tw ✧ none  

You'd kill yourself for recognition
Kill yourself to never, ever stop
You broke another mirror
You're turning into something you are not

«Si tu as le malheur de prendre pour les Red Sox, définitivement »

Il n’était pas très doué pour se lasser. De quiconque. Voir même de quoi que ce soit. C’était un homme d’habitude. Chaque mardi, il lunchait dans le même petit restaurant miteux, depuis presque 3 ans. Restaurant qui différait de celui du lundi, du mercredi et du vendredi.

«Demain ? Attends, laisse-moi voir… »

Il sortit son téléphone pour rapidement aller acheter une paire de billets pour le match. Soixante secondes et trois cents dollars plus tard, il était devenu propriétaire temporaire de deux places dans la douzième rangée, un peu derrière le premier but. Question d’avoir les pieds dans l’action et de bien les voir quand ils crachaient par terre.

«Voiiiiilà, c’est fait. Je passe te chercher, si tu veux ? Sinon, on se retrouve devant l’entrée principale vers 18h30 ? »

Il n’avait jamais vraiment été un expert des conventions sociales qui régulaient les interactions entre un homme et une femme. Jamais d’applications de rencontres, jamais réellement de date. Son body count ne coïncidait très certainement pas avec les standards de son époque. Ça lui avait d’ailleurs valu les moqueries des deux femmes avec lesquelles il avait un tant soit peu partagé son intimité, lui qui percutait toujours un peu trop tard lorsque venait le temps de lire ses propres émotions. Où les implications des contextes dans lesquels ils se retrouvaient.

Quelle ironie que le seul élément qu’il ne poursuivait pas avec un agenda extrêmement bien défini, c’était les gens avec qui il souhaitait réellement et profondément passer du temps…

Et parlant d’agenda…

«Ceci étant dit… »

Il se repositionna légèrement sur sa chaise.

«Il y avait également un truc que je voulais te demander…»

À nouveau, il sortit son téléphone pour y faire apparaître la photo d’un quinquagénaire un peu chauve, avant de le tendre à Ellie. Un milliardaire de l’Ohio qui, dans les deux dernières années, c’était mis à fréquenter avec de plus en plus d’assiduité San Francisco. Cela n’avait absolument rien de surprenant en soi – San Francisco était apparemment une ville magnifique. Par contre, certaines connections financières que William avait récemment mis à jour, dans le cadre d’une enquête monstrueuse qu’il menait et qui impliquait une boîte de biotech, des succès boursiers impressionnant et des attaches étonnantes avec la fondation du MGU, lui laissait croire qu’il n’allait pas uniquement rechercher les chaleureuses caresses du soleil en Californie…

«Aurais-tu, par hasard, déjà entendu parler de Miles Vernon ?»

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You'd kill yourself for recognition
Kill yourself to never, ever stop
You broke another mirror
You're turning into something you are not

Rencard ?

Ce mot éveilla une crainte séculaire dans l’esprit de celui qui n’avait, au final, que traverser deux relations amoureuses. La formalité du mot manqua lui hérisser le poil des bras. Comme s’il y avait là quelque chose de profondément plus terrifiant que ce à quoi l’agent du FBI à la double-vie faisait face quotidiennement. Sa vie amoureuse ne constituerait pas le chapitre phare de sa biographie, à n’en pas douter, embourbé dans la curieuse dualité égoïste/altruiste qui s’affrontait en lui depuis tant d’année.

Parviendrait-il à véritablement montrer à Ophélie son vrai visage, quel qu’il soit ? Est-ce que son passé ne faisait pas exactement d’elle la candidate idéale ? Ou si, justement, cela ne faisait pas en sorte qu’elle ne méritait pas mille fois que de se retrouver encore aspirée dans un milieu de violence et de mensonge qui lui avait déjà tant pris ?

Mais tout ça, toutes ces réflexions aussi fondamentales qu’hâtives, cachaient une toute autre vérité : il s’agissait pour elle d’un rendez-vous galant sans équivoque, et malgré tout, elle avait accepté.

Il recadra rapidement la conversation sur un terrain beaucoup plus familier, sans manquer de constater le changement dans l’attitude de la jeune femme.

«Un ou l’autre. Ou les deux. Honnêtement, même si tu sais qu’il promène son chien sans laisse en dehors des endroits autorisé, ou qu’il n’a pas payé son ticket de stationnement, je suis preneur. »

Il déposa le téléphone sur la table, laissant à Ellie le temps que l’écran se ferme d’elle-même pour y jeter un nouveau coup d’œil si elle le désirait.

«Nous soupçonnons qu’il ait déjà fréquenté le… réseau duquel tu t’es retirée. »

À défaut d’autres termes.

«Et nous croyons qu’il pourrait, peut-être, nous aider à solidifier la cause contre eux.»

Ce mensonge lui laissa un très mauvais arrière-goût en bouche, au vu de la première moitié de leur échange…