Une soirée pas comme les autres ft - Ace

Une soirée avec un goût différent et amer. J’ai un arrière goût qui me revient en pleine face de toutes les soirées dans l’insouciance que j’ai passé. Depuis cette agression je ressens bien que les choses ne sont plus comme avant. Il y a des moments que je vis sans avoir l’impression de réellement être maître de ma propre histoire, comme à cette soirée. Les musiques, les couleurs ou encore mes amis ont des présences différentes, des sons et des couleurs que je perçois autrement. Je décide donc de prendre un instant pour m’exclure du groupe, direction la sortie de secours. Une clope volée dans le sac de mon amie, je me dirige vers ces escaliers pour m’octroyer un moment que je pensais être du répit.

Restait plus beaucoup de temps avant le départ pour la Sicile, et cela faisait un peu trop longtemps qu'Ace avait pas profité de ses potes en soirée. Avec toutes les merdes qui s'étaient accumulées depuis l'arrivée de Rose dans son appartement, son quotidien avait plus été tourné vers sa vie privée que ses amis, alors ce soir, il y remédiait. Il avait bu, mais pas trop ; suffisamment pour qu'il se retrouve à flirter librement. Sauf quand ça partait un peu trop loin, et lui-même trouvait que ce coup là puait, alors il avait prétexté quelque chose d'absurde pourqu'on lui foute la paix, et il disparaissait par la porte voisine. Escaliers de secours. Sauf qu'à peine sortie et les bras se posant mollement sur la rambarde, le dos voûté, Ace croisa le regard de l'unique autre personne, qu'il reconnut sans peine. Instantanément, il soupira avec force, avant de commenter. « Dingue. Même sous alcool, simplement te voir me fatigue déjà. » Toujours aussi ravi de la voir.

Lever les yeux au ciel fut une réponse instantanée. Inutilement je tourne sur moi-même histoire de trouver ironiquement une énième sortie de secours, mais rien je me retrouve coincée entre ces quatre murs à ses côtés, alors que tout ce que je voulais c’était la paix. Un plaisir de te voir Ace. Je souris hypocritement, avant de m’installer sur les marches, lassée de cette soirée merdique et de tout ce qui englobe ma vie en ce moment. Me surprenant moi-même de ne pas être plus taquine que d’habitude. Je garde mes yeux fixés sur mes genoux, jusqu’à que je m’aperçois que mes bleues sont visibles, les manches de ma robe étant assez remontés. Pire manque d’attention que je puisse avoir, surtout avec ces traces qui ne veulent pas laisser mon corps en paix, et qui me ramène tous les jours à cette soirée-là. Je m’apprête donc à redescendre mes manches sans guère apporter d’attention à ce mec qui me pourrit mes journées et m’attire tellement à la fois, combat de conscience qui me martèle le crâne.

@Ace Chung

Le sourire hypocrite qu'elle lui adressait fut retourné, mais le manque de répartie était assez inhabituel ─ et peut-être que s'il avait été sobre, il aurait juste saisi l'occasion pour partir. Mais là, les idées étaient plus tout à fait les mêmes que d'habitude, et l'idée de recroiser celle qu'il venait d'abandonner lui paraissait étrangement pire que rester en compagnie de Jane... qui était visiblement blessée. Ace arqua un sourcil en remarquant les bleus, mais détourna le regard alors qu'elle se relevait. Il aurait aimé en avoir rien à faire en vrai, mais le souvenir de sa récente altercation avec un ancien ami à lui pour protéger Rose lui était encore bien brûlant en mémoire. Alors, avant qu'elle ne s'éclipse, il l'interpela ─ il pouvait détester tout ce qu'elle représentait, elle-même l'avait souligné, elle restait humaine. « Tu lui as fait payer ? » Il soupira, détournant le regard à nouveau. « Au connard ou à la connasse qui t'a fait ça. » Y'avait une hiérarchie dans les choses qu'Ace détestait. Et ça, c'était bien dans le top trois. Il reposa les yeux sur elle, plutôt sérieux dans son expression, nullement moqueur.

Je le dévisage, balançant ma tête de gauche à droite en essayant de juger son air sérieux. Se moque-t-il de moi ? Est-il sincère ? Inquiet ? La représentation de Ace soucieux de mon bien être pouvait me rendre presque fébrile. Te moques pas de moi Ace. Pour une fois j’avais cette impression de baisser les armes face à un mec que j’adore pousser à bout. Je baisse les yeux au sol sans réellement comprendre la honte qui m’envahit à ce moment. Ils étaient trois. J’ai rien pu faire. J’entends ma voix se briser et partir dans un dernier souffle quand je prononce la fin de ma phrase. Je relève ma tête, mitigée entre la frustration de pas pouvoir m’en prendre à quelqu’un, la honte de ne pas m’être défendu, la peur qu’ils reviennent me traquer et l’envie de bizarrement me jeter dans ses bras en espérant y trouver une étreinte sincère. Sincère comme cette inquiétude qui s’est emparée de lui, je ne saurai comment. Bref, promis je dirai à personne que pendant cinq secondes tu t’es inquiété pour une bourge. Cette phrase sort de manière toute réfléchie, ne voulant pas laisser Ace dans cette envie de me porter secours. J’avais besoin d’une épaule, mais je ne veux pas qu’il regrette de m’avoir tendu la main alors qu’il hait les gens comme moi.

@Ace Chung

Il était resté sérieux à l'écoute, mais la dernière phrase le fit souffler avec un sourire en coin ; elle lui renvoyait une image de lui dont il avait bien conscience, mais si elle s'imaginait qu'elle avait le pouvoir de décider de s'il s'inquiéter ou non, elle se trompait. « Qui a dit que je m'inquiétais ? » rétorquait-il. « Je t'ai demandé si tu leur avais fait payer. » Et de ce qu'il comprenait par sa réaction, c'est que ça n'avait pas été le cas. Il soupira, à mi-chemin entre la déception et le fatalisme. Il ne la blâmait pas, certainement pas, mais il était peut-être un peu déçu qu'avoir autant de pouvoir ne lui avait pas donné les moyens de se défendre. Le regard d'Ace se posa finalement sur une jambe où il avait précédemment pu voir un bleu. Tranquillement, il se redressa de la rambarde et fit le tour pour descendre les escaliers à son tour. « Je me serais attendu à du mordant façon pitbull venant de toi. » Il s'arrêta face à elle, à distance raisonnable. Pourquoi ne rien avoir fait ? Pourquoi s'était-elle fait attaquer ? Quand ? Où ?

Je me redresse, légèrement sur mes gardes quand il se rapproche raisonnablement de moi. Mon cœur se retrouve bizarrement en tachycardie mais je canalise toute mon énergie pour ne rien laisser paraître. La contraction de ma mâchoire me fait peut-être défaut à ce moment, mes yeux qui se plissent aussi d’ailleurs. Je lâche un petit rire, très certainement nerveux. Car il n’a aucune idée de ce que je vis depuis maintenant deux putain d’années. Parce qu’avec ces mecs Ace, personne ne peut mordre. Les pitbulls ceux sont eux, et ils te font vite comprendre qu’il y a des terrains où meme quand papa et maman ont beaucoup de thune. Tu n’es qu’un figurant, une simple merde, qui possède la même couleur de sang que toustes quand ils décident de te faire des entailles presque jusqu’à la mort. Mes mots sont pesés et concis. Je reste calme lorsque j’énumère les faits tout en abaissant le haut de ma robe laissant dévoiler une des nombreuses cicatrices qu’ils m’ont laissé sur le corps. Mon torse balafré, d’une entaille de 12 cm, faites au couteau. Endroit supplémentaire que je n’arrive plus à regarder droit dans le miroir. Parfois faut se résigner et comprendre que face à plus fort, tu ne peux rien faire. Je râcle ma gorge, laissant s’échapper une petite toux, histoire de ne pas laisser planer un blanc.
Moi qui ne voulait pas laisser parler ma haine, ma peine c’est raté.

@Ace Chung

L'idée même d'éprouver de la rage pour ce qu'on avait fait à Jane Vanderbilt avait été une absurdité sans nom jusqu'à ce soir. Il y avait plusieurs échos qui se créaient aux paroles de la jeune femme, et la vision de la blessure renvoyait Ace à des démons qu'il s'évertuait à combattre, alors qu'il serrait discrètement un poing qu'il planquait dans la poche de son pantalon. Il fit un pas dans sa direction, cette fois-ci plus proche, le regard vissé sur le sien. « T'es en train de me dire que Jane Vanderbilt à la grande gueule se laisse faire. Toi. De toutes les casse-couilles du coin, tu baisses les yeux face à eux. » Mais pas face à lui ─ et il ne le voulait surtout pas, à cet instant précis. « Pourquoi ils s'en prennent à toi ? Depuis combien de temps ça dure, et est-ce que t'a demandé de l'aide ? » C'était bizarre. Il avait presque envie qu'elle lui dise qu'ils étaient là, à la soirée, et il se ferait un plaisir de laisser sa propre rage parler.

Cette fois-ci l’étreinte et la tournure de la conversation bascule dans une atmosphère qui se prête à confusion. Partagé entre l’intimité du moment et les défenses constamment déployées depuis son agression, par habitude elle jette un coup d’œil à chaque recoin de la pièce. Elle n’oubliera jamais les menaces, les pleures et les douleurs qu’elle a subit pendant presque une heure entière. Bizarrement, elle ne voulait rien dire à Ace pour le protéger lui aussi. Comme pour sa famille. Se taire était devenue une solution, pour protéger les siens, comme une louve protègerai sa meute. Et à ce moment là en regardant Ace, j’ai compris qu’on était pas si différent. Ce qu’il détestait de moi, se caractérise par un clair délit de faciès, mais au fond on est semblables à deux guerriers prêts à tout pour défendre les nôtres, et faire régner nos valeurs. Le silence se fait finalement long moi qui pensait réfléchir plus rapidement. Je finis par entrouvrir mes lèvres, avant de les refermer et hocher la tête de droite à gauche. Aussi bizarre que cela puisse paraître, même si tu me hais pour ce que je représente. J’ai pas envie qu’ils s’en prennent à toi. On a chacun nos malheurs. Le mien c’est d’être la victime de bourreaux dans leur genre. Quand ils reviendront j’essayerai d’être un peu plus préparée. Je rigole, laissant mes dents blanches visibles. Avant de faire une moue rassurante pour Ace. Je peux être fière de moi, quand ils m’ont torturé, malgré la douleur j’ai gardé mon sale caractère à mes côtés. Tu sais celui que tu kiffes. Je me rapproche légèrement de lui tout en agitant mon doigt sous son nez pour marquer mes propos, créant une nouvelle fois, une intimité plus que visible. Je me surprends donc moi-même avec ce geste, hésitant à la minute même de faire marche arrière.

@Ace Chung

Sauf qu'il ne recula pas, au contraire. Il se pencha même légèrement vers elle, un peu en avant, et le plat de sa main se posait sur la porte derrière elle. Il n'était pas intimidé, et peut-être que l'alcool ─ qui le rendait habituellement affreusement tactile et aguicheur ─ retenait son aversion envers Jane. Ou peut-être était-ce ce qu'elle venait de lui dire. « Le problème c'est que tu deviens peureuse. Tu crois que t'es différente des autres ? Le regard qui cherche les issues, le coeur qui tamponne, la peur que n'importe quel mec puisse te refaire ça, la honte, le sentiment de faiblesse, le dégoût de soi. Oh je sais, t'as un caractère de merde, et tu me l'as dit toi-même, t'es comme tout le monde, non ? » Délaissant l'attitude intimidante, il se redressa à nouveau, laissant son bras retomber pour lui redonner de l'espace. « Tu crois bien faire en pensant que ton silence protège les autres. » Soubresaut d'un rire. « Même dans les emmerdes t'es déconnectée. J'ai pas besoin de ta protection. C'est qui ces gars ? »