Nous nous situions vingt et un jour avant la dissolution de l'URSS, une jeune fille russe âgée d'à peine 16 ans allait mettre au monde un ravissant poupon, elle allait donné la vie. Un don du ciel pour certains, un cadeau empoisonné pour d'autres. Pour cette petite effrontée aux cheveux de blés qui ne semblait point apte à assumer sa maternité, il ne s'agissait que d'un intru que l'on devait éradiquer au plus vite, d'autant plus que cet enfant n'était pas issu d'un amour passionné vécu par deux adolescents, il était né d'un viol. Une expérience qui n'eut pas l'air d'attendrir Elina, au contraire, elle devenait de plus en plus agressive à chaque minute, rejetant la faute sur le fœtus. Elle s'époumonait et s'époumonait tout en criant "Заставьте брать   из этой вещи моего живота теперь!" Traduction? "Faite sortir cette chose de mon ventre immédiatement!"  On pouvait entendre les infirmières, estomaquées par la beauté du bébé murmurait que c'était une fille avant de la sortir de la chambre et de la nettoyer.  

Nous sommes le 14 juin 1991, un couple d'Américains peinant à avoir des enfants traversait continents après continents dans l'espoir de pouvoir adopter un enfant. Ils s'y résignèrent, ils n'avaient plus que cette option là afin de découvrir les joies de la maternité et de la paternité, depuis qu'ils eurent découvert la stérilité de Sara. La jeune femme aussi exigeante soit-elle ne trouvait d'affinité avec aucun des bambins, jusqu'au jour où ils arrivèrent dans un orphelinat catholique se trouvant non-loin de la ville de Moscou. La sœur qui fut chargeait de faire visiter les lieux aux jeunes mariés conclut aux nombreux hochements de tête de la jeune femme qu'aucun ne lui satisfaisait non plus. Juste au moment où Sam, le mari de Sara eut l'idée de prendre un bébé larmoyant dans ses bras. "Depuis qu'elle est à l'orphelinat elle n'a jamais cessé de pleurer, c'est la première fois." La sœur clamait ces paroles impressionnées. C'est ainsi que la charmante Luna Sofia fit partie de la famille Jackwell, mais garda sous volonté de la famille biologique de l'enfant leur nom de famille.  

Lors des célébrations des fêtes de Thanksgiving de 1996, les Jackwell ainsi que leurs amis étaient réunis autour d'un repas chaud, un des classiques de Martin Scorsese  se nommant New York New York passait à la télévision et la jeune Sofia âgée à l'époque de quatre ans et demi se hissa sur la petite table du salon, micro en plastique en main et reproduit avec aisance les paroles de Liza Minnelli. Tout le monde sut en cet instant qu'elle était munie d'un don : le chant et ses parents décidèrent ainsi de lui faire passer différents concours. Ce ne fut qu'à ses 11 ans qu'elle fut révélée au grand public grâce à l'émission America's Got Talent où le jury fut charmé.  

Nous étions le 14 juin 2004 et les larmes perlaient le long des joues de Sofia, elle n'en pouvait plus, elle n'en pouvait vraiment plus. Les remarques ne cessaient pas et elle s'efforçait de comprendre, elle qui était si gentille. Elle avait essayé d'en parler à ses parents qui ne faisait que lui répéter que son année scolaire arrivait bientôt à terme et qu'ils ne pouvaient rien pour elle. Elle arrivait devant la grille de son collège et fut en un claquement de doigts projetée au sol, une personne la maintenant fermement par les cheveux, ils n'arrêtaient pas de l'insulter vis à vis de sa couleur de peau et de ses origines ethniques et elle pleurait, elle ne faisait que ça. Finalement le soir, elle se couchait sans avoir toucher à son assiette, elle n'en avait pas la force. Elle se dirigeait vers la salle de bain et ouvrit un tiroir où se trouvait plusieurs lames, elle en prit une et la laissa aller le long de son poignet qui n'en finissait pas de saigner. Elle souffrait mais ce n'était rien comparé aux douleurs psychiques auxquelles elle devait faire face en permanence. Allongée sur le carrelage, elle fermait les yeux tout en songeant à ce qu'aurait été sa vie si elle n'avait pas été métisse. Ce fut sa mère qui la trouva le lendemain, inerte et celle-ci n'eut aucun mal à la faire passer en priorité sur la liste des urgences, étant avec son mari et d'autres chirurgiens les propriétaires d'un hôpital de la ville de New York, dans lequel ils travaillent d'ailleurs. 

Sept ans plus tard, Sofia était devenue une jeune femme admirable et forte, malgré qu'elle ait gardé quelques séquelles générées par les multiples humiliations qu'elle a subit, adolescente. Elle reçut un jour une lettre rédigée par le Doyen d'Harvard qui souhaitait absolument l'avoir dans ses rangs et sachant que son père adoptif était l'un des Neurochirurgiens les plus côtés au monde, il ne se fit pas prier avant de lui obtenir une place. Depuis, elle y demeure à l'aise et épanouie, se devant de faire honneur à ses parents, en pratiquant plus tard le même métier que son paternel, celui-ci cité plus haut.