chose me déplait. Comme par exemple, le jour ou Julian m'a invité à boire un café pour faire sa connaissance. Un étudiant l'avait bousculé sans même prendre la peine de s'excuser, et j'avais pris un malin plaisir à lui faire renverser la totalité de son café encore tout chaud sur lui. Qui plus est, devant une fille qu'il semblait être en train de draguer. Autant dire que ce jour là, j'ai attiré pas mal de regards surpris sur moi. Mais désormais cela m'importait tellement peu... Les gens étaient agressifs et non compréhensifs envers moi... Alors pourquoi continuerais-je mes efforts?

Mais malgré cette nouvelle image que je me permettais d'exposer, il restait Roxanna la timide, l'effacée, celle qui, quand son petit ami lui fait remarquer le danger qu'elle a encouru à sortir si peu vêtue, rougit instantanément. Je n'avais pas fait attention en partant, et j'avais juste attrapé un gilet pour recouvrir mon buste légèrement trop découvert. Je me confondais en excuses devant mon petit ami, devenant plus rouge qu'une tomate. Je sentis alors Jude se rapprocher de moi, posant son front contre le mien, contraignant ainsi mon regard à se diriger vers lui. Il rit, tandis que je me pinçait les lèvres nerveusement, et me blotti d'avantage contre lui en sentant ses doigts parcourir la peau de mon avant bras. Dans un murmure il me répondit alors :« Mais non, soit pas désolée… J’dis ça parce que…j’veux pas qu’on t’fasse du mal…et…tu sais, si quelqu’un t’embête à ton cours de danse, dis le moi et j’irais régler mes comptes avec lui d’accord ? » Je hochais doucement la tête pendant que sa main remontait jusqu'à ma joue fraîche. Je fermais les yeux calmement, avant de dire doucement. « Je sais ... Ne t'en fais pas pour ces trucs à la danse ... Ils sont juste jaloux de mes résultats au premier semestre et cherchent la moindre excuse pour me descendre.. » Je savais qu'ils agissaient comme ça par pure jalousie, et cela m'importait peu, même si ça me faisait, je dois l'avouer, du mal. Au moins, j'avais dans ma classe quelques amis qui me soutenaient, aussi bien en danse que dans ma relation avec Jude. Ce dernier me demanda alors, tandis que j'ouvrais à nouveau les yeux. « Tu dors ici… ? » Je me mordis la lèvre inférieure légèrement, avant de hocher la tête de haut en bas. « Si ça te dérange pas... » Je me rapprochais d'avantage de lui, enroulant mes bras autour de lui pour poser ma tête contre son torse. « Je crois que si j'ai eu la force de venir jusqu'ici ... Je trouverais pas la force de repartir... » Confessais-je alors à voix basse, timidement.